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07/05/1985 | MONACO | N°25098

Monaco | Cour d'appel, 7 mai 1985, S.C.I. ALME et autres c/ État de Monaco


Abstract

Expertise conventionnelle

Désignation de l'expert - Procédure - Dépens

Résumé

Lorsque l'expert doit, selon la convention des parties, être désigné soit d'un commun accord, soit par le Président du Tribunal de première instance saisi à la requête de la partie la plus diligente, cette désignation, dans le second cas, doit intervenir au contradictoire de la partie non requérante ou celle-ci dûment appelée. En effet, hormis les cas où la loi en décide autrement, le respect des droits de la défense suppose que toute décision contentieuse soit

précédée d'un débat contradictoire.

L'expertise instaurée dans le cadre de la convention ...

Abstract

Expertise conventionnelle

Désignation de l'expert - Procédure - Dépens

Résumé

Lorsque l'expert doit, selon la convention des parties, être désigné soit d'un commun accord, soit par le Président du Tribunal de première instance saisi à la requête de la partie la plus diligente, cette désignation, dans le second cas, doit intervenir au contradictoire de la partie non requérante ou celle-ci dûment appelée. En effet, hormis les cas où la loi en décide autrement, le respect des droits de la défense suppose que toute décision contentieuse soit précédée d'un débat contradictoire.

L'expertise instaurée dans le cadre de la convention des parties n'est pas soumise à la réglementation de l'expertise judiciaire et il n'y a pas lieu, en conséquence, à application des articles 346 et 353 du Code de procédure civile.

En matière d'expertise conventionnelle, la demande formée en vue de la désignation du ou des experts est faite dans l'intérêt commun des parties et, en conséquence, les dépens doivent être partagés.

Motifs

La Cour,

Statuant sur l'appel interjeté par la S.C.I. Alme et autres d'une ordonnance de référé du 8 février 1985 laquelle a rejeté leur demande tendant à la rétractation d'une ordonnance rendue le 3 août 1984 par le Président du Tribunal de grande instance à la requête de l'État de Monaco ;

Les faits de la cause sont les suivants :

Par deux actes administratifs des 7 et 10 juin 1952 et 5 décembre 1956 l'Administration des Domaines de la Principauté de Monaco a concédé à l'Union Commerciale et Industrielle Méditerranéenne l'utilisation de diverses parcelles de terrain sises à Monaco Condamine ;

L'article 5 de la seconde de ces conventions, dont il n'est pas contesté qu'il soit applicable au présent litige, stipule notamment :

L'Administration des Domaines pourra exiger à l'expiration de la présente concession, de son concessionnaire ou de tous autres titulaires de ses droits, la cession de la propriété des constructions édifiées sur la parcelle de terrain concédée à bail.

Le prix de cette cession sera établi compte tenu de la valeur vénale de l'immeuble au jour du rachat et de l'état de vétusté des constructions. Ce prix sera fixé soit à l'amiable, soit à défaut par voie d'expertises. L'expert commun ou les experts seront désignés soit d'un commun accord, soit par M. le Président du Tribunal de première instance saisi à la requête de la partie la plus diligente.

Par exploits d'huissier du 11 juin 1982 l'État de Monaco a fait notifier aux 24 propriétaires concernés sa volonté d'exercer son droit d'acquisition de la propriété des constructions, puis le 2 août 1984, il a présenté requête au Président du Tribunal de première instance de Monaco afin que soit désigné :

En vertu de l'article 5 de l'avenant du 5 décembre 1956 aux conventions des 7 mai et 10 juin 1952 un expert en la personne de Monsieur André Chatelin, expert agréé par la Cour de cassation, ., lequel aura pour mission, serment préalablement prêté et en s'entourant de tout sapiteur de son choix :

1 - de déterminer la valeur vénale de la construction édifiée sur une parcelle de 2 623 m2 environ..., ce au jour du rachat et compte tenu de l'état de vétusté des constructions à cette date.

