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04/06/1974 | MONACO | N°25713

Monaco | Cour d'appel, 4 juin 1974, Financière Segimo S.A. c/ K. et hoirs S.


Abstract

Vente

Promesse synallagmatique de vente - Effet - Condition

Résumé

La promesse synallagmatique de vente prévue par l'article 1432 du Code civil ne vaut vente qu'à partir du moment où elle est constatée par acte authentique passé devant un notaire monégasque.

Motifs

LA COUR

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par la Société anonyme Financière Segimo, à l'encontre du jugement du Tribunal du 28 février 1974, qui, après jonction avec une autre instance, faisant l'objet d'un désistement dont il était donné acte,

l'a déboutée de ses demandes tendant à la réitération d'une promesse de vente, et, faisant droit aux demandes...

Abstract

Vente

Promesse synallagmatique de vente - Effet - Condition

Résumé

La promesse synallagmatique de vente prévue par l'article 1432 du Code civil ne vaut vente qu'à partir du moment où elle est constatée par acte authentique passé devant un notaire monégasque.

Motifs

LA COUR

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par la Société anonyme Financière Segimo, à l'encontre du jugement du Tribunal du 28 février 1974, qui, après jonction avec une autre instance, faisant l'objet d'un désistement dont il était donné acte, l'a déboutée de ses demandes tendant à la réitération d'une promesse de vente, et, faisant droit aux demandes reconventionnelles des hoirs S. et des époux K., l'a condamnée à payer à chacun d'eux 5 000 F à titre de dommages-intérêts ;

Que par son exploit du 15 mars 1974, signifiant son appel aux époux K. et aux dames M.-R. S. épouse L., F. S., épouse divorcée D. et H. S. épouse D., elle les a assignés pour voir infirmer le jugement et entendre dire que K. lui a cédé ferme les droits qu'il tenait de l'accord passé par lui le 12 septembre 1972 avec les hoirs S., s'entendre condamner sous astreinte à réitérer la promesse de vente dans le délai d'un mois, faute de quoi l'arrêt à intervenir vaudrait acte de vente de la Villa L. C. ;

Que par lettre du 12 septembre 1972, K. proposait aux trois sœurs S. d'acheter la Villa L. C., dont elles sont copropriétaires, au prix de 4 500 000 F, après signature d'un compromis notarié comportant la clause suspensive de l'obtention du permis de construire (6 mois environ) un acompte de 10 % devant rester bloqué chez le notaire jusqu'à la signature de l'acte authentique, à la date duquel serait payé le solde du prix ; que l'accord des dames S. était donné sur cette lettre même, la dame D. imposant comme conditions de son adhésion : que les 450 000 F d'acompte demeurent acquis aux venderesses dans le délai de 6 mois, sauf le cas de refus du permis de construire, que l'accord ne prenne effet que du jour du compromis notarié et du versement de l'acompte et que le prix total convenu soit net de tous frais ;

Attendu que le 17 janvier 1973, K. mettait 450 000 F à la disposition de Maître Rey, qui établissait une promesse de vente signée des dames L. et D. ; que le défaut de signature de la dame D. devait entraîner une assignation de K., instance qui s'est terminée par le désistement dont le Tribunal a donné acte, disposition sur laquelle ne porte pas appel ;

Attendu que par lettre du 9 mars 1973 Segimo au courant des faits, conventions et conditions qu'elle rappelait, offrait à K. de se substituer à lui dans le bénéfice et la charge des accords conclus par lui, aux conditions ainsi précisées :

« 1° Signature dans le délai d'un mois à compter du jour de l'acceptation par vous des termes de la présente, au profit de notre Société de la Villa L. C., pour un prix de 4 500e 000 F. Cette promesse sera assortie de la condition suspensive... (accord préalable pour permis de construire dans les 6 mois)... Au cas où la condition serait défaillie, aucune indemnité ne serait due de part ni d'autre. En revanche, au cas où la condition serait réalisée, nous serions tenus de passer l'acte authentique de vente et de payer le solde du prix dans le délai d'un mois, faute de quoi une indemnité de 450 000 F serait due aux hoirs S. ;

