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08/03/1988 | MONACO | N°25423

Monaco | Cour d'appel, 8 mars 1988, Société I.E.C. Électronique et Compagnie « Union des assurances de Paris » c/ S.


Abstract

Accident du travail

Portée du barème annexé à l'arrêté ministériel du 14 janvier 1947 - Valeur indicative et non impérative - Présomption d'imputabilité - Preuve contraire non rapportée : état pathologique antérieur, cause unique

Résumé

Les dispositions de l'arrêté ministériel du 14 janvier 1947 fixant le taux d'incapacité des victimes d'accidents du travail et auquel est annexé un barème indicatif d'invalidité ayant une valeur d'orientation pour le médecin expert n'imposent nullement à celui-ci de mentionner dans son rapport, lorsqu

e résultent de l'accident plusieurs lésions, le taux d'invalidité entraîné par chacune d'elles ...

Abstract

Accident du travail

Portée du barème annexé à l'arrêté ministériel du 14 janvier 1947 - Valeur indicative et non impérative - Présomption d'imputabilité - Preuve contraire non rapportée : état pathologique antérieur, cause unique

Résumé

Les dispositions de l'arrêté ministériel du 14 janvier 1947 fixant le taux d'incapacité des victimes d'accidents du travail et auquel est annexé un barème indicatif d'invalidité ayant une valeur d'orientation pour le médecin expert n'imposent nullement à celui-ci de mentionner dans son rapport, lorsque résultent de l'accident plusieurs lésions, le taux d'invalidité entraîné par chacune d'elles d'une part ; elles se bornent en cas de lésions intéressant soit des organes ou membres différents et de fonctions distinctes, soit différents segments d'un même membre, à « recommander » à l'expert de « recourir » à l'application d'une règle pouvant servir de « guide » pour l'évaluation du taux global, sans pour autant assujettir expressément cet expert à l'obligation de s'en tenir à la méthode préconisée dont rien de permet de dire qu'elle constitue, comme les appelantes le prétendent, dans leurs écritures « une méthode impérativement prescrite par la loi ».

Il ne saurait, dès lors, être valablement reproché à l'expert judiciaire de ne pas avoir indiqué dans son rapport le taux suivant le barème indicatif annexé à l'arrêté ministériel susvisé, afférent à chacun des troubles et lésions par lui relevés et pour l'ensemble desquels il a évalué à 23,5 % le taux d'I.P.P. en résultant pour l'accidenté, sans que les appelantes établissent, au soutien de leur critique, que ce taux soit le résultat de l'addition pure et simple des taux partiels considérés isolément, méthode de calcul prohibée par ledit arrêté car menant le plus souvent à des résultats qui sont en contradiction certaine avec les données de l'examen clinique.

Il ne peut être fait échec à la présomption d'imputabilité qui en matière d'accident du travail exclut tout partage de causalité lorsque la preuve que les lésions résultent uniquement de l'état pathologique antérieur, n'est point rapportée.

Motifs

LA COUR,

Statuant sur l'appel relevé par la société dénommée « I.E.C. Électronique » et la Compagnie « L'Union des assurances de Paris-Incendie-Accidents » d'un jugement du Tribunal de première instance en date du 2 juillet 1987 ;

Référence étant faite pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens et prétentions des parties au jugement déféré et aux conclusions d'appel, il suffit de rappeler les éléments ci-après énoncés :

Saisi - à la suite d'une ordonnance de non-conciliation rendue le 16 mai 1986 en l'état du refus de la Compagnie U.A.P. de se concilier sur les bases du rapport d'expertise établi par le Docteur Chatelin le 28 janvier 1986 dans le cadre d'une procédure accident du travail concernant L. S., employé pour le compte de la S.A.M. « I.E.C. Électronique » dont l'assureur-loi est ladite Compagnie U.A.P.-L'Urbaine, et victime, le 4 juin 1985, d'un accident de trajet ayant entraîné selon l'expert une I.P.P. de 23,5 % avec consolidation au 24 novembre 1985 - d'une action dirigée par ledit S. contre les société et compagnie d'assurances précitées tendant à voir homologuer ledit rapport et obtenir paiement d'une rente calculée sur la base du taux d'I.P.P. susvisé et du salaire qu'il percevait au jour de l'accident, le tribunal, par le jugement dont appel, a débouté les codéfenderesses de leur demande reconventionnelle tendant à la désignation d'un nouvel expert et fondée à la fois sur la prétendue inobservation par le Docteur Chatelin des règles relatives à l'appréciation du taux d'invalidité et sur un dire du Docteur N. en date du 9 janvier 1986, a homologué le rapport Chatelin, a dit, en tant que de besoin, la Compagnie U.A.P., substituée à la S.A.M. « I.E.C. Électronique », tenue de verser à S. une rente annuelle et viagère de 12 106,66 F calculée en fonction de l'I.P.P. de 23,5 % retenue par l'expert et d'un salaire annuel de 4 103 035,41 F, a condamné la Compagnie U.A.P. à payer ladite rente à S. à compter du 24 novembre 1985, date de la consolidation des blessures et condamné les codéfenderesses aux dépens recouvrés comme en matière d'assistance judiciaire ;