2 - d'avoir à poursuivre ses opérations au contradictoire de :

1°) la Société Civile Immobilière Alme,

2°) la Société Civile Immobilière Anta,

3°) la Société Civile Immobilière Data,

4°) la Société Civile Immobilière Chament,

5°) le Sieur C. C.,

6°) le Sieur E. G.,

7°) la Société Civile Immobilière Détecteur,

8°) la Société Civile Immobilière Jame,

9°) la Société Civile Immobilière José,

10°) le sieur R. M.,

11°) la Société Anonyme Monégasque Sanigène,

12°) la Société Civile Immobilière Tivo,

13°) la Société Anonyme Monégasque dénommée Comptoir Pharmaceutique Méditerranéen,

14°) la Société Civile Immobilière Boucom,

15°) la Société Civile Immobilière Amon,

16°) la Société Civile Immobilière Mojo,

17°) la Société Civile Immobilière Come,

18°) la Dame G. R. épouse divorcée H.,

19°) la Société Civile Immobilière Quatuor,

20°) la Société Civile Immobilière Lamarco,

21°) le Sieur P. G. et la Dame P. S.,

22°) la Société Anonyme Monégasque Sacome,

23°) la Société Anonyme Monégasque Monaco Boat Service,

24°) la Société Civile Immobilière Gimeno.

3 - de proposer, après avoir recueilli l'accord de toutes les parties, de répartir, entre les destinataires des notifications du 11 juin 1982 la valeur vénale des constructions évaluées conformément aux conventions des 7 mai et 10 juin 1952 ;

4 - de répondre à tous dires des parties, sinon de ses opérations dresser rapport pour être statué ce qu'il appartiendra ;

Dire qu'il en sera référé en cas de difficulté à la requête de la partie la plus diligente ;

Par ordonnance du 3 août 1984 le Président du Tribunal de première instance a désigné le sieur André Chatelin en qualité d'expert avec la mission prévue à l'article 5 de la Convention du 5 décembre 1956 et lui a, en outre, conféré la mission complémentaire de procéder, avec l'accord de toutes les parties sur ce point, à la ventilation entre celles-ci du prix de cession estimé.

Enfin, ladite ordonnance a disposé qu'il en serait référé en cas de difficulté ;

En application de cette clause les vingt-quatre propriétaires concernés ont assigné en référé l'État de Monaco pour :

« venir entendre rétracter l'ordonnance sur requête du 3 août 1984 et instituer par voie de référé une expertise qui sera confiée à un ou plusieurs techniciens avec une mission conforme aux prescriptions de l'article 5 de l'acte administratif du 5 décembre 1956 » ;

À l'appui de cette demande les intéressés faisaient valoir par leur assignation :

1° qu'aux termes de l'article 345 du Code de procédure civile le choix de l'expert appartient au juge et non pas à l'une des parties,

2° que l'expert Chatelin avait déjà eu à connaître d'un rapport d'évaluation du 13 décembre 1982 d'un sieur A. pour le même immeuble lors d'une précédente expertise, de telle sorte qu'ils étaient « en droit de solliciter que le technicien commis aborde avec un esprit neuf l'examen de l'évaluation de la valeur vénale des immeubles »,

3° qu'il apparaissait opportun de désigner un expert de la Principauté ou de son voisinage immédiat afin de limiter les frais inhérents à l'expertise ;

