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07/03/2005 | MALI | N°6

Mali | Mali, Cour suprême, Section judiciaire, 07 mars 2005, 6


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIREUN PEUPLE - UN BUT - UNE FOI
Chambre Commerciale --------------------
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POURVOI N°302 bis, 303 ET 325 bis
DES 09 ET 10 SEPTEMBRE 2004
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ARRET N°06 DU 07 MARS 2005
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NATURE : Rupture abusive de contrat.


LA COUR SUPREME DU MALI

A, en son audience publique ordinaire du lundi sept mars de l'an deux mille cinq à laquelle siégeaient :

Monsieur Bo

ubacar DIALLO: Président de la Chambre Commerciale, Président;
Madame KANTE Hawa KOUYATE : Conseiller à la Cour...

COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIREUN PEUPLE - UN BUT - UNE FOI
Chambre Commerciale --------------------
------------------

POURVOI N°302 bis, 303 ET 325 bis
DES 09 ET 10 SEPTEMBRE 2004
--------------------------------
ARRET N°06 DU 07 MARS 2005
-------------------------------

NATURE : Rupture abusive de contrat.

LA COUR SUPREME DU MALI

A, en son audience publique ordinaire du lundi sept mars de l'an deux mille cinq à laquelle siégeaient :

Monsieur Boubacar DIALLO: Président de la Chambre Commerciale, Président;
Madame KANTE Hawa KOUYATE : Conseiller à la Cour, membre;
Monsieur Ah B : Conseiller à la Cour, membre;

En présence de monsieur Moussa Balla KEÏTA, Avocat Général près ladite Cour ;

Avec l'assistance de maître SAMAKE Fatoumata Zahara KEITA, greffier;

Rendu l'arrêt dont la teneur suit:

SUR LE POURVOI de Maîtres Boh CISSE, Magatte SEYE et le Cabinet Jurifis Consult , Avocats à la cour, agissant au nom et pour le compte de CEFIB - INTERNET, d'une part;

CONTRE: IKATEL - SA ayant pour conseil le Cabinet TAPO et la SCP - DOUMBIA - TOUNKARA, Avocats Associés à la Cour, défendeur, d'autre part;

Sur le rapport du Président Boubacar DIALLO, Conseiller et les conclusions écrites et orales du Procureur Général Aa C et de l'Avocat Général Moussa Balla KEÏTA ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi:
EN LA FORME:

Suivant actes de pourvoi n°302 bis et 303 bis du 09 Septembre 2004 et n°325 bis du 10-09-04, CEFIB-INTERNET, par l'organe de ses conseils Me Boh Cissé, le Cabinet Jurifis Consult et Me Magatte Saye, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°439 du 08 Septembre 2004 de la Cour d'Appel de Bamako, dans une instance en rupture abusive de contrat et réparation de préjudice l'opposant à IKATEL-SA.
Le Cabinet Jurifis Consult s'est déporté de l'affaire suivant correspondance datée du 27 - 10 - 04.
La demanderesse a versé la consignation prescrite par la loi, suivant certificat de dépôt n°288 du 26 Octobre 2004 du greffier en chef de la Cour Suprême et produit un mémoire ampliatif qui, notifié à la défenderesse, a fait l'objet de mémoire en réponse, dans les forme et délai de la loi.
Le recours est recevable en raison du premier pourvoi enregistré.

