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22/11/1988 | MONACO | N°25500

Monaco | Cour d'appel, 22 novembre 1988, Dame A. c/ Sieur S.


Abstract

Donation

Donation déguisée entre époux - Action en nullité : époux monégasques domiciliés à Monaco - Biens immobiliers situés en France - Loi monégasque applicable : article 954 du Code civil - Objet de la preuve : provenance des fonds - Absence d'intention rémunératoire intention libérale - Nullité de la donation déguisée : absence de disposition équivalant à l'article 1099-1 du Code civil français.

Conflits de lois

Donation.

Résumé

L'action en nullité d'une prétendue donation déguisée, faite par le mari à son épous

e, concernant l'acquisition au nom de celle-ci d'un terrain situé en France et de la villa ultérieurement édif...

Abstract

Donation

Donation déguisée entre époux - Action en nullité : époux monégasques domiciliés à Monaco - Biens immobiliers situés en France - Loi monégasque applicable : article 954 du Code civil - Objet de la preuve : provenance des fonds - Absence d'intention rémunératoire intention libérale - Nullité de la donation déguisée : absence de disposition équivalant à l'article 1099-1 du Code civil français.

Conflits de lois

Donation.

Résumé

L'action en nullité d'une prétendue donation déguisée, faite par le mari à son épouse, concernant l'acquisition au nom de celle-ci d'un terrain situé en France et de la villa ultérieurement édifiée, s'analyse en une action personnelle ; les deux parties étant toutes deux de nationalité monégasque et domiciliées à Monaco, la loi du domicile commun desdits époux, régissant les effets du mariage étant dès lors applicable, il en résulte que le litige se trouve soumis aux dispositions de l'article 954 du Code civil, homologue de l'article 1099 du Code civil français dont l'article 1099-1 n'a pas son pendant dans la législation monégasque.

Étant donné qu'il ressort que le mari a réalisé l'acquisition du terrain et la construction, sur celui-ci d'une villa, au nom de son épouse, au moyen de ses fonds propres et que rien n'établit que celle-ci à cette époque, étant séparée de biens et ne disposant pas de ressources personnelles, ait, par une activité dans la gestion du ménage, sans enfants communs, et dans la direction du foyer excédé sa contribution normale aux charges du mariage, et constitué une source d'économie pour son conjoint, l'appelante ne saurait valablement invoquer une intention rémunératoire de l'intimé à son endroit alors que de surcroît le mari allouait des mensualités à sa femme destinées à l'entretien d'un enfant, qu'elle avait eu d'un premier lit.

Il apparaît, au contraire, que l'acquisition et la construction telles que financées par le mari au nom de son conjoint, ont été inspirées par une intention libérale et que sans tenir compte des principes jurisprudentiels découlant de l'article 1099-1 du Code civil français, sans équivalent dans la législation monégasque, il y a lieu de prononcer la nullité de la donation déguisée constituée par l'acquisition du terrain et de la villa et de dire que ces biens sont la propriété de l'intimé.

Motifs

La Cour,

Statuant sur l'appel relevé par A., R., M. A. d'un jugement du Tribunal de Première Instance en date du 12 juin 1986 ;

Référence étant faite pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens et prétentions des parties au jugement déféré et aux conclusions d'appel, il suffit de rappeler les éléments ci-après énoncés ;

Saisi par C. S. d'une action en nullité de donations déguisées en dommages-intérêts dirigée contre son ex-épouse A. A. avec laquelle il s'était marié le 1er janvier 1965 sous le régime de la communauté transformé le 13 octobre 1973 en régime de séparation de biens ayant pris fin avec le divorce des époux prononcé à leurs torts respectifs le 5 avril 1984 - le Tribunal par le jugement susvisé, a dit et jugé, d'une part que l'acquisition par A. A. d'une maison et d'un terrain à Fayence a constitué de la part de C. S. une donation déguisée, a prononcé en conséquence la nullité de cette donation et déclaré que les deniers provenant de la vente de ce bien sont la propriété dudit S., d'autre part que l'acquisition par A. A. d'un terrain situé à Cap D'Ail suivant acte notarié du 29 mai 1975 a constitué également une donation déguisée, a prononcé pareillement la nullité de cette donation et déclare que ce terrain et les constructions y édifiées sont la propriété de C. S. ; il a débouté ce dernier de sa demande en dommages-intérêts ainsi que A. A. de ses moyens et conclusions et a condamné celle-ci aux dépens ;