» 2° Vous interviendriez comme partie à la promesse de vente et d'achat, pour subroger notre société dans les droits que vous tenez des hoirs S. ; ceux-ci autoriseraient immédiatement la restitution, nette de toute charge, à votre profit, de la somme de 450 000 F, constituant la garantie ci-dessus énoncée ;

« En outre, une somme de 350 000 F vous serait versée à titre d'indemnité par notre Société dans les cas suivants : (réalisation de la promesse de vente...) cette indemnité ferait l'objet, à votre profit, d'une caution bancaire ».

Attendu que K. donnait son accord à Segimo le 16 mars 1973 en lui accusant réception de sa lettre et en en reproduisant les termes, selon la demande faite ;

Attendu que le 21 mai 1973 seulement, Segimo faisait sommation à K. et aux hoirs S. d'avoir à se présenter le 24 mai en l'Étude de Maître Rey pour signer la promesse de vente ; que néanmoins Segimo ne se présentait pas et que K., seul présent, requérait Maître Rey de dresser un procès-verbal de carence ;

Attendu que c'est en cet état qu'était intervenue l'assignation initiale de Segimo du 5 juin 1973 et que cette société, retenant que l'accord S.-K. du 12 septembre 1972 était une convention synallagmatique parfaite, sous la seule condition suspensive de l'octroi du permis de construire, reproche au jugement d'avoir affirmé que l'accord K.-Segimo, également parfait le 16 mars 1973, présentait un autre caractère conditionnel non dénié par les parties, alors qu'elle protestait déjà, comme elle le fait à nouveau, contre un tel caractère : que son offre de subrogation n'était pas soumise à la condition suspensive de sa réitération notariée avant l'expiration d'un mois, car cette obligation mise à la charge de l'acheteur ne pouvait constituer une condition suspensive, mais tout au plus une condition résolutoire tacite permettant au créancier de forcer son débiteur à exécuter son obligation ou de l'assigner en justice aux fins de résolution, solutions dont aucune n'a été suivie ; qu'il en résulterait que K. lui a cédé ferme, le 16 mars 1973, les droits qu'il tenait de son accord du 12 septembre 1972 avec les hoirs S. ; qu'elle ajoute, verbalement, qu'en comparaissant devant Maître Rey, le 24 mai 1973, après l'expiration du délai d'un mois, K. a prouvé qu'il avait consenti une prorogation de ce délai ;

Attendu que K. soutient au contraire, que l'accord par lui donné à l'offre de Segimo ne mettait à sa charge qu'une obligation conditionnelle ne valant pas comme cession ferme et définitive de ses droits, une telle cession étant subordonnée au respect par Segimo de deux obligations à remplir dans le délai d'un mois : signature de la promesse notariée et constitution de deux cautions bancaires ; qu'à défaut d'exécution de ces conditions par Segimo dans le délai imparti (et a fortiori faute par elle d'avoir comparu devant le notaire après sa propre sommation d'avoir à s'y trouver) le Tribunal a fait, à juste titre, application de l'article 1031 du Code civil et, le considérant comme dégagé à partir du 16 avril 1973 de toute obligation envers Segimo, a débouté celle-ci de ses prétentions ; qu'il conclut à la confirmation de ce chef du jugement mais, par voie d'appel incident, demande d'élever à 30 000 F, avec intérêts de droit, le montant des dommages-intérêts à lui allouer, en soulignant la multiplicité des démarches accomplies par Segimo pour paralyser la réalisation des accords S.-K., ainsi que le dommage et la volonté de nuire qui en résultent ;

