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01/07/1980 | MONACO | N°25898

Monaco | Cour d'appel, 1 juillet 1980, V. R. c/ Consorts H., R. O., ès qualités de syndic de faillite.


Abstract

Faillite - Inscription à l'état des créances

Autorité de la chose jugée de la décision du juge commissaire - Caractère relatif (oui) - Opposabilité de l'inscription à l'état des créances aux créanciers « hors la masse » et aux tiers (non) - Principe de l'irrévocabilité de l'admission - Caractère absolu (non)

Résumé

Le principe de l'irrévocabilité de l'admission au passif de la faillite ne peut avoir qu'un effet relatif et ne joue qu'à l'égard de la masse et non à l'égard des créanciers qui ne font pas partie de cette masse ni des

tiers auxquels l'admission est inopposable.

Ce même principe ne s'applique que dans la mesure de ...

Abstract

Faillite - Inscription à l'état des créances

Autorité de la chose jugée de la décision du juge commissaire - Caractère relatif (oui) - Opposabilité de l'inscription à l'état des créances aux créanciers « hors la masse » et aux tiers (non) - Principe de l'irrévocabilité de l'admission - Caractère absolu (non)

Résumé

Le principe de l'irrévocabilité de l'admission au passif de la faillite ne peut avoir qu'un effet relatif et ne joue qu'à l'égard de la masse et non à l'égard des créanciers qui ne font pas partie de cette masse ni des tiers auxquels l'admission est inopposable.

Ce même principe ne s'applique que dans la mesure de ce qui a été vérifié et admis et ne concerne, en conséquence, que le montant et le caractère - privilégié ou chirographaire - des créances admises car, seuls ces éléments à l'exclusion de tous autres, sont de nature à permettre au magistrat d'arrêter « ne varietur » l'état du passif.

(Arrêt Cour de révision du 3 novembre 1981. Rejet du pourvoi formé par V. R..)

Motifs

La Cour

Attendu qu'il est constant qu'en suite de la déclaration de faillite de la S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace, en abrégé M.C.R.P., prononcée par jugement du 28 janvier 1972, le sieur V. R. qui, par acte sous seing privé du 23 décembre 1966, enregistré, s'était engagé à accorder à cette société un prêt de trois millions de francs, produisait au passif de ladite faillite et était admis à titre chirographaire pour un montant de 5 959 352 francs ;

Attendu que, se prévalant d'une lettre à eux adressée le 23 décembre 1966 par V. R., ainsi libellée : « Chers Messieurs, suite au mandat que vous m'avez confié, relatif au placement immobilier dont référence à l'acte ci-annexé, je vous délègue à ma décharge, tous les droits, avantages et garanties résultant dudit acte, accompagné de la garantie de bonne fin du Crédit de Monaco, dont photocopie également jointe ... », les sieurs L. H. et A. H. assignaient, ensuite d'itératives et vaines interventions auprès de lui, ledit V. R. ensemble avec le sieur R. O., pris en sa qualité de syndic de la faillite de la S.C.I. précitée - aux fins d'entendre dire et juger, en l'état de l'engagement souscrit par ledit R. le 23 décembre 1966, que la créance chirographaire par lui produite et admise au passif de cette faillite, serait inscrite aux noms de L. H. et A. H. pour un montant total de 4 280 222 francs, et de 2 140 111 francs pour chacun d'eux, et que le syndic serait tenu de procéder à cette inscription dès que le jugement à intervenir aurait acquis l'autorité de la chose jugée ;

Attendu qu'après avoir soulevé un certain nombre d'exceptions auxquelles il devait ultérieurement renoncer, R. objectait qu'il avait, dès le 15 septembre 1975, saisi le syndic O. d'une demande de ventilation de sa production en l'autorisant à faire en sorte que les demandeurs apparaissent comme créanciers de la faillite pour la somme de 4 280 222 francs à charge toutefois par eux de lui verser, à titre forfaitaire et pour ses peines et soins, la somme de 380 222 francs, dont ils avaient initialement accepté de faire abandon à son profit, et en paiement de laquelle il avait été contraint, faute par eux de respecter cet accord, de les assigner devant le Tribunal de Bruxelles sous la date du 30 janvier 1978 ;