Pour justifier leur décision, les premiers juges, devant lesquels la Compagnie U.A.P. et la S.A.M. « I.E.C. Électronique » reprochaient à l'expert Chatelin de ne pas avoir précisé dans son rapport le taux d'I.P.P. propre à chacune des séquelles subsistantes et d'avoir au contraire retenu à tort un taux global d'invalidité sans justifier en outre du lien de causalité entre certains troubles constatés et les suites proprement dites des lésions résultant de l'accident, ont estimé, après une analyse détaillée des atteintes corporelles relevées par ledit expert, que ce dernier apparaissait avoir individualisé et spécifié avec précision chaque catégorie de séquelles consécutives aux blessures résultant pour S. dudit accident et que les codéfenderesses ne pouvaient faire échec à la présomption d'imputabilité faute par elles de démontrer que certains troubles (perte de mémoire, vertiges, tremblements et insomnies) avaient leur origine non point dans l'accident du travail litigieux mais, comme elles le soutenaient, dans l'état antérieur cardio-vasculaire de la victime au demeurant nullement ignoré par l'expert dont rien n'établissait que le rapport ait comporté des lacunes susceptibles de remettre en cause la nature de ses conclusions ;

A l'appui de leur appel, la Compagnie U.A.P. et son assuré la S.A.M. « I.E.C. Électronique » font grief aux premiers juges d'avoir, en statuant ainsi, indûment méconnu l'inobservation par l'expert Chatelin des dispositions de l'arrêté ministériel du 14 janvier 1947 faisant, selon elles, impérativement obligation au médecin expert, en cas d'infirmités multiples, comme c'est le cas en l'espèce, de fixer un taux d'invalidité séparé pour chacune des lésions dont l'accidenté demeure atteint, le fait pour cet expert d'avoir spécifié les séquelles dont il a constaté l'existence sans leur attribuer respectivement un taux d'I.P.P. conforme aux indications du barème ne pouvant permettre de considérer qu'il a satisfait aux dispositions réglementaires précitées ;

Elles reprochent, en outre, au tribunal de ne pas avoir retenu que n'était pas établie par l'expert l'existence d'un lien indiscutable de cause à effet entre les blessures accidentelles de S. et certains des troubles dont il souffre actuellement, et font observer d'une part que la persistance de fourmillements dans le territoire du nerf cubital droit s'étendant jusqu'au cinquième doigt relevée par ledit expert est en contradiction avec l'absence de toute mention d'une lésion du coude ou du bras droit dans les divers certificats établis initialement par le Docteur B., d'autre part que les vertiges, pertes de mémoire et autres tremblements des membres inférieurs et des mains constituent, comme souligné par le Docteur N., la conséquence normale des troubles diabétiques et cardiaques graves que ledit S. présentait bien avant l'accident et qui n'ont en rien été aggravés par celui-ci, lequel est survenu à la suite d'un malaise inhérent à ces troubles ;

Estimant que la divergence fondamentale existant entre les conclusions expertales et celles du médecin-conseil précité justifiait l'instauration d'une nouvelle mesure d'instruction, elles demandent à la Cour de réformer le jugement déféré et de confier à tel expert qu'il appartiendra la mission de rechercher et dire quelles sont les séquelles présentées à l'heure actuelle par S. qui peuvent être certainement et directement attachées à l'accident de trajet dont il a été victime le 4 juin 1985