Attendu qu'au bénéfice d'une argumentation comparable et en soulignant, en outre, que Segimo ne mentionne même pas l'existence, pourtant fondamentale, de la promesse de vente notariée du 17 janvier 1973, mais seulement l'échange de correspondance du 12 septembre 1972, les autres intimées, en leurs écrits séparés, concluent à la confirmation du jugement, sauf à demander, elles aussi, par voie d'appel incident, que les dommages-intérêts à leur allouer soient élevés à 30 000 F ;

Attendu que le sort des accords S. - K. résultant du désistement dont acte a été donné par le Tribunal, la seule question à examiner, dans les limites de l'appel, est la portée et la valeur des accords Segimo-K., tels qu'ils résultent de l'échange de lettres des 9 et 16 mars 1973 ;

Attendu que Segimo soutient que la première promesse de vente (S. - K.) était parfaite par suite de l'accord sur la chose et sur le prix, sous la seule réserve de la condition suspensive du permis de construire, et, au bénéfice de sa contestation sur le caractère conditionnel des obligations assumées par elle en sa lettre du 9 mars, affirme que l'acceptation de cette lettre du 16 mars a consacré une promesse de cession de droits immobiliers également parfaite et définitive, devant entraîner la réalisation forcée de la vente de la villa ;

Mais attendu que cette prétention se heurte à deux objections déterminantes, dont une seule eût suffi à l'écarter :

I. - Celle d'abord qu'a retenue le Tribunal, tirée de l'article 1031 du Code civil, selon lequel :

« lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixé, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé » ;

Attendu qu'en l'espèce, Segimo avait assumé l'obligation de réaliser dans le délai d'un mois à compter de l'acceptation de son offre, soit au plus tard le 16 avril 1973 ;

1° la signature devant notaire d'une promesse de vente et d'achat (bien que ces mots aient été omis dans sa lettre, mais se trouvent établis par le début de la phrase suivante : " ... cette promesse...) ;

2° la justification auprès du notaire de la constitution de deux cautions bancaires de 450 000 F et 350 000 F, garantissant respectivement l'acompte sur le prix, permettant à K. de retirer la même somme qu'il avait déposée, et l'indemnité revenant à K. comme prix de cession de ses droits ;

Attendu qu'il est constant qu'advenant le 16 avril 1973, Segimo n'avait pas rempli ses obligations et que ce n'est que plus d'un mois après, le 21 juin, qu'elle faisait sommation de comparaître devant Maître Rey, sans pourtant s'y présenter elle-même ni donner alors avis d'un empêchement accidentel, que ne mentionnait d'ailleurs pas son assignation du 5 juin et qu'elle n'a allégué que postérieurement, sans en apporter la moindre justification ;

Attendu qu'il ne saurait être admis que K. ait, du fait de sa comparution devant le notaire, consenti une prorogation de délai, car le procès-verbal de carence qu'il a fait dresser mentionne à la fois l'absence de Segimo et la contestation formelle par lui des prétentions de celle-ci ;

Attendu que la communication tardive, en janvier 1974, de lettres de cautions bancaires, datées à la main du 13 avril 1973, mais dont le notaire n'avait pas été avisé encore à la date du 4 janvier 1974, ne permet pas davantage de dire que la deuxième obligation contractée par Segimo avait été exécutée à temps ;

Attendu que c'est à juste titre que le Tribunal a constaté que la durée convenue était expirée sans qu'aient été réalisés les événements pris comme condition de l'obligation contractée ; que leur décision ne saurait être infirmée par une analyse, ne correspondant pas au cas d'espèce, des règles applicables aux conditions suspensives de l'article 1036, qui doivent être extrinsèques à la convention, ou résolutoires tacites de l'article 1039, dont le jeu doit être judiciairement reconnu ;

