La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/01/1984 | MONACO | N°25968

Monaco | Cour d'appel, 31 janvier 1984, Dame M.-A. P. c/ Sieur P. S.


Abstract

Divorce

Divorce entre français - Conséquences du divorce - Loi française applicable (oui) - Prestations compensatoires prévues par les articles 270 et suivants du Code civil français - Compatibilité avec l'ordre public monégasque (oui)

Résumé

Les conséquences du divorce prononcé entre deux époux de nationalité française doivent être appréciées, conformément à leur demande, au regard des dispositions de la loi française, hormis le cas où lesdites dispositions seraient contraires à l'ordre public monégasque.

Les dispositions de l

a loi française relatives à la prestation compensatoire que l'un des époux peut être tenu de verser ...

Abstract

Divorce

Divorce entre français - Conséquences du divorce - Loi française applicable (oui) - Prestations compensatoires prévues par les articles 270 et suivants du Code civil français - Compatibilité avec l'ordre public monégasque (oui)

Résumé

Les conséquences du divorce prononcé entre deux époux de nationalité française doivent être appréciées, conformément à leur demande, au regard des dispositions de la loi française, hormis le cas où lesdites dispositions seraient contraires à l'ordre public monégasque.

Les dispositions de la loi française relatives à la prestation compensatoire que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre pour compenser autant qu'il est possible la disparité que la rupture du mariage mettant fin au devoir de secours crée dans les conditions de vie respectives des époux ne sont, ni dans leur principe, ni dans leurs modalités d'application contraires à l'ordre public monégasque, ni aux principes fondamentaux du droit de la principauté.

Motifs

La Cour,

Considérant que par jugement du 20 janvier 1983 le Tribunal de première instance a :

1° débouté P. S. de sa demande en divorce, a fait droit à la demande en divorce de son épouse M.-A. P., et, en conséquence, a prononcé le divorce des époux S.-P. aux torts exclusifs du mari,

2° confirmé les mesures provisoires ayant confié à la mère la garde de l'enfant commun et réglementé le droit de visite du père,

3° condamné P. S. à payer à M.-A. P. la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

4° condamné P. S. à verser à M.-A. P. une pension alimentaire de 4 000 francs à titre personnel et une pension mensuelle de 4 000 francs à titre de part contributive à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun, et ordonné l'indexation desdites pensions,

5° dit M.-A. P. sans droit ni titre à se maintenir dans l'appartement, propriété de S., sis [adresse],

6° ordonné, sauf meilleur accord des parties, la restitution par M.-A. P. à P. S. du véhicule automobile de marque Fiat immatriculé à Monaco,

7° débouté M.-A. P. de sa demande en paiement de prestation compensatoire fondée sur les dispositions des articles 270 et suivants du Code civil français ;

Considérant que la dame M.-A. P. fait valoir à l'appui de son appel principal qu'elle déclare limiter aux chefs n° 3, 5, 6 et 7 du jugement précité :

a) sur le chef n° 3 :  qu'il doit être fait droit à sa demande initiale tendant à la condamnation de son mari à lui payer la somme de 350 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'indemnité de 100 000 francs qui lui a été allouée ne compensant pas le préjudice qu'elle a subi du fait de la rupture du lien conjugal imputable à son mari ;

b) sur le chef n° 5 :  que la pension alimentaire qui lui est versée par son mari ne lui permet pas de se reloger à Monaco, compte tenu des prix des loyers qui y sont pratiqués alors que le maintien de la qualité de résident privilégié de l'enfant commun (comme étant né à Monaco d'un père qui était majeur en 1957), lequel maintien constitue un avantage incontestable pour l'enfant, est subordonné à la pérennité de sa domiciliation en Principauté ;

c) sur le chef n° 6 :  qu'il y a lieu de lui laisser l'usage du véhicule litigieux qui a été payé par chèques tirés sur le compte commun des époux ;

