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18/12/1984 | MONACO | N°25617

Monaco | Cour d'appel, 18 décembre 1984, L. G. et R. C. c/ T. D. et autres.


Abstract

Droits sous condition suspensive

Possibilité de cession entre vifs ou à cause de mort (oui). Société. Dissolution. Assimilation à la mort du mandant ou du mandataire prévue par l'article 1842 du Code civil (oui). Mandat. Fin du mandat du fait de la mort du mandant ou du mandataire (article 1842 du Code civil). Disposition supplétive de la volonté des parties (oui). Volonté contraire des parties pouvant s'induire de la nature ou de l'objet du mandat (oui). Mandat irrecevable. Révocation expresse ou tacite par le mandant. Faute (oui).

Résumé

Le dr

oit conféré par une obligation sous condition suspensive est librement cessible par...

Abstract

Droits sous condition suspensive

Possibilité de cession entre vifs ou à cause de mort (oui). Société. Dissolution. Assimilation à la mort du mandant ou du mandataire prévue par l'article 1842 du Code civil (oui). Mandat. Fin du mandat du fait de la mort du mandant ou du mandataire (article 1842 du Code civil). Disposition supplétive de la volonté des parties (oui). Volonté contraire des parties pouvant s'induire de la nature ou de l'objet du mandat (oui). Mandat irrecevable. Révocation expresse ou tacite par le mandant. Faute (oui).

Résumé

Le droit conféré par une obligation sous condition suspensive est librement cessible par son créancier.

Les dispositions de l'article 1842 du Code civil selon lesquelles le mandat finit par la mort du mandataire, à laquelle est assimilée la dissolution d'une société, ne sont pas d'ordre public et cessent de s'appliquer lorsque telle est la volonté du mandant, laquelle peut en particulier s'induire de la nature ou de l'objet du mandat.

Motifs

LA COUR,

Statuant sur l'appel interjeté par L. G. et R. C. d'un jugement du Tribunal de première instance du 9 juin 1983 lequel les a déboutés de leurs demandes tendant à voir condamner solidairement les sieurs T. D. et la S.C.I. J. R. à leur payer la somme de cinq millions de francs, sauf à parfaire, à titre de dommages-intérêts et, conjointement et chacun pour un tiers de ladite somme, la Société « Entreprise D. S.A. » et le sieur G. D. en leur qualité d'associés de la S.C.I. J. R. ;

Considérant que des éléments de la cause résultent les faits suivants :

Suivant acte sous seing privé du 24 février 1962 L. C., agissant en qualité d'administrateur délégué de la S.A.M. Terrimeuble et faisant état d'une promesse de vente consentie à ladite Société, avec faculté de substitution, par le sieur J. M. de tous ses droits portant sur l'immeuble dit « Hôtel du Helder », moyennant le prix de 600 000 francs, a manifesté son intention de substituer en qualité d'acquéreur à la Société Terrimeuble une société à constituer sous la dénomination de « Société Immobilière du Helder » et s'est engagé à céder à T. D., qui a accepté, la totalité du capital de ladite Société moyennant : a) la somme de 600 000 francs dont le sieur G. a donné quittance et b) le mandat exclusif et irrévocable de vendre les locaux, appartements et immeubles construits ou à construire des opérations immobilières « Saint-Charles » (propriété de la S.C.I. J. R.) et Helder ;

Suivant acte sous seing privé du 16 mars suivant intitulé : « Modalités de mandat de vente », T. D., agissant tant en son nom personnel que pour le compte de la Société J. R. et, éventuellement de la « Société Immobilière du Helder » et L. G., agissant pour le compte de la Société « Terrimeuble » ont « précisé les modalités du mandat exclusif conféré à la Société Terrimeuble pour la vente des locaux dépendants des opérations immobilières Saint Charles » (propriété de la Société J. R.) et Helder dont la réalisation n'était qu'éventuelle ;

Il est notamment précisé audit acte que :

1° le mandat de vente s'applique aux locaux devant être construit par chacune des sociétés mais non aux immeubles dans leur état actuel,

2° ledit mandat prendra effet à partir du jour où chacune des sociétés de construction aura décidé de la vente des locaux à édifier, lesdites sociétés conservant la faculté de ne pas mettre en vente telle ou telle partie des locaux que bon leur semblera ; le mandat de vente se terminera en principe lors de la vente du dernier appartement ou local dont la mise en vente aura été décidée, mais prendra fin en tout état de cause à l'expiration d'un délai de deux ans après l'achèvement de l'immeuble,