AU FOND
Procédure
Par requête datée du 09 Octobre 2003, la Société CEFIB-INTERNET, ayant pour conseil Me Magatte Saye, avocat, a saisi le Tribunal de commerce de Bamako d'une action aux fins de réparation de préjudice pour rupture abusive de contrat contre la Société IKATEL-SA. Cette juridiction a rendu le jugement n° 117 du 10 Mars 2004 au dispositif ainsi conçu: «Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort:
Reçoit en la forme la requête de CEFIB-INTERNET, la déclare bien fondée; dit que le contrat de commercialisation de produits et services conclu entre les parties le 04 Février 2003 a été abusivement résilié par IKATEL-SA; condamne en conséquence IKATEL-SA à payer à CEFIB-INTERNET la somme de 167047735 F CFA à titre de réparation de préjudices et celle de 100000000 FCFA à titre de dommages - intérêts;
Déboute CEFIB-INTERNET du surplus de ses demandes. Déboute IKATEL-SA de sa demande reconventionnelle comme mal fondée;
Ordonne l'exécution provisoire pour le principal nonobstant toutes voies de recours. Met les dépens à la charge de IKATEL-SA - -»
IKATEL-SA et CEFIB-INTERNET ont relevé appel de ce jugement respectivement les 11 et 23 Mars 2004.
Suivant arrêt n°439 du 08 Septembre 2004 dont le dispositif suit, la Cour d'Appel de Bamako a infirmé ce jugement: «Contradictoirement, En la forme: Reçoit les appels interjetés. Au fond = infirme le jugement entrepris; Statuant à nouveau: dit et juge que la résiliation du contrat intervenue tient de motifs légitimes; déboute en conséquences CEFIB-INTERNET de toutes ses demandes comme mal fondées; met les dépens à la charge de CEFIB-INTERNET»
CEFIB-INTERNET s'est pourvue en cassation.

Exposé des moyens du pourvoi
Les conseils de la demanderesse ont, dans un mémoire conjoint, exposé les moyens ci-après:
Du moyen pris du défaut de motivation
En ce que l'arrêt attaqué, tout en mentionnant l'existence de l'appel de CEFIB-INTERNET de même que les demandes de cette dernière,a omis de statuer sur le bien fondé des prétentions en appel de CEFIB-INTERNET qui a fait appel le 24 mars 2004 du jugement rendu par le Tribunal de commerce et qui a, dans des conclusions versées au dossier, sollicité l'infirmation du jugement sur les points suivants:

1. la base de calcul retenue par le Tribunal de commerce;
2. le rejet par cette juridiction du préjudice né de la perte du bénéfice de la clause de reconduction tacite;
3 le refus de prendre en compte les réalisations faites par CEFIB-INTERNET pour commercialiser les produits IKATEL,

alors que l'article 5 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale ( CPCCS) dispose que «le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé»; qu'il ne résulte d'aucune disposition de l'arrêt attaqué une analyse et encore moins une motivation quelconque sur les moyens soulevés par la mémorante, contrairement à ceux soulevés par IKATEL-SA, qui ont fait l'objet d'une littérature surabondante dans le seul but de justifier une infirmation qui ne sert que les seuls intérêts d'IKATEL-SA; que l'absence de motivation est un moyen péremptoire de cassation consacré par l'article 463 du CPCCS qui dispose clairement que «le jugement doit être motivé à peine de nullité.»; qu'en ne se prononçant sur aucun des moyens soulevés par CEFIB-INTERNET et en ne donnant aucune motivation sur lesdits moyens, les juges d'appel violent manifestement les articles 5 et 463 du CPCCS et exposent leur décision à la censure de la Haute Juridiction.

2-2- Du moyen pris du défaut de base légale, développé en deux branches
1ère branche: Du moyen tiré de la fausse application de l'article 15 de la loi n° 95-069 du 25 Août 1995 portant statut des huissiers de justice
En ce que pour justifier la valeur du procès verbal de constat dressé par Me Mamadou Bah en date du 19 Septembre 2003, la Cour d'Appel a visé l'article 15 de la loi du 25 Août précitée en précisant que d'après cet article ledit constat fait foi jusqu'à inscription de faux,

