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06/12/2004 | MALI | N°19

Mali | Mali, Cour suprême, Section judiciaire, 06 décembre 2004, 19


Texte (pseudonymisé)
COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
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Chambre Sociale
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POURVOI N°30 DU 13 JUIN 2003
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ARRET N°19 DU 06 DECEMBRE 2004
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NATURE: Réclamation de dommages et intérêts


LA COUR SUPREME DU MALI

A, en son audience publ

ique ordinaire du lundi six décembre de l'an deux mille quatre, à laquelle siégeaient :

Madame Niamoye TO...

COUR SUPREME DU MALI REPUBLIQUE DU MALI
SECTION JUDICIAIRE Un Peuple - Un But - Une Foi
-------------------------------
Chambre Sociale
--------------

POURVOI N°30 DU 13 JUIN 2003
------------------------
ARRET N°19 DU 06 DECEMBRE 2004
-------------------------

NATURE: Réclamation de dommages et intérêts

LA COUR SUPREME DU MALI

A, en son audience publique ordinaire du lundi six décembre de l'an deux mille quatre, à laquelle siégeaient :

Madame Niamoye TOURE, Présidente de la Chambre Sociale, Président;

Monsieur Boubacar DIALLO, Conseiller à la Cour, Membre;
Monsieur Elie KEÏTA, Conseiller à la Cour, Membre;

En présence de Monsieur Mahamadou BOIRE, avocat général près ladite Cour, occupant le banc du Ministère Public;
Avec l'assistance de Maître TRAORE Adama SOW, Greffier;

Rendu l'arrêt dont la teneur suit:

SUR LE POURVOI de Maîtres Aliou Bocar et Louis Auguste TRAORE, tous Avocats à la Cour, agissant au nom et le compte de Ab B et deux autres, d'une part;

CONTRE: SADA - SA, ayant pour conseil Maître Binkè KAMITE, Avocat à la Cour, défendeur, d'autre part;
Sur le rapport du Conseiller Boubacar DIALLO et les conclusions écrites et orales de l'Avocat Général Mahamadou BOIRE.

Après en avoir délibéré conformément à la loi:

EN LA FORME:

Suivant acte de pourvoi n°30 du 13 juin 2003 du greffe de la Cour d'Appel de Bamako, Maître Aliou Bocar, Avocat, agissant pour le compte de Ab B et deux autres, a déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°52 du 12 juin 2003 rendu par la Chambre Sociale de ladite Cour, dans une instance en réclamation de dommages - intérêts opposant ses clients à la Société SADA - SA;
Dispensés de consigner en vertu des dispositions de l'article L202 du Code du Travail, les demandeurs par l'organe de l'Etude Olivier, ont produit un mémoire ampliatif qui, notifié à la défenderesse, a fait l'objet de réponse dans les forme et délai de la loi;
Le recours est donc recevable.

AU FOND:

Faits et procédure:

Courant avril 2002 les demandeurs ont assigné leur employeur, la Société SADA-SA en réclamation de dommages - intérêts. Suivant jugement n°252 rendu le 23 septembre 2002 le Tribunal du Travail de Bamako, jugeant le licenciement des demandeurs abusif, a condamné SADA-SA à payer des dommages intérêts de:

10.000.000 F cfa à Ab B;
5.000.000 F cfa à Aa B;
3.000.000 F cfa à Ac C.

Ce jugement a fait l'objet d'un appel et suivant arrêt n°52 du 12 juin 2003, il a été infirmé et Ab B et autres déboutés de leurs demandes. Ceux - ci ont alors formé pourvoi.
II Les moyens du pourvoi:

II1 Du moyen tiré de la dénaturation d'un élément de preuve:
En ce que l'arrêt attaqué soutient que les demandeurs ont clairement exprimé leur volonté de mettre fin au contrat de travail à durée indéterminée qui les liait à leur employeur conformément aux dispositions des articles L40 (I) L190 (I) et L191, par leur lettre du 18 février 2002 en réclamant leurs droits, alors qu'ils ont réclamé leurs droits conformément aux dispositions de l'article L35; que ceux - ci leur ont été payés conformément à ce texte ( cf. P.V de réunion du 20 mars 2002, lettre n°43/2002/FD/AO du 07 mars 2002 adressée au Directeur Général de la Bank of Africa, lettre sans numéro du 20 décembre 2001 de SADA - SA à la Directrice Régionale du Travail de Bamako, tous déjà versées au dossier); que la lettre de l'employeur indique en objet « mise en chômage technique»; que la mise en chômage technique est prévue par les dispositions de l'article L35 du Code du Travail; que la Cour d'Appel a fait fi de tout cela pour aller se perdre sur les dispositions de l'article L235 qui n'ont rien à voir avec le cas d'espèce; que prétendre que le cas relève plutôt des dispositions des articles L40 (1), 190 (1) et L191 du Code du Travail, procède d'une dénaturation des termes de la lettre du 18 février 2002; que l'article L35 permet au travailleur d'exprimer sa non acceptation des conditions de suspension proposées et dispose que la rupture éventuelle du contrat est imputable à l'employeur; que la Cour se devait de réparer le lapus calami qui a sans doute affecté la numérotation de l'article visé selon ce que les pièces du dossier révèlent ou selon ce que la raison commande, d'autant plus que l'arrêt lui - même mentionne: « ils disent clairement s'opposer aux conditions de mise en chômage technique..»;

