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13/03/1990 | MONACO | N°25589

Monaco | Cour d'appel, 13 mars 1990, Compagnie l'Union des Assurances de Paris Incendie Accidents et l'entreprise Bertozzi et Lapi c/ E., Société Riviera Téléphone, la Compagnie les Assurances Générales de France, et, la Caisse de Compensation des Services Sociaux.


Abstract

Accident du travail

Accidents successifs - Expertise ordonnée - Prescriptions de l'article 24 - Conditions d'application

Résumé

La prescription instaurée par l'article 24 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, modifiée, sur les accidents du travail, ne s'applique qu'à l'action en indemnisation des séquelles connues et vérifiées d'un accident de travail, et intervient au terme du délai d'une année qui suit la date :

- soit de l'accident, si aucune déclaration n'a été faite par la victime, ses représentants ou ayants droits,

- soit

de la cessation des paiements de l'indemnité temporaire,

- soit de l'ordonnance de non-conciliati...

Abstract

Accident du travail

Accidents successifs - Expertise ordonnée - Prescriptions de l'article 24 - Conditions d'application

Résumé

La prescription instaurée par l'article 24 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, modifiée, sur les accidents du travail, ne s'applique qu'à l'action en indemnisation des séquelles connues et vérifiées d'un accident de travail, et intervient au terme du délai d'une année qui suit la date :

- soit de l'accident, si aucune déclaration n'a été faite par la victime, ses représentants ou ayants droits,

- soit de la cessation des paiements de l'indemnité temporaire,

- soit de l'ordonnance de non-conciliation.

En effet, aux termes de l'article 25 du même texte qui vise aussi bien le cas de guérison apparente que celui de consolidation de la blessure, toute modification dans l'état de la victime dont la première constatation médicale est postérieure à la guérison ou à la consolidation peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations, à tout moment dans les deux premières années, et annuellement ensuite.

En l'espèce l'intéressé a été victime le 2 avril 1984 d'un accident de travail ayant consisté, en particulier, en une luxation traumatique des deux épaules, accident ayant entraîné une ITT du 2 avril 1984 au 11 mai 1984 avec paiement des indemnités journalières et fait l'objet d'un certificat de guérison en date du 23 mai 1984 ; cet accident a été suivi de deux épisodes accidentels survenus hors travail, les 24 avril 1985 et 14 octobre 1985 (luxation de l'épaule droite puis luxation de l'épaule gauche, toutes deux opérées) ; il a enfin été victime le 26 février 1987 d'un nouvel accident du travail, régulièrement déclaré le même jour, ayant concerné l'épaule droite, à l'occasion duquel, a été soulevé le problème de savoir si cet accident pouvait, ou non, être considéré comme une rechute de l'accident du travail initial du 2 avril 1984.

Dès lors, la prescription de l'article 24 ne pouvait de plano être opposée avant que le tribunal ait été mis en possession des données devant résulter de l'expertise ordonnée, et faire échec tant à l'action introduite par la victime que par son employeur et l'assurance-loi.

Motifs

La Cour,

La Cour statue sur l'appel d'un jugement rendu le 23 février 1989 par le Tribunal de Première Instance de Monaco ;

Les faits, la procédure, les moyens et les prétentions des parties peuvent être relatés comme suit, étant fait référence pour le surplus à la décision attaquée et aux écritures échangées en appel ;

* le 2 avril 1984, F. E., employé de la SA Bertozzi et Lapi dont l'assureur-loi est la Compagnie UAP a été victime d'un accident du travail ayant consisté en une luxation des deux épaules ;

* le 24 avril 1985, il s'occasionne une luxation de l'épaule droite dans l'exercice d'un sport et subit le 1er juillet 1985 une intervention chirurgicale destinée à poser une butée sur cette épaule ;

* le 14 octobre 1985, toujours à l'occasion de la pratique d'un sport, F. E. ressent une luxation de l'épaule gauche ; il est opéré le 13 janvier 1976 et une butée est mise en place sur cette épaule ;

* le 26 février 1987, l'intéressé, alors employé de la SAM Riviera Telephone dont l'assureur-loi est la Compagnie AGF est victime d'un accident du travail ayant consisté en un traumatisme de l'épaule droite avec sensation de déplacement du matériel d'ostéosynthèse placé précédemment ;

L'expert Marchisio investi le 24 juin 1987 par une Ordonnance du Juge chargé des accidents du travail d'une mission d'investigation générale a conclu, en ce qui concerne les accidents du travail ainsi qu'il suit :