Qu'il se bornait, en définitive, à solliciter le donner-acte de ses réserves de poursuivre le règlement de sa prétendue créance de 380 222 francs, à l'encontre des sieurs L. et A. H., notamment au moyen de l'instance pendante à Bruxelles, demande à laquelle ces derniers déclaraient s'opposer au motif que le Tribunal de Monaco n'avait pas compétence pour connaître, dans le cadre de la procédure de faillite dont s'agit, de la réclamation de R. tendant au paiement de la somme susvisée et que ce dernier avait d'ailleurs formée devant une autre juridiction ;

Attendu que par jugement en date du 31 mai 1979, le Tribunal a fait droit aux fins de l'assignation introductive d'instance en disant et jugeant que la créance en vertu de laquelle R. avait été admis à titre chirographaire au passif de la faillite de la Société M.C.R.P. serait inscrite à l'état des créances aux noms de H. L. et de H. A. pour un montant total de 4 280 222 francs et de 2 140 111 francs pour chacun d'eux, qu'il serait procédé à cette inscription dès que ledit jugement aurait acquis l'autorité de la chose jugée et qu'enfin il n'y avait pas lieu de décerner à R. le donner-acte par lui sollicité ;

Que, pour statuer de la sorte, les premiers juges ont relevé, d'une part, que R. ne contestait pas avoir produit à la faillite dont s'agit en qualité de représentant des sieurs L. et A. H. et qu'il ne s'opposait pas à l'inscription, à ses lieu et place, de ces derniers, au passif chirographaire pour une somme de 4 280 222 francs, d'autre part, qu'il ne justifiait pas, contrairement à ses allégations, avoir donné son accord à cette fin au syndic O. en 1975, puisque ce dernier n'avait été saisi par les demandeurs qu'au mois de mai 1977, qu'enfin la saisine par R. du Tribunal de Bruxelles aux fins énoncées dans ses conclusions s'opposait au donner-acte des réserves par lui formulées ;

Attendu qu'au soutien de l'appel qu'il a régulièrement interjeté à l'encontre de la décision précitée du Tribunal de Monaco, R. fait grief aux premiers juges d'avoir fait droit à la demande des sieurs H. au mépris de la circonstance expressément rappelée dans ses écritures judiciaires, de la subordination de l'accord par lui donné au syndic O., pour que ces derniers apparaissent comme les véritables créanciers de la faillite de la Société M.C.R.P., au versement par eux d'une somme de 380 222 francs destinée à rémunérer ses peines et soins, condition qui n'a jamais été réalisée puisque lesdits frères H. se sont toujours refusés à régler cette somme après avoir reconnu la lui devoir, étant de surcroît observé que la créance pour le montant duquel il a produit au passif de ladite faillite n'appartenait pas en totalité aux revendiquants mais était pour partie, la propriété d'un sieur C. I. ;

Qu'il reproche encore au Tribunal d'avoir méconnu sa compétence en statuant ainsi qu'il l'a fait dès lors que le litige qui lui était soumis ne s'analysait pas en une contestation relative à une créance produite, non plus qu'à la tardiveté d'une telle production, alors surtout que les frères H. dont la prétention à la propriété de la créance litigieuse était antérieure à la déclaration de faillite avaient eu la possibilité de produire eux-mêmes au passif de celle-ci en temps utile mais s'étaient volontairement abstenus de le faire pour se soustraire à la rigueur de l'administration fiscale et du contrôle des changes, en sorte qu'en faisant droit à leur demande, les premiers juges ont nécessairement quoiqu'involontairement couvert une fraude ;

Qu'estimant enfin que la décision attaquée a consacré l'existence d'une novation de créancier à créancier sans que les conditions prévues par la loi en la matière aient été remplies, il conclut à la réformation de ladite décision et à ce qu'il soit dit et jugé qu'il n'y avait pas lieu pour le Tribunal d'admettre au passif de la Société M.C.R.P. les frères H. dans les conditions où ils l'ont été, ni de rejeter sa demande de donner acte relativement à sa créance à leur endroit ;

