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10/03/1978 | MONACO | N°26611

Monaco | Cour d'appel, 10 mars 1978, Messieurs R. G. et G. P. c/ monsieur le Maire


Abstract

Élections nationales et communales

Conseil National - Contentieux électoral - (1) - Appel du jugement - Forme de l'appel (simplification) - Simple requête (2) - Bulletin remis par l'électeur au président du bureau - Inobservation de l'article 44 - Aucune incidence sur le résultat de l'élection - Rejet de la demande d'annulation

Résumé

La loi n° 839 n'a pas repris la disposition de l'article 53 de la loi du 3 mai 1920 prévoyant formellement qu'en matière de contentieux électoral l'appel était formé par requête et qu'elle n'a pas précisé la

forme sous laquelle cet appel devait être interjeté, se bornant à prévoir en son article ...

Abstract

Élections nationales et communales

Conseil National - Contentieux électoral - (1) - Appel du jugement - Forme de l'appel (simplification) - Simple requête (2) - Bulletin remis par l'électeur au président du bureau - Inobservation de l'article 44 - Aucune incidence sur le résultat de l'élection - Rejet de la demande d'annulation

Résumé

La loi n° 839 n'a pas repris la disposition de l'article 53 de la loi du 3 mai 1920 prévoyant formellement qu'en matière de contentieux électoral l'appel était formé par requête et qu'elle n'a pas précisé la forme sous laquelle cet appel devait être interjeté, se bornant à prévoir en son article 55, 4e alinéa, qu'appel de la décision peut être relevé dans les dix jours de son prononcé.

Le renvoi de cet article à l'article 850 du Code civil n'est que partiel en ne visant que les conditions dans lesquelles l'appel est dans le mois instruit et jugé, d'autant que les dispositions de l'article 850 ne sont pas toutes applicables au contentieux électoral, telles celles imposant l'intervention d'un avocat-défenseur.

Devant le silence ou l'obscurité de la loi et dans le doute de l'intention du législateur, que ne peuvent éclairer les travaux préparatoires, muets sur ce point, ce serait faire preuve d'un formalisme excessif que d'exclure pour l'appel le moyen de la requête ou de la déclaration au greffe et de déclarer irrecevable, en appel, faute d'assignation par exploit d'huissier, une réclamation qui avait pu être soulevée, à l'origine, de la manière la plus simplifiée (1).

Le fait que divers électeurs, n'aient pas placé eux-mêmes leur enveloppe dans l'urne mais l'aient remise au président du bureau qui avait procédé à cette introduction, s'il constitue une inobservation de l'article 44 de la loi n° 839 du 23 février 1968, ne saurait toutefois être de nature à entraîner l'annulation des élections, dès lors qu'il n'apparaît pas que cette irrégularité - survivance d'une pratique légale antérieure à 1968 - ait pu influer sur le résultat de l'élection, et avoir une incidence sur le contenu des enveloppes - ignoré du président du bureau - (substitution de bulletins, ou adjonction à des enveloppes d'un signe distinctif) (2).

Motifs

La Cour

Attendu que par requête adressée au Premier Président de la Cour d'appel, le 15 février 1978, Messieurs R. G. et G. P. déclarent faire appel du jugement rendu le 6 février 1978 par le Tribunal de Première Instance, qui a rejeté l'ensemble de leur demande en annulation de l'élection du 15 janvier 1978 ; qu'en déclarant abandonner le troisième grief ayant figuré dans leur réclamation du 17 janvier, ils reprennent les quatre autres moyens portant respectivement sur :

1°) - l'obtention, puis l'envoi avec du matériel de propagande, par la liste d'Union Nationale et Démocratique, le 24 décembre 1977, d'un jeu d'enveloppes informatisées, en sus des deux jeux prévus par l'article 33 de la loi n° 839 du 23 février 1968, opération frauduleuse tant en raison de la délivrance par un service administratif, contrairement à l'article 6, § 7, de la loi, que de l'inégalité qui en est résultée par rapport aux autres candidats ;

2°) - l'obtention par cette même liste, à la faveur d'une demande antérieure à l'ouverture de la campagne électorale, de la disposition de la salle « Hall du Centenaire », seule traditionnellement utilisée, pour le vendredi 13 janvier, dernière date possible de réunion publique avant l'élection ;