Au soutien de leur décision, les premiers juges, après avoir relevé que la défenderesse ne contestait pas l'applicabilité en l'espèce de la Loi monégasque et demandait même que le litige soit soumis aux dispositions de l'article 954 du Code Civil, homologue de l'article 1099 du Code Civil français, ont estimé :

* en ce qui concerne les biens immobiliers acquis par A. A. à Fayence le 12 novembre 1973, que, des éléments de fait non contestés par celle-ci s'inférait la preuve que S. avait fait les fonds d'une telle acquisition à une époque où son épouse n'exerçait aucune activité professionnelle ;

* en ce qui concerne le terrain acquis par A. A. à Cap D'Ail le 29 mai 1975 et la villa construite sur ce terrain, qu'il était tout autant démontré que S. - dont le salaire annuel était à cette date de l'ordre de 200 000 F. alors que son épouse ne disposait pas de ressources propres et n'a pu justifier d'une activité professionnelle qu'à partir du 12 décembre 1979 - avait permis la réalisation de ces opérations immobilières au moyen, d'une part de fonds propres par le débit de comptes ouverts conjointement par les époux au Crédit Foncier de Monaco mais crédités par les seuls salaires du mari, d'autre part de deux prêts (Cogenec et A. P.) également souscrits et remboursés par ce dernier ;

Après avoir, dans le corps de son acte d'appel, invoqué l'irrecevabilité de la demande en regard de règles de forme gouvernant les actions relatives à des immeubles situés en France et des dispositions de l'article 1099-1 du Code Civil français, puis, dans le dispositif de cet acte, conclu un seul déboutement du demandeur par réformation du jugement déféré, l'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir, en statuant comme rappelé ci-dessus, méconnu à tort le fait que la communauté conjugale n'a pas été liquidée en suite du divorce des époux intervenu le 5 avril 1984, et, de surcroît, inexactement apprécié les éléments de la cause ;

Elle soutient, en ce qui concerne les biens par elle acquis à Fayence en 1973, qu'outre le défaut de preuve du financement exclusif par S. de cette acquisition, le problème suscité par celle-ci ne pourrait se poser qu'en termes de récompenses éventuellement dues à la communauté et non de déguisement d'une donation sans l'apparence d'une vente et qu'en admettant même que soit réputée démontrée l'intention dudit S. de la gratifier hors de toute idée de rémunération de sa contribution à la réalisation d'économies communes, ce dernier ne saurait être déclaré propriétaire exclusif du produit de la vente desdits biens faute par lui de prouver la volonté des époux de créer une apparence trompeuse quant à l'origine des fonds ayant servi à leur acquisition puisque dans ce cas l'on se trouverait en présence d'un don manuel simplement révocable et réductible au sens de la jurisprudence et par application de l'article 951 du Code civil ;

Estimant que ces considérations d'ordre jurisprudentiel valent également, à titre subsidiaire pour l'achat du terrain de Cap D'Ail du 29 mai 1975 et le paiement du coût de la construction et de l'aménagement de la villa édifiée sur ce terrain courant 1977-1978, elle reproche encore aux premiers juges d'avoir, par interversion de la charge de la preuve, déduit que les fonds correspondant à cette acquisition et au montant des travaux de construction étaient propres à S., ce, en méconnaissance d'une part du fait qu'elle a contribué par son travail au foyer aux économies du ménage et obtenu de son père la remise d'une somme nécessaire au financement de l'opération immobilière susvisée comme indiqué par une attestation dont rien ne permet de suspecter la sincérité, d'autre part du défaut de démonstration par le demandeur de la remise effective à son épouse des deniers - propres ou communs - en vue du règlement des achats de terrain et dépenses de construction dont s'agit ;