Attendu que L. et A. H. ayant, par acte sous seing privé en date du 22 août 1979, cédé tous leurs droits et créances tant à l'encontre de la Société M.C.R.P. que du sieur V. R. à la S.C.I. ., et cette S.C.I. s'étant elle-même, suivant acte sous seing privé du 7 janvier 1980 et en vertu de la faculté qu'elle s'était réservée dans l'acte du 22 août 1979, substituée dans le bénéfice de ladite cession de créances la Société anonyme de droit panaméen « Trade and finance overseas » en abrégé T.A.F.O., cette dernière agissant, poursuites et diligences de son représentant légal le sieur F., est intervenue aux débats par conclusions du 21 janvier 1980, suivies de conclusions sur le fond en date du 19 février 1980, prises à l'encontre de l'appelant et du sieur S. I., lequel, après être légalement intervenu en la cause par conclusions du 9 novembre 1979 a sollicité en des écritures antérieures du 22 avril 1980, le donner acte de son désistement d'instance ;

Qu'à l'appui de son intervention, ladite Société T.A.F.O. soutient que R. est d'autant moins recevable et subsidiairement fondé en son appel que les conclusions par lui prises en première instance les 15 juin 1978, 14 décembre 1978 et 15 mai 1979, démontrent qu'il a toujours reconnu le bien fondé de la réclamation des frères H. tendant à voir inscrire à leur nom la créance pour le montant de laquelle il avait produit au passif de la faillite de la Société M.C.R.P. et ce, sauf à essayer de monnayer cette reconnaissance par le versement d'une prétendue rémunération de peines et soins qui n'a fait l'objet d'aucune demande reconventionnelle devant le Tribunal de Monaco, en sorte qu'une telle attitude doit être considérée comme constitutive d'un acquiescement à la demande même si la mauvaise foi de l'appelant l'a empêché de l'exprimer devant les premiers juges ;

Que, réfutant, par ailleurs, les moyens développés dans l'acte d'appel et invoquant le préjudice moral et économique que la résistance injustifiée de R. a causé aux frères H. aux droits desquels elle se trouve actuellement, elle demande à la Cour de confirmer le jugement attaqué et de condamner l'appelant à lui payer la somme de 280 000 francs à titre de dommages intérêts pour résistance et procédure abusive ;

Attendu que, se prévalant des actes de cession susvisés régulièrement signifiés au syndic O., L. et A. H. ont déposé, le 29 janvier 1980, des conclusions tendant à voir ordonner leur mise hors de cause pure et simple ;

Attendu que, déclarant s'en rapporter à justice sur les prétentions respectives des parties tant principales qu'intervenantes, le syndic O. conclut, de son côté, à ce qu'il soit statué sur le sort de la production litigieuse au regard des droits de chacune d'elle ;

Attendu, enfin, qu'en réplique aux conclusions d'intervention de la Société T.A.F.O., R. excipe en des écritures antérieures à celles du sieur S. I., tendant à obtenir le donner acte de son désistement, de l'irrecevabilité de ladite intervention, motif pris de ce que la Société précitée n'a pas produit ses statuts et n'a justifié ni de sa nationalité ni de son droit d'ester en justice, ni enfin de la régularité de sa représentation ;

Qu'il objecte subsidiairement, sur le fond, que les prétentions des sieurs H. ont méconnu la nature des relations qui les unissaient à lui-même et au sieur I. et qui témoignent de l'existence entre eux d'une société en participation impliquant la mise en commun d'apports financiers au demeurant relevée dans un rapport établi par un sieur C., expert comptable, à la demande même des frères H., en sorte que l'accord conditionnel intervenu entre ces derniers et lui aurait constitué une novation dans les rapports entre parties emportant accord sur la liquidation de la participation des intimés si ces derniers avaient exécuté leur engagement de verser la somme de 380 222 francs, ce qui n'a pu se réaliser par suite du revirement de ses associés en l'état duquel il a été conduit à contester leurs prétentions et à refuser d'acquiescer à leur demande en justice ; qu'au surplus, et alors qu'en sa qualité d'associé de ladite société en participation, il avait contracté avec la Société M.C.R.P. en son nom personnel, les prétentions des frères H. doivent être considérées comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée qui s'attache à l'admission de la créance par lui produite au passif de la faillite de ladite Société ; qu'enfin, les consorts H. - et aujourd'hui la Société T.A.F.O., qui prétend être aux droits de ces derniers - n'avaient aucune qualité pour agir en justice tant contre lui qu'à l'encontre du syndic de faillite auquel la Société en participation dont s'agit est inopposable et qu'il en est de même pour le sieur I., autre associé qu'il n'y a pas lieu non plus de recevoir en son intervention en cause d'appel ;

