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08/06/1976 | MONACO | N°25817

Monaco | Cour d'appel, 8 juin 1976, G. c/ L., S. C. Contacts et Union des Assurés de France.


Abstract

Contrats et obligations

Convention - Imprécision - Qualification juridique - Pouvoirs du Juge

Résumé

Il appartient au juge de qualifier juridiquement une convention dont les termes sont imprécis ou impropres.

Motifs

La Cour

Attendu que sur une action en paiement intentée par la Société Imprimerie G. contre le sieur G., qui avait appelé en intervention forcée et garantie la Société Civile Contacts, l'Association dite Union des Assurés de France (U.A.F.) toutes deux représentées par leur gérant et Président L. et ledit L.

personnellement, la Cour, a, par arrêts du 10 décembre 1974, réformé le jugement du Tribunal du 15 novemb...

Abstract

Contrats et obligations

Convention - Imprécision - Qualification juridique - Pouvoirs du Juge

Résumé

Il appartient au juge de qualifier juridiquement une convention dont les termes sont imprécis ou impropres.

Motifs

La Cour

Attendu que sur une action en paiement intentée par la Société Imprimerie G. contre le sieur G., qui avait appelé en intervention forcée et garantie la Société Civile Contacts, l'Association dite Union des Assurés de France (U.A.F.) toutes deux représentées par leur gérant et Président L. et ledit L. personnellement, la Cour, a, par arrêts du 10 décembre 1974, réformé le jugement du Tribunal du 15 novembre 1973 ; qu'après disjonction des instances principales et en garantie, elle a, sur la première, condamné G. à payer à G. 103 278,63 F avec intérêts de droit, outre 20 000 F de dommages-intérêts, réservant tous ses droits à recours ;

Que par un second arrêt, avant dire droit sur le mérite des appels en garantie, elle a maintenu en cause tous les appelés et désigné en qualité d'expert M. Duvillier avec une mission détaillée, tenue pour répétée ici ;

Attendu que l'expert a déposé son rapport le 23 février 1976 en suite de quoi les parties ont à nouveau conclu ;

1° G. pour soutenir que l'expertise et les documents produits établissent que toutes les condamnations qu'il a eu à acquitter doivent, en définitive, être supportées conjointement et solidairement par L., Contacts et U.A.F. et qu'en raison du préjudice qu'il a subi de leur fait, il réclame, en outre, leur condamnation au paiement des intérêts de droit des sommes qu'il a dû régler à G., depuis leur règlement, et de 50 000 F à titre de dommages-intérêts ;

2° L. pour affirmer qu'il n'a jamais agi qu'es qualités de représentant de Contacts et U.A.F. sans contracter d'engagement personnel et qu'à défaut de solidarité, hors la matière commerciale, il doit être mis hors de cause ;

3° U.A.F. pour dire que ses statuts d'Association sans but lucratif ne lui permettant pas de créer et faire diffuser une revue propre à la faire connaître, elle en a chargé la Société Civile Contacts qu'elle a cautionnée et qu'elle a parfois suppléée dans l'exécution de ses obligations envers G., en sorte qu'elles ont, à elles deux, totalement rempli les engagements limités assumés par Contacts et que G. doit demeurer seul responsable de sa gestion, d'autant qu'il n'a jamais permis la reprise, envisagée, de la revue As Magazine ;

4° Contacts pour confirmer qu'elle a contracté avec G. comme mandataire de U.A.F. dont elle était l'émanation et que nulle distinction ne doit être opérée entre les versements faits à G. par l'une ou l'autre d'entre elles, excédant même le forfait convenu ; qu'elle critique les conclusions de l'expert, basées sur de simples impressions, en ce qu'elles étendent ses obligations au-delà de ce forfait, avec, pour conséquence, la prise en charge par elle de tout le passif de l'opération et le paiement par U.A.F. de la totalité des numéros invendus, une telle facturation étant d'ailleurs intervenue tardivement ; que G. doit donc supporter seul le déficit de sa gestion, L. ayant été sans moyens légaux d'intervenir autrement que comme conseil ou éditorialiste, contrairement à l'attestation délivrée dans des conditions suspectes par le sieur F., Directeur de G. ; qu'elle conclut donc au rejet de l'appel en garantie ;

Attendu que si U.A.F. indique que, faute pour elle de pouvoir, en raison de son statut d'association sans but lucratif, participer à la création et la publication d'une revue, opération de caractère commercial, elle a chargé la Société Contacts, qui ne dénie pas cette qualité de mandataire, de traiter avec G. les conditions de l'opération, il faut retenir que nulle des parties en cause ne précise la nature de la convention intervenue entre L. et G., circonstance cependant déterminante des responsabilités de chacune d'elles ;