3° il est alloué à la société « Terrimeuble » bénéficiaire du mandat de vente, une commission de 5 % calculée sur le montant des prix de vente, 30 % de ladite commission devant être employés en frais de publicité, la Société Terrimeuble s'engageant par ailleurs à avoir un représentant dans tous les pays d'Europe et aux États-unis susceptible de donner suite aux effets de la publicité,

4° dans le cas où le sieur G. ne serait plus administrateur délégué de la Société « Terrimeuble » le nouvel administrateur délégué ou tout autre administrateur, directeur ou gérant de ladite société devra être agréée par le sieur D. sous peine de résiliation du mandat de vente lequel « bien entendu n'est pas transmissible au profit des tiers sauf en faveur de MM. L. G. et R. C. qui sont d'ores et déjà agréés par le constructeur » ;

Enfin, après d'autres stipulations de moindre intérêt pour la présente espèce il est mentionné au n° 8 dudit acte :

« Les présentes conventions annulent purement et simplement toutes celles passées entre les soussignés au sujet du mandat de vente dont s'agit, antérieurement à ce jour » ;

Le 18 mai 1978 la Société « J. R. » dépose une demande d'accord préalable en vue d'édifier sur le terrain des immeubles dit « hôtel Régina » et « Villa Annette » . une surface constructible vendable de 5 774 m2 ;

Par acte des 8 et 17 août suivants reçu par Maître Rey, Notaire à Monaco, la société « J. R. » représentée par le mandataire de son gérant T. D. vend les immeubles susvisés à la S.C.I. Ambre représentée par ses deux gérants statutaires, les sieurs S. H. et T. D. et ce, sous la condition suspensive de l'obtention, par la Société acquéreur, du permis de construire l'ensemble immobilier ayant fait l'objet de la demande d'accord préalable du 18 mai 1978 ;

Le 25 juin 1979 intervient un arrêté ministériel n° 79-274 prononçant le retrait de l'autorisation de constitution donnée à la société « Terrimeuble » et lui impartissant un délai de deux mois pour procéder à sa dissolution et à sa mise en liquidation et un délai de six mois à compter de la dissolution pour achever les opérations de liquidation ;

Par arrêté n° 79/501 du 21 décembre 1979 la Société Ambre obtient le permis de construire sollicité et, le même jour, les sieurs C. et G. font notifier aux trois notaires de la Principauté la convention du 16 mars 1962 et, faisant état du fait que l'opération dénommée « Le Régina », ., relève de l'opération « Saint-Charles » prévue à ladite convention, somment les notaires susvisés d'en rappeler le contenu au sieur D. et aux acquéreurs éventuels et de leur faire connaître leur intention d'en poursuivre l'exécution ;

Par acte du 28 décembre 1979 reçu par le Notaire Rey les Sociétés « J. R. » et « Ambre » représentées de même façon que lors de l'acte des 8 et 17 août 1978 constatent la survenance de la condition suspensive qui s'y trouve insérée et réitèrent les stipulations ;

Suivant exploit du 1er avril 1982, les sieurs G. et C., faisant état de ce que les constructions prévues à l'acte du 16 mars 1962 ont commencé à être mises en vente dans le courant du mois de janvier 1982 sans qu'ils en aient été avisés et mis à même d'exécuter la convention susvisée, ont assigné T. D. et la Société « J. R. » en paiement solidaire de la somme de cinq millions de francs correspondant aux montants approximatifs des commissions qu'ils auraient pu percevoir sur les ventes des nouvelles constructions « Régina », sauf à parfaire ladite indemnisation lors de la mise en vente des lots restant à édifier ;

En outre, soutenant que la S.C.I. J. R. dont les parts étaient détenues chacun pour un tiers par les sieurs T. D., G. D. et la Société « Entreprise D. S.A. » s'est rendue insolvable par la cession de son patrimoine immobilier réalisée par les actes des 8 et 17 août 1978 et 28 décembre 1979, les sieurs G. et C. ont assigné le sieur G. D. et la Société « Entreprise D. S.A. » en paiement conjoint, chacun pour un tiers, des sommes ci-avant précisées ;

