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07/01/1986 | MONACO | N°25179

Monaco | Cour d'appel, 7 janvier 1986, H.-H. c/ État de Monaco et Société Roux-Combaluzier-Schindler.


Abstract

Responsabilité de l'Etat

Ascenseur public - Chute d'un usager

Résumé

Le fonctionnement anormal d'un ascenseur public qui en s'arrêtant au-dessus du palier d'arrivée provoque la chute d'un usager engage pour partie la responsabilité de l'État, la victime ayant quant à elle l'obligation de veiller à sa propre sécurité.

L'action récursoire de l'État n'est point fondée à l'encontre de la société installatrice chargée de l'entretien dès lors qu'aucune faute de celle-ci n'est démontrée, la cause du mauvais fonctionnement étant demeurÃ

©e inconnue.

Motifs

La Cour,

Statuant sur les appels limités interjetés par la dame C. H. épouse ...

Abstract

Responsabilité de l'Etat

Ascenseur public - Chute d'un usager

Résumé

Le fonctionnement anormal d'un ascenseur public qui en s'arrêtant au-dessus du palier d'arrivée provoque la chute d'un usager engage pour partie la responsabilité de l'État, la victime ayant quant à elle l'obligation de veiller à sa propre sécurité.

L'action récursoire de l'État n'est point fondée à l'encontre de la société installatrice chargée de l'entretien dès lors qu'aucune faute de celle-ci n'est démontrée, la cause du mauvais fonctionnement étant demeurée inconnue.

Motifs

La Cour,

Statuant sur les appels limités interjetés par la dame C. H. épouse H. et l'État de Monaco contre un jugement du Tribunal de première instance de Monaco du 3 mai 1984 lequel les a déboutés de leurs demandes formées contre la Société Roux-Combaluzier-Schindler (ci-après : Société R. C. S.), a débouté partiellement la dame H. de sa demande formée contre l'État de Monaco, a déclaré ce dernier responsable des 2/3 des conséquences dommageables de la chute subie par la dame H. le 18 décembre 1982 et tenu, dans cette proportion, de les réparer et, avant dire droit sur l'évaluation du préjudice, a commis le docteur Orecchia en qualité d'expert ;

Considérant qu'il résulte des éléments du dossier les faits suivants :

Le 18 décembre 1982 vers 15 heures la dame C. H., alors âgée de 79 ans, qui venait d'utiliser la cabine amont des ascenseurs publics de la place des Moulins pour l'élever jusqu'à cette place a, en quittant ladite cabine dont les portes s'étaient ouvertes mais qui s'était arrêtée au-dessus du niveau du carrelage du hall de sortie, chuté sur ce carrelage en s'occasionnant notamment une fracture de l'humérus gauche ;

La blessée a été transportée sur le champ à l'Hôpital de Monaco à bord d'une voiture de police qui se trouvait de passage sur les lieux et, à cette occasion, a déclaré au responsable de ladite voiture qu'elle n'avait pas vu « que la cabine s'était arrêtée à une trentaine de centimètres au-dessus de son niveau normal » ; que, toutefois, selon le rapport de police établi à l'occasion de cet accident, l'agent Coutant, dépêché sur les lieux, a constaté que « la cabine était bloquée à une cinquantaine de centimètres au-dessus de son niveau normal » ;

Estimant que sa chute était imputable à un mauvais fonctionnement de l'ascenseur utilisé, la dame H. a fait assigner devant le Tribunal de première instance d'une part, l'État de Monaco en sa qualité de propriétaire et gardien dudit ascenseur, d'autre part la Société R. C. S., en sa qualité d'installatrice chargée de l'entretien du même ascenseur, afin de les voir déclarer entièrement responsables de son accident et solidairement tenus d'en réparer les conséquences dommageables évaluées à dire d'expert ;