Que la doctrine considère, en effet, pour l'application de l'article 1176 (identique au 1031 monégasque) que si le temps est expiré sans que la condition soit exécutée, elle est réputée défaillie (Aubry et Rau, Baudry-Lacantinerie) sans mise en demeure nécessaire ; que la jurisprudence a estimé de même (Cass. Civ. 13 novembre 1961) que la fixation d'un délai ne faisant pas dépendre une obligation d'un événement incertain ne peut correspondre à la condition suspensive définie par l'article 1181 du Code civil (1036 monégasque) mais constitue un terme comminatoire, laissant aux juges du fond la charge d'apprécier souverainement si le retard à l'exécution de la condition entraîne ou non l'inexistence de l'obligation corrélative ;

Attendu que très pertinemment, au vu des circonstances de la cause et en des motifs excellents, les premiers juges ont retenu, par application de l'article 1030, que le respect du délai avait un caractère déterminant pour K. qui, ayant immobilisé la somme de 450 000 F ne pouvait vraisemblablement s'engager pour une durée incertaine, dès lors que la récupération de cette somme était subordonnée pour lui à la signature de la convention de subrogation notariée, et que cette condition a défailli sans aucune faute de sa part ;

II. - Attendu qu'il peut être retenu, en outre, et en tant que de besoin, que Segimo attribue aux simples promesses intervenues par adhésion à une offre ou par échange de lettres un effet définitif, alors que celui-ci n'est possible, pour une promesse synallagmatique de vente d'immeuble, en vertu de l'article 1432 du Code civil, qu'à partir du moment où elle est constatée par un acte authentique passé devant un notaire monégasque ; que la Cour a jugé, le 8 février 1965, qu'une promesse de vente n'eût valu vente qu'à partir du moment où elle eût été constatée par acte authentique et qu'elle était sans effet à défaut d'un tel acte ;

Qu'il y a lieu, en conséquence, de débouter Segimo des fins de son appel et d'examiner la valeur des appels incidents formés par les intimés ;

Attendu que ceux-ci font valoir avec raison le préjudice que leur a sciemment occasionné Segimo qui avait de son seul fait défailli à ses engagements, en paralysant la réalisation de toute vente par des manœuvres réitérées : transcription à la Conservation des Hypothèques, en octobre 1973 de sa propre assignation et défense notifiée à tous les notaires de la Principauté, le 28 novembre 1973, de passer un acte de vente de la Villa L. C. avec tout autre acquéreur qu'elle-même ; que la prolongation de cette situation, délibérément voulue par Segimo, a occasionné aux appelants incidents un préjudice sérieux, insuffisamment apprécié par les premiers juges et encore accru depuis, qui justifie la majoration des dommages-intérêts à une somme que la Cour estime devoir fixer, pour chacun d'eux, à 15 000 F, nul intérêt de droit ne pouvant y être ajouté en raison du caractère forfaitaire de cette réparation ;

Attendu que la Société appelante qui succombe en son recours doit supporter les dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Et ceux des premiers juges qu'elle adopte et fait siens sur l'appel principal ;

Accueille en la forme la Société Financière Segimo en son appel, de même que les époux K. et les hoirs S. en leurs appels incidents ;

Déclare l'appel principal infondé et en déboute la Société Segimo ;

Confirme le jugement entrepris qui sortira son plein et entier effet, sauf en ce qui concerne le montant des dommages-intérêts faisant l'objet des appels incidents ;

Condamne la Société Segimo à payer 15 000 F à K. et la même somme aux hoirs S., à titre de dommages-intérêts ;

Composition

M. de Monseignat prem. pr., Mme Afchain juge sup. désignée pour suppléer le pr. gén., MMe Marquet, Marquilly, Boeri av. déf., Lénard, Ader (tous deux du barreau de Paris), Sbarrato) av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25713
Date de la décision : 04/06/1974

Analyses

Contrat - Général ; Contrat de vente


Parties
Demandeurs : Financière Segimo S.A.
Défendeurs : K. et hoirs S.

Références :

article 1432 du Code civil
article 1031 du Code civil
article 1181 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1974-06-04;25713 ?

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