Alors que:
d'une part: l'article 15 dont il est question n'a aucun lien avec l'affirmation mise en avant par les juges d'appel car il dispose: «un arrêté du Ministre chargé de la justice fixe les modalités d'organisation et le programme du concours de recrutement des huissiers après avis consultatif de la chambre nationale des huissiers»;
d'autre part:
le juge d'instance a justifié sa décision en posant, sans que la Cour d'Appel n'en démontre le contraire:
« il ne ressort nullement dudit procès verbal l'identité complète de la personne interpellée, ni le lien juridique qui la lie à CEFIB-INTERNET; que si au terme de l'article 5 de la loi n°95-069 du 25 Août 1995 portant statut des huissiers de justice « les actes d'huissier. font foi jusqu'à inscription de faux», il n'en demeure pas moins constant que la jurisprudence, depuis fort longtemps a admis qu'un constat dressé à la demande d'un particulier n'a que la valeur d'une constatation faite par un mandataire salarié et le juge peut en apprécier la force probante ( civ 2e 23 Février 1956, Bill Civ-II n° 138)»;
. La mémorante a signalé tant en première instance qu'en appel que le procès-verbal dont excipe IKATEL-SA ne comporte aucune mention d'enregistrement, donc n'a pas de date certaine; c'est dire qu'il a pu être établi n'importe quand; là également, le juge d'appel n'a pas cru utile de retenir et faire application de ce principe cardinal de droit d'où il suit que sur ce plan également la décision dont est pourvoi mérite la censure de la Cour Suprême.
2è branche du moyen pris de la dénaturation des modes de preuve prévus par les articles 262 et suivants du Régime Général des Obligations.
En ce que la Cour d'appel a retenu comme preuve complémentaire la quittance datée du 25 septembre 2003 prétendument délivrée par CEFIBà Ac Ag, mentionnant un achat de cartes IKATEL de 5 x 5000 FCFA à 23000 FCFA alors que la lettre de résiliation unilatérale de contrat adressée à CEFIB-INTERNET par IKATEL-SA a été rédigée et reçue le 24 Septembre 2003, faisant de cette date le point de départ de la rupture des relations contractuelles entre les parties; que si le juge d'instance a écarté ledit reçu pour cette raison, il convenait pour la Cour d'appel qui l'a retenu, d'expliciter en droit les raisons de ce revirement; qu'en effet, dire ''qu'il est de jurisprudence constante (laquelle?) que la preuve reconstituée s'induit des prérogatives de police de réseau du fournisseur .'' signifie simplement qu'IKATEL-SA a la possibilité de se ''fabriquer'' des preuves même après la résiliation du contrat et pour une période également postérieure à celle-là, sans se heurter au rejet du juge d'appel; qu'un tel raisonnement procède d'une dénaturation des modes de preuves prévus par les articles 262 et suivants du Régime Général des obligations du Mali.
2-3- Du moyen pris de la fausse interprétation de documents
En ce que la Cour d'appel, pour parvenir à induire la responsabilité de CEFIB-INTERNET pose: «Considérant cependant que les agissements frauduleux consacrés par le PV de réunion du 13 Mai 2004 ainsi que le PV d'huissier versé au dossier complété par la quittance délivrée par la société CEFIB-INTERNET sont la preuve que CEFIB ne ménage nullement l'intégrité de l'article 5.4 portant facturation et rémunération;
Alors que non seulement aucun agissement frauduleux n'a été constaté à l'encontre de CEFIB-INTERNET, mais en plus la pièce considérée par le juge d'appel comme valant constat n'a aucune valeur juridique; que le PV de réunion du 13 Mai n'est pas signé bien que produit par les machines d'IKATEL-SA qui aurait pu y mettre des dispositions plus graves pour CEFIB-INTERNET; que le PV sus-visé n'a donc aucune valeur probante permettant à la Cour d'appel de déduire des agissements frauduleux de la part de CEFIB-INTERNET; que contrairement à ce qu'affirme la Cour d'appel, il n'est nulle part dans le PV dont s'agit une mention incriminant particulièrement CEFIB-INTERNET; que s'agissant de remarques générales s'adressant à tous les participants, le singularisme stigmatisé par la Cour d'appel vis à vis de CEFIB-INTERNETrésulte d'une mauvaise appréciation des faits de la cause; que la Cour d'appel s'étant livrée à une fausse interprétation des documents sur lesquels elle asseoit sa religion pour parvenir à l'infirmation d'instance, expose son arrêt à la censure; qu'en supposant même que le procès-verbal de réunion du 13 Mai 2004, le pocès-verbal d'huissier et la quittance constituent des pièces ayant valeur juridique, les juges d'appel n'expliquent pas comment ni en quoi ces éléments qu'il qualifie de preuve heurtent les dispositions de l'article 5.4 du contrat de commercialisation qui liait les parties; que l'embarras des juges d'appel se traduit par une totale absence de motivation qui constitue indiscutablement un moyen de cassation; qu'il résulte enfin de tous les moyens de cassation invoqués que les faits de la cause tels qu'exposés par les parties et constatés, puis appréciés par les juges du fond permettent à la juridiction suprême d'appliquer la règle de droit appropriée; qu'il y a donc lieu que la décision dont est pourvoi soit cassée sans renvoi par la Cour Suprême, le tout conformément à l'article 651 alinéa 2,3 et 4 du CPCCS.
IKATEL-SA par l'organe de la SCP Dombia Tounkara a conclu au rejet du pourvoi comme mal fondé, estimant qu'il y a une réponse implicite aux prétentions de CEFIB-INTERNET par l'infirmation du jugement;
- que le visa de l'article 15 au lieu de l'article 5 de la loi n°95-069 du 25 Août 1995 portant statut des huissiers de justice procède d'une erreur matérielle sans influence sur le raisonnement juridique,
- que l'arrêt procède d'une jurisprudence qui considère de manière pertinente qu'il incombe au concédant qui a connaissance des agissements frauduleux ou de la carence financière du concessionnaire soit de rompre les relations contractuelles et d'en informer les tiers, soit d'obtenir correction de cette situation, CEFIB-INTERNET ayant ici allègrement violé les dispositions de l'article 5.4 et fait l'objet d'une stricte application de l'article 5 alinéa 6 du contrat de commercialisation qui stipule que la non application des marges conseillées par CEFIB-INTERNET constitue une faute grave de nature a entraîner la résiliation de plein droit.
Que la résiliation du contrat tient lieu de motifs légitimes.

