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09/03/1976 | MONACO | N°25789

Monaco | Cour d'appel, 9 mars 1976, Dames Q. et M. c/ dame H., C. et P.


Abstract

Exceptions et fins de non-recevoir

Fins de non recevoir - Jonction à l'examen du fond - Nécessité (non)

Péremption d'instance

Discontinuation de poursuites - Délai écoulé - Validité (oui)

Prescription civile

Prescription trentenaire - Acquisition - Conditions

Résumé

Des fins de non recevoir, inexactement qualifiées d'exceptions, ne doivent pas être jointes à l'examen du fond dès lors que le Tribunal dispose de moyens lui permettant de statuer sur elles.

La péremption par l'effet de la discontinuation des pou

rsuites pendant plus d'un an - en fait pendant quinze ans - est acquise de plein droit dès lors que les parties qui ...

Abstract

Exceptions et fins de non-recevoir

Fins de non recevoir - Jonction à l'examen du fond - Nécessité (non)

Péremption d'instance

Discontinuation de poursuites - Délai écoulé - Validité (oui)

Prescription civile

Prescription trentenaire - Acquisition - Conditions

Résumé

Des fins de non recevoir, inexactement qualifiées d'exceptions, ne doivent pas être jointes à l'examen du fond dès lors que le Tribunal dispose de moyens lui permettant de statuer sur elles.

La péremption par l'effet de la discontinuation des poursuites pendant plus d'un an - en fait pendant quinze ans - est acquise de plein droit dès lors que les parties qui entendent s'en prévaloir l'ont opposée avant toute défense au fond.

La prescription trentenaire est réalisée à la seule condition qu'il y ait eu une possession conforme à l'article 2048 du Code Civil, c'est-à-dire continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.

Motifs

La Cour

Statuant sur les appels régulièrement interjetés en la forme, contre le jugement du Tribunal du 13 février 1975, non signifié :

1° le 3 avril 1975, par la dame A. H.-D., épouse divorcée en premières noces du sieur J. C., épouse en secondes noces, séparée de biens du sieur G. Q., et ledit sieur Q., et par la dame F. C., épouse séparée de biens du sieur G. M. et ledit sieur M., en leur exploit non signifié à la dame S. H. divorcée P., audit sieur P. P. et au sieur J. C. ;

2° le 21 mai 1975, par le sieur J. C., par exploit signifié à la dame S. H., divorcée du sieur P. P., audit sieur P., à la dame H.-D., épouse Q., en tant que de besoin audit sieur Q. et à la dame F. C., épouse M., et en tant que de besoin, à ce dernier ;

Attendu que ces deux appels, formés contre le même jugement et comprenant les mêmes parties, doivent être joints pour qu'il soit statué par un seul arrêt, d'autant que les appelants successifs demandent, pour des motifs semblables, la réformation du jugement en ce qu'ayant relevé les moyens d'irrecevabilité par eux soulevés à l'encontre de l'instance engagée le 26 juin 1973 par la dame H., divorcée P., il avait estimé que les exceptions d'irrecevabilité ne pouvaient être jugées sans aborder le fond du litige, avait joint ces incidents au fond et renvoyé la cause et les parties pour être à nouveau conclu et éventuellement statué ; qu'en des écrits séparés mais concordants, ils estiment que le Tribunal était à même de statuer sur les irrecevabilités sans aborder le fond et demandent à la Cour de déclarer irrecevable l'action de la dame H. tendant à obtenir :

1° l'homologation du rapport d'expertise déposé le 28 juin 1958 par M. Lemaire, en exécution d'un jugement du 18 juin 1953 :

2° la nullité de l'acte de donation de l'appartement n° 34 (ex 31) de l'immeuble G., consenti le 17 mai 1972 par le sieur J. C. et son ancienne épouse, dame H. D., épouse Q., à leur fille légitime F. C. épouse M., avec pour conséquence la licitation de cet appartement qui appartiendrait encore en indivision à une société de fait ayant existé pour la construction du G. ;