Qu'il conclut donc au principal, à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'à ce que la Société T.A.F.O. ait justifié de la régularité de son intervention, subsidiairement au déboutement des consorts H. de leurs demandes ainsi que de la Société T.A.F.O. et du sieur I. des fins de leur intervention respectives en la cause ;

SUR CE :

Attendu qu'en l'état de la cession de créance consentie à la Société T.A.F.O., Société anonyme de droit panaméen, régulièrement constituée à l'étranger et dûment représentée comme en font foi les documents communiqués et produits aux débats (photocopie des statuts et des procès-verbaux de l'assemblée générale des actionnaires en date du 12 décembre 1978 conférant tous pouvoirs de représentation à un sieur A. F.) cette personne morale intervient en la cause, au même titre qu'une personne physique titulaire d'une créance, en qualité de créancier substitué dans les droits de la S.C.I. ., à Monaco, elle-même cessionnaire de la créance des frères H. sur la S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace, aux fins d'être personnellement inscrit au passif chirographaire de la faillite de cette société pour le montant de cette créance constitutive d'une partie de celle déjà admise au même titre par arrêté du juge commissaire sur la production diligentée par R. ;

Qu'il s'ensuit que l'action aux fins susvisées de la Société T.A.F.O. ne saurait être considérée comme procédant d'une extension de son activité dans la Principauté de Monaco, où préalablement au rachat de la créance des frères H. d'abord cédée à la S.C.I. ., elle n'avait donc pas à se soumettre aux formalités prévues tant par l'ordonnance souveraine du 5 mars 1895 relative aux seules sociétés anonymes monégasques que par les articles 31 de la loi n° 223 du 25 juillet 1936, modifiée, et 44 du Code de commerce ;

Qu'il y a donc lieu de passer outre aux conclusions de l'appelant tendant à ce qu'il soit éventuellement sursis à statuer, et d'apprécier le mérite de son recours à l'encontre du jugement entrepris en contemplation des moyens nouveaux par lui soulevés en cause d'appel ;

Attendu qu'il doit être observé à cet égard que l'appelant s'est abstenu en première instance, pour faire échec à la demande des frères H., de toute allusion à l'existence entre ces derniers, lui-même et un sieur I., d'une société en participation en l'état de laquelle les demandeurs auraient été à son sens aussi irrecevables que mal fondés à agir tant contre lui qu'à l'encontre du syndic O. aux fins énoncées dans leur exploit introductif d'instance et n'auraient eu d'autre possibilité, pour faire valoir leurs droits, que celle de poursuivre la liquidation de ladite société en participation ;

Or, attendu qu'il convient de rappeler que le litige soumis à la juridiction du premier degré constitue un incident de la faillite de la Société M.C.R.P. relatif à l'inscription au passif de celle-ci, aux lieu et place de R., des sieurs L. et A. H. en leur qualité - expressément reconnue par celui-ci - de créanciers réels d'une partie de la somme pour le montant de laquelle il avait seul produit ; qu'à l'occasion de cette demande en justice qui faisait suite à d'itératives réclamations - notamment par le truchement du syndic O. qui, selon R. aurait été instruit dès le 15 septembre 1975 d'une demande de ventilation de sa production pour que les consorts H. apparaissent comme créanciers de la Société M.C.R.P. à hauteur de la somme de 4 280 222 francs sur les intérêts de laquelle ils auraient accepté de lui faire abandon de la somme forfaitaire de 380 222 francs en rémunération de ses peines et soins - aucune discussion ne s'est instaurée et ne pouvait s'instaurer devant le Tribunal quant aux droits revendiqués par R. à l'encontre des demandeurs dans le cadre de leurs rapports personnels tels que résultant soit d'un mandat soit, comme soutenu par lui en cause d'appel, d'une prétendue association en participation, alors surtout que ledit R. avait saisi le Tribunal de Bruxelles pour obtenir paiement de ce dont il s'estimait lui-même créancier envers les consorts H. en sorte qu'en l'absence de moyens autres que celui tiré par le défendeur du prétendu revirement d'attitude des demandeurs relativement aux prétentions indemnitaires de ce dernier, le Tribunal ne pouvait que statuer comme il a fait pour les motifs énoncés dans sa décision ;

