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28/06/1977 | MONACO | N°25866

Monaco | Cour d'appel, 28 juin 1977, L. c/ S.A.M. Loews Hôtel Monaco.


Abstract

Travail

Délégué du personnel - Refus de réintégration - Juge des Référés - Compétence de principe - Contestation sérieuse - Incompétence

Résumé

Si la compétence de principe du Juge des Référés en matière d'atteintes aux mesures de protection des délégués du personnel doit être admise, l'existence d'une contestation sérieuse entraîne son incompétence.

Motifs

La Cour

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté, en la forme, par le sieur F. L. à l'encontre de l'ordonnance du 4 mai 1977 par laquelle le juge de

s référés s'est déclaré incompétent pour mettre fin à sa mise à pied et ordonner sa réintégration sous astreinte dans s...

Abstract

Travail

Délégué du personnel - Refus de réintégration - Juge des Référés - Compétence de principe - Contestation sérieuse - Incompétence

Résumé

Si la compétence de principe du Juge des Référés en matière d'atteintes aux mesures de protection des délégués du personnel doit être admise, l'existence d'une contestation sérieuse entraîne son incompétence.

Motifs

La Cour

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté, en la forme, par le sieur F. L. à l'encontre de l'ordonnance du 4 mai 1977 par laquelle le juge des référés s'est déclaré incompétent pour mettre fin à sa mise à pied et ordonner sa réintégration sous astreinte dans son emploi par la Société Loews Hôtel, au motif qu'il existerait une contestation sérieuse sur sa qualité de délégué du personnel ;

Qu'il expose qu'à la suite de son élection le 14 février 1977 à ces fonctions, dont la régularité était contestée, Loews Hôtel sollicitait de l'Inspecteur du travail, le 25 mars, la réunion de la Commission de licenciement et lui notifiait le même jour sa mise à pied immédiate pour divers motifs ; que la Commission instituée par la loi n° 459 se réunissait le 7 avril et refusait l'autorisation de licenciement, ce qui n'a pas amené l'employeur à revenir sur la mesure qu'il avait prise ;

Qu'il soutient, en son exploit d'appel, la régularité de son élection faisant suite à celle, incontestée, de l'année précédente, régularité reconnue le 9 mars 1977 par le Juge de Paix, le pourvoi, non suspensif, intenté par Loews contre cette décision ne pouvant caractériser une contestation sérieuse ; qu'en tout cas, il bénéficierait de la protection de la loi, en vertu de l'article 16 de celle-ci, comme ancien délégué, pendant six mois à compter de la cessation de ses fonctions ;

Que par ailleurs, il conteste la valeur, comme autres motifs de refus de réintégration, d'un prétendu recours hiérarchique contre la décision de la Commission de licenciement, de l'éventualité d'une saisine du Tribunal du Travail d'une action en résolution judiciaire du contrat de travail et de plaintes pénales totalement infondées et pour lesquelles il se réserve d'engager une procédure de dénonciation calomnieuse ;

Qu'en produisant de nombreuses décisions françaises et en invoquant la jurisprudence monégasque en la matière, que constitue l'Ordonnance de Référé du 23 janvier 1976, il conclut à l'infirmation de l'Ordonnance, à la reconnaissance de la compétence de la juridiction des référés en l'absence de toute contestation sérieuse et, en conséquence de la voie de fait commise par l'employeur, à la condamnation de celui-ci à le réintégrer dans son emploi sous astreinte de 1 000 francs par jour de retard ;

Attendu que la Société Loews soutient, au contraire, que le juge des référés, pour reconnaître son incompétence à ordonner la réintégration de L., a exactement apprécié le caractère sérieux de la contestation qui porte à la fois sur la nullité de l'élection de celui-ci aux fonctions de délégué du personnel, nullité rejetée par le Juge de Paix, mais par une décision soumise à la censure de la Cour de Révision, et sur la réalité même de son emploi, en raison de l'action en résolution du contrat de travail actuellement pendante ; qu'en dehors même de cette raison, le Juge des Référés doit être reconnu incompétent :

* tant en raison de la différence des règles françaises et monégasques concernant sa compétence,

* qu'en l'absence de toute voie de fait telle qu'en relèvent les ordonnances de référé françaises citées en référence, dès lors qu'elle a exercé un recours expressément prévu par l'article 16 (6e alinéa) de la loi n° 459, selon lequel « les décisions de la Commission ne préjudicient pas au recours que les parties pourront introduire auprès des juridictions compétentes », disposition entièrement différente du Code du Travail français, lequel précise qu'en cas de refus d'autorisation de licenciement d'un représentant du personnel « la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit » ;

Attendu qu'il existe effectivement une différence sensible sur les règles de compétence du Juge des référés :

* En France où elle est essentiellement rattachée à l'urgence et où l'article 73 du Code de Procédure Civile (décret du 9 septembre 1971) l'étend à « toutes les matières où il n'existe pas de procédure particulière de référé » ;

