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24/10/2006 | MALI | N°186

Mali | Mali, Cour suprême, Section judiciaire, 24 octobre 2006, 186


Texte (pseudonymisé)
20061024186
COUR SUPREME DU MALI SECTION JUDICIAIRE
2ème Chambre Civile
POURVOI N°06 DU 22 FEVRIER 2006 ARRET N° 186 DU 24 OCTOBRE 2006
RECLAMATION DE TERRE -COMPETENCE TRIBUNAL ADMINISTRATIF -COMPETENCE -TRIBUNAL CIVIL-DROITS COUTUMIERS
Attendu que pour se déclarer incompétente dans son arrêt n°06 du 22 février 2006, la Cour d'Appel de Kayes estime que le litige est du domaine du juge administratif et annonce que « seule l'autorité administrative a qualité pour attribuer les terres que se disputent des villages qui ne relèvent pas de la même Commune administrat

ive et les litiges s'y rapportant ne peuvent être tranchés que par le juge ...

20061024186
COUR SUPREME DU MALI SECTION JUDICIAIRE
2ème Chambre Civile
POURVOI N°06 DU 22 FEVRIER 2006 ARRET N° 186 DU 24 OCTOBRE 2006
RECLAMATION DE TERRE -COMPETENCE TRIBUNAL ADMINISTRATIF -COMPETENCE -TRIBUNAL CIVIL-DROITS COUTUMIERS
Attendu que pour se déclarer incompétente dans son arrêt n°06 du 22 février 2006, la Cour d'Appel de Kayes estime que le litige est du domaine du juge administratif et annonce que « seule l'autorité administrative a qualité pour attribuer les terres que se disputent des villages qui ne relèvent pas de la même Commune administrative et les litiges s'y rapportant ne peuvent être tranchés que par le juge administratif. »
Mais attendu que si cela est incontestable, cette disposition concerne plutôt le découpage administratif, l'érection et la création de ces terres en entités administratives et non les droits coutumiers ou la jouissance des droits coutumiers réclamés par des parties, car il ne faut pas confondre l'appartenance de telles ou telles terres à une collectivité territoriale avec les droits coutumiers exercés par tel ou tel individu ou communauté sur ces mêmes terres.
Attendu que le litige opposant Waraba au chef de village de Troula ne répond pas aux conditions de l'art 8 de la 94-06/AN-RM du 18 mars 1994 définissant les compétences du tribunal administratif.
Qu'il s'agit en conséquence d'une réclamation de terre (droits coutumiers) relevant de la compétence des juridictions civiles.
Il échet de dire que l'arrêt querellé a péché par refus d'application de la loi et mérite de ce fait la censure de la Cour Suprême.
La Cour : Après en avoir délibéré conformément à la loi :
EN LA FORME : Par acte n°06 en date du 22 février 2006 du greffe de la Cour d'Appel de Kayes, Maître Louis Auguste TRAORE, Avocat, agissant au nom et pour le compte du Village de Troula représenté par le chef de village Ab A, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°06 du 22 février 2006 de la Chambre Civile de la Cour d'Appel de Kayes dans une instance en réclamation de terre l'opposant à Ad Ac, chef de village de Gueleybé ;

