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15/06/1976 | MONACO | N°25819

Monaco | Cour d'appel, 15 juin 1976, Caisse de Compensation des Services Sociaux c/ R.


Abstract

Lois et ordonnances

Ordonnances d'application - Ordonnances successives - Effet - Formule - « toutes dispositions contraires... sont et demeurent abrogées » - Portée

Résumé

L'Ordonnance Souveraine n° 92 du 7 novembre 1949, bien qu'étant dénommée Ordonnance de codification, ne peut avoir de valeur supérieure à l'Ordonnance Souveraine n° 4739 du 22 juin 1971, la Constitution monégasque ne prévoyant aucune différence de catégorie entre les Ordonnances Souveraines ayant pour objet l'application d'une loi.

L'Ordonnance Souveraine n° 47

39 n'ayant pas abrogé explicitement toutes les dispositions modifiées mais ayant adopté la formul...

Abstract

Lois et ordonnances

Ordonnances d'application - Ordonnances successives - Effet - Formule - « toutes dispositions contraires... sont et demeurent abrogées » - Portée

Résumé

L'Ordonnance Souveraine n° 92 du 7 novembre 1949, bien qu'étant dénommée Ordonnance de codification, ne peut avoir de valeur supérieure à l'Ordonnance Souveraine n° 4739 du 22 juin 1971, la Constitution monégasque ne prévoyant aucune différence de catégorie entre les Ordonnances Souveraines ayant pour objet l'application d'une loi.

L'Ordonnance Souveraine n° 4739 n'ayant pas abrogé explicitement toutes les dispositions modifiées mais ayant adopté la formule selon laquelle « toutes dispositions contraires... sont et demeurent abrogées », le problème se limite à déterminer si l'article 14 de l'Ordonnance n° 4739 est contraire à l'article 7 de l'Ordonnance n° 92 ou s'il peut coexister avec lui, ces deux articles se référant au droit à des prestations identiques bien qu'énoncées par des textes différents dont le second fait d'ailleurs entre elles, quant à leurs conditions d'attribution, une ventilation qui n'existait pas auparavant.

Motifs

La Cour

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté en la forme par la Caisse de Compensation des Services Sociaux (CCSS) à l'encontre du jugement du Tribunal du 6 novembre 1975 qui, faisant droit aux fins de l'assignation du sieur F. R., a dit que celui-ci, pour bénéficier des prestations sociales prévues par l'ordonnance loi n° 397, n'est tenu de justifier que du nombre d'heures de travail prescrit par l'Ordonnance n° 4739 du 22 juin 1971 modifiée le 30 janvier 1973 et qu'au vu de cette justification et de celle d'une affiliation régulière, la CCSS devra lui verser les prestations auxquelles il a droit ;

Attendu qu'il résulte des pièces produites et qu'il n'est pas contesté en fait que R., salarié en tant que Secrétaire de l'Association des Mutilés du travail, exerce parallèlement une activité d'agent d'assurances ; que sur la présentation d'une feuille de maladie en juin 1974, il lui était demandé par la CCSS, le 18 juillet 1974, de la renseigner sur les revenus que lui procurait cette dernière activité et le temps qu'il y consacrait, en vue de déterminer si son activité professionnelle principale était celle salariée, seul cas d'ouverture du droit aux prestations, selon l'article 7 de l'Ordonnance n° 92 du 7 novembre 1949 ; que R. ayant refusé ces renseignements en invoquant le texte nouveau de l'Ordonnance 4739, substituant à cette notion d'activité principale la justification d'un minimum d'heures de travail dans le temps précédant la prise en charge, et la CCSS ayant maintenu que l'exigence de l'article 7 de l'Ordonnance 92 était toujours en vigueur, R. a été amené à saisir le Tribunal qui a rendu, à son profit, le jugement frappé d'appel ;

