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13/06/2005 | MALI | N°125

Mali | Mali, Cour suprême, Section judiciaire, 13 juin 2005, 125


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
1ère CHAMBRE CIVILE -----------------
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POURVOI N°77 DU 26 FEVRIER 2004
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ARRET N°125 DU 13 JUIN 2005
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NATURE: Divorce.


LA COUR SUPREME DU MALI


A, en son audience publique ordinaire du lundi treize juin de l'an deux mil cinq, à laquelle siégeaient:

Madame DIALLO Kaïta KAYENTAO,

Présidente de la première Chambre Civile, Président;

Monsieur Etienne KENE, Conseiller à la Cour, membre;
Monsie...

COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
1ère CHAMBRE CIVILE -----------------
------------------

POURVOI N°77 DU 26 FEVRIER 2004
---------------------------------------
ARRET N°125 DU 13 JUIN 2005
----------------------------------

NATURE: Divorce.

LA COUR SUPREME DU MALI

A, en son audience publique ordinaire du lundi treize juin de l'an deux mil cinq, à laquelle siégeaient:

Madame DIALLO Kaïta KAYENTAO, Présidente de la première Chambre Civile, Président;

Monsieur Etienne KENE, Conseiller à la Cour, membre;
Monsieur Elie KEÏTA, Conseiller à la Cour, membre;

En présence de Monsieur Mahamadou BOIRE, Avocat Général près ladite Cour occupant le banc du Ministère Public;
Avec l'assistance de Maître SAMAKE Fatoumata Z. KEÏTA, Greffier;

Rendu l'arrêt dont la teneur suit:

SUR LE POURVOI de Maître Modibo DOUMBIA, Avocat à la cour, agissant au nom et pour le compte de Ac Ae C, d'une part;

CONTRE: Ad X ayant pour conseils Maîtres Aa B et Ab A, tous deux Avocats à la cour, défenderesse, d'autre part;

Sur le rapport du Conseiller Etienne KENE et les conclusions écrites et orales de l'avocat général Mahamadou BOIRE ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi;

EN LA FORME:

Par acte n°77 en date du 26 février 2004, Maître Modibo DOUMBIA, agissant au nom et pour le compte de Ac Ae C déclarait se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°110 du 25 février 2004 de la cour d'Appel de Bamako dans une instance en séparation de corps opposant son client à son épouse Ad X;
Le demandeur au pourvoi a versé l'amende de consignation suivant certificat de dépôt n°224 du 22 octobre 2004 et produit un mémoire ampliatif qui a été régulièrement notifié à la défenderesse qui y a répliqué; le demandeur ayant ainsi satisfait aux exigences de l'article 632 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale, son action est recevable;

AU FOND:

EXPOSE DES GRIEFS:

Le demandeur, sous la plume de son conseil Maître Modibo DOUMBIA soulève à l'appui de son pourvoi quatre (4) moyens, à savoir la violation de la loi, la violation du principe de l'autorité de la chose jugée, la dénaturation des faits et le défaut de motivation.

Premier moyen pris de la violation de la loiprésenté en trois branches:

Première branche: violation de l'article 73 du code du Mariage et de la Tutelle:
En ce que l'article 73 du Code du Mariage et de la Tutelle dispose: « en cas d'appel, la cause est débattue en Chambre de Conseil, l'arrêt est rendu en audience publique;
Les demandes reconventionnelles peuvent se produire en appel sans être considérées comme demandes nouvelles;
La transformation de la demande de divorce en séparation de corps peut avoir lieu même en appel. Au contraire une demande en séparation de corps ne peut être transformée en demande de divorce par conclusions prises devant la Cour..;»
Qu'or la dame Ad X dans sa requête du 20 mars 2003 adressée au président du Tribunal de la Commune IV a intitulé celle - ci «requête en séparation de corps»; que le tribunal de la commune II qui a été désigné pour connaître de l'affaire a été saisi d'une procédure en séparation de corps; que le jugement n°317 rendu par le tribunal de première instance de la Commune II a statué en matière de séparation de corps; que cela apparaît clairement sur le jugement, qui, dans la mention nature de l'affaire, énonce « requête aux fins de séparation de corps»; que dans l'exploit de maître Yéhia HAÏDARA du 12 septembre 2003, le mémorant a été cité à comparaître devant la Cour d'Appel de Bamako en séparation de corps; que par ailleurs, l'arrêt n°110 du 25 février 2004 de la même Cour énonce clairement dans la partie nature de l'affaire qu'il s'agissait d'une instance en séparation de corps; qu'il ressort donc de tous ces éléments que la juridiction d'appel était saisie d'un recours contre un jugement d'instance en séparation de corps;qu'en transformant une demande de séparation de corps en divorce, la cour a violé l'article 73 al3 et 4 du code du Mariage et de la Tutelle; Que s'il est possible de convertir une demande de divorce en séparation de corps, l'inverse est prohibé expressément par l'article 73 du Code du Mariage et de la Tutelle; que l'arrêt n°110 de la cour d'appel de Bamako en statuant comme elle l'a fait, a allègrement violé le texte de loi sus-visé et mérite la censure de la haute juridiction;