Attendu que si R. est recevable à invoquer en cause d'appel des moyens nouveaux, il apparaît que, pour l'essentiel, de tels moyens n'ont pas été invoqués dans son acte d'appel mais postérieurement à ce dernier en des écritures judiciaires et qu'il en est notamment ainsi des moyens tirés d'une part de la prétendue existence d'une société en participation entre les consorts H., un sieur S. I. et lui-même, d'autre part, de l'autorité de la chose jugée attachée à l'admission de la créance au passif de la faillite chirographaire de la Société M.C.R.P. ;

Attendu que pour justifier de l'existence de ladite société en participation qui, selon lui, ferait obstacle à l'action des consorts H. engagée contre lui et le syndic de faillite, mais dont il n'a pas davantage fait état auprès du Tribunal de Bruxelles devant lequel il s'est borné à invoquer des « relations d'affaires » l'unissant aux défendeurs, l'appelant produit la photocopie d'un rapport établi par un sieur C. le 6 avril 1970 à la demande de ces derniers qui le lui ont adressé aux fins d'observations éventuelles ;

Or, attendu que si le rédacteur de ce rapport destiné à renseigner les frères H. sur l'évolution de la situation hypothécaire de la Société M.C.R.P., antérieurement à sa mise en faillite, fait état d'un versement de 60 millions de francs belges entre les mains des actionnaires de ladite S.C.I. par les soins de l'appelant désigné par le terme de « mandataire au pool » et ce, sur la base de 30 000 000 de francs belges par lesdits frères H., 20 000 000 de francs belges au nom de S. I. et 10 000 000 de francs belges aux noms de V. et R. R., il a soin de préciser que « quelques mois plus tard M. V. R. a retiré pour ses besoins propres, un montant de 15 000 000 de francs belges », soit une somme supérieure à sa mise et à celle de R. R. et s'est donc trouvé redevable envers les frères H. de « quelques millions de francs belges », dont le sieur C. « s'excuse de ne pouvoir en préciser le montant »;

Qu'il apparaît, sans qu'il soit besoin dès lors d'examiner plus avant ledit rapport qui ne fournit par ailleurs aucun renseignement sur les conditions essentielles du pacte social, que la circonstance du retrait par l'appelant de son apport personnel est rigoureusement inconciliable avec la notion de communauté d'apports et l'étroite association d'intérêts qui unit en principe les associés d'une société en participation et caractérise l'affectio societatis dont l'existence ne peut donc être valablement invoquée en l'espèce ; qu'il ne peut davantage être soutenu que depuis le 23 décembre 1966 - date à laquelle l'appelant a consenti « suite au mandat » que lui avaient confié les frères H., une délégation au profit de ces derniers de tous ses droits résultant de l'acte de placement immobilier dont s'agit sans faire la moindre allusion à l'existence d'un quelconque pacte social les unissant - lesdits sieurs H. ont laissé agir R. « au nom de la Société en participation » et notamment « conduire différentes actions en justice pour sauvegarder la créance », alors qu'il est de principe qu'une telle société ne peut, faute de personnalité morale, ester en justice par l'intermédiaire d'un associé prétendant la représenter ou invoquant sa qualité de gérant, et qu'il est à peine permis à un associé ayant participé à une opération litigieuse non point d'agir au nom de la Société mais de suivre la procédure ;

Qu'il n'est pas sans intérêt de relever enfin que la thèse de l'appelant se trouve infirmée par deux autres circonstances : d'une part la mise au point que le sieur C., auteur du rapport invoqué par R., a entendu faire auprès du conseil des sieurs H. dans une correspondance produite aux débats ainsi libellée : « il est hautement évident que lorsque j'ai employé le mot anglais » pool «, cela n'invoquait aucune association de fait, aucun contrat de société. Bien au contraire, c'est précisément pour éviter toute confusion quelconque que j'ai utilisé un mot étranger qui n'a pas la même signification juridique », d'autre part la réclamation par l'appelant d'une indemnité forfaitaire aux sieurs H. pour les « peines et soins » prétendument consacrés par lui pendant plusieurs années dans leur intérêt dont il convient de souligner l'incompatibilité avec la nature des rapports entre associés dans une société en participation et qui fait apparaître le rôle de R. à l'endroit des sieurs H. comme ayant été celui d'un simple prête-nom ou homme d'affaires et non d'un co-associé au sein de la Société alléguée ; qu'ainsi le moyen, tiré pour la première fois en cause d'appel par R. de l'existence d'une telle société rendant selon lui les consorts H. irrecevables en leur action tant contre lui qu'à rencontre du syndic O., apparaît inopérant et doit être rejeté ;

