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04/01/1971 | MONACO | N°25005

Monaco | Cour d'appel, 4 janvier 1971, Hoirs B. et M. c/ Administrateur des Domaines Ma. ès-qual.


Abstract

Référés

Compétence -Servitude - Contestation sérieuse.

Domain public

Inaliénabilité -Servitudes légales.

Servitudes légales

État d'enclave - Servitude de passage -Titre.

Résumé

Le juge des référés est incompétent pour autoriser la fermeture d'un tunnel donnant accès sur la voie publique à un immeuble privé et qui constituerait une servitude légale de passage en raison de l'état d'enclave dudit immeuble.

L'inaliénabilité du domaine public ne s'oppose pas à ce que ce que ce fonds soit soumis aux servi

tudes légales.

La servitude légale de passage en raison de l'état d'enclave du fonds dominant n'implique l'exigence d'aucun ...

Abstract

Référés

Compétence -Servitude - Contestation sérieuse.

Domain public

Inaliénabilité -Servitudes légales.

Servitudes légales

État d'enclave - Servitude de passage -Titre.

Résumé

Le juge des référés est incompétent pour autoriser la fermeture d'un tunnel donnant accès sur la voie publique à un immeuble privé et qui constituerait une servitude légale de passage en raison de l'état d'enclave dudit immeuble.

L'inaliénabilité du domaine public ne s'oppose pas à ce que ce que ce fonds soit soumis aux servitudes légales.

La servitude légale de passage en raison de l'état d'enclave du fonds dominant n'implique l'exigence d'aucun titre.

Motifs

La Cour,

Statuant sur l'appel régulièrement interjeté en la forme, par les dames B., d'une ordonnance rendue le huit juillet mil neuf cent soixante-dix, par le Juge des référés du Tribunal de Première Instance de Monaco, lequel a condamné les appelantes et la Société S.I.E.M.C.O.L., à libérer et cesser d'utiliser la partie d'un tunnel sis en largeur, sous le Boulevard du Jardin Exotique à Monte-Carlo, et ce, sous une astreinte non comminatoire de cinq cents francs par jour de retard ;

Statuant également sur l'appel régulièrement interjeté en la forme par Ma., es-qualités de Président directeur général de la Société S.I.E.M.C.O.L. à l'encontre de la même décision ;

Joignant les instances, vu leur connexité ;

Considérant que les appelants, les premières propriétaires du fonds à partir duquel s'exerce l'usage du tunnel, l'autre locataire de partie de ce fonds et usager de cette voie souterraine, contestent la compétence du juge des référés ;

Qu'en outre, Ma. sollicite subsidiairement le transport de la Cour sur les lieux et la désignation d'un expert ;

Que G. es-qualités d'administrateur des Domaines, demande la confirmation de l'ordonnance entreprise ;

Considérant qu'à l'occasion d'importants travaux publics en cours d'exécution au Pont Sainte-Dévote à Monte-Carlo, l'Administrateur des Domaines s'estime dans l'obligation de supprimer l'entrée sur le Boulevard Rainier III d'un tunnel donnant accès sur cette avenue au sous-sol loué à la Société S.I.E.M.C.O.L. de l'immeuble appartenant aux dames B. ;

Que cette administration prétend, en effet, que l'autorisation de passage sous le Boulevard du Jardin Exotique, consentie au début du siècle aux auteurs des appelantes, ne l'avait été qu'à titre précaire ; que devant le Juge des référés les dames B. avaient, au contraire, soutenu qu'une servitude de passage existait au profit de leur fonds ;

Que le juge des référés, constatant l'absence de titre et faisant état du caractère imprescriptible et inaliénable du domaine public dont relèverait le Boulevard sous lequel a été creusé le tunnel, a considéré que la contestation n'était pas sérieuse et s'est dès lors déclaré compétent ;

Considérant qu'en cause d'appel, les appelants tirent argument de l'état d'enclave en lequel se serait trouvé, à partir de mil neuf cent un, le fonds dont ils ont, les uns la propriété, l'autre l'usage, pour justifier de l'existence au profit de ce fonds de la servitude légale de passage prévue par l'article 567 du Code civil ;

Considérant, eu égard à cette prétention, que le fonds dont s'agit et qui consistait à l'époque considérée en une carrière de pierres à ciel ouvert servant d'entrepôt, n'avait accès, selon eux sur la voie publique, que par le Boulevard de l'Ouest (devenu Boulevard Rainier III) au niveau duquel se trouvait le sol de la carrière, par suite des excavations pratiquées ;