Invoquant enfin le fait que le produit de la revente (53 000 F) de l'immeuble de Fayence a été employé dans la construction de la villa de Cap D'Ail, que la situation financière de S. s'est dégradée après son départ de la SBM en 1978 d'où la nécessité pour lui de recourir à un emprunt de 100 000 F. auprès de son beau-frère et un autre de 60 000 F. auprès de la Cogenec au remboursement duquel elle a dû contribuer par débit au compte joint ouvert dans les livres du Crédit Foncier de Monaco et alimenté par ses seuls salaires à compter de 1980, et que partant la question des dépenses occasionnées par la construction de ladite villa relève aussi du règlement des comptes d'une communauté non encore liquidée, elle demande en définitive à la Cour de dire par réformation du jugement entrepris, n'y avoir lieu à l'application en la cause de l'article 954 alinéa 2 du Code Civil, de renvoyer les parties à faire liquider leurs intérêts communs par le notaire désigné à cette fin au dispositif du jugement de divorce du 5 avril 1984, et, très subsidiairement, de dire et juger que n'est pas plus rapportée en l'espèce la preuve d'une intention libérale que celle d'une quelconque donation à son profit ;

C. S. - qui réitère pour l'essentiel ses moyens et arguments développés en première instance et explique l'inexistence à ce jour d'une liquidation des intérêts pécuniaires des époux par l'absence d'actif immobilier commun et le fait que son salaire constituait la seule ressource du ménage - fait valoir de ce chef, en ce qui concerne la propriété de Fayence, que seule l'augmentation notable de son salaire consécutive à une promotion a permis d'envisager l'acquisition de ce bien au seul bénéfice de son épouse à laquelle il appartenait de prouver que les capitaux par lui versés au vendeur et au notaire instrumentaire entraient, comme elle le soutient, dans une masse commune restant à liquider ;

Il objecte, en ce qui concerne la propriété de Cap D'Ail, qu'il ne peut être contesté qu'outre la publication régulière de sa demande à la Conservation des Hypothèques de Nice le 15 novembre 1985 et l'application en l'espèce de la loi monégasque, loi du domicile commun des époux régissant les effets du mariage, les dépenses résultant de l'achat du terrain et de la construction de la villa ont été exclusivement assumées par lui, son épouse ne possédant aucune fortune personnelle et n'ayant commencé à travailler que le 12 décembre 1979 ;

Il oppose encore aux prétentions de l'appelante quant au remboursement du prêt Cogenec et au fonctionnement du compte commun au Crédit Foncier de Monaco d'une part l'insuffisance au plan probatoire de l'attestation souscrite en 1985 par le père de son épouse et que les premiers juges ont cru devoir écarter, d'autre que la supériorité des prélèvements personnels de Dame A. sur le compte joint par rapport au montant de ses rémunérations ainsi que l'importance des salaires qu'il a lui-même perçus de la Société des Travaux Sous-Marins J. B. où il a été employé à partir de 1978 après son départ de la SBM ;

Estimant que les présomptions de déguisement sont en l'espèce suffisamment graves, précises et concordantes, alors surtout que la donation litigieuse avait pour but de favoriser l'épouse au détriment d'un enfant du premier lit du mari sans contrepartie en faveur de ce dernier, et que partant c'est à bon droit que les premiers juges ont reconnu le caractère de donation déguisée aux deux opérations immobilières litigieuses avec toutes conséquences de droit, il conclut au déboutement de A. A. des fins de son appel et à la confirmation du jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

Sur ce :

