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06/08/2007 | MALI | N°168

Mali | Mali, Cour suprême, Section judiciaire, 06 août 2007, 168


Texte (pseudonymisé)
20070806168
COUR SUPREME DU MALI SECTION JUDICIAIRE
1èreChambre Civile
POURVOI N°284 ET 285 DU 14 JUILLET 2006 ARRET N°168 DU O6 AOUT 2007
La loi n° 62-17/AN-RM du 03 février 1962 portant Code du Mariage et de la Tutelle n'ayant pas repris les dispositions antérieures applicables en Afrique Occidentales Française (AOF), notamment l'article 245 du Code civil (version de l'époque) qui stipulaient que « même en l'absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge

de l'un et de l'autre ».
Que dès lors, constitue une violation grave de la ...

20070806168
COUR SUPREME DU MALI SECTION JUDICIAIRE
1èreChambre Civile
POURVOI N°284 ET 285 DU 14 JUILLET 2006 ARRET N°168 DU O6 AOUT 2007
La loi n° 62-17/AN-RM du 03 février 1962 portant Code du Mariage et de la Tutelle n'ayant pas repris les dispositions antérieures applicables en Afrique Occidentales Française (AOF), notamment l'article 245 du Code civil (version de l'époque) qui stipulaient que « même en l'absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l'un et de l'autre ».
Que dès lors, constitue une violation grave de la loi, l'application par le juge malien d'une loi étrangère dans un domaine déjà réglementé par notre législation qui ne prévoit pas le divorce aux torts réciproques sans demande reconventionnelle ;
Que les juges du fond en prononçant le divorce aux torts réciproques des époux ont statué ultra petita c'est-à-dire plus qu'il n'a été demandé ou sur une chose non demandée ; que les juges d'appel auraient du au contraire annuler la décision du premier juge de ce chef.
La Cour : Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
Par actes n°284 du 14 juillet 2006 et 285 de la même date, Maîtres Ousmane A. BOCOUM et Boubacar SOUMARE, Avocats au Barreau du Mali, agissant tous les deux au nom et pour le compte de leur cliente M.F, ont déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°360 du 12 juillet 2006 de la Cour d'Appel de Bamako dans une instance en divorce qui l'oppose à son époux H.K ;
Suivant certificat de dépôt n°40 du 13 février 2007, l'amende de consignation a été acquittée ; La demanderesse a produit deux mémoires ampliatifs qui, notifiés aux conseils du défendeur, a fait l'objet de réplique ; La demanderesse ayant satisfait aux exigences de la loi, son recours est recevable en la forme ;
AU FOND :
I-Faits et procédure
Par requête en date du 14 octobre 2005, Monsieur H.K saisissait le tribunal de première instance de la commune IV du district de Bamako d'une demande en divorce contre son épouse M.F. Par décision n°614 du 08 décembre 2005, cette juridiction prononçait le divorce aux torts réciproques des époux sur appel de la défenderesse, la Cour d'Appel confirmait le jugement entrepris par arrêt n°360 du 12 juillet 2006. C'est contre cet arrêt que dame M.F a formé pourvoi ;