3° le donné acte de ses réserves relatives à l'attribution du prix de vente d'un autre appartement portant le n° 30 ;

4° la condamnation de C. et de la dame H.-D. à 10 000 francs de dommages intérêts ;

* que les appelants reprennent les moyens d'irrecevabilité soulevés par eux en première instance ;

* la péremption de l'instance ayant abouti à l'expertise de 1958 dont l'homologation est poursuivie 15 ans plus tard et à l'encontre de certaines parties alors non présentes aux débats ;

* le défaut de qualité pour agir de la dame H. à titre personnel, alors qu'elle ne figurait pas au nombre des associés de fait (ainsi que le préciserait le rapport Lemaire), et qu'elle est divorcée depuis 1953 de P. P., ses intérêts pécuniaires matrimoniaux ayant alors été réglés ;

Que C. y ajoute, en son appel séparé, un moyen déjà soumis au Tribunal par ses conclusions du 12 décembre 1974, tiré de la prescription trentenaire, les appartements litigieux lui ayant été attribués dès 1940 en partage anticipé par P. P., en sorte qu'il en a joui depuis sans contestation ni réserves comme bien propre, moyen qu'adoptent implicitement les dames Q. et M. en demandant, par leurs conclusions du 7 octobre 1975, qu'il soit fait droit à l'appel de C. ;

Attendu que la dame H., après s'être initialement rapportée à justice sur la jonction des incidents au fond, et son ancien mari, P. P., qui adopte et appuie les nouvelles conclusions de celle-ci, estiment que les moyens d'irrecevabilité soulevés sont purement dilatoires et que le Tribunal les a justement joints au fond en une décision dont ils demandent la confirmation ;

Qu'ils soutiennent que l'exception de péremption est basée sur une confusion malicieuse entre instance et action, que la péremption de la première n'éteint pas l'action et qu'il peut même, en vertu de l'article 408 du Code de Procédure Civile, être fait usage, dans l'action reprise, d'actes de procédure, notamment de rapports d'experts intervenus dans la précédente instance ; qu'au surplus, la péremption de l'article 405 a pour base la présomption d'abandon par le demandeur et que celui-ci avait été en 1952 J. C. et non eux-mêmes ;

Que le défaut de qualité de la dame H. pour agir en son nom personnel est démenti par les actes mêmes de procédure de C. en 1952, sa qualité d'associée de fait ayant été reconnue par le jugement de 1953, de même que par l'expertise Lemaire, et au surplus affirmée par P. P. en une attestation versée aux débats ;

Qu'ils combattent de même l'exception tirée de la prescription trentenaire, C. ne justifiant pas d'une paisible jouissance depuis 1940 de l'appartement litigieux, non plus que de l'origine ni de la nature de sa possession ; qu'il a soutenu en 1952 une autre thèse, déclarant alors que quatre appartements constituaient le bénéfice de l'indivision, et qu'au surplus, même en présence d'un délai trentenaire acquis, la prescription ne saurait être opposée à la revendication d'un droit de propriété immobilière ;

Attendu que l'assignation de la dame H. présentait, comme l'a exactement précisé le Tribunal, une double demande :

* homologation du rapport Lemaire de 1958 ;

* annulation de l'acte de donation intervenu en 1972 avec les conséquences qui en découleraient ;

Que les moyens soulevés par les défendeurs sont qualifiés d'exceptions, alors qu'il s'agit, en fait, de fins de non-recevoir, concernant successivement les deux demandes, en ce sens qu'ils s'attaquent au droit d'action lui-même, soutenant que cette action n'est pas recevable, soit qu'elle tende à faire revivre une instance périmée, soit faute d'intérêt ou de qualité, soit parce qu'elle est éteinte ;

Attendu que le Tribunal, saisi de la demande, a le pouvoir d'apprécier s'il y a lieu de statuer préalablement par jugement séparé sur la fin de non-recevoir ou sur le tout par un seul jugement, dans la mesure où l'examen du fond apparaît nécessaire à l'appréciation de la valeur du moyen soulevé ; que la Cour a le même pouvoir d'appréciation en vertu de l'effet dévolutif de l'appel et qu'il convient d'examiner ces moyens ;