Considérant que l'assignation par S., le 4 juin 1982, de son ex-épouse Dame A. en nullité d'une prétendue donation déguisée concernant l'acquisition au nom de celle-ci d'un terrain et de la villa ultérieurement y édifiée à Cap D'Ail, complétée par conclusions du 8 janvier 1986 d'une demande en nullité pour les mêmes causes d'une donation relative à l'acquisition également au nom de Dame A. d'une propriété à Fayence ultérieurement revendue, s'analysant en une action personnelle tendant à l'annulation de prétendues libéralités entre époux de nationalité monégasque domiciliés à Monaco, et la loi monégasque, loi du domicile commun desdits époux régissant les effets du mariage étant dès lors applicable, il en résulte que le litige se trouve soumis aux dispositions de l'article 954 du Code Civil, homologue de l'article 1099 du Code Civil français dont l'article 1099-1 n'a pas son pendant dans la législation monégasque ;

I - Sur la propriété de Fayence :

Considérant qu'il est constant que suivant acte du 12 novembre 1973 - alors que les époux étaient séparés de biens en l'état d'un jugement du Tribunal de Première Instance en date du 16 octobre 1973 ayant homologué l'acte de transformation du régime initial de communauté légale en régime de séparation de biens reçu par Maître Crovetto, Notaire, le 8 août précédent - Dame A. a acquis une maison et un terrain y attenant à Fayence pour le prix de 80 000 F. payé à concurrence de 22 000 F. comptant par la comptabilité du notaire et le solde au moyen d'une rente viagère annuelle de 3 600 F. ;

Considérant que les pièces de la procédure établissent que cette opération immobilière a donné lieu à la délivrance par le notaire instrumentaire de deux reçus au nom de C. S. : l'un en date du 29 juin 1973 d'une somme de 5 000 F à valoir sur le prix d'acquisition future, l'autre en date du 12 novembre 1973, jour de l'achat, d'une somme de 25 100 F. affectée à concurrence de 17 000 F à l'acquisition des biens et de 8 100 F. aux frais d'acte ;

Qu'en outre, il n'est pas sérieusement contesté que S. a versé, comme il le soutient, 12 000 F. au titre de la rente viagère ainsi qu'une commission d'agence de 5 050 F. lors de la revente desdits biens le 18 octobre 1976 moyennant le prix de 90 000 F. dont 53 000 F. comptant et le solde constitué par la reprise de ladite rente ;

Considérant, dès lors que, si l'on exclut de ces débours d'un montant de 47 150 F. la somme de 5 000 F. versée par S. le 29 juin 1973, soit à une époque où la communauté n'était pas encore dissoute en sorte que cette somme peut être réputée constitutive de deniers prélevés dans la masse commune, il apparaît que l'intimé a fait, postérieurement au 16 octobre 1973 date de la dissolution de ladite communauté consécutive à l'adoption par les époux d'un régime séparatiste, l'essentiel des fonds, au nom de son épouse, de l'acquisition dont s'agit ; qu'étant intervenue à une époque où, outre l'absence de communauté de biens, l'épouse ne disposait pas de ressources personnelles et n'établit pas, en l'état des justifications produites par S. et au vœu d'une jurisprudence récente qu'elle invoque, que son activité dans la gestion du ménage et la direction du foyer avait, par son importance et sa qualité, excédé la contribution normale aux charges du mariage et constitué une source d'économies pour son conjoint ayant causé les versements faits à son nom par ce dernier, ladite acquisition doit être partant réputée avoir été réalisée au moyen de deniers dépendant du seul patrimoine de l'intimé ;