Deuxième branche: violation de l'article 579 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale:
En ce que l'article 579 dispose: « lorsque la cour d'Appel est saisie d'un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction ou d'un jugement, qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance, elle peut évoquer les points non jugés, si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, après avoir ordonné elle - même le cas échéant une mesure d'instruction. L'évocation ne fait pas obstacle à l'application des articles 568, 569, 575 à 578 ci - dessus»; qu'il ressort de cet article que l'évocation s'applique à deux sortes de jugement et qu'elle a un objet précis; que l'arrêt n°110 de la cour d'Appel viole l'article 579 sur trois points:

l'appel interjeté contre le jugement qui a ordonné une mesure d'instruction:

En ce que le jugement n°317 rendu par le Tribunal de première instance de la Commune II en matière de séparation de corps n'a manifestement ordonné aucune mesure d'instruction;

l'appel interjeté contre un jugement, qui, statuant sur une exception de procédure a mis fin à l'instance:

En ce que le mémorant, défendeur en première instance n'a soulevé aucune exception de procédure; qu'il s'est défendu au fond contre les griefs de la demanderesse; que les débats qui ont eu lieu sont des débats au fond et que le stade des exceptions de procédure était donc juridiquement dépassé; que le relevé des notes d'audience permet de prouver que les débats n'ont pas porté sur une exception de procédure et que le jugement de première instance n'obéit pas aux caractéristiques juridiques de celui prévu à l'article 579 et qu'il n'y avait pas donc lieu à évocation;

l'objet du droit d'évocation de la cour d'Appel:
En ce que l'article 579 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale dispose que la Cour d'Appel « peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive»; qu'il ressort clairement de ce texte que le pouvoir d'évocation ne peut porter que sur des points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive; que la Cour d'Appel avait donc l'obligation de spécifier les points non jugés par le juge d'instance et qu'elle entendait évoquer; qu'en l'espèce, la Cour a fait usage de ce droit, non pas pour trancher des points non jugés mais pour transformer la nature de la demande; qu'aucun point n'était resté non jugé parle juge d'instance et qu'en réalité, la juridiction du second degré, sachant bien que l'article 73 du Code du mariage et de la tutelle lui interdisait de prononcer le divorce a cru devoir contourner cette disposition légale mais en procédant à une violation flagrante et grave de la loi; qu'en usant ainsi de son droit d'évocation hors les cas et limites prévus par la loi, l'arrêt n°110 de la cour d'Appel mérite la censure;

Troisième branche: violation de l'article 6 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale:
En ce que l'article 6 du Code de Procédure civile, Commerciale et Sociale dispose: « les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et à les appuyer»; que dans sa requête introductive d'instance, la dame Ad a soutenu que son mari n'a pas daigné la réintégrer au domicile conjugal; qu'il revenait donc à celle - ci de prouver cette prétention, au lieu de quoi la Cour motive: « considérant que l'intimé n'a pas rapporté la preuve du refus de Ad X de réintégrer le domicile conjugal», inversant du coup le principe sacro-saint de la charge de la preuve; que selon l'arrêt 110 il ne revient pas à la demanderesse de prouver la véracité de ses prétentions mais au défendeur de prouver leur fausseté; qu'en inversant, comme elle l'a fait, le principe de la charge de la preuve, la cour d'Appel a violé l'article 6 du Code de Procédure civile ,Commerciale et Sociale et soumet sa décision à la censure de la cour Suprême:

Deuxième moyen pris de la violation du principe de l'autorité de la chose jugée:
En ce qu'en 2001, la dame Ad X a, étant en abandon de domicile conjugal, saisi le tribunal d'une demande en divorce; que par jugement n°595 du 29 novembre 2001, elle a été déboutée par le Tribunal de première instance de la commune IV; que sur son appel, la cour d'Appel de Bamako, par arrêt n°214 du 19 juin 2002 a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions; que devant la justesse de cette décision, elle n'a point formé pourvoi comme l'atteste le certificat de non pourvoi délivré par le greffier en chef de la cour d'Appel; que depuis, elle est en état d'abandon de domicile conjugal; que la vie commune n'ayant pas repris, elle est mal venue à reprocher un quelconque grief à l'encontre de son époux;