« - accident du 2 avril 1984 :

ITT du 2 avril au 11 mai 1984, Reprise du travail le 11 mai 1984, Déclaré guéri par son médecin-traitant le 23 mai 1984 ;

* accident du 26 février 1987 :

IIT du 26 février au 11 mai 1987, Reprise du travail le 11 mai 1987, Consolidation le 21 juillet 1987 avec IPP à évaluer,

Cet accident est survenu sur un état pathologique préexistant (luxations récidivantes des épaules corrigées chirurgicalement) qu'il n'a aggravé que de façon très modérée » ;

F. E. a refusé de se concilier sur les conclusions de l'expert se rapportant à l'accident du 2 avril 1984 ; une Ordonnance de non conciliation a été rendue le 10 novembre 1987 ;

De son côté, la Compagnie Assurances Générales de France, assureur-loi de la SAM Riviera Téléphone a refusé de se concilier sur les conclusions expertales se rapportant à l'accident du 23 février 1987 ; une Ordonnance de non conciliation a été rendue le 20 octobre 1987 ;

Cette Compagnie et la SAM Riviera Telephone ont assigné devant le Tribunal, F. E., la Compagnie Union des Assurances de Paris et la CCSS aux fins de désignation d'un nouvel expert ;

F. E. quant à lui, a assigné le 5 juillet 1988 devant le Tribunal, la SAM Riviera Telephone, la Compagnie Assurances Générales de France, la Société Bertozzi et Lapi et la Compagnie Union des Assurances de Paris pour solliciter la désignation de l'expert Marchisio avec mission complémentaire de préciser les raisons pour lesquelles il n'a pas retenu d'IPP rattachable à l'accident du 2 avril 1984 et de chiffrer le taux de l'IPP consécutive à l'accident du 26 février 1987 ;

Par le jugement déféré, le tribunal a ordonné la jonction des deux instances ci-dessus rappelée, dit n'y avoir lieu à homologuer le rapport Marchisio et avant dire droit au fond a ordonné une nouvelle expertise à l'effet de déterminer les séquelles consécutives aux quatre accidents subis par E., leur régime de prise en charge, la nature et l'importance de leurs conséquences pécuniaires, l'opportunité du renvoi de la victime devant la commission spéciale ;

Il estimait, pour en décider ainsi, d'une part que l'expert Marchisio n'avait étayé d'aucune constatation clinique objective, ni motivation personnelle, ses conclusions sur la guérison de E. en ce qui concerne l'accident du 2 avril 1984, se contentant de reprendre à son compte le certificat de guérison établi par le médecin traitant de la victime, d'autre part que cet expert n'avait pas suffisamment éclairé le tribunal sur l'état pathologique préexistant de la victime que l'accident du 26 février 1987 aurait, selon cet expert, légèrement aggravé ;

La Compagnie Union des Assurances de Paris et la Société Bertozzi et Lapi ont relevé appel parte in qua de cette décision ;

A l'appui de leur appel, elles font valoir que les premiers juges ont omis de répondre au moyen invoqué devant eux et tiré de la prescription du droit à indemnité édicté par l'article 24 de la loi 636 du 11 janvier 1958 ; elles relèvent que ce droit se prescrivant par un an à compter de la cessation de l'indemnité temporaire, E. qui, à la suite de l'accident du 2 avril 1984, avait repris son travail le 11 mai 1984 aurait dû saisir la juridiction compétente avant le 12 mai 1985, ce qu'il n'a pas fait ;

Les appelantes sollicitent ainsi la réformation parte in qua du jugement entrepris, leur mise hors de cause déjà demandée en première instance et la modification subséquente de la mission d'expertise ordonnée par le tribunal ;

La Compagnie Assurances Générales de France et la SAM Riviera Telephone, intimées, sollicitent la confirmation du jugement entrepris en relevant que le tribunal a été saisi à la suite de deux ordonnances de non-conciliation rendues par le juge chargé des accidents du travail les 20 octobre et 10 novembre 1987 et que les cas de prescription visés par l'article 24 de la loi 636 ne sont pas exclusifs les uns des autres ;

F. E., autre intimé, conclut au déboutement des appelantes ; il soutient que son action a été engagée dans le délai fixé par l'article 24-3° de la loi 636 et que l'éventuelle mise hors de cause de la Compagnie Union des Assurances et de son assuré préjugerait de la relation de causalité entre les accidents ou rechutes successifs ;