Attendu que si la jurisprudence considère que l'inscription d'un créancier à l'état des créances d'une faillite revêt l'autorité de la chose jugée, il est généralement reconnu que l'irrévocabilité de l'admission ne joue qu'à l'égard de la masse et non à l'égard des créanciers qui ne font pas partie de cette masse, ni des tiers auxquels l'admission est inopposable, car qu'on y voie un contrat ou une décision judiciaire, elle ne peut avoir qu'un effet relatif (Encycl. Dalloz, Droit commercial V° Faillite p. 34) ; qu'au demeurant, malgré la généralité du principe de l'irrévocabilité, ce principe ne s'applique que dans la mesure de ce qui a été vérifié et admis en sorte que l'arrêté des créances résultant de l'ordonnance du juge-commissaire devenue définitive, ne concerne que le montant et le caractère - privilégié ou chirographaire - de la créance admise, car seuls ces éléments, à l'exclusion de tous autres, sont de nature à permettre au magistrat précité d'arrêter ne varietur le montant total et la nature du passif de la faillite, sauf, s'il échet, adjonction des créances tardivement produites et admises par décision judiciaire ;

Qu'il s'ensuit que, dès lors qu'elle ne modifie en rien le montant et la nature de la créance admise au profit de l'appelant au passif chirographaire de la faillite de la M.C.R.P. pour une somme de 5 959 332 francs, la demande des consorts H. tendant à être personnellement inscrits pour une partie de cette créance, aux lieu et place de R., à concurrence de 4 280 222 francs au total et de 2 140 111 francs pour chacun d'eux, ne heurte en aucun cas l'autorité de la chose jugée attachée à l'admission dont s'agit, et que, par suite, l'appelant est mal fondé à opposer un tel moyen à l'action engagée contre lui et le syndic O., auquel il convient de donner acte de son rapport à justice ;

Attendu qu'apparaissent tout autant inopérants les moyens tirés par R. de la prétendue incompétence du Tribunal pour connaître de la demande des consorts H., d'une part, de la consécration par cette juridiction d'une novation de créancier à créancier sans que les conditions pour ce faire aient été remplies, d'autre part ;

Qu'il doit être observé, sur le premier point, que bien que ne s'agissant pas d'un litige portant sur la contestation d'une créance admise ou l'inscription d'une créance tardivement produite dont le législateur réserve la connaissance au Tribunal de première instance, l'action des frères H. aux fins d'inscription à leur nom d'une partie d'une créance déjà admise au nom de l'appelant ne pouvait être portée que devant ce Tribunal, juge de droit commun du contentieux de la faillite nécessairement compétent, sous peine de déni de justice, pour en connaître ;

Qu'il y a lieu, sur le second point, de se référer aux écritures judiciaires de R. en première instance comme aussi aux termes de son acte d'appel desquels s'évince d'une manière non équivoque la reconnaissance par ce dernier de l'appartenance, à concurrence de 4 281 222 francs de la créance admise à son nom, aux seuls consorts H. et par suite de sa seule qualité de créancier apparent de cette partie de créance en sorte qu'il ne peut être soutenu qu'en ordonnant l'inscription des demandeurs à l'état des créances de la faillite de la Société M.C.R.P. pour le montant susvisé aux lieu et place de l'appelant, les premiers juges ont consacré une novation par changement de créancier ;

Attendu qu'il est, en définitive, essentiel de retenir que tout au long de la procédure suivie en première instance l'appelant a affirmé dans ses écritures judiciaires, - notamment dans ses conclusions des 15 juin et 14 décembre 1978 - qu'il avait bien saisi, dès le 15 septembre 1975 le syndic O. d'une demande de ventilation de sa production afin que les consorts H. apparaissent comme créanciers de la faillite de la Société M.C.R.P. à hauteur de 4 280 222 francs, somme non contestée, tout en indiquant que ces derniers avaient, à l'époque, accepté de lui faire abandon, sur les intérêts, d'une somme de 380 222 francs, à titre forfaitaire en rémunération des peines et soins par lui exposés ;