Pour les débouter de leurs demandes les premiers juges, prenant en considération le fait que, par le contrat du 16 mars 1962, les parties avaient conventionnellement différé la prise d'effet du mandat de vente à la date de la décision par les sociétés de construction de mise en vente des locaux à édifier, ont estimé :

* qu'une telle décision, située par les demandeurs en janvier 1982 n'apparaît pas, en tout état de cause, être intervenue avant le 21 décembre 1979, date de l'autorisation de construire délivrée par le Gouvernement Monégasque ;

* qu'en conséquence, antérieurement à cette date de prise d'effet de la convention, les droits découlant de l'exclusivité de la commercialisation des locaux reconnus à la Société « Terrimeuble » n'étaient pas nés et n'avaient pu être transmis au profit de tiers, fussent-ils agréés par D., comme ils apparaissaient l'avoir été par les demandeurs,

* qu'il s'en suivait que ceux-ci ne pouvaient se prévaloir à titre personnel du bénéfice de l'exclusivité consentie,

* que, par ailleurs, la Société « Terrimeuble » ayant fait l'objet le 25 juin 1979 d'un retrait d'autorisation de constitution les dispositions de l'article 5 de la loi n° 767 du 8 juillet 1964 lui interdisait, à compter du 25 août 1979 et sous peine de nullité, de transférer le bénéfice du contrat de 1962,

* qu'en outre, à supposer que les sieurs G. et C. en leur qualité de seuls associés de la Société « Terrimeuble » aient eu vocation à recevoir le patrimoine de ladite société à sa liquidation, ils n'auraient pu disposer de plus de droits que n'en tenait la société lors de sa dissolution ;

Considérant que l'appui de leur appel qui tend, par réformation du jugement entrepris à voir les intimés condamnés à leur payer, en tout ou en partie, la somme de onze millions cinq cent mille francs de dommages-intérêts, sauf à parfaire ladite indemnisation au vu du montant total des ventes en fin de l'opération immobilière « Régina » et à la diminuer de 30 %, montant des frais qui devaient être affectés à la publicité, les sieurs G. et C. font valoir les moyens suivants ;

a) C'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'antérieurement à la date de prise d'effet de la convention du 16 mars 1962 les droits découlant de l'exclusivité de la commercialisation des locaux reconnus à la Société « Terrimeuble » n'étaient pas nés et n'avaient donc pu être transmis au profit de tiers, fussent-ils agréés par D. En effet, la condition dont était affectée ladite convention, à savoir qu'elle ne prendrait effet qu'à partir du jour où les sociétés de construction auraient décidé de la vente des locaux à édifier, constitue soit un terme, soit une condition suspensive. Dans le premier cas, l'obligation existe, même avant l'échéance, dès l'accord des parties et les droits de la Société « Terrimeuble » étaient donc bien transmissibles dès le 16 mars 1962. Dans le second cas, il en est de même, car lorsque la condition est accomplie, elle rétroagit au jour où l'engagement a été contracté. De plus, avant même l'effet de rétroaction, il existe au bénéfice du contractant un droit éventuel qui, d'ailleurs, passe à son héritier (article 1034 du Code civil) ; il en résulte que les droits de la Société « Terrimeuble » pouvaient donc être transmis le 25 juin 1979, date de sa dissolution ;

b) Ces droits ont été transmis aux Sieurs G. et C. En effet, si le mandat finit par la mort du mandataire, cas auquel est assimilé la dissolution d'une société, une telle règle n'est pas d'ordre public et cesse de s'appliquer lorsque telle est la volonté du mandant, laquelle peut s'exprimer explicitement ou s'induire des circonstances et notamment de l'objet du mandat et du but dans lequel il a été donné. En l'espèce, la volonté de transmission du mandat de la Société « Terrimeuble » à ses ayants droits résulte tant de l'article 4 de la convention du 16 mars 1962 aux termes duquel les sieurs G. et C. sont agréés par avance en qualité de cessionnaires du mandat exclusif de commercialisation que des circonstances de la cause. En effet, la cause du mandat d'exclusivité réside dans les services qui ont été rendus par les appelants au sieur D. Ce sont eux qui lui ont présenté les opérations Helder et Régina qui, à l'époque, étaient confondues dans la convention du 16 mai 1962 et c'est le sieur C. qui, par un prêt de 600 000 francs qu'il a consenti au sieur D., a rendu l'opération possible. En outre, le sieur C. a eu un rôle personnel dans la réalisation de ladite opération ainsi qu'il ressort de la correspondance versée aux débats ;