Attendu que l'appelante reproche au Tribunal d'avoir retenu, pour aboutir à cette décision, que l'article 7 de l'Ordonnance 92 subordonnant le droit aux prestations à la justification d'une activité salariée principale, aurait été implicitement abrogé par l'Ordonnance 4739, dont l'article 14 subordonne ce droit à la justification d'une immatriculation et à celle d'un nombre déterminé (et d'ailleurs modeste) d'heures de travail, et dont l'article 106 a prévu l'abrogation de toutes dispositions contraires à celles de ladite Ordonnance, que cette abrogation implicite saurait d'autant moins être admise que :

1° l'Ordonnance 92 est un texte de codification contenant les principes généraux sur lequel est établi son système de compensation, qui pourrait se trouver en péril si n'étaient admises comme seules bénéficiaires des prestations des personnes dont l'activité salariée principale assure l'essentiel de leurs revenus, au point qu'elles pourraient se passer, pour subsister, de leur activité annexe non salariée ;

2° l'abrogation implicite n'est pas concevable en matière réglementaire, surtout par un texte de caractère différent, mais que, le serait-elle, il faudrait, pour entrer dans le cadre de l'article 106 que les dispositions nouvelles soient contraires aux anciennes, ce qui ne serait pas le cas, alors que le Tribunal se serait borné à affirmer cette contrariété sans en expliquer les raisons ;

3° l'Ordonnance 4739, en visant dans son préambule l'Ordonnance 92 de codification des ordonnances d'application de l'Ordonnance Loi 397 du 27 septembre 1949, a entendu en conserver les principes, notamment la notion d'activité principale qui ne serait pas inconciliable avec l'imposition, pour l'activité salariée, d'un nombre minimum d'heures pendant une période de référence ; que le texte le plus récent aurait donc un caractère de complémentarité par rapport à l'Ordonnance 92 et ne saurait donc avoir abrogé l'article 7 de cette Ordonnance ;

4° des circulaires internes de la CCSS, non contestées et ayant établi un muterus consensus, ont précisé les règles d'application de cet article 7 et en ont décidé le maintien postérieurement à l'Ordonnance 4739 ;

Attendu que R. conclut à la confirmation du jugement entrepris qui a exactement tenu compte des intentions du Législateur lorsqu'il a changé, en 1971 et 1973 les conditions d'ouverture du droit aux prestations, entièrement différentes de celle, assez imprécise, que posait l'article 7 de l'Ordonnance 92, en sorte que cette disposition, manifestement contraire aux nouvelles, a été abrogée par l'effet de l'article 106 ;

Qu'il critique l'argument tiré par la CCSS de la rupture qu'entraînerait son cas personnel dans l'équilibre du système de compensation, en faisant état de l'affiliation acceptée à la caisse, de médecins et auxiliaires médicaux qui n'ont, à aucun titre, la qualité de salariés ;

Attendu que le Tribunal a retenu, de façon pertinente, qu'il n'existe, selon la Constitution, aucune différence de catégorie entre les ordonnances prises pour l'application d'une loi et qu'il peut être ajouté à cette considération qu'une ordonnance de codification ne peut avoir de portée qu'à sa date sans engager l'avenir et qu'il appartient à l'Autorité qui l'a prise d'en modifier, sous la même forme, telle ou telle disposition ; qu'il ne peut donc être admis que l'Ordonnance 92 d'application, même codifiant les textes alors en vigueur ait posé, en dehors de la loi, un principe sur lequel une autre ordonnance d'application n'aurait pu revenir ;

Attendu que l'Ordonnance 4739, en raison sans doute de l'abondance des textes et de sa propre longueur, n'a pas abrogé explicitement et une à une toutes les dispositions modifiées mais a adopté la formule, très fréquente, selon laquelle « toutes dispositions contraires... sont et demeurent abrogées » ; que son auteur a donc manifesté une volonté d'abrogation plus nette que celle, purement implicite, qui aurait résulté de la seule incompatibilité de deux textes entre eux ; que le problème se limite donc à déterminer si l'article 14 de l'Ordonnance 4739 est contraire à l'article 7 de l'Ordonnance 92 ou s'il peut coexister avec lui, ces deux articles se référant de façon incontestée au droit à des prestations identiques, bien qu'énoncées par des textes différents, le second faisant d'ailleurs entre elles, quant à leurs conditions d'attribution, une ventilation qui n'existait pas auparavant ;