4°) - la violation de l'article 44 de la loi n° 839 en ce que plusieurs électeurs n'ont pas introduit eux-mêmes leur bulletin dans l'urne mais l'ont remis au Président du bureau de vote, dont ils ajoutent que les parentés et opinions ne pouvaient jouer qu'en faveur de la liste élue ;

5°) - le fait qu'une enveloppe non conforme et maquillée a été retrouvée dans l'urne, ayant permis, par le système frauduleux dit de « la pompe », de s'assurer du vote d'un électeur qui, remettant à son tour, après avoir voté, son enveloppe régulière vide, permettait le renouvellement de l'opération un nombre indéfini de fois ;

Attendu qu'en son avis écrit du 24 février 1978, le Procureur Général soulève, à titre principal, l'irrecevabilité en la forme de l'appel qui n'a pas été interjeté par exploit d'huissier alors que la voie de la requête, autrefois prévue par l'article 53 de la loi du 3 mai 1920, abrogé, n'a pas été reprise par la loi n° 839 qui, ne précisant pas de forme particulière pour l'appel, ne peut se référer qu'à la procédure civile de droit commun, c'est-à-dire, en matière contentieuse, l'assignation prescrite par l'article 850 du Code de procédure civile, d'ailleurs visé, quant à la procédure à suivre, par l'article 55 de la loi ; qu'il conclut, à titre très subsidiaire, à la confirmation du jugement pour les motifs, qu'il reprend et développe, déjà exposés en ses conclusions écrites de première instance ;

Attendu qu'en un mémoire écrit du 24 février 1978, qu'il reprend verbalement, Monsieur H. R. combat les arguments développés pour les quatre moyens et conclut à la confirmation du jugement ;

Sur la recevabilité, en la forme, de l'appel :

Attendu qu'il est exact, comme le relève le Procureur Général, que la loi n° 839 n'a pas repris la disposition de l'article 53 de la loi du 3 mai 1920 prévoyant formellement qu'en matière de contentieux électoral l'appel était formé par requête et qu'elle n'a pas précisé la forme sous laquelle cet appel devait être interjeté, se bornant à prévoir en son article 55, 4e alinéa, qu'appel de la décision peut être relevé dans les dix jours de son prononcé ;

Que si le droit commun en la matière, auquel le Ministère Public préconise de recourir, résulte de l'article 850 du Code de procédure civile, lequel prévoit l'assignation en matière contentieuse ou lorsqu'il y a des défendeurs en la cause, la référence indirecte à cet article 850 n'est faite pour l'appel dans le quatrième alinéa de l'article 55 par le renvoi aux alinéas qui précèdent, qu'en ce qui touche aux conditions dans lesquelles l'appel est, dans le mois, instruit et jugé ; que le renvoi à l'article 850 n'est donc que partiel, d'autant que les dispositions n'en sont pas toutes applicables au contentieux électoral, notamment la dernière phrase imposant l'intervention d'un avocat-défenseur, puisque les réclamants peuvent comparaître en personne devant la Cour pour présenter leurs observations orales ; que cette dérogation à l'article 15 de l'Ordonnance du 21 mai 1909 s'étend aussi à l'article 7 dont toutes les règles ne sont pas nécessairement observées ;

Qu'il ne peut donc être considéré comme certain, en une matière où le législateur a voulu rendre aisés et peu coûteux les recours, qu'il ait entendu exclure pour l'appel le moyen de la requête ou de la déclaration au Greffe qui se rapproche le plus de la forme très simplifiée du recours en première instance tel que l'organise l'article 53 ;

Attendu en tout cas que, devant le silence ou l'obscurité de la loi et dans le doute sur l'intention du législateur, que ne peuvent éclairer les travaux préparatoires, muets sur ce point, ce serait faire preuve d'un formalisme excessif que de déclarer irrecevable, en appel, faute d'assignation par exploit d'huissier, une réclamation qui avait pu être soulevée, à l'origine, de la manière la plus simplifiée ; qu'il y a donc lieu de déclarer l'appel recevable en la forme ;

Sur le fond :

* Sur le premier moyen

Attendu que si l'article 30 de la loi n° 839, auquel s'est implicitement référé le Tribunal, n'indique pas la date la plus éloignée de début de la campagne électorale qui peut, en vertu de l'article 25, s'emplacer quinze jours avant le scrutin, il n'en demeure pas moins que l'envoi d'enveloppes informatisées le 24 décembre 1977 s'emplace nécessairement avant toute date d'ouverture de la campagne électorale, pendant la durée de laquelle est instituée la réglementation légale comportant notamment, en vertu de l'article 33, la remise gratuite à chaque candidat ou liste de candidats de deux jeux d'enveloppes accompagnant la copie de la liste électorale ;