Considérant que rien n'établissant ainsi que le conjoint gratifié ait en l'espèce - soit par une remise de tout ou partie des gains personnels, à son époux soit par une participation à l'activité professionnelle de celui-ci ou l'abandon d'un emploi rémunéré pour se consacrer à l'éducation d'enfants communs - été au-delà de sa contribution normale aux charges du mariage, il ne saurait être admis, comme soutenue par l'appelante, qu'il y a eu de la part de son ex-époux une quelconque intention rémunératoire et qu'il apparaît au contraire, que l'acquisition litigieuse telle que financée par S. au profit d'une épouse dénuée de ressources personnelles et élevant au sein du ménage un enfant d'un premier lit, a été inspirée par une intention libérale ; qu'il s'ensuit, sans qu'il y ait lieu d'avoir égard à une autre jurisprudence, invoquée par l'appelante et construite à partir de l'article 1099-1 ajouté par la loi du 28 décembre 1967 au Code civil français et qui n'a pas son homologue dans la législation monégasque, que c'est à bon droit qu'en des motifs auxquels doivent être ajoutés ceux du présent arrêt, les premiers juges ont estimé que l'acquisition de la maison et du terrain attenant de Fayence a constitué une donation déguisée, en ont prononcé la nullité par application de l'article 954 alinéa 2 du Code Civil et dit que les deniers provenant de la revente de ces biens sont la propriété de C. S., sauf toutefois à exclure du montant de ces deniers la somme de 5 000 F. versée par S. avant la dissolution de la communauté et devant être prise en compte dans le cadre de la liquidation de celle-ci :

II. - Sur la propriété de Cap D'Ail

Considérant qu'il est constant que lors de l'acquisition, par acte du 29 mai 1975, du terrain de Cap D'Ail pour le prix de 12 000 F. le salaire annuel perçu par S. en sa qualité d'employé au service des jeux de la SBM était de l'ordre de 20 190 F. ; que, ramené à 18 900 F. pendant l'exercice 1976-1977, ce salaire allait atteindre 28 000 F. en 1977-1978 et s'élever à 73 000 F. pour la seule période d'avril-mai 1978 ;

Qu'il est tout aussi avéré qu'aux mêmes époques, Dame A. ne jouissait d'aucun revenu professionnel et ne disposait pas de ressources propres susceptibles de financer une telle acquisition non plus que la construction sur ledit terrain, courant 1977-1978, d'une villa dont le coût allait, en définitive, s'élever à 711 000 F. ;

Que, sans que soit pour autant inversée la charge de la preuve, ne sauraient être retenues à cet égard comme une irréfutable démonstration des prétendues possibilités financières propres de l'appelante au jour de l'acquisition du terrain susvisé puis lors de l'édification de ladite villa, d'une part l'attestation établie par son père le 1er octobre 1985 - soit plus de dix ans après cette acquisition et plus de trois ans après l'exploit introductif d'instance - par laquelle ce dernier certifiait lui avoir remis « la somme » sans en indiquer le montant « lui permettant de payer le terrain sis à Cap D'Ail... » et que les premiers juges ont à juste titre écartée en raison de son imprécision et de l'authenticité douteuse de son contenu, d'autre part le fait que les salaires perçus par Dame A. à compter du 12 décembre 1979 en qualité de dactylographe suppléante à la Trésorerie Générale (3 435 F. par mois à l'époque) aient crédité le compte joint ouvert par les époux au Crédit Foncier de Monaco ;

Considérant qu'il résulte en revanche des pièces produites, d'une part qu'outre les revenus professionnels relativement importants encaissés par S. jusqu'à son départ fin mai 1978 de la SBM, ce dernier a perçu, en espèces, de l'Entreprise de Travaux Sous-Marins J. B. en sa qualité d'administrateur de cette société à compter de 1978 des émoluments s'étant élevés à 891 200 F. pour l'ensemble des exercices 1978-1979-1980-1981 et 1982 et dont il est justifié de leur déclaration aux Services Fiscaux par ladite entreprise, d'autre part qu'à l'effet d'assurer le financement, complet de l'opération immobilière dont s'agit, ledit S. a contracté un prêt de 100 000 F. auprès de son beau-frère B. P. ainsi qu'un emprunt de 60 000 F. auprès de la Cogenec dont il a été seul en mesure d'assurer le financement compte tenu de ses ressources et de la modicité du salaire de son épouse dont il apparaît que les prélèvements à titre personnel sur les comptes bancaires communs ont été supérieurs au montant de ses gains ;