La CCSS, dernière intimée, demande à la Cour qu'acte lui soit donné de ses réserves de réclamer ultérieurement à l'assureur-loi le remboursement des prestations qu'elle a avancées au cas où le tribunal jugerait que les accidents qu'elle a pris en charge, seraient des accidents du travail ;

Répondant aux intimés, les appelants soulignent que l'Ordonnance de non-conciliation du 10 novembre 1987 intervenue alors que le droit à indemnité de la victime était éteint par application de l'article 24-2° de la loi 636 ne pouvait faire revivre ce droit qui avait cessé d'exister ;

Sur ce :

Considérant que le jugement déféré revêt un caractère interlocutoire et que l'appel, dont la recevabilité n'est pas contestée, doit être déclaré régulier en la forme ;

Considérant, au fond, que la prescription instaurée par l'article 24 de la loi n° 636 modifiée du 11 janvier 1958 sur les accidents du travail ne s'applique qu'à l'action en indemnisation des séquelles connues et vérifiées d'un accident du travail et intervient au terme du délai d'une année qui suit la date :

* soit de l'accident, si aucune déclaration n'a été faite par la victime, ses représentants ou ayants droit,

* soit de la cessation de paiement de l'indemnité temporaire,

* soit de l'ordonnance de non-conciliation ;

Considérant, en effet, qu'aux termes de l'article 25 du même texte, qui vise aussi bien le cas de guérison apparente que celui de consolidation de la blessure, toute modification dans l'état de la victime dont la première constatation médicale est postérieure à la guérison ou à la consolidation peut donner lieu à une nouvelle fixation des réparations à tout moment dans les deux premières années et annuellement ensuite ;

Considérant qu'il est constant en l'espèce que F. E. a été victime le 2 avril 1984 d'un accident du travail ayant consisté, en particulier, en une luxation traumatique des deux épaules, accident ayant entraîné une ITT du 2 avril 1984 au 11 mai 1984 avec paiement des indemnités journalières et fait l'objet d'un certificat de guérison en date du 23 mai 1984 ;

Que cet accident a été suivi de deux épisodes accidentels survenus hors travail les 24 avril 1985 et 14 octobre 1985 (luxation de l'épaule droite puis luxation de l'épaule gauche, toutes deux opérées) ;

Considérant qu'il a enfin été victime le 26 février 1987 d'un nouvel accident du travail, régulièrement déclaré le même jour, ayant intéressé l'épaule droite à l'occasion duquel a été soulevé le problème de savoir si cet accident pouvait, ou non, être considéré comme une rechute de l'accident du travail initial du 2 avril 1984 ;

Considérant, dès lors, que la prescription de l'article 24 de la loi ne pouvait de plano être opposée avant que le Tribunal ait été mis en possession des données devant résulter de l'expertise ordonnée, et faire échec tant à l'action introduite par la victime qu'à celle engagée par la Compagnie Assurances Générales de France et la SAM Riviera Telephone, jointes de l'accord des parties, et qui tendaient toutes deux à l'instauration d'une mesure d'expertise médicale préalable propre à fournir les éléments nécessaires ;

Considérant qu'il y a donc lieu de débouter la Compagnie Union des Assurances de Paris et la SAM Bertozzi et Lapi de leur appel limité et de confirmer le jugement entrepris par lequel les premiers juges ont pu estimer que le rapport Marchisio du 7 juillet 1987 ne leur fournissait pas tous les éléments indispensables et ordonner, avant dire droit au fond et tous droits et moyens des parties étant expressément réservés, une nouvelle expertise avec la mission circonstanciée prévue audit jugement ;

Que les appelantes, qui succombent dans leurs recours, doivent être condamnées aux dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Statuant dans les limites de l'appel,

Déclare mal fondé l'appel de la Compagnie Union des Assurances de Paris et de la SAM Bertozzi et Lapi et les en déboute ;

Confirme le jugement déféré ;

Composition

MM. Huertas, prem. prés. ; Serdet, prem. subst. proc. gén. ; Mes Clérissi, Léandri, Sbarrato, Sanita, av. déf.

Note

Confirmation du jugement du 23 février 1989.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25589
Date de la décision : 13/03/1990

Analyses

Social - Général ; Sécurité au travail ; Protection sociale


Parties
Demandeurs : Compagnie l'Union des Assurances de Paris Incendie Accidents et l'entreprise Bertozzi et Lapi
Défendeurs : E., Société Riviera Téléphone, la Compagnie les Assurances Générales de France, et, la Caisse de Compensation des Services Sociaux.

Références :

article 24 de la loi n° 636 du 11 janvier 1958


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1990-03-13;25589 ?

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