Troisième moyen pris de la dénaturation des faits:
En ce que la dénaturation des faits est une cause de cassation; que dans une précédente demande de divorce, l'épouse déclarait: « ce sont les raisons qui m'ont poussé à abandonner le domicile conjugal depuis le 17 août»; que l'appelante reconnaît donc que c'est elle qui a abandonné le domicile conjugal et non son mari qui l'a chassée ou répudiée; que faisant cependant fi de cette déclaration, l'arrêt n°110 énonce:
«Considérant que l'intimé n'a pas rapporté la preuve du refus de Ad de réintégrer le domicile conjugal; qu'il ne conteste pas que Ad est restée chez ses parents après la décision de la cour d'Appel; considérant que le comportement de Ac Ae C a l'endroit de son épouse Ad X, notamment le fait de l'avoir abandonnée dans sa famille une année entière sans soutien moral et matériel s'analyse en des injures graves rendant la vie conjugale impossible»;
Que de ce qui précède, la cour considère l'abandon de domicile conjugal commis par l'épouse comme un grief retenu contre le mari; que la dame Ad X ne saurait logiquement abandonner le foyer et prétendre en même temps avoir été abandonnée par son époux; qu'en motivation son arrêt de cette manière, la cour a visiblement dénaturé les faits et expose sa décision à la censure de la juridiction supérieure;

Quatrième moyen pris du défaut de motivation:
En ce qu'une motivation inexacte équivaut à un défaut de motivation; qu'en l'espèce, la motivation retenue parla cour, notamment l'abandon de femme par le mari est inexacte; qu'il y a donc défaut de motivation entraînant la cassation de l'arrêt recherché;
Attendu que la défenderesse a conclu au rejet du pourvoi;

ANALYE DES MOYENS:

Du premier moyen tiré de la violation de la loi:

Violation de l'article 73 du Code du Mariage et de la Tutelle:
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt entrepris d'avoir violé les dispositions de l'article 73 du Code du mariage et de la tutelle du Mali; que cet article dispose: « en cas d'appel, la cause est débattue en Chambre de conseil, l'arrêt est rendu en audience publique;
Les demandes reconventionnelles peuvent se produire en appel sans être considérées comme demandes nouvelles;
La transformation de la demande de divorce en séparation de corps peut avoir lieu même en appel;
Au contraire une demande en séparation de corps ne peut être transformée en demande de divorce par conclusions prises devant la cour.»;
Attendu en effet que la dame Ad X dans sa requête du 20 mars 2003 adressée au président du Tribunal de la commune IV a intitulé celle -ci « requête en séparation de corps»; que le tribunal de la Commune II qui a été désigné pour connaître de l'affaire a été saisi d'une procédure en séparation de corps; que cela apparaît sans équivoque sur le jugement qui dans la mention nature de l'affaire énonce: « requête aux fins de séparation de corps»; que dans l'exploit de maître Yéhia HAÏDARA du 12 septembre 2003, le mémorant a été cité à comparaître devant la cour d'Appel de Bamako en séparation de corps; qu'enfin l'arrêt n°110 du 25 février 2004 de la même Cour énonce clairement dans la partie nature de l'affaire qu'il s'agissait bien d'une instance en séparation de corps et non de divorce; qu'il ressort en effet de tous ces éléments que la juridiction d'appel était saisi d'un recours contre un jugement d'instance ( jugement n°317 précité) en séparation de corps;
Attendu en conséquence que la Cour, en annulant le jugement n°317 en toutes ses dispositions et en prononçant le divorce entre les époux a manifestement violé les dispositions de l'article 73 du code du Mariage et de la tutelle du Mali et expose du coup sa décision à la censure de la cour Suprême; que la première branche du premier moyen tiré de la violation de la loi étant pertinent il doit être accueilli;
Attendu que la cassation étant encourue, il est superfétatoire d'analyser les autres moyens;

PAR CES MOTIFS:

En la forme: reçoit le pourvoi;
Au fond: casse et annule déféré;
Renvoie la cause et les parties devant la cour d'Appel de Bamako autrement composée;
Ordonne la restitution de l'amende de consignation;
Met les dépens à la charge du trésor Public.

Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.


Synthèse
Formation : Section judiciaire
Numéro d'arrêt : 125
Date de la décision : 13/06/2005
1re chambre civile

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2005-06-13;125 ?
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