La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/06/1977 | MONACO | N°25864

Monaco | Cour d'appel, 7 juin 1977, N. c/ dame J.


Abstract

Exceptions et fins de non-recevoir

Article 259 du Code de procédure civile - Caution judicatum solvi. - « Défendeur monégasque »- Défendeur de nationalité monégasque

Résumé

L'article 259 du Code de procédure civile qui ouvre le droit de requérir la caution judicatum solvi au défendeur monégasque ne peut s'interpréter de façon extensive et s'applique nécessairement au seul défendeur de nationalité monégasque.

Motifs

La Cour

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté, en la forme, par le sieur R. N., domicilié

. (Belgique) à l'encontre du jugement du Tribunal du 18 novembre 1976 qui, à l'occasion de l'action en paiement de ...

Abstract

Exceptions et fins de non-recevoir

Article 259 du Code de procédure civile - Caution judicatum solvi. - « Défendeur monégasque »- Défendeur de nationalité monégasque

Résumé

L'article 259 du Code de procédure civile qui ouvre le droit de requérir la caution judicatum solvi au défendeur monégasque ne peut s'interpréter de façon extensive et s'applique nécessairement au seul défendeur de nationalité monégasque.

Motifs

La Cour

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté, en la forme, par le sieur R. N., domicilié . (Belgique) à l'encontre du jugement du Tribunal du 18 novembre 1976 qui, à l'occasion de l'action en paiement de 1 000 000 de francs de dommages-intérêts qu'il avait intentée le 25 mai 1976 à l'encontre de la dame J. dite L. D., et sur les conclusions de celle-ci, l'a déclaré tenu, par application de l'article 259 du Code de procédure civile, de fournir une caution de 50 000 francs pour garantir le paiement des frais et dommages-intérêts auxquels il pourrait être condamné ;

Qu'il reproche à ce jugement d'avoir, contrairement d'ailleurs aux conclusions du Ministère Public, reconnu fondée la demande de la dame J. au seul motif de sa résidence privilégiée à Monaco, alors qu'elle n'est pas monégasque, condition exigée par l'article 259, clair et précis ; qu'il considère comme une contradiction de motifs le fait d'avoir écarté la jurisprudence française, compte tenu de la rédaction différente de celle du Code monégasque et d'avoir néanmoins faussement interprété le terme « défendeur monégasque » de façon extensive, comme pouvant s'appliquer à un étranger domicilié à Monaco, et ce au double motif que n'a été utilisé, comme dans l'article 260, le terme « sujet monégasque » et que la justice rendue par les Tribunaux de la Principauté serait sans valeur si elle ne pouvait être exécutée contre un étranger qui n'offrirait aucune garantie à son adversaire ; que ne serviraient pas davantage de base à la décision rendue les références, inopérantes en la cause, à l'article 21 de l'Ordonnance du 9 décembre 1913, sur la profession d'Avocat et à l'article 78 du Code de procédure pénale ;

Attendu que l'intimée rappelle que N. a repris les procédures que sa mère, dame P., décédée, exerçait depuis longtemps contre elle, au point de former lui-même un pourvoi en Révision dont il a été débouté, et ce, sans avoir jamais réglé les dépens s'élevant à 4 185 F 70 ; qu'elle est en droit de craindre un semblable comportement à l'occasion de la demande actuelle, portant sur un million de francs, et à l'occasion de laquelle elle entend former une demande reconventionnelle en dommages-intérêts ; qu'elle estime immoral qu'un étranger n'ayant ni domicile ni biens à Monaco puisse y multiplier les procédures en demeurant à l'abri de tout recours ; qu'elle s'estime fondée à obtenir, préalablement à tout examen du fond, le versement de la caution judicatum solvi telle que fixée par le Tribunal et pour les motifs retenus par lui, en un jugement dont elle demande la confirmation ;

Attendu que M. le Procureur Général conclut verbalement à l'infirmation du jugement, estimant que la garantie de la caution judicatum solvi doit être réservée aux seuls défendeurs de nationalité monégasque ;

Attendu que l'article 259 du Code de procédure civile ouvre le droit de requérir la caution judicatum solvi au « défendeur monégasque », l'article 260 précisant les cas dans lesquels cette caution ne pourra être exigée ;

Attendu que pour interpréter extensivement l'adjectif « monégasque » au point de l'appliquer à un défendeur étranger domicilié à Monaco, le Tribunal a eu recours à un argument de texte, comparant la rédaction des articles 259 et 260, § 4, et à un principe général touchant à l'efficacité des décisions judiciaires ;

Attendu que le Tribunal estime que si le législateur avait voulu réserver le droit d'exiger caution au seul national, il aurait pris le soin d'exprimer sa pensée sans ambiguïté en visant expressément le défendeur « sujet monégasque » comme dans l'article 260, mais qu'il peut être objecté à ce raisonnement, qui va à l'encontre de la stricte rédaction du texte :