3- ANALYSE DE MOYENS

3-1- Du défaut de motivations
Il est fait grief à l'arrêt querellé de procéder de défaut de motivation en ne répondant pas aux prétentions de la demanderesse contenues dans ses conclusions en appel, prétentions développées ci-dessus et d'avoir donc violé les dispositions de l'article 5 du CPCCS également exposées supra.
A cet égard il faut rappeler que l'arrêt dans son cheminement juridique a abouti au fait que CEFIB-INTERNET a violé les dispositions de l'article 5.4 du contrat de commercialisation; que cette violation est considérée par l'article 5.6 du même contrat comme une faute grave de nature à entraîner la résiliation de plein droit du contrat liant les parties.
Les prétentions de la mémorante contenues dans ses conclusions d'appel ont été exposées dans l'arrêt ( 1ers considérants des pages 4 et 6). Elles ne sauraient se concevoir que dans la mesure où l'on se place dans l'optique d'une rupture abusive du contrat de la part de IKATEL-SA. Ce qui n'est pas la position prise par les juges d'appel. En infirmant le jugement entrepris, disant que la résiliation du contrat intervenue tient de motifs légitimes et en déboutant CEFIB-INTERNET de toutes ses demandes comme mal fondées l'arrêt a implicitement répondu aux conclusions de la mémorante et a observé de ce fait les prescriptions des articles 5 et 463 du CPCCS.
A ce sujet il échet de rappeler ici la notion de motif implicite que la Cour Suprême admet. La motivation d'un arrêt et sa réponse à un chef des conclusions se dégagent par le raisonnement de l'ensemble de l'arrêt ou de motifs explicites donnés à l'appui d'autres chefs. Ainsi les motifs de l'arrêt qui consacrent un fait ou une thèse juridique, justifient par là même le rejet des conclusions qui invoquaient un fait ou une thèse contraire ( Civ - 11- Otobre 1963, Bull civ II, n° 624; 6 janvier 1965, brd.I, n° 19).
En déniant les faits dont le concluant déduisait des conséquences juridiques, le juge répond par là même à son moyen et rejette implicitement ses déductions juridiques ( Civ.23 janv.1964, Bull. Civ.II, n° 86) ( Confrère
Ab Ae page 662 n°2215 - 2216 «La Cassation matière civile - ainsi que « La Technique de cassation» de marie-Noëlle JOBARD-Bachelier - Xavier Bachelier - P.184).
Il appert donc que ce moyen doit être écarté comme mal fondé.