Qu'il importe donc de procéder à l'examen des faits de la cause, tels qu'ils peuvent être appréciés au vu de l'expertise et des documents produits, pour déterminer la nature de cette convention résultant d'accords verbaux confirmés par un échange de correspondances intervenu entre le 27 novembre et le 23 décembre 1970, étant cependant noté que les recherches antérieures de L. auprès de la Société d'Impressions Publicitaires Defossez font apparaître que c'est lui qui, désireux de fonder une revue pour la propagande de l'U.A.F. a pris l'initiative de ces relations d'affaires ;

Attendu qu'à deux lettres de G. des 27 novembre et 1er décembre, envisageant la création de la revue As Magazine, demandant les possibilités de financement de son correspondant, annonçant la réservation d'un local et demandant un versement de 50 000 F pour assurer les frais d'installation et du premier numéro, un budget mensuel de 30 000 francs paraissant suffisant à partir de février, L. répondait le 8 décembre, sur papier à en-tête dactylographié « Contacts », qu'à la suite d'entretiens récents il proposait « un versement de 50 000 francs pour démarrage et des versements de 30 000 francs à la parution de chaque numéro » ;

Qu'à une demande de précision sur la garantie qu'il pourrait donner, G. répondait le 15 décembre qu'il ne pouvait faire mieux que « de considérer vos apports comme participation à la constitution de notre Journal, étant entendu que si des difficultés apparaissent, vous pourrez en prendre l'entière direction » ;

Que le 23 décembre, L., toujours sous la même forme, donnait son accord à G. : « vous créez donc As Magazine et nous sommes vos commanditaires, nous vous en confions l'entière direction et responsabilité, étant formellement convenu qu'en cas de difficultés dans la gestion financière et si nous venions à considérer nos apports comme trop importants, nous nous réservons d'en prendre l'entière direction, prenant alors en charge l'actif et le passif de l'opération » ;

Attendu qu'à travers l'imprécision ou même l'impropriété des termes utilisés, il appartient aux juges de qualifier juridiquement les conventions :

Qu'il apparaît ainsi que malgré le terme employé par L. « nous sommes vos commanditaires », il n'a pu se créer entre lui (ou Contacts) et G. de société en commandite simple : non seulement parce que la commandite impose la limitation de l'obligation du commanditaire, alors que L. envisageait que ses apports « puissent devenir trop importants », mais aussi parce qu'il a joué dans les opérations techniques d'édition, d'impression et de routage, un rôle personnel (qui sera détaillé plus loin) incompatible avec celui d'un commanditaire à qui l'administration de la Société doit demeurer étrangère ;

Que le terme « commanditaire » ne peut donc avoir été employé par L. que dans le sens courant d'un « bailleur de fonds » se réservant, au moment où il jugerait ses apports excessifs de reprendre l'affaire qu'il faisait créer et exploiter à son profit par G. ; que dans ces conditions, les relations des parties ne peuvent s'interpréter que comme la création d'une société de fait pour les besoins de laquelle L. ou ses sociétés s'était engagé à apporter les fonds nécessaires, même excédant les prévisions forfaitaires initialement prévues, G. ne devant effectuer d'apports qu'en industrie et entendant limiter audit apport son éventuelle participation aux pertes ; qu'il n'a effectivement fait, avant la condamnation judiciairement prononcée qu'il a personnellement réglée à G., aucun versement de fonds, demandant même le règlement de petites sommes, comme des cotisations sociales, circonstance qui établit d'ailleurs l'impécuniosité dans laquelle se trouvait As Magazine ;

Attendu qu'il a été attribué aux juges du fond le pouvoir de constater souverainement qu'une société en participation (occulte à l'égard des tiers comme en l'espèce) constitue une société de fait dont le caractère commercial ressort des opérations effectuées et que chacun des associés a pu être déclaré solidairement responsable (vis à vis des tiers) des opérations ou des conventions passées par l'un d'eux au nom et pour le compte de la Société (Req. 28 avril 1913) ;

Attendu que ce caractère commercial, qui résulte des circonstances de la cause et qui d'ailleurs a été reconnu dans le Dire à l'Expert déposé le 26 mars 1975 par les intimés, confirme en tant que de besoin la possibilité d'établir par tous moyens la nature et la portée des engagements des parties, ainsi que les conséquences qui en résultent au point de vue de la solidarité ;

Attendu que la communauté de but et d'intérêts de U.A.F. et de Contacts n'est pas contestée, la seconde n'ayant eu d'autre utilité que de suppléer, au moins en apparence, la première dans des opérations commerciales incompatibles avec son statut d'association ; que leur qualité de bailleurs de fonds, en même temps que L. qui faisait plus que les représenter, et les droits qu'ils avaient en fait, sur As Magazine, même avant sa reprise en août 1971, résultent :