La Société R. C. S. soutenant qu'une vérification effectuée une heure et demie après l'accident par son dépanneur - qui a constaté que la cabine était arrêtée à « vingt centimètres environ au-dessus du palier d'arrivée » - n'avait révélé aucune défaillance technique de telle sorte que la cause présumée de l'immobilisation de la cabine au-dessus de son niveau normal d'arrêt ne pouvait être « qu'une coupure fugitive » de l'alimentation électrique ayant entravé le jeu du système de ralentissement et entraîné une arrivée trop rapide de la cabine à l'étage, a demandé sa mise hors de cause ; de son côté, l'État a appelé en garantie ladite société afin de se voir par elle relevé des condamnations pouvant être prononcées à son encontre ;

Pour statuer ainsi qu'ils l'ont fait les premiers juges ont estimé :

* qu'aucune faute n'était articulée par les autres parties à l'encontre de la Société R. C. S. dont la responsabilité ne pouvait être retenue, « la cause de la panne subie par l'ascenseur n'étant pas élucidée »,

* qu'il s'en suivait que l'État, en sa qualité de propriétaire et gardien d'un équipement public dont le fonctionnement anormal était à l'origine de la chute de la dame H., devait, en l'absence d'un fait de force majeure non invoqué par lui en l'espèce, réparation du dommage qui en était résulté pour la dame H.,

* que cependant cette dernière n'apparaissait pas avoir suffisamment veillé à sa propre sécurité puisqu'elle avait quitté la cabine d'ascenseur qu'elle venait d'utiliser sans prêter attention, ainsi qu'elle l'avait implicitement mais nécessairement reconnu, à ce que le plancher de ladite cabine et celui du hall de sortie pouvaient ne pas se trouver en exacte coïncidence de niveau et qu'elle devait dès lors, à raison de cette faute, supporter à concurrence d'un tiers la réparation de son propre dommage auquel elle avait ainsi concouru ;

Par exploit du 1er août 1984 (n° 84-14) la dame H. a relevé appel de cette décision à laquelle elle reproche, d'une part, de l'avoir déboutée de sa demande contre la Société R. C. S., d'autre part, d'avoir laissé à sa charge un tiers de la responsabilité de l'accident ;

Sur le premier chef, elle soutient qu'une double anomalie du fonctionnement de l'ascenseur - dont la Société R. C. S. serait responsable - est à l'origine de sa chute ; qu'en effet, la cabine s'est arrêtée à cinquante centimètres au-dessus du niveau du sol, alors que le système de sécurité n'aurait pas dû lui permettre de dépasser le niveau normal d'arrêt de plus de trois ou quatre centimètres ; qu'en outre, compte tenu de cette dénivellation les portes n'auraient pas dû s'ouvrir automatiquement ;

Sur le second chef, elle fait valoir qu'il n'y avait pas lieu de laisser à sa charge une part de la responsabilité de l'accident au motif qu'elle n'avait pas prêté attention à la différence de niveaux entre le sol de la cabine et le carrelage du hall de sortie alors qu'en raison de l'automatisme et des nombreux systèmes de sécurité dont bénéficient les installations modernes « l'utilisation d'un ascenseur est devenue un acte banal de la vie courante ne nécessitant aucune participation directe de l'usager sinon dans le fait d'appuyer sur le bouton correspondant au niveau choisi » ;

Elle conclut ainsi, par réformation du jugement entrepris, à l'adjudication des fins de son exploit introductif d'instance ;

Par exploit du 17 janvier 1985 (procédure n° 85-55) l'État de Monaco a également relevé appel limité du jugement - dont, pour le surplus, il demande la confirmation - en ce qu'il l'a débouté de sa demande en garantie formée contre la Société R. C. S. ;

Il fait valoir à cet égard que ladite Société a manqué aux obligations résultant de son contrat d'entretien ; qu'en effet, elle n'a pas été en mesure de justifier d'une visite d'inspection et d'entretien de septembre à décembre 1982, alors qu'elle est contractuellement tenue à au moins une visite par mois ; que les dépannages requis sur un fait précis ne pouvaient la dispenser d'une inspection générale préventive de tous les organes de la machinerie ; qu'enfin un dépannage, concernant justement la remise à niveau de l'appareil avait eu lieu le 25 novembre 1982, soit 22 jours avant la date du sinistre et qu'une nouvelle visite pour réglage s'est avérée indispensable le 20 décembre suivant, soit 2 jours après le même sinistre ;