Il-RESUME DES MOYENS :
La demanderesse sous la plume de ses conseils excipent de deux moyens de cassation tirés de la violation de la loi et du défaut de base légale ;
1-Moyen de cassation tiré de la violation de la loi par fausse application de l'article 245 du code civil français et violation de l'article 5 du code de procédure civile, commerciale et sociale :
En ce que la Cour d'Appel de Bamako a confirmé un jugement qui a prononcé le divorce aux torts réciproques des époux sans que dame M.F ne fasse une demande reconventionnelle et ce en application de l'article 245 du code civil français alors que depuis le 03 février 1962, la seule loi applicable en matière de dissolution du mariage au Mali demeure la loi n°62 -17 AN/RM du 05 février 1962 portant code du mariage et de la tutelle que dès lors, constitue une violation grave de la loi, l'application par le juge malien d'une loi étrangère dans un domaine déjà réglementé par notre législation qui ne prévoit pas de divorce sans demande reconventionnelle ; que les juges du fond en prononçant le divorce aux torts réciproques des époux ont statué ultra petita, c'est -à -dire plus qu'il n'a été demandé ou sur chose non demandée que les juges d'appel auraient dû au contraire annuler la décision du premier juge de ce chef; que leur décision aurait dû trouver sa justification dans le droit positif malien et dont l'article 60 du code du mariage et de la tutelle dispose que : « La femme peut demander le divorce lorsque le mari refuse :
1) de subvenir à ses besoins indispensables : nourriture, habillement, logement .» ; qu'à aucun moment dame M.F n'a sollicité le divorce que la Cour d'Appel en décidant comme elle l'a fait a agi ultra petita en accordant à l'appelante le bénéfice d'un divorce aux torts partagés
sans qu'elle n'ait formulé une demande reconventionnelle ; que l'article 5 du code de procédure civile, commerciale et sociale dispose que : « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui demandé » que conformément à l'article 61 du code du mariage et de la tutelle, la requête a été introduite au nom de H.K et dame M.F a conclu au débouté du demandeur sans jamais se porter demanderesse reconventionnelle et se prévaloir du comportement fautif de son époux ;
Qu'en prononçant le divorce aux torts réciproques dans ces conditions, l'arrêt querellé a violé l'article 5 du code de procédure civile, commerciale et sociale s'exposant ainsi à la censure de la haute juridiction ;
2-violation de l'article 59 du code du mariage et de la tutelle :
En ce que l'article 59 al 2 du code du mariage et de la tutelle prescrit que : « l'un quelconque des époux peut demander le divorce en cas :

2) excès, sévices, injures graves rendant la vie conjugale impossible» ; que l'arrêt querellé, en appréciant souverainement les faits soumis par le demandeur motive : « qu'il fait état de propos injurieux tenus en présence de D.M et A.T, considérant que les témoignages de ces deux personnes dans le dossier confirment les griefs invoqués par H.K » ; alors que les injures graves pouvant donner lieu à un divorce doivent « rendre la vie conjugale impossible » d'une part, et celui qui s'en prévaut ne doit nullement avoir participé à leur réalisation d'autre part, car nul ne pouvant se prévaloir de ses propres turpitudes ; que dès lors, l'arrêt ne constatant pas ce caractère mais en le déduisant du comportement de H.K qui « ... a eu deux enfants adultérins et s'est abstenu de 2003 à 2006 d'entretenir son épouse pour tirer les conséquences que « ces faits sont la preuve d'un climat de mésintelligence dans lequel aucune cohabitation n'est plus possible » viole la disposition de la loi susvisée ;