S. fait valoir, en réponse, que le taux d'I.P.P. global retenu par l'expert Chatelin tient compte de chacune des atteintes corporelles considérées de façon indépendante et que les appelantes sont d'autant moins fondées à critiquer son rapport que les opérations expertales n'ont donné lieu à aucune remarque de la part du médecin-conseil de la Compagnie U.A.P. qui n'aurait pas manqué d'en faire si elles avaient été entachées du vice allégué par cette compagnie et son assuré ;

Il soutient que l'expert s'est attaché à examiner les séquelles objectives en rapport avec l'accident et à chiffrer le préjudice en résultant pour lui par un taux d'I.P.P. n'incluant nullement les conséquences d'un état cardio-vasculaire antérieur et qu'au demeurant aucune critique sérieuse n'a été formulée à l'encontre des appréciations médicales de ce praticien dont le rapport a été homologué par le jugement déféré qui doit donc être confirmé ;

Il conclut, en conséquence, au déboutement des Compagnie U.A.P. et Société « I.E.C. Électronique » des fins de leur appel et à la confirmation, dans toutes ses dispositions, dudit jugement ;

En réplique, les appelantes rappellent que l'article 23 de la loi n. 636 interdit la présence du médecin-conseil d'une compagnie d'assurances aux opérations d'expertise en matière d'accidents du travail en sorte qu'apparaît manifestement erroné le grief formulé par l'intimé à l'adresse du médecin-conseil de la Compagnie U.A.P. pour les motifs sus-énoncés ;

Réitérant par ailleurs, mutatis mutandis, les termes de leur exploit d'appel et soutenant que les fourmillements relevés par l'expert au bras et à la main droits de la victime ne se sont révélés pour la première fois qu'à l'occasion de l'examen diligente en 1986 sans que celle-ci tenue, en raison de cette tardiveté, d'établir l'existence d'une relation causale entre ces troubles et l'accident, ait administré cette preuve, elles concluent de plus fort à ce qu'il soit fait droit aux fins dudit exploit tenu pour intégralement repris ;

Sur ce,

Considérant qu'il doit être observé, ab initio, que les dispositions de l'arrêté ministériel du 14 janvier 1947 « fixant le taux d'incapacité des victimes d'accidents du travail » et auquel est annexé un « barème indicatif d'invalidité ayant une valeur d'orientation » pour le médecin-expert n'imposent nullement à ce dernier de mentionner dans son rapport, lorsque résultent de l'accident plusieurs lésions, le taux d'invalidité entraîné par chacune d'elles d'une part, et se bornent en cas de lésions intéressant soit des organes ou membres différents et de fonctions distinctes, soit différents segments d'un même membre, à « recommander » à l'expert de « recourir » à l'application d'une règle pouvant servir de « guide » pour l'évaluation du taux global, sans pour autant assujettir expressément cet expert à l'obligation de s'en tenir à la méthode préconisée dont rien ne permet de dire qu'elle constitue, comme prétendu par les appelantes, dans leurs écritures, « une méthode impérativement prescrite par la loi », d'autre part ;

Qu'il ne saurait, dès lors, être valablement reproché à l'expert Chatelin de ne pas avoir indiqué dans son rapport le taux - suivant le barème indicatif annexé à l'arrêté ministériel susvisé - afférent à chacun des troubles et lésions par lui relevés et pour l'ensemble desquels il a évalué à 23,5 % le taux d'I.P.P. en résultant pour l'accidenté, sans que les appelantes établissent au soutien de leur critique que ce taux soit le résultat de l'addition pure et simple des taux partiels considérés isolément, méthode de calcul prohibée par ledit arrêté car menant « le plus souvent à des résultats qui sont en contradiction certaine avec les données de l'examen clinique » ;

Considérant que n'apparaît pas davantage fondé le grief formulé à l'encontre de l'expert en ce qu'il aurait pris en considération, pour chiffrer le taux d'I.P.P. dont l'intimé est demeuré atteint à la suite de son accident de trajet, diverses séquelles non rattachables à ses conséquences traumatiques et constitutives selon les appelantes d'une manifestation normale et courante tant de l'affection cardiaque que du diabète dont S. souffrait antérieurement audit accident ;