Il affirme par ailleurs que la Société R. C. S. était tenue à son égard et à celui des usagers à une obligation de résultat en ce sens que l'ascenseur devait s'arrêter au niveau du palier desservi et que les portes automatiques ne devaient s'ouvrir qu'à ce niveau ;

Enfin, se défendant contre l'appel de la dame H. relativement au partage de responsabilité retenu par les premiers juges, il soutient « qu'aucun automatisme, si poussé soit-il ne peut dispenser l'usager de s'assurer, avant de quitter la cabine de l'ascenseur public que le plancher de cette dernière coïncide avec le niveau du palier desservi » ;

La Société R. C. S., en réponse à l'appel de la dame H. formé à son encontre, fait valoir de son côté, que c'est inexactement que l'appelante soutient que la cabine s'est arrêtée à cinquante centimètres au-dessus du palier car, dans ce cas, les portes n'auraient pu s'ouvrir ; qu'en effet, une telle ouverture, en raison de l'emplacement des contacts électriques qui la provoquent, ne peut se produire que lorsque le plancher de la cabine est à moins de vingt centimètres, avec tolérance de 2 à 3 centimètres maximum, du niveau desservi ;

Elle soutient également que, contrairement aux affirmations de l'appelante, le système de sécurité dit « de fin de course » ne pouvait avoir pour effet d'empêcher la cabine de dépasser le niveau normal d'arrêt de plus de trois ou quatre centimètres alors que ce système n'est mis en action que lorsque la cabine a dépassé l'arrêt normal de plus de dix centimètres ;

En réponse à l'appel de l'État de Monaco, la Société R. C. S. fait valoir, d'une part, qu'aucune obligation de résultat n'est mise à sa charge par son contrat d'entretien qui stipule notamment qu'elle ne saurait être inquiétée pour un « accident causé du fait de l'arrêt ou de l'insuffisance de la force motrice », d'autre part, qu'il résulte du « listing » des visites d'entretien n° D. A. V. 10.160 du 19 mars 1982, page 7, que l'ascenseur en cause a fait l'objet de visites techniques le 12 octobre, 28 octobre, 12 novembre et 20 novembre 1982 ;

En conclusion, elle demande la confirmation, dans toutes ses dispositions, du jugement attaqué ;

Sur ce :

Considérant qu'en raison de leur connexité, il échet d'ordonner la jonction des procédures n° 84-114 et 85-55 ;

Sur les faits

Considérant que la dame H. a estimé que l'ascenseur s'était arrêté à une « trentaine de centimètres » au-dessus de son niveau normal ; l'agent Coutant à une « cinquantaine de centimètres » et le réparateur de la Société R. C. S. à « vingt centimètres environ » ;

Considérant que l'imprécision des termes employés, fort excusable en ce qui concerne la dame H. qui venait de subir un grave accident, établi qu'aucune mesure exacte n'a été prise, l'agent Coutant et le réparateur s'étant bornés sur ce point à une évaluation personnelle ;

Qu'il échet dès lors, en raison de ces contradictions, de retenir seulement que l'ascenseur s'est arrêté à au moins vingt centimètres au-dessus du palier du hall d'arrivée ce qui, en tout état de cause, constitue un comportement anormal ;

Considérant par ailleurs qu'en l'état du dossier dont aucun élément n'apporte d'éclaircissement sur l'origine de ce comportement c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que sa cause demeurait inconnue ;

Sur le principe de la responsabilité de l'État de Monaco

Considérant qu'il échet de constater que ce chef, non critiqué par les appelants, du jugement attaqué est devenu définitif ;

Sur le partage de responsabilité entre l'État de Monaco et la dame H.

Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu le principe de la responsabilité de la dame H. en relevant qu'elle n'avait pas prêté attention au fait que le plancher de la cabine de l'ascenseur ne s'était pas arrêté au niveau du sol du hall d'arrivée ;

Qu'il n'est d'ailleurs pas inutile d'observer à cet égard que l'arrêté ministériel n° 67-115 fixant les règles générales de construction, d'installation et d'entretien des ascenseurs et monte-charge édicte par son article 4 alinéa 4 :

« Les abords des portes palières et l'intérieur de la cabine doivent toujours être éclairés, soit par la lumière du jour, soit artificiellement. L'éclairage doit être suffisant pour que les usagers de l'ascenseur soient dispensés de tout tâtonnement et sachent où ils posent le pied après avoir ouvert la porte palière... »

réglementation qui est de nature à prévenir les accidents comparables à celui dont la dame H. a été victime dans la mesure où l'usager de l'ascenseur regarde où « il pose le pied » ;

Considérant toutefois que compte tenu des éléments de la cause la Cour estime devoir ramener de 1/3 à 1/4 la part de la responsabilité de l'accident devant être laissée à la charge de la victime ;

Sur l'appel en garantie formé par l'État de Monaco contre la Société R. C. S.

Considérant que l'État de Monaco soutient, d'une part, que la Société R. C. S. a manqué à son obligation contractuelle de procéder chaque mois à une visite technique de l'ascenseur, d'autre part, que le contrat le liant à la Société R. C. S. mettait à la charge de cette dernière une obligation de résultat ;

Considérant, sur le premier point, que par ses dernières conclusions la Société R. C. S. a fait valoir qu'il résultait du « listing » des visites d'entretien n° D. A. V. 10.160 du 19 mars 1982, page 7, que l'ascenseur en cause avait fait l'objet de visites techniques les 12 octobre, 28 octobre, 12 novembre et 20 décembre 1982 ;

Considérant que le défaut de réplique de l'État de Monaco à ces conclusions permet de supposer qu'il en a bien été ainsi ;

Qu'au surplus, même à supposer prouvée la faute alléguée à l'encontre de la Société R. C. S. la responsabilité de celle-ci, pour autant, n'en serait pas engagée dès lors que ne saurait être établie la relation de cause à effet entre ladite faute et l'accident dont les causes demeurent inconnues ;

Considérant, sur le second point, que le contrat liant l'État de Monaco à la Société R. C. S. est établi en conformité avec l'arrêté ministériel français du 11 mars 1977 ; qu'il est clair et précis et donc non sujet à l'interprétation ; qu'enfin il ne comporte aucune clause mettant à la charge de la Société R. C. S. une obligation de résultat dont l'État de Monaco se contente d'ailleurs d'affirmer l'existence sans en apporter la démonstration ;

Qu'il échet en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'État de Monaco de son appel en garantie contre la Société R. C. S. ;

Sur la demande formée par la dame H. contre la Société R. C. S.

Considérant que, ainsi qu'il a été vu ci-avant, aucune faute en relation de cause à effet avec l'accident dont la dame H. a été victime n'étant établie à l'encontre de la Société R. C. S., il échet également de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la demande formée par la dame H. contre ladite société ;

Sur les dépens

Considérant que l'État de Monaco qui succombe dans ses appels doit être condamné aux dépens, sauf ceux résultant de l'appel formé par la dame H. contre la Société R.C.S. qui doivent demeurer à la charge de l'appelante ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

La Cour d'appel de la Principauté de Monaco,

Statuant dans les limites des appels,

Ordonne la jonction des procédures n° 84-14 et 85-55 ;

Réformant pour partie le jugement entrepris du 3 mai 1984 et statuant à nouveau déclare l'État de Monaco responsable des trois-quarts des conséquences dommageables de la chute subie le 18 décembre 1982 par la dame H. et tenu, dans cette proportion, de les réparer ;

Confirme pour le surplus le jugement susvisé ;

Composition

MM. Vialatte, prem. prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Sbarrato, J.-Ch. Marquet, Sanita, av. déf., Me. Marquet, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25179
Date de la décision : 07/01/1986

Analyses

Responsabilité (Public) ; Sociétés - Général


Parties
Demandeurs : H.-H.
Défendeurs : État de Monaco et Société Roux-Combaluzier-Schindler.

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1986-01-07;25179 ?

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