d) sur le chef n° 7 :  en fait, que l'appartement sis [adresse] où était fixé le domicile conjugal a été réglé au moyen de fonds provenant d'un compte commun des époux alimenté par le travail professionnel du mari et par les économies et le travail ménager de la femme ; qu'il résulte d'une attestation de l'agence AGEDI du 28 avril 1983 que cet appartement pouvait être proposé à cette date à la vente au prix de 2 300 000 francs ; que du fait que cet appartement qui juridiquement est un bien propre de son mari doive demeurer dans le patrimoine de celui-ci la rupture du lien conjugal crée dans les conditions de vie respectives des époux une disparité qui doit être compensée par le versement d'une prestation de 500 000 francs, sur le fondement des articles 270 et suivants du Code civil français ;

En droit, que bien qu'ayant considéré à juste titre que les règles du droit international privé monégasque peuvent trouver à s'appliquer lorsque les parties le demandent et conduire, en conséquence, comme il est demandé en l'espèce à faire régir par leur loi nationale le divorce d'époux de nationalité française, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'ordre public monégasque faisait obstacle à l'application en Principauté de la disposition instituée en France par la loi du 11 juillet 1975 sous le nom de Prestations compensatoires, alors que lesdites prestations qui tendent à rétablir un équilibre rompu par la dissolution du lien conjugal et qui de ce fait présentent un caractère moral certain ne sauraient troubler l'ordre public de la Principauté ;

Considérant que la dame M.-A. P. conclut en conséquence à la réformation partielle du jugement déféré et à l'adjudication de son exploit introductif d'instance ;

Considérant que le sieur P. S. fait valoir à l'appui de son appel incident qu'il déclare limiter aux chefs n° 1, 3 et 4 du jugement entrepris ;

Sur le chef n° 1 :

Que c'est à tort que les premiers juges, pour prononcer le divorce à ses torts exclusifs, ont estimé :

* d'une part, que le constat dressé par Bernard Durand, Huissier de Justice à Nice, les 1er, 2, 6 et 7 octobre 1982 et dont il apparaît qu'il s'est rendu à quatre reprises au domicile d'une dame M. à Nice - où le 2 octobre il est resté toute la nuit en prenant soin de quitter l'appartement avant six heures du matin, vêtu différemment que la veille - et où des vêtements lui appartenant ont été retrouvés, était révélateur d'un comportement fautif de sa part alors que le fait d'avoir résidé quelquefois au domicile de ladite dame M. « ne saurait être considéré comme injurieux à l'égard de l'épouse en instance de divorce qui a été autorisée à demeurer seule au domicile conjugal » dont l'appelant, bien qu'en étant le propriétaire, « a été chassé par l'ordonnance présidentielle » ;

* d'autre part, que la lettre que lui a adressée son épouse le 13 octobre 1980 ne faisait apparaître aucune injure grave, de nature à justifier la dissolution du lien conjugal, alors que par cette lettre la dame M.-A. P. manifestait elle-même son intention de rompre le lien conjugal si au mépris de leur contrat de mariage, il n'acceptait pas de lui concéder la moitié de la propriété de l'appartement qu'il avait seul acquis ;

Sur les chefs n° 3 et 4 :

Que le divorce devant être prononcé aux torts exclusifs de son épouse, le jugement entrepris doit être réformé en ce qu'il l'a condamné à verser à celle-ci la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts et une pension alimentaire de 4 000 francs par mois ;

Considérant que le sieur P. S. formule ainsi qu'il suit le dispositif de ses conclusions :

« Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé le divorce à ses torts exclusifs » ;

Prononcer le divorce des époux S.-P. aux torts exclusifs de l'épouse avec toutes conséquences de droit ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a confié à la mère la garde de l'enfant Denis et règlementé le droit de visite suivant les modalités précisées dans le dispositif et en ce qu'il a fixé à 4 000 francs mensuels, la part contributive du concluant à l'entretien et l'éducation de l'enfant commun qui sera révisée annuellement pour la première fois le 1er janvier 1984 en fonction des variations de l'indice français des prix de détails publié par l'INSEE, le cours de l'indice au mois du jugement entrepris étant pris pour base ;