1° qu'il eût été aussi facile au Législateur, s'il avait entendu attribuer ce droit à toutes les personnes domiciliées en Principauté, soit de le préciser par les termes « défendeur monégasque ou domicilié à Monaco » soit même de supprimer l'adjectif « monégasque » pour adopter un texte semblable à l'article 166 du Code de procédure civile français (abrogé depuis par le décret du 20 juillet 1972), qui ne mentionnait que « le défendeur » sans le qualifier autrement ;

2° que la rédaction de l'article 260 § 4 ne vient pas en opposition avec celle de l'article 259, mais mettant en application le principe posé par l'article 11 du Code civil, adopte la même terminologie que celui-ci qui, à l'occasion des relations internationales, mentionne tout naturellement le « sujet monégasque » ;

3° que d'autres dispositions du Code civil, notamment les articles 8 et 9 qualifient le national simplement de « monégasque » par opposition aux étrangers ;

4° que l'intention du Législateur ne peut avoir été de faire au défendeur étranger domicilié un sort plus favorable qu'au national, ce qui serait le cas s'il pouvait exiger la caution, sans avoir à établir, comme le monégasque selon l'article 260, § 4, un défaut de réciprocité entre la Principauté et le Pays auquel appartient le demandeur ;

Attendu que le Tribunal a rejeté la jurisprudence française invoquée par la dame J. et même celle qu'il a citée de son propre chef au motif de la différence des textes français et monégasque en la matière, mais sans tirer l'argument qui résultait de cette comparaison ;

Attendu, en effet, que si l'arrêt de la Cour de Paris du 9 janvier 1951, jurisprudence sur laquelle la même Cour est revenue en 1962, avait admis qu'un défendeur étranger, titulaire d'une carte de résident privilégié en France pouvait réclamer la cautio judicatum solvi, ce ne pouvait être qu'en raison de la rédaction de l'article 166 du Code de procédure civile, mentionnant « le défendeur » sans autre indication ; que malgré ce défaut de précision, la jurisprudence dominante estimait que pour exiger caution, le défendeur devait être français, ce droit étant qualifié de droit civil (T.C. Seine, 12 novembre 1931) ou de privilège de nationalité (même Tribunal 17 avril 1934) ;

Que la volonté du Législateur monégasque d'adopter un texte différent et plus précis résulte de l'Exposé des Motifs du Baron de Rolland (Titre IX - Des Exceptions) indiquant que, pour la cautio judicatum solvi, il avait rassemblé toutes les règles de la matière et « les avait formulées de façon à rendre impossibles les controverses qui se sont produites à ce sujet dans la jurisprudence et dans la doctrine françaises » ; que les références doctrinales qu'il énonce portent notamment sur l'éventuelle assimilation de l'étranger domicilié au défendeur français ; qu'ainsi apparaît évidente la portée de l'adjectif volontairement ajouté au texte français et qui ne peut concerner que les nationaux monégasques ;

Que, dans ces conditions, malgré les considérations fort intéressantes touchant particulièrement à la garantie et à la grande facilité d'exécution des décisions judiciaires monégasques, dont l'exequatur peut cependant toujours être poursuivi, et malgré les références aux dispositions de la loi du 9 décembre 1913 et à l'article 78 du Code de procédure pénale, qui visent toutefois des situations différentes, il n'apparaît pas que puisse être admise l'interprétation extensive donnée par le Tribunal à l'article 259 du Code de procédure civile en le rattachant à un critère de territorialité et non de nationalité et qu'il y a lieu, réformant le jugement entrepris, de débouter la dame J. de l'exception de cautio judicatum solvi qu'elle avait soulevée avant toute défense au fond ; qu'en raison de sa succombance, il y a lieu de lui laisser la charge des dépens de l'incident, tant de première instance que d'appel ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Accueille en la forme le sieur R. N. en son appel et l'y déclare fondé ;

Dit et juge que l'article 259 du Code de procédure civile institue la protection de la cautio judicatum solvi au profit du seul défendeur de nationalité monégasque ;

Réforme, en conséquence le jugement entrepris et rejette l'exception soulevée in limine litis par la dame J., qui ne possède pas cette nationalité, tendant à obtenir une telle caution ;

Composition

MM. de Monseignat prem. pr., Default prem. subst. gén., MMe Boisson et Sanita av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25864
Date de la décision : 07/06/1977

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : N.
Défendeurs : dame J.

Références :

article 21 de l'Ordonnance du 9 décembre 1913
article 78 du Code de procédure pénale
article 166 du Code de procédure civile
Code civil
loi du 9 décembre 1913
article 11 du Code civil
Article 259 du Code de procédure civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1977-06-07;25864 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award