Sur la péremption :

Attendu que ce moyen, concernant la seule première demande, ne nécessite aucune référence au fond et doit trouver sa solution dans les seules règles de la procédure ; que, de ce chef, la décision de jonction au fond n'apparaît pas justifiée ;

Attendu qu'il est constant que le dernier acte de l'action engagée en 1952 par C. est le dépôt du rapport de M. Lemaire, le 28 juin 1958 ; qu'il doit donc être considéré qu'en vertu des articles 405 et 407 du Code de Procédure Civile, la péremption par l'effet de la discontinuation de poursuites pendant plus d'un an - et, en fait 15 ans se sont écoulés avant l'assignation actuelle - est acquise de plein droit, dès lors que les parties qui entendent s'en prévaloir l'ont opposée, comme en l'espèce, avant toute défense au fond, par leurs conclusions des 10 janvier 1974 pour C. et 14 mars 1974 pour les dames Q. et M. ;

Attendu qu'il est bien exact que la péremption n'atteint que l'instance et non l'action, mais que l'action engagée en 1973 par la dame H. ne peut être considérée comme étant la reprise, par une instance nouvelle, de l'action engagée contre toutes les parties alors en cause (G. B. ou ses héritiers) et qu'elle est dirigée contre des personnes qui n'y figuraient pas (dames Q. et M.) ; qu'il ne saurait donc être fait application du 2e alinéa de l'article 408 ; qu'il convient encore de préciser que la péremption ne court pas contre le seul demandeur originaire, comme le soutiennent les intimés, l'article 407 ne faisant aucune distinction ou restriction sur la partie qui entend s'en prévaloir ;

Que les appelants sont donc fondés tant sur leur demande de décision immédiate sur le moyen soulevé par eux, que sur le fondement même de leur fin de non recevoir et que le premier chef de demande de la dame H. doit être déclaré irrecevable par l'effet de la péremption ;

Sur le défaut de qualité et d'intérêt de la dame H. :

Attendu qu'il apparaît que ce moyen, qui s'apparente à une défense au fond, ne pouvait être examiné sans des débats sur le fond, en vue d'établir les relations originaires exactes des parties ou de certaines d'entre elles, ainsi que les droits que la dame H. aurait pu éventuellement acquérir, ou perdre du fait de la dissolution de son régime matrimonial, toutes circonstances que le Tribunal n'était pas à même de trancher, en sorte que sa décision de jonction au fond et de renvoi serait à confirmer, au moins de ce chef, s'il n'était soulevé contre la deuxième partie de la demande, concernant l'annulation de l'acte de donation, une autre fin de non-recevoir ;

Sur la prescription trentenaire :

Attendu que la valeur de cette fin de non-recevoir, soulevée en première instance et susceptible de l'être en tout état de cause (Encyclopédie Dalloz, Procédure V° Exception et fin de non-recevoir, n° 68 et 69), pouvait être appréciée en l'état des moyens et documents fournis et des arguments présentés en défense ;

Attendu, tout d'abord, que ne saurait être retenu l'argument de la dame H. contenu en ses conclusions du 7 octobre 1975, la prescription acquisitive trentenaire de l'article 2082 du Code Civil (2.262 français) concernant toutes les actions tant réelles que personnelles, les droits réels principaux relevant du domaine de cette prescription étant essentiellement le droit de propriété mobilière et immobilière ;

Attendu que cette prescription trentenaire, à la différence des prescriptions acquisitives abrégées qui exigent des conditions particulières, est réalisée à la seule condition qu'il y ait eu une possession conforme aux conditions de l'article 2048, c'est-à-dire continue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire ;

Attendu que les faits et circonstances de la cause et les documents produits établissent que C. remplissait ces conditions de la possession depuis plus de trente ans à la date de l'assignation délivrée par la dame H. et même à celle à laquelle il a opéré, conjointement avec son ancienne épouse, la donation de l'appartement litigieux à leur fille ;