Attendu que l'Ordonnance 4739, si elle vise en son préambule l'Ordonnance loi 397 et l'Ordonnance 92, précise son but en son article 1er : elle « détermine les conditions dans lesquelles sont attribuées et servies les prestations garanties par l'Ordonnance loi 397 aux salariés régulièrement admis à travailler... » ; qu'il est remarquable de noter que son article 14, s'il pose des conditions différentes de celles de l'article 7 de l'ordonnance 92, débute par une identique rédaction : « L'ouverture du droit aux prestations prévues... est subordonnée à... » ; que ces articles fixent donc des conditions différentes à l'attribution d'un même droit et que, de ce seul fait, ils apparaissent incompatibles, ne pouvant ni coexister ni se superposer l'un à l'autre, hypothèse dont les modalités auraient dû être explicitées et que dément la rédaction de l'article 1er ;

Qu'il apparaît donc que l'Ordonnance 4739 a voulu remplacer par un critère chiffré et indiscutable la notion assez imprécise d'activité principale dont on ne sait si elle devait être appréciée selon le rendement pécuniaire supérieur ou le temps passé (les deux circulaires internes n°s 24 et 34 témoignent d'ailleurs de cette incertitude puisqu'elles se réfèrent d'abord à l'un de ces critères, puis cumulativement aux deux) ; que la 3e circulaire, postérieure à l'Ordonnance 4739, ne reflète qu'une interprétation qui ne peut prévaloir sur la volonté du législateur, même si elle n'a pas soulevé immédiatement d'objection ;

Attendu que les conditions posées par l'Ordonnance 4739 à l'ouverture du droit aux prestations sont donc impératives, nécessaires mais suffisantes et inconciliables avec la notion d'activité principale sous peine de créer les cas incertains que le nouveau texte tendait à supprimer ;

Attendu enfin, et en tant que de besoin, que l'argument économique tiré d'un éventuel déséquilibre de la caisse ne peut être retenu dès lors qu'il est établi que des personnes exerçant des professions libérales ont été affiliées à la CCSS, même dans le cadre contractuel, le fait que les cotisations soient acquittées par l'affilié lui-même, à défaut d'employeur, n'ayant pas d'incidence financière différente ;

Qu'il apparaît en conséquence que les seules conditions d'ouverture au droit aux prestations en nature sont celles fixées par l'article 14 de l'Ordonnance 4739 et que R. en justifie dans des conditions dont son honorabilité reconnue ne permet pas de mettre en doute la sincérité ; qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement reconnaissant son droit aux prestations, en laissant les dépens à la charge de l'appelante qui succombe en son recours ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Accueille en la forme la Caisse de Compensation des Services Sociaux en son appel, mais l'y déclare mal fondée et l'en déboute ; confirme le jugement du Tribunal du 6 novembre 1975 ;

Composition

M. de Monseignat prem. pr., Mme François j. sup. dél. au Parquet Gén., MMe Marquet, Boéri av. déf. et Sbarrato av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25819
Date de la décision : 15/06/1976

Analyses

Public - Général ; Loi et actes administratifs unilatéraux


Parties
Demandeurs : Caisse de Compensation des Services Sociaux
Défendeurs : R.

Références :

Ordonnance Souveraine n° 92 du 7 novembre 1949
article 7 de l'Ordonnance n° 92 du 7 novembre 1949
Ordonnance Souveraine n° 4739 du 22 juin 1971


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1976-06-15;25819 ?

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