Le demandeur au pourvoi s'est acquitté de l'amende de consignation et produit mémoire ampliatif ; le pourvoi est donc recevable en la forme ;
AU FOND :
Le mémorant soulève deux moyens de cassation basés sur la violation de la loi (deux branches) et du manque de base légale :
1. Premier moyen :
1ère Branche : de la violation de la loi pour refus d'application :
En ce que l'arrêt querellé déclare la Cour d'Appel de Kayes, chambre coutumière statuant dans une réclamation de terre, est incompétente aux motifs que le juge judiciaire a violé une règle de compétence d'attribution d'ordre public ; que la Cour se doit de relever d'office et renvoyer les parties à mieux se pourvoir ; ..................................... ..................................... .................. ; Que le juge doit statuer sur tout ce qui est demandé et seulement ce qui est demandé (article 5 du code de procédure civile, commerciale et sociale) ; Que la présente procédure est une instance aux fins de constatation de droit coutumiers sur des terres ainsi que l'atteste la requête introductive d'instance du 03 avril 2002 enregistrée le même jour sous le N°194 du Tribunal de première instance de Kayes et ayant pour objet : réclamation de terre (côte 2 inventaire des pièces du tribunal de première instance de Kayes) ; Que le juge saisi ayant statué dans une matière relevant de sa compétence ; Qu'il n'est donc pas sorti du cadre de sa compétence ; Qu'il a uniquement procédé à la constatation des droits fonciers coutumiers sur les terres objets du litige ; Qu'il s'ensuit que les juges d'appel de Kayes ont refusé de faire application des textes de loi visés à une situation rentrant dans leur champ d'application ; Qu'ils exposent leur décision à la censure ;
2ème Branche : violation de la loi par fausse application : En ce que l'arrêt incriminé déclare la cour d'appel de Kayes incompétente et renvoi les parties à mieux se pourvoir aux motifs « seule l'autorité administrative a qualité pour attribuer les terres que se disputent des villages qui ne relèvent pas de la même commune administrative et les litiges s'y rapportant ne peuvent être tranchés que par le juge administratif (arrêt attaqué page 3 de la première à la 3ème ligne) ; Alors que même le juge administratif énonce : « l'acte conclu entre des maires de commune, des chefs de villages sans la participation des habitants de Gueubé constitue une immixtion des autorités administratives communales dans le règlement du litige foncier coutumier réservé par la loi au juge civil, seul compétent pour connaître l'appartenance à Troula de la fraction Gueleybé et fraction qui en dépend » (jugement n°114 du 18 août 2004 du Tribunal Administratif de Kayes) ; Que mieux, les dispositions de la loi n°94 -006/AN-RM du 18 mars 1994 portant organisation et fonctionnement des tribunaux administratifs et celles de la loi n°96-071 du 16 décembre 1996 portant loi organique fixant l'organisation, les règles de fonctionnement de la Cour Suprême ainsi que la procédure suivie devant elle dans leurs articles relatifs à la compétence du tribunal administratif (article 7 et 8) ou de la section administrative de la Cour Suprême (article 41 et 43) ne mentionne nulle part le règlement du litige foncier coutumier ;

Qu'en se déclarant incompétent en application de l'article 99 al 1 du Code de Procédure Civile, Commercial et Sociale, alors que nulle part la preuve n'est rapportée que cette affaire relève de la juridiction administrative, les juges d'appel de Kayes ont méconnu le sens et la portée des textes précités ;
2. Moyen tiré du manque de base légale :
En ce que l'arrêt attaqué est constitué par une insuffisance de motivation qui ne permet pas à la cour d'exercer son contrôle de la régularité de la décision et vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit lorsqu'ils affirment sans le démontrer que les terres litigieuses dépendent légalement de Aa B ; alors que s'il est établi que les deux villages relèvent de deux communes distinctes, les terres litigieuses portant sur le site du Gueleybé, lequel ne figure sur la liste d'aucune commune de la région de Kayes ainsi que l'atteste la loi n°96-059 produite et versée par les conseils de Aa B au dossier ; Le demandeur conclut à la cassation de l'arrêt ; Le mémoire ampliatif produit par le demandeur a été notifié au défendeur qui a répondu et sollicité le rejet pur et simple du pourvoi comme mal fondé ;
Analyse des Moyens :
Attendu que le demandeur reproche dans la première branche de son premier moyen la violation de la loi par refus d'application ;
Attendu que la violation de la loi par refus d'application signifie qu'il apparaît qu'à partir de faits matériellement établis, correctement qualifiés, les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi au prix d'une erreur le plus souvent grossière soit qu'ils aient refusé d'en faire application à une situation qui manifestement rentrait dans son champ d'application ;
Attendu que le mémorant reproche à l'arrêt de la Cour d'Appel de Kayes, Chambre Coutumière, statuant dans une instance en réclamation de terre de s'être déclarée incompétente, au motif que c'est de la compétence du juge administratif ;
Attendu que la compétence du tribunal Administratif est défini par l'article 8 de la loi 94 -06 AN RM du 18 mars 1994 comme suit :
Article 8 : Le Tribunal Administratif connaît :
-des recours en annulation pour excès de pouvoir dirigés contre les décisions des
autorités administratives régionales ou locales ; -des recours en interprétation en appréciation de la légalité de ces décisions ; -des demandes en décharge ou en réduction présentées en matière fiscale, par les
contribuables, dans les conditions fixées par le règlement financier ; -du contentieux relatif à l'élection des assemblées des collectivités territoriales ; -des litiges d'ordre administratif relevés à l'occasion d'un acte passé au nom du
gouvernement ou de ceux nés de l'exécution d'un service public dépendant du gouvernement ou des collectivités publiques ; -d'une manière générale de tout litige qui entre dans le contentieux administratif ;
Attendu que c'est dans une requête en date du 03 avril 2002 que le sieur Ad Ac au nom de sa communauté réclamait auprès du Président du tribunal de première instance des terres que le chef de village de Aa B prétendait avoir donné aux habitants de Troula.