Qu'il doit être relevé à cet égard qu'après avoir objectivement rappelé l'état antérieur de l'accidenté (diabète gras depuis 20 ans équilibré sans complication, troubles cardiaques depuis mai 1985, troubles oculaires avec décollement de la rétine), le Docteur Chatelin a bien précisé dans son rapport qu'outre des fourmillements dans le territoire du nerf cubital droit jusqu'au cinquième doigt apparus depuis l'accident, les autres séquelles : perte de mémoire, vertiges, sensation d'insécurité allant jusqu'à l'agoraphobie empêchant de conduire une voiture, tremblements des membres inférieurs ou des mains, douleurs cervicales et occipitales irradiant vers les épaules et jusqu'au coude, et autres insomnies presque chaque nuit « sont les suites du traumatisme crânien » provoqué par ledit accident à la suite duquel S. a été admis dans le service de réanimation du Centre hospitalier Princesse-Grâce où il est resté sans connaissance pendant trois jours et a été traité pour une fracture de la sixième côte antérieure droite et une luxation de la hanche gauche avec arrachement osseux du tait du cotyle ;

Qu'il ne saurait donc être sérieusement soutenu que le Docteur Chatelin a éludé la question de la relation de cause à effet, entre l'accident et les séquelles sus-énoncées, étant au demeurant observé que les prétentions des appelantes, qui ne font pas la preuve que ces lésions résultent uniquement de l'état pathologique antérieur et que l'accident du travail n'a été en rien la cause de leur apparition, ne peuvent par là même faire échec à la présomption d'imputabilité qui, en la matière, exclut tout partage de causalité lorsqu'une telle preuve n'est pas rapportée ;

Qu'à cet égard, la règle fondée sur cette présomption doit également recevoir application en ce qui concerne les fourmillements dans le territoire du nerf cubital droit jusqu'au cinquième doigt, lesquels, s'il n'en est pas fait mention dans les certificats remis à l'expert, n'en sont pas moins considérés par ce dernier comme étant apparus « depuis l'accident » et non point longtemps après ainsi qu'allégué par les appelantes qui ne sauraient donc être admises à invoquer la prétendue tardiveté de ces manifestations séquellaires pour renverser la charge de la preuve qui leur incombe ;

Considérant que s'il existe, en définitive, une divergence d'appréciation entre l'expert judiciaire et le médecin de l'assureur-loi de l'employeur de S. sur le quantum de l'I.P.P. dont ce dernier est demeuré atteint ensuite de l'accident litigieux, cette circonstance ne s'aurait s'opposer, comme pertinemment souligné par les premiers juges, à l'homologation du rapport expertal en l'absence, suffisamment démontrée - les vices allégués et analysés ci-avant étant exclus - de lacunes ou d'erreurs au plan des constatations cliniques de nature à altérer la valeur de ses conclusions ;

Or, considérant que l'expert Chatelin s'est livré, comme en témoigne son rapport, à une analyse clinique sérieuse de l'atteinte traumatique de l'accidenté dont il a relevé, en les spécifiant quant à leur nature et à leur retentissement, toutes les conséquences dommageables rappelées par ailleurs dans le jugement déféré, et, en l'état desquelles il a été conduit à évaluer le taux global de l'I.P.P. en résultant à 23,5 %, sauf complications possibles et tardives de nécrose ou de coxarthrose post-traumatique de la hanche gauche ;

Qu'il apparaît, dès lors, que c'est à bon droit que les premiers juges ont homologué ledit rapport et débouté la Compagnie U.A.P. et la S.A.M. « I.E.C. Électronique » de leur demande reconventionnelle tendant à l'instauration d'une nouvelle expertise ;

Que leur décision doit donc être confirmée dans toutes ses dispositions ;

Considérant que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Accueille, en la forme, la Compagnie U.A.P.-L'Urbaine et la S.A.M. « I.E.C. Électronique » en leur appel ;

Les y déclarant mal fondées, les en déboute ;

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement du 2 juillet 1987 ;

Composition

MM. Huertas, prem. prés. ; Serdet, subst. ; MMe Clérissi et Sanita, av. déf. ; Brugnetti, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25423
Date de la décision : 08/03/1988

Analyses

Social - Général ; Sécurité au travail ; Protection sociale


Parties
Demandeurs : Société I.E.C. Électronique et Compagnie « Union des assurances de Paris »
Défendeurs : S.

Références :

arrêté ministériel du 14 janvier 1947


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1988-03-08;25423 ?

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