Dire en conséquence que le concluant ne sera plus tenu à verser mensuellement à Madame M.-A. P. une pension alimentaire de 4 000 francs indexée dans les mêmes conditions que sa part contributive à l'entretien et à l'éducation de l'enfant commun ;

Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné P. S. à payer à Madame M.-A. P., la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Subsidiairement, au cas où la Cour confirmerait le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé le divorce d'entre les époux S.-P. aux torts exclusifs de ce dernier ;

Dire que P. S. sera tenu exclusivement au paiement de la pension alimentaire de 4 000 francs à l'exclusion de tous dommages-intérêts ;

Plus subsidiairement encore, au cas où dans cette hypothèse la Cour ferait droit à la demande de dommages-intérêts formée par Madame M.-A. P., confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé lesdits dommages-intérêts à 100 000 francs ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit M.-A. P. sans droit, ni titre à se maintenir dans l'appartement propriété de P. S. sis [adresse] ;

Et le réformant, ordonner l'expulsion de Madame M.-A. P. dudit appartement dès le prononcé de l'arrêt à intervenir et ce sous astreinte comminatoire de 100 francs par jour de retard ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la restitution par M.-A. P. à P. S. du véhicule automobile Fiat Ritmo, immatriculée à Monaco [numéro] ;

Condamner l'appelante principale aux entiers dépens, tant de première instance que d'appel, dont distraction au profit de Maître Philippe Sanita, Avocat-Défenseur, sous sa due affirmation « ;

Sur ce ;

Sur les appels des parties portant sur les chefs n° 1,3 et 5 et 6 du jugement entrepris

Considérant que par motifs pertinents que la Cour adopte et fait siens les premiers juges ont, par avance, répondu aux critiques formulées par les appelants ;

Qu'il échet, en conséquence de confirmer de ces chefs le jugement entrepris ;

Sur l'appel du sieur P. S., portant pour partie, sur le chefs n° 4 du jugement entrepris et sur l'appel de la dame M.-A. P. portant sur le chef n° 7 dudit jugement

Considérant que c'est avec raison que les premiers juges ont estimé que les deux époux étant de nationalité française, les conséquences du divorce doivent, ainsi qu'ils le demandent, être appréciées au regard des dispositions de la loi française, hormis le cas où lesdites dispositions seraient contraires à l'ordre public monégasque ;

Considérant qu'un tel principe fait obstacle à ce qu'il soit fait application de dispositions tirées concurremment des lois monégasques et françaises ;

Considérant qu'en condamnant, au regard de la loi française et à l'occasion d'un divorce qui n'était pas prononcé pour rupture de la vie commune, le sieur P. S. à verser à son épouse une » pension alimentaire " de 4 000 francs par mois, les premiers juges n'ont pu viser, tant en la qualifiant d'une manière inexacte que la rente qui, aux termes de l'article 276 du Code civil, est une des formes que peut prendre la prestation compensatoire instituée par l'article 270 du même code ; qu'en effet, aucune autre pension alimentaire que celle instituée par l'article 282 du Code civil, dans le cas où le divorce est prononcé pour rupture de la vie commune, n'est prévue par le Code civil français ;

Qu'il s'en suit que ce n'est pas sans contradiction que les premiers juges, tout en estimant la prestation compensatoire contraire à l'ordre public monégasque et en rejetant en conséquence la demande d'indemnité en capital demandée par la dame M.-A. P. sur un tel fondement lui ont toutefois alloué une rente qui ne peut être que l'une des formes de ladite prestation compensatoire ;