* et à Monaco où l'article 419 du Code de Procédure Civile prescrit uniquement que « les ordonnances de référés ne feront aucun préjudice au principal », critère qui impose une particulière vigilance sur l'incidence que pourrait avoir l'ordonnance sur les décisions à intervenir au fond ;

Attendu que malgré cette différence, le Président du Tribunal de Monaco s'est déclaré compétent, le 23 janvier 1976, pour ordonner sous astreinte la réintégration d'un délégué du personnel, au motif qu'étant l'émanation du Tribunal qui est la juridiction d'appel du Tribunal du Travail, il statue dès lors dans les limites de sa compétence d'attribution ;

Attendu que si la compétence de principe du Juge des référés en matière d'atteintes aux mesures de protection des délégués du personnel doit effectivement être admise, il convient de l'apprécier dans chaque cas, en considération du caractère sérieux ou non de la contestation éventuellement soulevée, de laquelle pourrait résulter un préjudice au principal, et de la voie de fait que constituerait le comportement allégué ; que la motivation des deux Ordonnances de référé établit que le Président s'est inspiré de ces considérations :

qu'il a relevé, le 23 janvier 1976, qu'il n'existait aucune contestation sur la qualité de délégué du sieur C. ni sur la régularité de son contrat de travail en cours, et a fait droit à la demande de réintégration sous astreinte ;

Qu'il a estimé au contraire, le 4 mai 1977, qu'il existait, en l'état des faits et procédures qui lui étaient relatés, une contestation sérieuse ne permettant pas de considérer comme établie la voie de fait qui lui eût permis d'ordonner la réintégration de L. ; que cette dernière motivation est critiquée par l'appelant ;

Attendu que le juge des référés a retenu l'existence d'une contestation sérieuse en l'état du recours exercé contre la décision du juge de Paix refusant d'annuler l'élection ; qu'à cette procédure s'ajoute celle, dont est saisi le Tribunal du Travail, en résolution du contrat de travail ; que dès lors, la contestation demeure sérieuse malgré la protection prolongée de six mois dont se prévaut subsidiairement L. en tant qu'ancien délégué, puisque reste à juger son maintien non seulement dans sa fonction de délégué mais même dans son emploi ; qu'il ne peut donc être admis qu'une éventuelle réintégration ne préjudicierait pas au moins à l'une de ces décisions à intervenir et qu'il ne peut être fait grief au Juge des référés de n'avoir pas ordonné, en l'état de la procédure, la réintégration autoritaire de L. dans une fonction et à un emploi qu'il n'était pas assuré de recouvrer à bref délai ;

Attendu, au surplus, que pour constituer une voie de fait, un comportement incriminé doit représenter un manquement caractérisé à une disposition légale en même temps qu'une atteinte à un droit indiscutable et qu'en l'espèce, le caractère de voie de fait attribué au refus de Loews de mettre fin à la mise à pied et de réintégrer L. malgré le refus de la Commission doit être apprécié d'après les circonstances de la cause et selon les dispositions de la loi monégasque actuelle ;

Attendu qu'il n'en existe pas de semblable à celle de l'article L 436 - 1 du Code du Travail français qui précise que, devant un tel refus « la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit », disposition qui a servi de fondement aux réintégrations logiquement ordonnées dès lors que l'effet de la mise à pied cesse légalement ; que l'article 16 de la loi n° 459 ménage plus explicitement qu'en France, où il est cependant exercé, le recours à l'action en résolution du contrat de travail, puisqu'il est précisé que « les décisions de la Commission ne préjudicient pas » à un tel recours ;

Que par ailleurs, le droit de L. étant encore incertain, comme le retiennent les motifs qui précèdent, il n'apparaît pas que doive être considérée comme établie la voie de fait qui eût, en l'état, servi de support juridique à la compétence du juge des référés ; que l'Ordonnance de celui-ci doit donc être confirmée, les dépens étant mis à la charge de l'appelant qui succombe en son recours ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Accueille en la forme le sieur L. en son appel mais l'y déclare mal fondé et l'en déboute ;

Confirme l'Ordonnance du 4 mai 1977 par laquelle le Juge des Référés s'est déclaré incompétent pour ordonner la réintégration sous astreinte sollicitée ;

Composition

M. de Monseignat prem. pr., Mme François juge sup. dél. au Parquet gén., MMe Clérissi, Boéri av. déf., Sbarrato et Léandri (du barreau de Nice) av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25866
Date de la décision : 28/06/1977

Analyses

Justice (organisation institutionnelle) ; Relations collectives du travail


Parties
Demandeurs : L.
Défendeurs : S.A.M. Loews Hôtel Monaco.

Références :

ordonnance du 4 mai 1977
article 73 du Code de Procédure Civile
article 419 du Code de Procédure Civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1977-06-28;25866 ?

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