Considérant enfin que s'il est patent qu'un certain nombre de situations provisionnelles de travaux et de devis et factures établis par les entreprises de maçonnerie, de plomberie, de menuiserie et de peinture ayant participé à la construction de la villa de Cap D'Ail ont été adressés soit à Dame A., soit aux époux S.-A., soit à S., il ressort des attestations établies par lesdites entreprises que seul ce dernier a réglé en totalité et personnellement le montant des travaux qu'elles ont respectivement exécutés ;

Considérant qu'en l'état des faits et circonstances ci-dessus énoncés se trouve suffisamment rapportée par S. la preuve que l'opération immobilière de Cap D'Ail (Achat de terrain et construction subséquente) a été réalisée au moyen de fonds propres, rien n'établissant qu'à l'époque de ces acquisition et construction Dame A., séparée de biens et ne disposant pas de ressources personnelles avant janvier 1980, ait, par une activité dans la gestion du ménage - sans enfants communs - et la direction du foyer excédant sa contribution aux charges du mariage, constitué une source d'économies pour son conjoint ayant causé les versements faits à son nom par ce dernier ;

Que, faute d'établir que pour les raisons déjà explicitées ci-avant elle ait été au-delà de sa contribution normale auxdites charges du mariage alors qu'il est constant que S. allouait de surcroît une somme mensuelle de 500 F. à l'enfant vivant au foyer et issu d'un premier lit de son épouse, celle-ci ne saurait valablement invoquer une intention rémunératoire de l'intimé à son endroit, et qu'il apparaît au contraire que l'acquisition et la construction telles que financées par ce dernier au nom de son conjoint a été inspirée par une intention libérale ;

Qu'il s'ensuit, sans qu'il y ait lieu d'avoir égard à des principes jurisprudentiels découlant de l'article 1099-1 du Code Civil français sans équivalent dans la législation monégasque, que c'est à bon droit qu'en des motifs auxquels il y a lieu de joindre ceux du présent arrêt de ce chef les premiers juges ont estimé que l'acquisition du terrain de Cap D'Ail et la villa y édifiée ont constitué de la part de S. une donation déguisée au profit de dame A., en ont prononcé la nullité et dit que ces biens sont la propriété dudit S. ;

Considérant qu'il échet en conséquence de débouter Dame A. des fins de son appel et de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions sauf la déduction d'une somme de 5 000 F. ci-avant opérée des deniers provenant de la revente des biens acquis à Fayence par acte du 12 novembre 1973 ;

Considérant que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Accueille, en la forme, Dame A. A. en son appel ;

L'y déclarant pour l'essentiel mal fondée, l'en déboute ;

Confirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, sauf à déduire du montant des deniers provenant de la revente de la maison et du terrain y attenant à Fayence, et dont il a été dit et jugé qu'ils sont la propriété de C. S., la somme de 5 000 F. versée par ce dernier avant la dissolution de la communauté et devant être prise en compte dans le cadre de la liquidation de celle-ci ;

Condamne Dame A. à l'indemnité prévue par la loi et aux dépens, distraits au profit de Maître Marquilly, avocat-défenseur sur son affirmation qu'elle en a avancé la plus grande partie.

Composition

MM. Rossi cons. faisant fonction prés., Carrasco proc. gén., MMes Sbarrato, Marquilly av. déf., Escoffier et Millo av. barreau de Nice.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25500
Date de la décision : 22/11/1988

Analyses

Droit des successions - Successions et libéralités ; Droit de la famille - Mariage ; Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps ; Relations transfrontalières


Parties
Demandeurs : Dame A.
Défendeurs : Sieur S.

Références :

article 951 du Code civil
loi du 28 décembre 1967
article 954 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1988-11-22;25500 ?

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