Considérant que cette prestation dont l'application est demandée par la dame M.-A. P. prévoit, telle qu'elle est instituée par la loi française, que lorsque le divorce met fin au devoir de secours prévu par l'article 212 du Code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives (article 270) ; que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible (article 271) ; que dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération notamment : - l'âge et l'état de santé des époux ; - le temps déjà consacré ou qu'il leur faudra consacrer à l'éducation des enfants ; - leurs qualifications professionnelles ; - leur disponibilité pour de nouveaux emplois ; - leurs droits existants et prévisibles ; - leur perte éventuelle de droits en matière de pension de réversion ainsi que leur patrimoine tant en capital qu'en revenus après la liquidation du régime matrimonial (article 272) ; qu'enfin, l'époux aux torts exclusifs de qui le divorce est prononcé n'a droit, sauf exception, à aucune prestation compensatoire (article 280-1) ;

Considérant que de telles dispositions, tant par leur principe que par leurs modalités d'application, n'intéressent que les intérêts privés et ne sauraient faire subir un trouble quelconque, à l'ordre public et aux bonnes mœurs, pas plus que porter atteinte aux valeurs essentielles de notre société ni aux principes fondamentaux du droit de la Principauté ;

Qu'il en résulte que c'est à tort à que les premiers juges ont estimé que lesdites dispositions étaient contraires à l'ordre public monégasque et qu'il échet en conséquence de réformer sur ce point le jugement entrepris ;

Considérant toutefois que la dame M.-A. P. en sollicitant à la fois, sur le fondement de la prestation compensatoire, le versement d'une rente et d'un capital, ne se soumet pas à la loi française laquelle ne prévoit le versement d'une rente que lorsque l'époux débiteur ne dispose pas d'un capital suffisant pour régler le montant de l'indemnité arbitrée par le juge ;

Qu'il échet en conséquence d'inviter la dame M.-A. P. à formuler sa demande de prestation compensatoire sous la seule forme d'une demande en capital, le sieur P. S. étant invité de son côté à indiquer s'il dispose de liquidités immédiates suffisantes pour le cas où il serait fait droit à la demande de son épouse ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Statuant dans les limites des appels ;

Confirme le jugement du 20 janvier 1983 en ce qu'il a :

1° débouté P. S. de sa demande en divorce, a fait droit à la demande en divorce de son épouse M.-A. P. et, en conséquence, a prononcé le divorce des époux S.-P. aux torts exclusifs du mari,

2° condamné P. S. à payer à M.-A. P. la somme de 100 000 francs à titre de dommages-intérêts,

3° dit M.-A. P. sans droit ni titre à se maintenir dans l'appartement, propriété de P. S., sis [adresse], et ce, sous réserve de l'application éventuelle de l'article 275 du Code civil français,

4° ordonné, sauf meilleur accord des parties, la restitution par M.-A. P. à P. S. du véhicule automobile de marque Fiat immatriculé à Monaco [numéro] ;

Et avant dire droit plus avant au fond,

Enjoint à :

1° la dame M.-A. P. de présenter avant le 21 février 1984 sous la seule forme d'une demande en paiement d'un capital sa demande de prestation compensatoire actuellement présentée sous la forme d'une demande en paiement d'un capital et d'une rente,

2° le sieur P. S. d'indiquer, avant le 6 mars 1984, s'il dispose de liquidités immédiates suffisantes pour le cas où il serait fait droit à la demande de son épouse ;

Composition

MM. Vialatte, prem. prés. ; Merqui, vice-prés. ; Mme Picco-Margossian, proc. gén. ; MMe Sanita, av. déf. et Boitel (du Barreau de Nice), av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25968
Date de la décision : 31/01/1984

Analyses

Civil - Général ; Droit de la famille - Dissolution de la communauté et séparation de corps


Parties
Demandeurs : Dame M.-A. P.
Défendeurs : Sieur P. S.

Références :

article 212 du Code civil
loi du 11 juillet 1975
article 276 du Code civil
article 282 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1984-01-31;25968 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award