Par leurs conclusions ultérieures, ils soutenaient encore, sans mettre en doute l'honorabilité de l'expert commis, que ce dernier avait déjà opéré dans des affaires similaires et eu à connaître du même litige, situation qui était de nature à préjudicier à la sérénité des débats ; que la procédure usuelle consistait à faire procéder à la désignation de l'expert par voie de référé, c'est-à-dire dans le cadre d'un débat contradictoire, le nom du technicien pouvant être contesté ou récusé par les autres parties ; enfin, et répondant en cela aux conclusions de l'État de Monaco, que celui-ci avançait à tort que la mission de l'expert n'était pas contestée en ce qu'il sollicitait que ce dernier détermine la valeur vénale au jour du rachat, soit le 15 juillet 1982 alors que, d'une part, rien ne permettait de retenir une telle date et que, d'autre part, il convenait de distinguer la date à laquelle l'État de Monaco avait exercé son droit d'acquisition de la propriété des constructions de celle à laquelle serait effectivement payé le prix de la cession ; qu'ils demandaient en conséquence que l'expert commis ait pour mission de déterminer la valeur vénale de la construction non pas à la date du 15 juillet 1982 mais à celle devant correspondre au « jour du rachat » c'est-à-dire à la date à laquelle sera signé l'acte de cession à intervenir ;

Par ordonnance de référé du 8 février 1985 le Président du Tribunal de première instance a rejeté cette demande ;

Pour statuer ainsi qu'il l'a fait il a estimé :

* qu'étant constant qu'aucun accord n'était intervenu entre les parties pour désigner un expert une telle désignation était régulièrement intervenue par voie d'ordonnance sur requête, tant en vertu de l'article 851 du Code de procédure civile qu'en l'état de la convention liant les parties laquelle n'impliquait pas qu'il y ait lieu de recourir à la procédure du référé,

* que le choix de l'expert désigné ne pouvait être mis en question du seul fait que son nom avait été avancé par l'État, André Chatelin figurant au nombre des techniciens auquel le Tribunal de Monaco avait habituellement recours,

* que, d'autre part, la demande de rétractation de l'Ordonnance du 3 août 1984 ne pouvait sérieusement se fonder sur le fait que l'expert Chatelin avait eu connaissance, dans le cadre d'une autre procédure, d'un rapport A. portant évaluation à la demande de l'État de partie de l'immeuble litigieux, un tel document établi à titre officieux n'ayant eu que la valeur relative d'un élément d'information produit par une partie,

* qu'enfin, la contestation instaurée sur la mission de l'expert n'avait pas d'objet, étant relevé que ni la requête présentée ni l'ordonnance intervenue n'avait prévu que l'expert devait déterminer la valeur vénale « au jour du rachat soit le 15 juillet 1982 »,

* qu'en conséquence la demande de rétractation de l'ordonnance du 3 août 1984 devait être rejetée le juge des référés n'ayant pas au surplus compétence pour interpréter l'article 5 de l'acte du 5 décembre 1956 ;

À l'appui de leur appel les propriétaires intéressés reprennent pour l'essentiel leur argumentation développée devant le premier juge en faisant notamment valoir que le Président du Tribunal ne pouvant être saisi, aux termes de la convention liant les parties, qu'en cas de désaccord de celles-ci sur le choix de l'expert c'est nécessairement dans le cadre d'un débat contradictoire et, selon la jurisprudence habituelle, par voie de la procédure de référé, qu'il devait être procédé à un tel choix, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce ;

Ils soutiennent en outre que la mission à donner à l'expert étant nécessairement conditionnée par l'application des dispositions contractuelles, il appartenait au magistrat des référés d'en définir la portée, sauf à renvoyer les parties devant le Tribunal s'il estimait qu'il y avait une contestation sérieuse entre elles quant à la date à laquelle doivent être évalués les immeubles ;

Ils concluent ainsi à la mise à néant de l'ordonnance sur requête du 3 août 1983 et de l'ordonnance de référé du 8 février 1985, à ce que soit désigné un ou plusieurs experts autres que André Chatelin dans le cadre de la procédure de référé avec une mission « conforme à l'esprit et aux prescriptions de l'article 5 de l'acte administratif du 5 décembre 1956 », et, subsidiairement, au renvoi de la cause et des parties devant le juge du fond en cas de contestation sérieuse sur l'interprétation de l'article 5 de l'acte du 5 décembre 1956 ;