Que la cession par les auteurs des dames B. à l'Administration des Domaines - survenue par acte notarié du 16 décembre 1901 - de la partie de ce fonds confinant à l'est le Boulevard de l'Ouest, pour qu'il y soit créé en un plan incliné l'amorce du Boulevard des Moneghetti (devenu Boulevard du Jardin Exotique), paraît en effet avoir eu pour conséquence, en raison de l'importante différence de niveau existant entre le sol de la carrière et les niveaux successifs de la chaussée nouvelle, de supprimer toute possibilité d'accès des véhicules dans cette carrière ; qu'en effet, les explications des appelants à ce sujet sont corroborées par les plans versés aux débats qui sont contemporains de l'acte notarié ;

Qu'il est dès lors plausible - bien que le titre de cession n'y ait pas fait allusion et que par ailleurs la création du tunnel destiné à supprimer l'enclave ait fait l'objet d'une demande adressée le vingt-huit novembre mil neuf cent un par B. au Gouverneur Général de la Principauté, tout comme s'il s'agissait de l'obtention d'une faveur - que la construction du passage litigieux ait été directement liée à l'observance des prescriptions de l'article 567 du Code civil, la servitude légale de passage devant alors être adéquate à l'utilisation normale du fonds dominant (donc en l'espèce permettre la circulation de véhicules) et pouvant grever le fonds servant, c'est-à-dire le Boulevard en construction, tout autant que s'il s'agissait d'une parcelle du domaine privé ;

Qu'il convient, en effet de considérer :

Qu'à supposer que le Boulevard des Moneghetti n'ait pas été le prolongement d'une route française, ce qui conformément à l'article 433 du Code Civil l'eût exclu du domaine public, qu'en tous cas l'inaliénabilité du fonds ne s'oppose pas à ce que ce fonds soit soumis aux servitudes légales, lesquelles sont moins des démembrements de la propriété que des éléments constitutifs de cette propriété ;

Que par ailleurs, la servitude de passage en raison d'un état d'enclave ayant sa source dans la loi n'implique l'exigence d'aucun titre ;

Qu'il y a lieu, au surplus, de noter :

1°/ que dans la lettre susvisée, le pétitionnaire faisant état de l'usage de son terrain comme entrepôt et de la nécessité de placer dans l'axe du tunnel une canalisation permettant « l'écoulement des eaux qui serait empêché avec la construction du nouveau boulevard », préoccupations qui témoignent de la probabilité de l'état d'enclave engendré par la différence de niveau des sols ;

2°/ que la lettre dont il s'agit était antérieure de plusieurs semaines à la passation de l'acte de cession, en sorte que son signataire n'avait plus de raison de faire insérer dans cet acte une réserve relative à son droit de passage si entre temps l'administration avait accepté d'en fixer l'assiette conformément au plan annexé par B. à sa lettre du vingt-huit novembre mil neuf cent un ;

3°/ que l'administration n'a pu verser aux débats sa dépêche en réponse à la dite lettre alors qu'elle a conservé les autres documents relatifs à la cause ;

Qu'il échet, en conséquence, tout en laissant au juge éventuellement saisi du principal le soin de prononcer sur l'existence de la servitude légale qui est alléguée, de considérer comme sérieuse la contestation des appelants et de dire le juge des référés incompétent ;

Sans qu'il y ait lieu dès lors de statuer sur les autres chefs des appels ;

Considérant qu'il n'est par ailleurs apporté aucun élément de preuve satisfaisant en ce qui concerne tous autres moyens ou arguments présentés par les parties ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

En la forme ;

Reçoit les dames B. et le sieur Ma. en leur appel ;

Joint lesdits appels ;

Réformant la décision entreprise, dit le juge des référés incompétent pour statuer sur la demande de G. es-qualités ;

Rejetant en tant que de besoin comme inutiles ou mal fondées toutes autres conclusions plus amples ou contraires des parties ;

Composition

MM. Cannat, prés., François, subst. proc. gén., MMe Marquilly et Marquet, av. déf.

^


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25005
Date de la décision : 04/01/1971

Analyses

Propriété des personnes publiques et domaine public ; Procédures spécifiques ; Droit des biens - Biens et patrimoine


Parties
Demandeurs : Hoirs B. et M.
Défendeurs : Administrateur des Domaines Ma. ès-qual.

Références :

article 433 du Code Civil
article 567 du Code civil


Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2023
Fonds documentaire ?: tribunal-supreme.mc
Identifiant URN:LEX : urn:lex;mc;cour.appel;arret;1971-01-04;25005 ?

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