3-2 Du moyen tiré du défaut de base légale en deux branches
3-2 1.1 Du moyen pris de la fausse application de l'article 15 de la loi n°95-069 du 25 Août 1995 portant statut des Huissiers.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir mentionné, pour justifier la valeur du procès-verbal dressé par Me Mamadou Bah le 19-09-03 que l'article 15 de la loi n°95-069 du 25 Août dispose que le procès-verbal de constat d'huissier fait foi jusqu'à inscription de faux, alors que ledit article qui est ainsi libellé: « un arrêté du Ministre chargé de la justice fixe les modalités d'organisation et le programme du concours de recrutement des huissiers stagiaires après avis consultatif de la Chambre nationale des huissiers», n'a aucun lien avec l'affirmation mise en avant par le juge d'appel;
A cet égard il echet d'observer que l'arrêt dont expédition est versée au dossier traite de l'article 5 de la loi sus-mentionnée au lieu de l'article 15; quand bien même l'article 15 serait mentionné en lieu et place de l'article 5, ceci ne peut être considéré que comme une erreur matérielle, pouvant être réparée par application l'article 470 du CPCCS.
Les autres griefs portés contre le constat d'huissier seront analysés avec les moyens qui suivent.

3-2-2 Du moyen pris de la dénaturation des modes de preuve prévus aux articles 262 et suivants du Régime Général des obligations ( RGO)
Il y est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir pris en compte un reçu produit par IKATEL-SA et daté du 25 Septembre 2003 alors que déjà le 24 Septembre de la même année, CEFIB-INTERNET avait reçu de IKATEL-SA une lettre de résiliation unilatérale de contrat (datée du 24 septembre 2003); que le point de départ de la rupture des relations contractuelles entre les parties étant antérieur à celui du reçu produit par IKATEL-SA, ce reçu ne saurait constituer une preuve complémentaire, car survenu après l'existence début lien juridique entre les parties.
- S'agissant du reçu établi au nom de Af Ag et versé au dossier ( pièce n°4 sous Chemise rose) il est daté du 25-09-03 tandis que la lettre portant résiliation de contrat date elle du 24-09-03. Le premier juge a écarté cette pièce en affirmant qu'elle est postérieure à la résiliation survenue la veille tandis que les juges d'appel l'ont retenue en affirmant que le juge d'instance a méconnu le mécanisme juridique spécifique qui sous-tend les relations de droit dans le contrat de distribution. La méconnaissance de ce mécanisme juridique ne paraît pas des motifs de l'arrêt. Le moyen ne saurait être reçu.

