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15/01/1974 | MONACO | N°25674

Monaco | Cour d'appel, 15 janvier 1974, Hoirs A., G. et autres c/ S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace et autres.


Abstract

Faillite

Juge-commissaire - Ordonnances rendues dans la limite de ses attributions - Condition restrictive - Contrôle - Voie de recours - Recevabilité - Attributions - Limite

Résumé

L'article 553 - 5° du Code de Commerce n'interdit l'opposition, l'appel ou le pourvoi en révision contre les jugements formés contre les ordonnances du juge commissaire que si ces décisions ont été rendues par le juge dans la limite de ses attributions.

Dès lors qu'il est mis une condition à l'effet définitif de tels jugements, une voie de recours doit être

admise pour contrôler si cette condition a bien été remplie.

Le juge-commissaire a outrepa...

Abstract

Faillite

Juge-commissaire - Ordonnances rendues dans la limite de ses attributions - Condition restrictive - Contrôle - Voie de recours - Recevabilité - Attributions - Limite

Résumé

L'article 553 - 5° du Code de Commerce n'interdit l'opposition, l'appel ou le pourvoi en révision contre les jugements formés contre les ordonnances du juge commissaire que si ces décisions ont été rendues par le juge dans la limite de ses attributions.

Dès lors qu'il est mis une condition à l'effet définitif de tels jugements, une voie de recours doit être admise pour contrôler si cette condition a bien été remplie.

Le juge-commissaire a outrepassé la limite de ses attributions en n'exigeant pas, préalablement à son ordonnance, la justification d'une mainlevée de la procédure d'expropriation commencée avant l'état d'union, qui eut seule permis alors une vente amiable de l'immeuble de la société faillie, en l'état des dispositions de l'article 543 du Code de Commerce.

Motifs

LA COUR,

Statuant sur les appels interjetés le 28 septembre 1973 par les hoirs A., les sieurs G., A. A., E. G., A. C. et la dame S. C., à l'encontre d'un jugement du Tribunal du 14 septembre 1973, qui, ayant accueilli et joint les oppositions qu'ils avaient formées le 24 août 1973 à l'encontre d'une ordonnance de M. le Juge commissaire de la faillite de la S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace (M.C.R.P.) avait rejeté les dites oppositions et maintenu l'ordonnance entreprise ;

Statuant également sur l'appel dit « provoqué » interjeté le 8 octobre 1973 par la S.C.I. Résidence du Monte-Carlo Palace contre ce même jugement, qui l'avait déclarée irrecevable en son intervention ;

Attendu qu'il y a lieu, comme l'avaient fait les premiers juges, de joindre toutes ces instances pour statuer par une seule décision ;

Attendu que le syndic O., saisi par la S.C.I. Résidences du Monte-Carlo Palace (ci-après Résidences) d'une offre d'achat amiable de l'ensemble immobilier dépendant de la faillite, présentait au juge commissaire une requête tendant à obtenir l'autorisation de signer un projet de vente selon les termes et conditions de cette convention du 27 juillet 1973, qui se trouvait annexée à la requête de même que l'acte de caution souscrit par la Chase Manhattan Bank ; que par ordonnance du 10 août 1973, le juge commissaire, ayant visé les articles 458 et 506 du Code de Commerce et 385 du Code civil et relevé l'intérêt que présentait l'offre pour les créanciers, dont il mentionnait un certain nombre d'acceptants, autorisait le syndic à signer le projet de vente ; que sur la publication de cette ordonnance se sont manifestées les six oppositions sur lesquelles le Tribunal a statué par le jugement frappé d'appel ; qu'en accueillant en la forme les oppositions et rejetant l'intervention de Résidences, il a considéré que la requête du syndic tendait essentiellement à voir confirmer la possibilité de vendre de gré à gré les immeubles, point sur lequel il constatait que ne portaient pas les oppositions, tandis que tous les autres moyens de fait et de droit soulevés concernaient les conditions du fond du projet de vente, sur lesquels il ne pourrait être statué qu'ultérieurement, à l'occasion du débat sur l'homologation par le Tribunal ; qu'il a donc rejeté les oppositions et dit que l'ordonnance du juge commissaire sortirait, quant à son dispositif seulement, son plein et entier effet ;