c) A titre subsidiaire, pour le cas où la thèse B ci-avant ne serait pas retenue, la convention de commercialisation exclusive doit être considérée comme un actif faisant partie du patrimoine de la société « Terrimeuble » lequel, lors de la dissolution de la société, a été transmis aux deux seuls actionnaires de la société, les sieurs G. et C. sans que contrairement à ce que les premiers juges ont estimé, la loi du 8 juillet 1964 ait pu faire obstacle à une telle transmission ;

d) Le fait par la société « J. R. » d'avoir cédé ses droits immobiliers, ce qui la met dans l'impossibilité de réaliser l'opération prévue par la convention du 16 mars 1962, s'analyse en une révocation tacite du mandat d'exclusivité consenti par la même convention à la société « Terrimeuble ». Ce mandat ayant été donné à titre irrévocable, une telle révocation est fautive lorsqu'elle n'est pas motivée par une faute du mandataire, laquelle n'est pas invoquée en l'espèce. C'est la faute ainsi commise par le sieur D. et la société « J. R. » qui sert de fondement à la demande de dommages-intérêts des mandataires évincés. Par leurs conclusions du 10 janvier 1984 les appelants, tout en reprenant les demandes contenues dans leur acte d'appel concluent, à titre subsidiaire, à la désignation d'un expert avec mission d'établir leur manque à gagner compte tenu du montant des commissions qui leur étaient dues et des frais qu'ils auraient été amenés à engager pour l'exécution de leur mandat. De leur côté, les intimés qui, par leurs conclusions du 17 avril 1984 avaient sollicité la confirmation « pure et simple » du jugement entrepris ont, le 4 octobre 1984, déposé de nouvelles conclusions dont le dispositif est ainsi libellé :

« Déclarer Messieurs G. et C., faute de qualité et d'intérêt légitimement protégé, à rechercher les concluants dans les termes de leur exploit introductif d'instance et ceux de leur exploit d'appel  » ;

Dire que la promesse de mandat d'exclusivité consentie le 16 mars 1962 à la S.A.M. « Terrimeuble » personne morale, par M. T. D., agissant tant en son nom personnel que pour le compte de la S.C.I. J. R. et, éventuellement, de la S.C.I. du Helder, ne s'est pas réalisée pendant la vie sociale de cette société ;

Dire et juger que la liquidation de cette société n'a pu rendre Messieurs C. et G., en leur qualité d'anciens actionnaires, personnellement titulaire de la promesse du 16 mars 1962 ;

Dire et juger, très subsidiairement, que cette cession de droits à Messieurs C. et G. n'a pu s'effectuer et, de surcroît, automatiquement par l'effet combine de la disparition de la société « Terrimeuble » et de l'article 4 alinéa 2, indépendamment de la liquidation forcée de la société Terrimeuble ;

Déclarer irrecevables, comme nouvelles en cause d'appel, les demandes que les appelants voudraient déduire des pièces communiquées pour la première fois en cause d'appel et les déclarer en tout cas infondées ;

Déclarer les appelants infondés dans leurs critiques à l'encontre des motifs du jugement entrepris ;

Dire n'y avoir lieu en l'état à expertise ;

Débouter en conséquence les appelants des fins de leur exploit introductif d'instance et de leurs conclusions subséquentes ;

Confirmer en conséquence le jugement entrepris et condamner les appelants aux entiers dépens tant de première instance que d'appel dont distraction au profit de Maître J.-Ch. Marquet, avocat-défenseur, sous son affirmation de droit ;

Sur ce :

Considérant que devant la Cour les sieurs G. et C. n'ont formé aucune demande nouvelle et qu'ils étaient en droit, ainsi qu'ils l'ont fait, de procéder à de nouvelles communications de pièces et de soulever des moyens nouveaux à l'appui de leurs demandes initiales ; qu'il en résulte que le moyen d'irrecevabilité que les intimés entendent tirer de ce que les appelants auraient formé devant la Cour des demandes nouvelles, lesquelles au demeurant ne sont pas précisées, manque en fait et doit être rejeté ;