1° de la lettre de L. du 15 février 1971 demandant « pour pouvoir justifier aux associés de Contacts de leur propriété d'As Magazine... une situation comptable simple ainsi qu'un tableau provisionnel des avances à prévoir » ; que ce bilan provisionnel du 27 avril 1971, qui n'a pas appelé de protestation, établit que les dépenses par numéro excédaient 60 000 F, somme couverte par la vente de numéros à U.A.F., à ses gestionnaires et à divers, et par la subvention prévue ;

2° de la présentation par l'Argus de la Presse du 10 mai 1971, d'As Magazine comme « Mensuel d'Assurances et d'Informations Générales édité par l'Union des Assurés de France » ;

Attendu qu'en plus de cette fusion complète de droits et d'intérêts, le rôle personnel de L. engageant sa responsabilité, au-delà des personnes morales fondées et animées par lui seul résulte de maintes circonstances de la cause, et notamment :

1° le fait qu'il ait été désigné, le 4 janvier 1971 comme Président fondateur de As Magazine, où il publiait régulièrement un éditorial ;

2° ses initiatives personnelles constantes auprès de l'Imprimerie G. : rectification autoritaire du n° 2 d'As Magazine comportant la réimpression d'une partie, établissement d'un fichier d'adresses, commande d'encarts, ordres de routage et de distribution donnés même une fois par une Société B.C.G. lui appartenant ;

3° lettre signée par lui le 1er avril 1971 sur papier d'As Magazine et adressée aux collaborateurs de cette revue ;

4° contrôle personnel détaillé des factures de G. qui eût été sans utilité si L. n'avait été tenu que dans la limite du forfait ;

5° transfert d'As Magazine à son bureau personnel à Nice et non au siège, d'ailleurs assez virtuel, de Contacts à Paris à une adresse où elle ne peut être touchée ;

Que dans ces conditions, l'obligation de supporter tous les frais et les déficits d'exploitation doit être mise à la charge de U.A.F. Contacts et L., conjointement et solidairement avec pour conséquence, en l'absence de demande de liquidation du compte des parties, leur condamnation, sous cette solidarité, à relever et garantir G. des condamnations prononcées contre lui par l'arrêt du 10 décembre 1974, en principal, intérêts de droit, dommages-intérêts et dépens, l'état d'impécuniosité de la trésorerie d'As Magazine ci-avant déduit, établissant que tous ces paiements ont été personnellement réalisés par G., à qui ils n'incombaient pas en l'état de la convention entre les parties actuellement en présence ;

Que ce même fait justifie l'allocation d'intérêts de droit au profit de G. sur les sommes qu'il a ainsi payées, depuis la date de leur règlement à G. jusqu'à celle de leur remboursement en exécution du présent arrêt ;

Que par contre, il n'y a pas lieu d'ajouter à cette réparation celle de nouveaux dommages-intérêts, G. ayant assumé, du fait de ses accords avec L., le risque de recours de tiers, particulièrement de fournisseurs de la revue dont il se présentait comme le directeur responsable ;

Attendu que les appelés en garantie qui succombent en leurs moyens de défense doivent supporter les entiers dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Statuant en suite des arrêts du 10 décembre 1974 et eu égard aux indications fournies par le rapport d'expertise de M. Duvillier ;

Condamne conjointement et solidairement l'Association U.A.F., la Société Civile Contacts représentées par L. et ledit L. personnellement à relever et garantir G. des sommes qu'il a payées à l'Imprimerie G., et à lui payer en conséquence : Cent trois mille deux cent soixante dix huit francs, 63 (103 278,63 F) et les intérêts de droit de cette somme, tels qu'il en sera justifié, outre les vingt mille francs (20 000 F), alloués à G., à titre de dommages-intérêts et les dépens de cette instance ;

Les condamne sous la même solidarité à payer à G. les intérêts de droit des sommes qu'il a acquittées, du jour de leur règlement jusqu'à celui de l'exécution du présent arrêt ;

Rejette la demande de dommages-intérêts complémentaire présentée par G. ;

Composition

MM. de Monseignat prem. pr., Default prem. subst. gén., MMe Clerissi, Boéri av. déf. et Blot av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25817
Date de la décision : 08/06/1976

Analyses

Contrat - Général


Parties
Demandeurs : G.
Défendeurs : L., S. C. Contacts et Union des Assurés de France.

Références :

L. du 15 février 1971


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1976-06-08;25817 ?

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