Attendu que les appelants, tous créanciers hypothécaires et deux d'entre eux, les hoirs A. et le sieur G., ayant entrepris, dès le mois de décembre 1970 une saisie immobilière et plus récemment une action en subrogation dans cette poursuite, font à ce jugement, dans leurs exploits d'appel, comme dans leurs conclusions, le même grief de n'avoir pas reconnu que le juge-commisaire avait excédé la limite de ses attributions en autorisant la vente des immeubles selon une forme qu'ils ne critiquent pas en elle-même, mais qui n'aurait été possible que moyennant l'accord, non obtenu, de tous les créanciers, d'autant qu'une poursuite en expropriation de ces immeubles avait été engagée avant l'époque de l'union, circonstance qui, selon l'article 543 du Code de Commerce, empêche toute vente à la diligence du syndic ; que l'ordonnance du juge-commissaire serait également nulle au regard des articles 590 et 591 du Code de Procédure civile, relatifs à l'impossibilité pour la partie saisie, d'aliéner ses immeubles après la transcription de la saisie, et 1029 du Code civil prohibant les conventions faites sous conditions purement potestatives, ce qui serait le cas en l'espèce, de plusieurs chefs ; qu'ils réfutent l'exception d'irrecevabilité de leur appel, tirée des dispositions de l'article 553-5° du Code de commerce, dès lors que leurs recours contre l'ordonnance et le jugement portent sur le fait que le juge-commissaire avait excédé ses attributions en méconnaissant tant personnellement les dispositions du Code de commerce et du Code de procédure civile que celles du code civil, auxquelles ne s'est pas soumise la Société Résidences ;

Que les appelants n'approuvent le jugement qu'en ce qu'il a rejeté l'intervention de cette société qui doit être déboutée de son appel et pour le surplus, concluent à son infirmation, l'ordonnance du juge commissaire ne pouvant être maintenue, mais déclarée nulle et de nul effet ;

Attendu que le syndic O., intimé, soulève tout d'abord l'irrecevabilité de l'appel, l'article 553 du Code de commerce prévoyant l'impossibilité de tout recours contre... « 5°) les jugements par lesquels le Tribunal statue sur les recours formés contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire dans la limite de ses attributions » ;

Qu'en effet, il appartiendrait normalement au juge-commissaire d'apprécier l'opportunité d'autoriser le syndic à transiger sur toutes contestations intéressant la masse, même sur des droits immobiliers, sous réserve de l'homologation du Tribunal ; qu'en l'espèce, le syndic et, après lui, le Juge commissaire, ayant agi dans la limite de leurs attributions, le jugement du 14 septembre 1973 ne serait pas susceptible d'appel ;

Qu'il soutient subsidiairement, que l'appel serait mal fondé en ce qu'il révèlerait le point de vue subjectif de ses auteurs qui ne contestent la qualité pour agir du juge commissaire qu'en raison du fait que la convention n'a pas leur agrément, alors que les clauses et conditions de cette dernière ne seront valablement examinées qu'au moment de son homologation ; que pour répondre au grief d'avoir méconnu la saisie en cours, il fait observer que cette saisie a été, jusqu'à nouvel ordre, déclarée nulle et qu'un sursis à statuer a été opposé à l'action en subrogation, mais qu'en cet état, deux hypothèses seules sont possibles : la confirmation du jugement du 11 janvier 1973, ce que n'empêcherait pas le projet de convention querellé, permettrait à G., subrogé, de poursuivre la saisie, ce que n'empêcherait pas le projet de convention querellé, sous la seule réserve, pour le candidat acquéreur, de consigner les fonds jusqu'à la date de l'adjudication, conformément à l'article 591 du Code de Procédure Civile, mentionné dans le projet de convention ;