Il s'agissait donc pour lui la confirmation de ses droits coutumiers sur ces terres comme l'atteste l'objet du jugement n°148 du 17 juillet 2003 et l'arrêt n°27 de la chambre coutumière de la Cour d'Appel de Kayes du 27 mai 2004 ;
Attendu que pour se déclarer incompétente dans son arrêt n°06 du 22 février 2006, la Cour d'Appel de Kayes estime que le litige est du domaine du juge administratif et annonce que « seule l'autorité administrative a qualité pour attribuer les terres que se disputent des villages qui ne relèvent pas de la même commune administrative et les litiges s'y rapportant ne peuvent être tranchés que par le juge administratif » ;
Mais attendu que si cela est incontestable, cette disposition concerne plutôt le découpage administratif, l'érection et la création de ces terres en entités administratives et non les droits coutumiers ou la jouissance des droits coutumiers réclamés par des parties car il ne faut pas confondre l'appartenance de telles ou telles terres à une collectivité territoriale avec les droits coutumiers exercés par tel ou tel individu ou communauté sur ces mêmes terres.
Attendu que l'arrêt n°184 du 26 septembre 2005 de la Cour Suprême qui a cassé l'arrêt n°27 de la chambre civile de la Cour d'Appel de Kayes avait rejeté la requête aux fins de cassation sans renvoi (article 651 du code de procédure civile, Commerciale et Sociale), consacrant ainsi la saisine de la Cour d'Appel de Kayes autrement composée.
Attendu que le litige opposant Waraba au chef de village de Troula ne répond pas aux conditions de l'article 8 de la loi 94-06/AN-RM du 18 mars 1994 définissant les compétences du tribunal administratif ; Qu'il s'agit en conséquence d'une réclamation de terre (droits coutumiers) relevant de la compétence des juridictions civiles. Il échet de dire que l'arrêt querellé a péché par refus d'application de la loi et mérite de ce fait la censure de la Cour Suprême ;
3. Moyen tiré du manque de base légale :
Attendu que le défaut de base légale est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la Cour de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit ;
Attendu que, l'analyse du premier moyen a abouti à la cassation de l'arrêt pour violation de la loi par refus d'application de la loi, il est donc superfétatoire d'analyser le 2ème moyen, l'arrêt encourant cassation.
PAR CES MOTIFS :
En la forme : reçoit le pourvoi ; Au fond : Casse et annule l'arrêt déféré ; Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Bamako. Ordonne la restitution de l'amende de consignation ; Met les dépens à la charge du trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.


Synthèse
Formation : Section judiciaire
Numéro d'arrêt : 186
Date de la décision : 24/10/2006
2ème chambre civile

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2006-10-24;186 ?
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