Attendu, en effet, qu'il résulte d'une lettre du 27 novembre 1950, à enregistrer avec le présent arrêt, signée de P. P., qui, étant sur place avait un pouvoir d'administration de l'immeuble construit en commun, qu'il avait « fait en 1940, une distribution anticipée des bénéfices en mettant à ton nom (de J. C.) deux appartements et en laissant à G. (B.) la moitié de cette valeur » ; que C., adjudicataire du terrain sur lequel avait été construit L. G., était donc, du fait de cet accord entre associés, mis en possession en qualité de propriétaire de deux appartements ;

Que cette possession était si paisible, publique et non équivoque qu'il a vendu en 1944 l'un de ces appartements sans soulever la moindre protestation de la part de ses adversaires d'aujourd'hui ; que la continuité de sa possession est attestée par l'Agence des Étrangers qui, assurant les fonctions de syndic de la co-propriété depuis 1951, a constamment reçu de C. le règlement des charges jusqu'au 17 Mai 1972, date de la donation à la dame M. ;

Attendu qu'il ne peut être admis, comme le soutiennent la dame H. et P., que l'attribution anticipée ait correspondu à une attribution seulement provisoire et que la fin de la lettre du 27 novembre 1950, faisant état d'une situation financière changée pouvant entraîner des règlements de sommes en remboursement d'avances, ne signifie, en quoi que ce soit, un changement dans la distribution anticipée de 1940 consistant en la mise de deux appartements au nom de C. ;

Qu'il apparaît, en conséquence, que la demande d'annulation d'un acte de donation formulée après plus de trente ans de possession conforme à l'article 2048 du Code Civil, ne peut aucunement être accueillie et que la dame H. doit être déclarée, de ce chef, irrecevable en sa prétention ;

Attendu que la dame H., demanderesse initiale qui succombe en sa double prétention doit supporter les entiers dépens, ceux de première instance ayant été réservés ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Accueille en la forme la dame A. H. D., épouse Q. et la dame F. C., épouse M. et leurs époux, d'une part, le sieur J. C., d'autre part, en leurs appels ;

Joint les instance et faisant droit aux fins de ces appels,

Réforme le jugement du Tribunal du 13 février 1975 en ce qu'il a joint au fond les incidents que constituaient les exceptions d'irrecevabilité soulevées par les défendeurs et renvoyé la cause et les parties ;

Dit et juge que deux de ces moyens, qui constituent des fins de non-recevoir, sont en état d'être jugés sans examen du fond ;

Déclare irrecevable la première partie de la demande de la dame H., tendant à l'homologation du rapport de M. Lemaire, en vertu de l'article 405 du Code de Procédure Civile, l'instance étant périmée et la demande ne constituant pas la reprise de l'action initiale ;

Déclare irrecevable la deuxième partie tendant à l'annulation de l'acte de donation du 17 mai 1972 et aux conséquences en résultant, cette demande concernant un appartement dont C. avait la possession conforme à la loi depuis plus de trente ans et se heurtant à la prescription acquisitive de l'article 2082 du Code Civil ;

Déclare inutile, en conséquence, l'examen du troisième moyen tiré d'un défaut d'intérêt ou de qualité de la demanderesse ;

Rejette en conséquence, toutes les prétentions de la dame S. H. divorcée P..

Composition

MM. de Monseignat prem. pr., Default prem. subst. gén., MMe Sanita, Marquilly et Boisson (substituant M. Boéri) av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25789
Date de la décision : 09/03/1976

Analyses

Procédure civile


Parties
Demandeurs : Dames Q. et M.
Défendeurs : dame H., C. et P.

Références :

article 405 du Code de Procédure Civile
article 2082 du Code Civil
articles 405 et 407 du Code de Procédure Civile
article 2048 du Code Civil
article 408 du Code de Procédure Civile


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1976-03-09;25789 ?

Source

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