Attendu que le Tribunal a retenu à juste titre :

* qu'il ne s'agit là, dans un ensemble de dispositions de caractère économique, que d'un minimum de moyens attribué gratuitement à tout candidat,

* qu'il n'a pas été attribué à la liste d'Union Nationale et Démocratique un troisième jeu gratuit supplémentaire ayant constitué pendant la campagne un avantage particulier,

* qu'il n'est pas interdit de prendre à tout moment communication et copie, sous une forme quelconque, de la liste électorale ;

Qu'il peut être observé, à ce sujet, que le progrès de la technique informatique permet d'obtenir facilement cette liste sous forme d'enveloppes moyennant paiement des frais d'impression ; que les réclamants n'indiquent pas avoir essuyé un refus de la part du service, mais avoir seulement été laissés dans l'ignorance de cette possibilité ;

Attendu pour l'envoi de ces enveloppes, qu'il n'existe pas de limitation légale dans le temps ni dans la forme pour la communication entre citoyens, même futurs candidats ; qu'il n'est pas contesté, au surplus, que ces enveloppes ne contenaient qu'une manifestation de candidatures, révélée dans le même temps par la presse, sans aucune attaque ou polémique contre lesquelles les réclamants n'auraient pas été mis à même d'apporter leur contradiction ;

Attendu qu'il n'appartient pas aux juridictions saisies dans le cadre du contentieux électoral de rechercher s'il y a eu ou non irrégularité d'ordre administratif et moins encore de surseoir à statuer jusqu'à solution d'une question préjudicielle alors que nul autre litige n'est en cours ; qu'il convient seulement de constater que le fait invoqué, à supposer qu'il ait constitué une irrégularité, n'a pas été de nature à influencer le scrutin ; que l'appel sur ce premier moyen apparaît infondé ;

* Sur le deuxième moyen

Attendu qu'en dehors de l'article 32 qui confirme seulement le principe de la liberté de réunion pour les assemblées électorales, sous la seule réserve de leur interdiction la veille du scrutin, il n'existe aucune réglementation pour la tenue ni la localisation de ces réunions ;

Attendu que pour attacher un caractère irrégulier et frauduleux à l'attribution du Hall du Centenaire, le 13 janvier, à la liste d'Union Nationale et Démocratique qui en avait fait la demande la première, avant même l'ouverture de la campagne électorale, les requérants invoquent, sans en justifier autrement, une coutume limitant la priorité d'attribution au jour et à l'heure d'ouverture de cette campagne et une pratique identique suivie en France mais qui, en fait, concerne seulement le choix des emplacements d'affichage ;

Attendu que si le Hall du Centenaire est, depuis sa construction, commodément et communément utilisé, il n'a aucun caractère officiel non plus qu'il n'est la seule salle publique où aurait pu être tenue simultanément une autre réunion, pour autant que le fait de parler en dernier eût paru un avantage déterminant ; qu'il n'est pas contesté, au surplus, que la réunion du 13 janvier ait eu un caractère contradictoire, en sorte qu'il ne peut être déduit du grief allégué un défaut d'égalité dans les moyens d'expression de nature à justifier l'accueil de celui-ci ;

* Sur le quatrième moyen

Attendu que s'il se présentait uniquement en première instance, comme la dénonciation de plusieurs inobservations de l'article 44, en ce que divers électeurs n'avaient pas placé eux-mêmes leur enveloppe dans l'urne mais l'avaient remise au Président du bureau de vote qui avait procédé à cette introduction, l'appel va plus loin, en imputant à Monsieur J. N., en raison de ses préférences et parentés, une « suspicion légitime » sans que les réclamants aient d'ailleurs tenu un compte exact de cette terminologie juridique ;

Mais attendu qu'indépendamment du fait qu'un grief nouveau ne peut, en vertu de l'article 56, être ajouté à ceux qui figuraient dans la réclamation initiale, il n'est pas expliqué comment cette inobservation de l'article 44 « ne pouvait en toute hypothèse faire grief qu'aux candidats n'appartenant pas à l'Union Nationale et Démocratique », ni avoir une incidence sur le contenu des enveloppes, ignoré du Président du bureau, d'autant que la réclamation ne va pas jusqu'à envisager une substitution de bulletins ou l'adjonction à des enveloppes d'un signe distinctif entraînant l'annulation de ces votes, faits qui auraient seuls pu influer sur le résultat de l'élection ;