3-3- Du moyen pris de la fausse interprétation de documents
Il est fait grief a l'arrêt querellé d'avoir retenu à l'encontre de CEFIB-INTERNET des agissements frauduleux en excipant de documents qui ne le prouvent nullement, notamment le PV de réunion du 13 Mai 2004, le PV de constat d'huissier du 19 Septembre 2003, le reçu établi le 25-03-03 au nom de Af Ag ( pièce n°3), documents qui avaient tous été écartés par le premier juge.
Le jugement entrepris mentionne dans ses motifs relatifs à la résiliation de plein droit du contrat:
- que la violation de l'article 5-4 du contrat par CEFIB-INTERNET ne paraît pas dans le PV de réunion du 13 Mai 2003 dont se prévaut IKATEL-SA,
- que tout au plus il y est indiqué dans la rubrique « remarques» du document que plus de '' 80 % des interventions ont porté sur la situation actuelle du marché des scratch cartes, à savoir le non respect des marges par certains grossistes identifiés»;
- que cette remarque formulée à la suite d'une rencontre avec 15 partenaires distributeurs grossistes ne constituent nullement la preuve de la violation par CEFIB-INTERNET d'une obligation contractuelle;
- que le PV de Me Mamadou Bah, huissier de justice daté du 19 Septembre 2003 et versé au dossier ne fait paraître l'identité complète de la personne interpellée, ni le lien juridique qui la lie au CEFIB-INTERNET;
- que si au terme de l'article 5 de la loi n° 95-069 du 25 Août 1995 portant statut des huissiers de justice « les actes d'huissiers font foi jusqu'à inscription de faux» il n'en demeure pas moins constant que la jurisprudence a, depuis fort longtemps admis qu'un « constat dressé à la demande d'un particulier n'a que la valeur d'une constatation faite par un mandataire salarié et le juge peut en apprécier la force probante ( Civ 2è - 23 Février 1956 Bull Civ.II n°138), qu'il s'en suit que les conditions d'établissement de ce procès verbal de constat sont irrégulières et qu'il échet de l'écarter du débat; que le reçu de Af Ag objet de la pièce n°3 est daté du 25 Septembre 2003;
- que cette pièce ne saurait justifier à posteriori la résiliation survenue le 24-09-03; qu'il échet de l'écarter des débats.
L'arrêt attaqué, s'agissant des mêmes éléments de preuve mentionne notamment « Considérant que le premier jugement, pour parvenir à la condamnation de IKATEL-SA, a écarté des débats le PV de rencontre du 13 mai 2004 ( pièce n°2) le PV de constat d'huissier ( pièce n°3) et le reçu délivré par CEFIB ( pièce n°4) et ce, en méconnaissance manifeste du mécanisme juridique spécifique qui sous-tend les relations de droit dans le contrat de distribution;.
Considérant qu'en l'espèce, s'agissant d'un contrat de distribution, il est de jurisprudence constante que le fournisseur eu égard aux enjeux, jouit d'une position dominante et a un droit de contrôle du réseau;
Considérant que par procès-verbal du 13 Mai 2003, IKATEL - SA a tenu une réunion par laquelle IKATEL - SA a fait comprendre aux distributeurs du réseau qu'elle avait connaissance de certains agissements frauduleux; que d'ailleurs au cours de cette réunion 80 % des interventions ont porté sur la situation actuelle du marché des scratch cartes, à savoir le non respect des marges par certains grossistes identifiés; il a été décidé du respect strict des remises conseillées dans le contrat à l'article 5.4 par tous les P D G;
Considérant par ailleurs, pour confondre CEFIB sur le taux appliqué IKATEL - SA, a, par procès-verbal de Me Mamadou Bah, en date du 19-09 - 2003, fait constater la violation des dispositions de l'article 5.4 en ce que Ad A, interpellé a déclaré « par rapport à la vente des cartes IKATEL par CEFIB, nous vendons les cartes IKATEL prix détaillant carte 5000 F à 4600 F l'unité par volume de 5, carte 2500 F à 2300 F en prix grossiste, cartes de 5000 F à 4550 F, cartes de 2500 F à 2275 F;