3-Moyen tiré de l'absence de base légale :
Selon la demanderesse ce moyen est une conséquence logique du premier moyen ; qu'à partir du moment où la loi applicable en matière de divorce a été violée, la décision querellée manque dès lors de base légale ; que dans sa requête introductive d'instance, Monsieur Aa a développé à l'encontre de son épouse le refus d'obéissance, les excès, sévices et injures graves, les menaces de mort ; que ces griefs ont été purgés par les décisions n°418 du 05 septembre 2005 du tribunal de première instance la Commune IV , n°344 du 30 juillet 2003 de la cour d'Appel de Bamako, n°108 du 16 août 2004 de la Cour Suprême et n°177 du 29 août 2005 des Chambres Réunies que la décision d'instance et d'appel ont invoqué l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne les motifs avancés, mais que curieusement et paradoxalement ces mêmes motifs ont été retenus pour dissoudre le mariage ; que ces faits pouvaient être avérés si depuis l'arrêt des Chambres Réunies de la Cour Suprême, il y avait eu reprise de la vie commune entre les époux alors que depuis 2002 les époux Aa n'ont jamais passé une nuit ensemble ; que Monsieur Aa n'a effectué qu'un court passage de 10 à 15 minutes au domicile conjugal, juste pour prendre un livre dans sa bibliothèque et quelles injures graves et répétées rendant la vie conjugale impossible peuvent être proférés pendant ce laps de temps à son adresse par sa conjointe qui puissent rendre la vie conjugale impossible ; que Monsieur Aa a lui-même reconnu que dame M.F lui a offert toutes les commodités en lui ouvrant la porte et en donnant à boire aux visiteurs qui l'accompagnaient ; que par ailleurs, pour prononcer le divorce aux torts réciproques des époux, le jugement d'instance n°614 du 08 décembre 2005 motive que « ... les dispositions de l'article 245 du code civil français.. appuyées par une jurisprudence abondante, même en l'absence de demande reconventionnelle, le juge peut prononcer le divorce aux torts réciproques des époux si les débats font apparaître à l'encontre de l'un et de l'autre » ; Qu'il est constant qu'à partir de la promulgation du code du mariage et de la tutelle, toute disposition de loi antérieure relative en la matière est abrogée, sauf prescriptions contraires et expresses que dès lors la référence à un texte déjà abrogé pèche avec la légalité ; qu'en confirmant une telle décision, basée sur un texte inapproprié, l'arrêt attaqué manque de base légale ; Le défendeur conclu au rejet du pourvoi ;
ANALYSE DES MOYENS:
1-Sur la violation de la loi par fausse application de l'article 245 du code civil français et l'article 5 du code de procédure civile, commerciale et sociale
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif querellé, en prononçant le divorce aux torts réciproques des époux, d'avoir violé la loi n°62 -17 /AN/RM du 03 février 1962 portant code du mariage et de la tutelle en République du Mali en le substituant à l'article 245 du code civil français qui dispose en son alinéa 3 que « même en l'absence de demande reconventionnelle, le divorce peut être prononcé aux torts partagés des deux époux si les débats font apparaître des torts à la charge de l'un et de l'autre » ;
Mais attendu que la loi 62-17/ AN/RM portant code du mariage et de la tutelle n'a pas repris les dispositions de l'article 245 du code civil français sus-cité ; que les articles 59, 61 et suivants du code du mariage et de la tutelle qui déterminent respectivement les causes et la procédure de divorce ne prévoyant pas la possibilité du prononcé d'un divorce aux torts partagés des époux en l'absence d'une demande reconventionnelle comme l'article 245 du code civil français, c'est à tort que le juge d'instance et la Cour d'Appel ont fait application de cette disposition de loi française pour prononcer le divorce aux torts réciproques des époux Aa;

Que ce faisant, l'arrêt viole du coup les dispositions de l'article 5 du code de procédure civile, commerciale et sociale qui dispose que : « le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé» qu'or la dame M.F n'ayant pas formulé une demande reconventionnelle, il était loisible pour les juges du fond, dans leur souveraine appréciation des faits invoqués par l'époux H.K de prononcer le divorce aux torts exclusifs de dame F si ces faits constituent des causes de divorce telles qu' énumérées par l'article 59 du code du mariage et de la tutelle plutôt qu'un divorce aux torts partagés ; qu'il est par ailleurs fait allusion pour justifier une telle décision à une jurisprudence abondante dont aucune n'a été citée pour emporter conviction de la haute juridiction ; qu'il s'ensuit dés lors que le moyen tiré de la violation de la loi par fausse application et de la violation de l'article 5 du code de procédure civile, commerciale et sociale est pertinent et doit être accueilli ;
2-Sur la violation de l'article 59 al 2 du code du mariage et de la tutelle :
Attendu qu'il est acquis de l'analyse du moyen précédent qu'il y a eu violation de la loi 62 -17 ANRM du 03 février 1962 portant code du mariage et de la tutelle en ses articles 59 et 61 ; que dès lors l'analyse de ce moyen est superfétatoire ;
3-Du défaut de base légale :
Attendu qu'il est reproché par ce moyen à l'arrêt querellé le défaut de base légale aux motifs que les juges ont procédé à une application de l'article 245 du code civil français en lieu et place de la loi portant code du mariage et de la tutelle du Mali ; Qu'ainsi, l'application de la loi française au litige constitue une insuffisance des constatations de faits nécessaires à fonder en droit la solution qui entraîne la censure ;
PAR CES MOTIFS:
En la forme : reçoit le pourvoi ; Au fond : casse et annule l'arrêt déféré ; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Bamako autrement composée ; Ordonne la restitution de l'amende de consignation ; Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.


Synthèse
Formation : Section judiciaire
Numéro d'arrêt : 168
Date de la décision : 06/08/2007
1ère chambre civile

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2007-08-06;168 ?
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