Attendu que la dame F., autre intimée, déclare s'en rapporter à justice ;

Attendu que la Société Résidences, faisant appel à son tour, soutient, tant en son exploit qu'en ses conclusions, l'irrecevabilité des appels principaux pour le même motif de texte que celui qu'a invoqué le syndic et demande, au fond, de dire que son intervention avait été rejetée à tort, car elle a un intérêt majeur à pouvoir s'expliquer au sujet des conditions du compromis qu'elle a signé, qui font l'objet des critiques des opposants, aujourd'hui appelants, tout en reconnaissant elle-même que cette discussion est prématurée ; qu'elle tient à souligner que ses offres, venant après une longue période de recherches infructueuses d'un acheteur sérieux, sont satisfaisantes pour les créanciers et assorties d'une garantie de premier ordre ; qu'elle réfute à son tour l'argument tiré de l'article 543 du Code de commerce par les appelants, qui, selon elle, soutiendraient que, du fait des poursuites, le syndic ne saurait procéder qu'à la vente aux enchères des biens du failli ; qu'il devrait être fait application des articles 506 et 458 du Code de commerce, sous réserve d'une discussion sur les conditions de la vente lors de la procédure d'homologation ; qu'elle conclut donc au rejet des diverses oppositions et à la confirmation du jugement entrepris ;

Sur la recevabilité de l'appel

Attendu que l'article 553 - 5° du Code de commerce n'interdit l'opposition, l'appel ou le pourvoi en révision contre les jugements statuant sur les recours formés contre les ordonnances du juge-commissaire que si ces dernières ont été rendues par le juge « dans la limite de ses attributions » ; que dès lors qu'il est mis une condition à l'effet définitif de tels jugements, une voie de recours - qui en l'espèce ne peut être que l'appel - doit être admise pour contrôler si cette condition avait bien été remplie ; qu'il ne saurait donc être fait droit à l'exception d'irrecevabilité de l'appel soulevée à titre principal ;

Sur le fond

Attendu que le jugement entrepris a considéré que tout les griefs formulés à l'encontre de l'Ordonnance du juge commissaire concernaient les modalités du projet de vente ou les inconvénients qu'il pouvait présenter vis-à-vis de certains créanciers et a renvoyé l'examen de ces griefs à la date où le Tribunal serait appelé à statuer sur l'homologation de cette convention ;

Attendu que si ce raisonnement est valable en ce qui touche notamment au caractère potestatif attribué par les appelants à certaines des conditions suspensives dont est assorti le projet de convention, il ne peut être perdu de vue qu'au nombre des griefs formulés devant le Tribunal à l'occasion des oppositions contre l'ordonnance, figurait celui d'avoir autorisé la vente des immeubles de la société faillie en dépit de la procédure de saisie en cours et sans que l'effet de celle-ci ait été neutralisé par l'accord des créanciers saisissant et subrogé ;

Attendu que ce grief ne saurait être considéré comme étant de ceux dont l'examen peut être renvoyé jusqu'à l'époque de l'homologation, car il portait sur une impossibilité, sanctionnée par la nullité, prévue par les articles 590 et 591 du Code de Procédure Civile et plus encore par l'article 543 du Code de commerce, que ni le syndic ni le juge-commissaire n'avaient alors le pouvoir de couvrir autrement qu'en constatant l'abandon des poursuites en saisie, l'opération ne constituant pas, au sens juridique du terme, une transaction, comme le soutiennent inexactement les intimés en invoquant les articles 506 et 458 du Code de commerce ;

Attendu que pour apprécier si le juge-commissaire a agi dans la limite de ses attributions, il faut se placer à la date de sa décision et que le défaut d'accord des poursuivants résulte assez clairement de l'absence de leurs noms parmi ceux des créanciers, dont plusieurs chirographaires, qui sont indiqués dans l'ordonnance comme acceptant le projet ;