Que si, nonobstant la production par R. de la photocopie de la correspondance destinée audit syndic, rien n'établit que ce dernier ait été réellement saisi aux fins susvisées, alors surtout qu'une lettre par lui adressée à l'appelant le 17 juin 1977, comme suite aux doléances des mandataires des frères H., apparaît fort symptomatique à cet égard, il n'en demeure pas moins que, de l'attitude de R. devant les premiers juges, s'évince la reconnaissance par lui du droit des demandeurs à figurer en qualité de créanciers inscrits, à ses lieu et place, à l'état des créances de la faillite de la Société M.C.R.P. pour un montant à titre chirographaire de 4 280 222 francs au total ou de 2 140 111 francs pour chacun d'eux, et ce même si, selon lui, les frères H. n'ont pas cru devoir tenir leurs engagements à son endroit au plan de la rétribution de ses prétendus peines et soins ;

Qu'il doit être considéré qu'une telle reconnaissance est constitutive d'un aveu extra-judiciaire au vœu de la jurisprudence car fait au cours d'une instance précédente entre les mêmes parties, dont la nature est cependant la même que celle d'un aveu judiciaire ; que s'agissant d'un aveu complexe au sens doctrinal et jurisprudentiel puisque la déclaration accessoire, à savoir l'engagement prétendu des consorts H. de rétribuer forfaitairement l'appelant pour ses peines et soins, porte sur un fait à tous égards distinct du fait principal, c'est-à-dire le droit pour lesdits consorts de figurer personnellement à l'état des créances de la faillite dont s'agit, un tel aveu est par là même divisible contre R. qui apparaît, en conséquence, mal fondé à contester le bien fondé de l'action des frères H. dirigée tant contre lui-même que contre le syndic O., aux fins énoncées dans leur exploit introductif d'instance et auxquelles les premiers juges ont, à juste titre, fait droit en sorte que leur décision doit être confirmée en toutes ses dispositions ;

Attendu qu'il y a lieu de décerner à la Société T.A.F.O., au sieur I. et au syndic O., les donner-acte sollicités et de mettre purement et simplement les sieurs L. et A. H. hors de cause ;

Attendu que, pour justifier sa demande reconventionnelle en 200 000 francs de dommages intérêts, la Société intervenante T.A.F.O. soutient que le recours de R. constitue un abus de droit engageant sa responsabilité et le mettant dans l'obligation de réparer le préjudice moral et économique qu'il a causé à ces derniers aux droits desquels elle se trouve en la présente instance ;

Mais attendu qu'en vertu de la règle « nul ne plaide par procureur », la Société T.A.F.O. est irrecevable à poursuivre, à l'occasion de son intervention en la cause, la réparation d'un préjudice qu'elle n'a pas elle-même subi, et qui, de surcroît et selon ses allégations, est au moins pour partie attaché nécessairement et exclusivement à la personne de ceux qui l'auraient éprouvé ;

Attendu que les dépens suivent la succombance et que le sieur I. supportera ceux inhérents à son désistement d'instance ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour décerne à la Société anonyme de droit Panaméen « Trade and finance overseas » (T.A.F.O.), au sieur S. I. et au sieur O., pris en sa qualité de syndic de la faillite de la S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace (M.C.R.P.) les donner-acte par eux respectivement sollicités et visés aux motifs ;

Met les sieurs L. et A. H. purement et simplement hors de cause ;

Accueille la Société T.A.F.O. en son intervention volontaire et y faisant droit,

Confirme dans toutes ses dispositions le jugement attaqué du 31 mai 1979 qui sortira son plein et entier effet ;

Déclare ladite Société T.A.F.O. irrecevable en sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;

Composition

M. Rossi, prés., Mme Picco-Margossian, prem. subst. gén., MMe Boisson, Sanita, Marquet, Clérissi et Boeri, av. déf., Cénac et Sangiorgio, av.

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Synthèse
Numéro d'arrêt : 25898
Date de la décision : 01/07/1980

Analyses

Sociétés - Général


Parties
Demandeurs : V. R.
Défendeurs : Consorts H., R. O., ès qualités de syndic de faillite.

Références :

articles 31 de la loi n° 223 du 25 juillet 1936
Code de commerce
ordonnance souveraine du 5 mars 1895


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1980-07-01;25898 ?

Source

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