Considérant qu'il n'est pas contesté par les intimés que le programme immobilier dénommé « Le Régina » est l'un de ceux qui étaient prévus tant par l'acte du 16 mars 1962 que par celui du 24 février précédent ;

Considérant que l'obligation contractée aux termes de ces deux actes par T. D. et la société J. R. envers les appelants dépendait de la décision des sociétés de construction intéressées de vendre les immeubles à édifier, donc d'un événement futur et incertain et constituait ainsi une obligation sous condition suspensive telle que prévue par l'article 1036 du Code civil ;

Considérant qu'une telle obligation est, selon l'article 1034 du Code civil, transmissible aux héritiers de son créancier et que, par extension de l'article 1963 du Code civil qui permet à un propriétaire sous condition suspensive d'hypothéquer son droit au profit de son propre créancier, la jurisprudence admet la cessibilité du droit au bénéfice de la condition ; qu'ainsi, le créancier sous condition suspensive peut volontairement céder son droit, tout comme le propriétaire sous condition suspensive ;

Considérant qu'il en résulte que l'appréciation des premiers juges selon laquelle les droits conférés à la société « Terrimeuble » par l'acte du 16 mars 1962 n'étaient pas nés antérieurement à la prise d'effet de ladite convention, survenue postérieurement à la dissolution de la société, et n'avaient donc pu être transmis au profit de tiers, fussent-ils agréés par D., est erronée et doit être écartée ;

Considérant par ailleurs que les intimés ne contestent pas que les dispositions de l'article 1842 du Code civil aux termes desquelles le mandat finit par la mort du mandataire, à laquelle est assimilée la dissolution d'une société, ne sont pas d'ordre public et cessent de s'appliquer lorsque telle est la volonté du mandant laquelle peut en particulier s'induire de la nature ou de l'objet du mandat ;

Qu'il échet en conséquence de rechercher si, ainsi que le soutiennent les appelants, les effets du mandat se sont poursuivis à leur bénéfice après la dissolution de la société « Terrimeuble » et ce, par l'effet de la volonté tacite du mandant ;

Considérant que la convention du 16 mars 1962 est intitulée « modalités de vente » et indique, après la désignation des parties, qu'elle a pour objet de « préciser d'un commun accord les modalités du contrat exclusif conféré à la société » Terrimeuble « ; qu'elle apparaît ainsi se référer à un mandat donné antérieurement à ladite société ;

Considérant par ailleurs qu'au paragraphe 8 de ladite convention, il est stipulé : » lesdites conventions annulent purement et simplement toutes celles passées entre les sous-signés au sujet du mandat dont s'agit, antérieurement à ce jour « ;

Considérant qu'il résulte du rapprochement de ces dispositions une contradiction qui rend nécessaire l'interprétation de l'acte susvisé ;

Considérant que ledit acte ne révèle pas la cause du mandat exclusif et irrévocable conféré à la société » Terrimeuble « et que, sur ce point, la commune intention des parties doit être recherchée dans l'acte précédent du 24 février 1962 ;

Considérant qu'il résulte des dispositions de cet acte que la promesse de cession consentie à D. par G., esqualités d'administrateur délégué de la société » Terrimeuble « l'était moyennant, d'une part, la somme de 600 000 francs payés par D. au moyen de grosses au porteur, d'autre part, le mandat exclusif et irrévocable donné à la société » Terrimeuble « de vendre les locaux à édifier notamment sur le terrain faisant l'objet de la promesse de cession ;

Considérant qu'il doit être ainsi retenu que le mandat exclusif et irrévocable donné à la société » Terrimeuble « par la convention du 16 mars 1962 constitue un paiement, ce que les intimés ne contestent d'ailleurs pas ;

Considérant que ce paiement était nécessairement destiné, par delà la société » Terrimeuble «, aux sieurs G. et C. qui, en 1962, comme lors de la dissolution de la société, en étaient les deux seuls actionnaires et qui, aux termes de la convention du 16 mars 1962 dont ils réclament l'exécution, étaient par avance agréés en qualité de cessionnaires éventuels du mandat ;

Considérant que s'induit de ce qui précède, l'intention des parties et notamment du mandant de ne pas mettre fin au mandat lors de la dissolution éventuelle de la société » Terrimeuble « et, au contraire, dans un tel cas d'en maintenir le bénéfice au profit des appelants ;