Attendu que le fait que la Cour, par arrêt séparé de ce jour, annule la saisie immobilière ne permet pas de régulariser a posteriori cette ordonnance, qui a méconnu d'impératives dispositions légales, d'autant que la Cour n'a pas le pouvoir de statuer sur la subrogation, sur le fond de laquelle le Tribunal n'a pas encore été appelé à juger ; qu'il ne peut donc être considéré que l'obstacle qui existait en août et septembre 1973 à l'autorisation de vente par le syndic, sous quelque forme que ce soit, de l'immeuble encore sous le coup d'une saisie, ait même entièrement disparu à ce jour et qu'un projet de vente puisse être admis avant la fin ou l'abandon de la dernière procédure tendant à l'expropriation de l'immeuble de la Société faillie ;

Sur l'appel de la Société Résidences

Attendu que le jugement du 14 septembre 1973 a rejeté, « en l'état actuel de la procédure », l'intervention de cette société, en raison du fait que tous les moyens de droit et les contestations touchant aux conditions de fond de la vente ne devaient pas être encore examinés ; que ce point de vue n'étant pas admis par la Cour, qui a retenu l'un au moins de ces moyens de droit, la présence de la Société Résidences est utile aux débats, ne serait-ce que pour retenir contre elle qu'elle ne s'était pas assurée, préalablement à son offre, un accord des créanciers suffisamment complet pour rendre possible la réalisation immédiate de son projet ; qu'il y a donc lieu de déclarer cette Société recevable en son appel, mais de la débouter au fond de ses prétentions, tendant notamment à l'irrecevabilité de l'appel principal, et de la condamner, en conséquence, à une partie des dépens ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Accueille, en la forme, les appels des hoirs A., des sieurs G., A., G., C. et de la dame C., ainsi que de la Société Résidences du Monte-Carlo Palace,

Joint les instances ;

Déclare recevables les appels principaux, dès lors que l'article 553 - 5° du Code de commerce n'exclut de recours que les ordonnances du juge-commissaire rendues « dans la limite de ses attributions », ce qui impose le contrôle du respect de cette condition restrictive ;

Réforme le jugement du 14 septembre 1973, en ce qu'il a renvoyé à une date ultérieure l'examen de tous les moyens de droit soulevés par les opposants, y compris celui portant sur l'impossibilité, en l'état, d'autoriser la vente de l'immeuble de la Société faillie, encore sous le coup d'une saisie, point qui, ne touchant pas aux modalités ou inconvénients de la vente projetée, mais à sa possibilité, nécessitait une décision immédiate ;

Déclare les appelants principaux fondés en ce qu'ils relèvent que le juge-commissaire a outrepassé la limite de ses attributions en n'exigeant pas, préalablement à son ordonnance, la justification d'une mainlevée de la procédure d'expropriation commencée avant l'état d'union, qui eût seule permis alors une vente, en l'état des dispositions de l'article 543 du Code de Commerce ;

Dit cette ordonnance nulle et de nul effet et infirme en conséquence le jugement qui admettait qu'elle sorte son plein et entier effet quant à son dispositif ;

Rejette comme inopérants ou mal fondés tous autres moyens, demandes, fins et conclusions des parties ;

Composition

MM. de Monseignat prem. pr., Default prem. subst. gén., MMe Marquilly, Clérissi, Boisson, Marquet av. déf., Magagli, Champsaur (tous deux du barreau de Nice) et Blot av.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25674
Date de la décision : 15/01/1974

Analyses

Sociétés - Général


Parties
Demandeurs : Hoirs A., G. et autres
Défendeurs : S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace et autres.

Références :

article 553 - 5° du Code de Commerce
article 553-5° du Code de commerce
Code civil
ordonnance du 10 août 1973
Code de commerce
article 543 du Code de Commerce
articles 590 et 591 du Code de Procédure civile
articles 506 et 458 du Code de commerce
article 591 du Code de Procédure Civile
Code de procédure civile
article 553 du Code de commerce
articles 458 et 506 du Code de Commerce


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1974-01-15;25674 ?

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