Considérant que de son côté l'État de Monaco, qui souligne que par l'effet de la clause de référé un débat contradictoire s'est bien instauré sur le choix de l'expert, fait valoir que la demande des appelants tendant à ce que soit interprété l'article 5 de la convention du 5 décembre 1956 est nouvelle en cause d'appel et, partant, irrecevable ;

Il conclut ainsi à la confirmation de l'ordonnance entreprise ;

Sur ce,

Considérant que si, dans le silence sur ce point de la convention du 5 décembre 1956, l'État de Monaco avait la possibilité de procéder indifféremment par voie de requête ou d'assignation en référé, il appartenait au juge saisi selon la première de ces procédures d'appeler devant lui les autres parties avant de rendre son ordonnance ;

Qu'en effet, hormis les cas où la loi en décide autrement, le respect des droits de la défense suppose que toute décision contentieuse soit précédée d'un débat contradictoire ;

Considérant qu'il appartenait dès lors au magistrat des référés de constater le défaut d'un tel débat et, par voie de conséquence, de rétracter l'ordonnance soumise à son appréciation et de statuer à nouveau ;

Qu'il échet en conséquence de réformer de ce chef la décision entreprise et, la Cour se trouvant saisie par l'effet dévolutif de l'appel de la totalité du litige soumis au premier juge, de statuer sur la demande en désignation d'un expert formée par l'État de Monaco ;

Considérant sur ce point que quelles que soient l'honorabilité et la compétence reconnue de l'expert Chatelin il convient, compte tenu de l'importance et de la complexité du litige et dès lors qu'une collégialité d'experts entre les prévisions de la convention liant les parties, de lui adjoindre deux experts de la Principauté ;

Considérant, d'autre part, que c'est à juste titre que le premier juge a estimé qu'il n'appartenait pas au magistrat des référés d'interpréter les conventions des parties et qu'il échet en conséquence de limiter la mission impartie aux experts à ce qui a été, par avance, convenu entre les parties, étant observé que celles-ci pourront éventuellement demander aux experts saisis de procéder à leurs évaluations à des dates différentes et notamment à la date du dépôt de leur rapport ;

Considérant que la présente expertise qui est instaurée dans le cadre des conventions liant les parties n'est pas soumise à la réglementation de l'expertise judiciaire et qu'il n'y a pas lieu en conséquence d'appliquer les articles 346 et 353 du Code de procédure civile ;

Considérant par ailleurs, que la demande de l'État de Monaco tendant à ce que les experts saisis procèdent, en cas de désaccord de toutes les parties sur ce point, à la ventilation entre celles-ci du prix de cession estimé n'est pas critiquée par les appelants et qu'il échet d'y faire droit en raison de l'utilité pratique d'une telle mesure ;

Considérant enfin que la présente procédure est poursuivie dans l'intérêt commun des parties et qu'il convient en conséquence de faire masse des dépens de première instance et d'appel et de dire qu'ils seront supportés par moitié, d'une part par l'État de Monaco, d'autre part, par les appelants ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Réforme l'ordonnance de référé du 8 février 1985 et, faisant ce que le premier juge aurait dû faire, rétracte l'ordonnance sur requête du 3 août 1984 ;

Et statuant à nouveau sur la demande de l'État de Monaco en date du 2 août 1984 désigne en qualité d'expert MM. André Chatelin, Roger Orecchia et Joseph Lori avec mission prévue à l'article 5 de la convention du 5 décembre 1956 ;

Dit que les experts procéderont, en cas d'accord de toutes les parties sur ce point, à la ventilation entre celles-ci du prix de cession estimé ;

Composition

MM. Vialatte, prem. prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Karczag-Mencarelli, J.-Ch. Marquet, av. déf. ; Léandri, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25098
Date de la décision : 07/05/1985

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : S.C.I. ALME et autres
Défendeurs : État de Monaco

Références :

article 345 du Code de procédure civile
articles 346 et 353 du Code de procédure civile
ordonnance du 3 août 1984
article 851 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1985-05-07;25098 ?

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