Qu'en l'absence de toute conséquence de cet ordre, cette irrégulière survivance de la pratique légale antérieure à 1968 ne peut être retenue comme de nature à entraîner l'annulation poursuivie ;

* Sur le cinquième moyen

Attendu que l'enveloppe irrégulière trouvée lors du dépouillement a été comptée comme vote nul, par application de l'article 47, mais que les réclamants demandent une annulation complète du scrutin en alléguant la possibilité d'un échange réitéré et constant d'enveloppes régulières, dont la première a été obtenue à partir de l'enveloppe simulée, et ce pour obtenir des votes assurés ;

Mais attendu qu'il s'agit d'une simple hypothèse qui, surtout dans la mesure où elle est présentée comme une fraude, devrait être prouvée, car la fraude ne se présume pas et ne saurait résulter en l'espèce ni de l'apparence la plus conforme possible de l'enveloppe irrégulière, ni du fait que deux candidats, dont l'un des réclamants, en avaient reçu chacun une semblable, d'un expéditeur inconnu, vingt jours auparavant et avaient signalé ce fait à la Mairie qui a multiplié les précautions ;

Attendu qu'à défaut de preuve et même de présomptions d'accomplissement de la manœuvre alléguée et d'obtention d'un résultat de nature à vicier le scrutin, il faut retenir que cette opération est même peu vraisemblable, dans la forme indiquée, car elle n'aurait pu être tentée sans danger et moins encore réalisée autrement qu'auprès d'électeurs entièrement acquis aux idées de celui qui l'aurait organisée, en sorte que leurs votes auraient déjà pu être considérés comme acquis ;

Qu'il ne peut, au surplus, être tiré un argument sérieux du nombre accru des listes entières par rapport à l'élection de 1973, souligné par les appelants, ce nombre étant très inférieur à celui des électeurs ayant voté en surnombre par rapport à la précédente consultation ;

Attendu que l'inutilité, soutenue par les réclamants, d'identifier ou même rechercher l'auteur d'une fraude pour sanctionner celle-ci de la nullité du scrutin, permettrait à tout électeur de recourir à un tel moyen pour se ménager la possibilité de contester ultérieurement les opérations de vote ou même seulement pour jeter le trouble dans les esprits ; que c'est en ce sens que le Tribunal, en réponse à une autre hypothèse, a envisagé celle que l'irrégularité ne serait pas nécessairement le fait d'un partisan de la liste élue ;

Attendu sur l'ensemble des moyens soutenus, qu'il convient de retenir qu'une inobservation quelconque de la loi électorale ou même une éventuelle irrégularité dont l'imputation est incertaine, si regrettables qu'elles puissent apparaître, ne doivent pas entraîner la grave conséquence de la mise à néant de l'expression de la volonté du corps électoral sans qu'il soit démontré - ce qui ne l'est pas en l'espèce - qu'un tel fait a vicié cette volonté et a eu une incidence sur le résultat du scrutin ;

Que l'appel doit donc être rejeté en son ensemble ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Accueille en la forme Messieurs P. et G. en leur appel, mais les y déclare mal fondés et les en déboute ;

Confirme en son dispositif le jugement entrepris,

Dit n'y avoir lieu, en vertu de l'article 82 de la loi n° 839, de statuer sur les dépens ;

Composition

MM. de Monseignat prem. prés. ; Zambeaux proc. Gén.

Note

Cet arrêt confirme le jugement du Tribunal de première instance du 6 février 1978. À la même date a été rendu un arrêt similaire (également public) dans une contestation déposée par Me Sbarrato, concernant la forme que doit revêtir l'appel.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 26611
Date de la décision : 10/03/1978

Analyses

Public - Général ; Élection


Parties
Demandeurs : Messieurs R. G. et G. P.
Défendeurs : monsieur le Maire

Références :

article 44 de la loi n° 839 du 23 février 1968
Tribunal de première instance du 6 février 1978
article 33 de la loi n° 839 du 23 février 1968
article 53 de la loi du 3 mai 1920
article 15 de l'Ordonnance du 21 mai 1909
article 850 du Code de procédure civile
article 850 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1978-03-10;26611 ?

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