Considérant que ce constat d'huissier qui fait foi jusqu'à inscription de faux aux termes de l'article 5 de la loi n° 95-069 du 25 Août 1995 portant statut des huissiers, a été complété par IKATEL à ses éléments de contrôle par une quittance délivrée par CEFIB à Af Ag mentionnant un achat de carte IKATEL de 5 x 5000 à 23000 F;
Considérant qu'en matière commerciale, la preuve est libre; qu'il est de jurisprudence constante que la preuve préconstituée s'induit des prérogatives de police du réseau du fournisseur qui de par sa connaissance des actes frauduleux posés par l'un de ses distributeurs est habilité à résilier le contrat;
Considérant qu'au regard de ce qui précède, les stipulations de l'article 5.4 ainsi conçu: « CEFIB-INTERNET facture aux revendeurs pour chaque commande le prix maximum conseillé après déduction de la marge du revendeur calculée comme suit:
150000 F HT à 1000000 F HT 5 %
de 1000000 F HT à 3000000 F HT 6 %
de 3000000 F HT à 5000000 F HT 7 %
de 5000000 F HT à 7000000 F HT 8 %
de 7 000000 F HT à 10000000 F HT 9 %
ont été allègrement violées par CEFIB; conformément à l'article 5.6 du contrat de commercialisation qui stipule que la non application des marges conseillées par CEFIB-INTERNET constitue une faute grave de nature à entraîner la résiliation de plein droit, la résiliation du contrat intervenue tient de motifs légitimes; .»
Il y a lieu d'observer que le Tribunal de Commerce a retenu que l'arrêt attaqué n'a pas prouvé que le PV de réunion du 13 mai 2003 contenait des agissements frauduleux de CEFIB-INTERNET. A la lecture, il appert qu'il s'adresse en termes généraux à une quinzaine de partenaires distributeurs grossistes ( PDG).
Que s'agissant du PV de constat du 19-09-03 dressé par Me Mamadou Bah, huissier à la requête d'IKATEL il ne fait paraître l'identité précise du sieur Ad A interpellé dont l'adresse et la profession ne sont pas mentionnées. Il ne fait pas ressortir non plus les rapports juridiques entre CEFIB - INTERNET et Ad A;
- que concernant la quittance de 23000 F établie le 25 - 09 - 03 et produite par IKATEL-SA, l'arrêt a passé sous silence les motifs de son rejet par le premier juge ( celui - ci a estimé qu'elle a été établie après la résiliation du contrat le 24-09-03 par IKATEL-SA ).
Enfin, la dernière partie du 2è moyen et le troisième moyen interfèrent et peuvent se résumer en un défaut de base légale. Ce moyen s'analyse en un insuffisance de motivation de la décision attaquée ne permettant pas à la Haute Juridiction de contrôler la régularité de la décision, de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit.
Il est de jurisprudence constante que la cassation pour manque de base légale est retenue lorsque la décision se borne à une simple référence à telle ou telle pièces du dossier sans indiquer les faits que le juge en déduit et qu'il a retenus pour base de son appréciation des responsabilités ( Cass 2è Civ-15 Nov-la cassation en matière civile Ab Ae P. 313)
Par ailleurs les faits mentionnés dans les procès-verbaux de constat établis par un huissier de justice à la requête d'une partie et versés au dossier ne constituent que des éléments de fait qu'ils appartient au juge d'interpréter souverainement ( Cass.Com. 20 Nov. 1967).
Aussi, les juges du fond ont un pouvoir souverain d'appréciation de la force probante des constats d'huissier ( Cass Com.21 Mars 1962 - Cass 2è Civ 3 Déc 1965).
Le juge du fond n'a même pas à s'expliquer dans sa décision sur les énonciations d'un constat dressé unilatéralement à la requête d'une des parties ( Cass. 1ère Civ. 3 Juin 1962).