Considérant que cette interprétation doit d'autant plus être retenue qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment de la lettre du sieur G. au sieur D. visée et annexée à la convention du 24 février 1962 ainsi que de la lettre adressée le 23 octobre 1963 à la société » J. R. « par la Banca commerciale italiana que G. est intervenu pour favoriser sur le plan financier les entreprises de la société J. R. et du sieur D. relatives à la réalisation de l'opération immobilière rendue possible par la promesse de cession du 16 mars 1962 ;

Considérant qu'étant ainsi acquis que C. et G., du fait de la dissolution de la société » Terrimeuble «, sont devenus les bénéficiaires du mandat conféré par D. et la société J. R. il convient de relever que ces derniers qui, en conséquence de la vente par eux consentie aux termes de l'acte du 28 décembre 1979, se sont mis dans l'impossibilité d'exécuter les obligations découlant dudit mandat ont commis une faute dont ils doivent réparation aux mandataires lésés ;

Considérant que contrairement à ce que soutiennent les appelants leur préjudice résultant de cette faute ne trouve pas sa seule mesure dans leur manque à gagner ;

Qu'il convient en effet de rappeler que l'acte du 16 mars 1962 prévoyait, d'une part, la faculté pour les sociétés constructrices, selon ce que bon leur semblerait, de ne pas mettre en vente telle ou telle partie des locaux à édifier, d'autre part que le mandat exclusif et irrévocable de vendre lesdits locaux donné à la société » Terrimeuble « devait prendre fin en tout état de cause à l'expiration d'un délai de deux ans après l'achèvement de l'immeuble, clauses qui permettaient aux mandants, s'ils ne s'étaient pas estimés dégagés de toute obligation envers les mandataires ou s'ils n'avaient pas cru pouvoir se soustraire à l'exécution desdites obligations, de diminuer dans de notables proportions le volume des ventes qui devaient être réalisées par l'intermédiaire des appelants ;

Considérant que compte tenu de ces éléments, de l'importance et du prix de mise en vente des locaux édifiés dans le cadre de l'opération immobilière » Régina « ainsi que des frais que les mandataires auraient été amenés à engager et, pour partie, à avancer pour l'exécution de leur mandat, la Cour, sans avoir à recourir à la mesure d'expertise sollicitée à titre subsidiaire par les appelants, possède les éléments suffisants pour fixer leur préjudice, à titre forfaitaire et définitif, à la somme de cinq cent mille francs ;

Considérant que le sieur T. D. et la société » J. R. «, par leurs fautes respectives, ont concouru à la réalisation de l'entier dommage causé aux appelants et qu'il échet en conséquence de les condamner in solidum au paiement de la somme susvisée ;

Considérant que la société » Entreprise D. « et le sieur G. D. ne contestent pas le principe de leur responsabilité personnelle en leur qualité de porteurs de parts, pour un tiers chacun, de la société civile J. R. et qu'il échet en conséquence, conformément à la demande des sieurs G. et C., de les condamner conjointement pour un tiers chacun, au paiement des dommages-intérêts arbitrés par la Cour ;

Considérant enfin que le sieur T. D. et la société J. R. qui succombent doivent être condamnés aux dépens tant de première instance que d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Accueille pour parties les sieurs C. et G. en leur appel, réforme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, condamne in solidum le sieur T. D. et la société » J. R. « à leur payer la somme de cinq cent mille francs à titre de dommages-intérêts ;

Condamne le sieur G. D. et la société » Entreprise D. ", chacun pour un tiers, au paiement de la somme susvisée ;

Composition

MM. Vialatte, prem. prés. ; Merqui, vice-prés. ; Truchi, prem. subst. proc. gén. ; MMe Marquet, av. déf., Sangiorgio, av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25617
Date de la décision : 18/12/1984

Analyses

Contrat - Général ; Contrat de mandat


Parties
Demandeurs : L. G. et R. C.
Défendeurs : T. D. et autres.

Références :

article 1036 du Code civil
article 1842 du Code civil
article 1963 du Code civil
article 1034 du Code civil
article 5 de la loi n° 767 du 8 juillet 1964
loi du 8 juillet 1964


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1984-12-18;25617 ?

Source

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