L'article 6 de la loi n°95-069 du 25 août 1995 indique que « les nullités des exploits d'huissiers sont facultatives pour le juge, sauf dérogation expresse»;
L'arrêt attaqué en annulant le jugement du Tribunal de Commerce sur la base de l'article 5 de la même loi qui dit que « les actes d'huissiers et ceux des clercs font foi jusqu'à inscription de faux», a d'une part méconnu le fait que cette force probante attachée aux actes d'huissiers ne concerne que les faits et actes que l'huissier déclare avoir lui même constatés ou accomplis.
Le juge d'instance a estimé que le constat établi par Maître Mamadou BAH ne lui permettait pas d'établir un lieu juridique entre Ad A et CEFIB - INTERNET. Jamais les actes accomplis ou constatés par l'huissier n'ont été remis en cause quant aux faits et actes constatés par l'huissier lui - même.
L'arrêt attaqué a également violé les dispositions de l'article 6 de la même loi, en déniant au juge le pouvoir d'appréciation qui lui confère cette disposition.
Sur le moyen relatif à la dénaturation des termes de l'écrit, l'article 73 de la loi n°87-31 AN - RM du 29 août 1987 fixant Régime Général des Obligations (RGO) indique si les termes du contrat sont clairs et précis, le juge ne peut sans dénaturation, leur donner un autre sens»;
Dans le cas d'espèce, il ne s'agit pas de contestation autour de l'application du mécanisme spécifique au droit de la distribution, mais plutôt de la discussion sur la valeur juridique de trois documents produits par IKATEL- SA ( le P.V. de réunion du 13 mai 2003, le Procès Verbal de constat d'huissier en date du 19 septembre 2003 établi par Maître Mamadou BAH et le reçu du 25 septembre 2003 versé aux débats par IKATEL - SA) pour justifier la résiliation du contrat. L'arrêt procède donc d'une dénaturation au sens de l'article 73 du Régime Général des Obligations en voulant axer la contestation sur le pouvoir de contrôle du fournisseur dans le droit de la distribution.
Il résulte de tout ce qui précède que le juge d'instance a rejeté le documents produits par IKATEL - SA pour justifier la résiliation du contrat de services et produits la liant à CEFIB - INTERNET en motivant comme ci -dessus développé sa décision tandis que la cour d'Appel a infirmé ledit jugement en usant des mêmes pièces précédemment rejetées; il y a lieu de constater que l'arrêt attaqué n'indique pas cependant à quel point du P.V. de Réunion du 13 mai 2003 des PDG apparaît la responsabilité de CEFIB- INTERNET Dans la violation du point 5. 4. du contrat de commercialisation des produits et services; l'arrêt n'établit pas non plus outre mesure le lien entre Ad A désigné dans l'acte d'huissier de Maître BAH et CEFIOB- INTERNET;
L'arrêt ne précise pas en vertu de quelle disposition légale, un reçu établi par CEFIB - INTERNET au profit du client, le lendemain de la rupture du contrat intervenue entre les parties le 24 septembre 2003 pouvait servir de preuve pour établir la violation du taux de remise dans le cadre dudit contrat.
Il résulte des faits, tels qu'ils ont été souverainement constatés et appréciés par les juges du fond, que le jugement n°117 du 10 mars 2004 du Tribunal de Commerce de Bamako procède d'une saine distribution de la justice, contrairement aux mentions de l'arrêt attaqué.
Part conséquent, il échet de censurer ledit arrêt, dire et juger qu'il n'y a pas lieu à renvoi l'affaire, ce, conformément aux dispositions de l'article 651 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale.

Par Ces Motifs

En la forme: Reçoit le pourvoi de CEFIB-INTERNET
Au fond: Casse et annule l'arrêt attaqué;
Dit et qu'il n y a pas lieu à renvoi;
Met les dépens à la charge du Trésor Public;
Ordonne la restitution de la consignation.

Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.


Synthèse
Formation : Section judiciaire
Numéro d'arrêt : 6
Date de la décision : 07/03/2005
Chambre commerciale

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2005-03-07;6 ?
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