II2 Du moyen pris du défaut de base légale:

En ce que l'arrêt attaqué a débouté les demandeurs aux motifs que l'article L235 ne pouvant recevoir application, il convient de placer le cas sous le coup des articles L40 (1), L 190 (1) et L191 et leur volonté manifeste de mettre fin unilatéralement au contrat, ce qui ne peut leur ouvrir droit à une réparation quelconque, aucun préjudice subi n'étant justifié alors que, comme il a été ci - dessus exposé et établi qu' « en cas de non-acceptation par le travailleur des conditions de suspension proposées, la rupture éventuelle du contrat est imputable à l'employeur» ( article L35 du Code de Travail); qu'il n'y a donc ici aucune volonté manifeste de mettre fin au contrat de travail par les requérants qui n'ont fait qu'exprimer un droit que la loi leur donne; que le défaut de base légale est constitué par une insuffisance de motivation de la décision attaquée qui ne permet pas à la haute Juridiction de contrôler la régularité de la décision ou plus précisément, de vérifier que les juges du fond ont fait une application correcte de la règle de droit ( la Technique de cassation P.147, M.N.J. A et X. A ); que l'arrêt querellé encourant ici également la cassation.

II3 Du moyen tiré de la violation de la loi en deux branches:

1ère Branche:
En ce que l'arrêt attaqué a retenu que le licenciement des demandeurs a été demandé pour des motifs économiques par leur employeur qui s'était obligé à cet effet alors que l'employeur a plutôt demandé la suspension du contrat pour cause de chômage ( cf. sa lettre du 20 décembre 2001 sans numéro de la Directrice Régionale du Travail déjà citée plus haut); qu'il s'agit là de la violation de la loi pour fausse application; qu'au lieu de l'article L35 applicable au cas de l'espèce, l'arrêt expose toute sa discussion sur les articles L46 et suivants qui eux, parlent du licenciement pour motif économique alors que l'article L35 parle lui de suspension temporaire ne pouvant excéder trois mois; ce qui est le cas assurément ici, comme l'arrêt le mentionne lui même et le courrier ci dessus cité de l'employeur; qu'il en est ainsi chaque fois qu'il apparaît qu'à partir de faits matériellement établis, correctement qualifiés, les juges du fond ont fait une mauvaise application de la loi au prix d'une erreur le plus souvent grossière soit qu'ils aient ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas, soit qu'ils aient refusé d'en faire application à une situation qui manifestement rentrait dans son champ d'application ( même ouvrage ci dessus cité, P. 138 );

2ème Branche:

En ce que d'autre part l'arrêt dispose que les textes applicables au cas d'espèce sont les articles L40 (1), L190 (1) et L191 du Code du Travail alors que c'est l'article L35 qui sied au cas d'espèce; que l'arrêt encourt donc la cassation.

II4 Du moyen pris de la contrariété de motifs:
En ce qu'en déclarant tantôt que le licenciement des demandeurs est intervenu pour des motifs économiques, tantôt que ceux - ci « disent clairement s'opposer aux conditions de mise en chômage technique, tantôt que les demandeurs ont manifestement exprimé leur volonté de mettre fin unilatéralement au contrat qui les liait à leur employeur, l'arrêt procède de motifs contradictoires et s'expose à la censure.
La Société SADA-SA, par l'organe de ses conseils, a conclu au rejet du pourvoi comme mal fondé.

III- ANALYSE DES MOYENS:

1- Les trois premiers moyens interfèrent et peuvent faire l'objet d'une analyse globale:
Les demandeurs font grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu qu'ils ont manifesté leur désir de mettre fin au contrat de travail les liant à SADA-SA en vertu des dispositions des articles L40 (1), L190 (1) et L191 du Code du Travail par lettre en date du 18 février 2002 alors que la demande de ceux ci procède de l'article L35 du Code du Travail, de procéder donc d'une dénaturation des termes de l'écrit.
A cet égard il échet de reproduire les termes de ladite lettre:
«A Monsieur le Directeur Adjoint de la Société SADA- SA Moustaphe DIALLO.

Monsieur,

Suite à votre décision sans numéro du 27 décembre 2001 de mise en chômage technique d'une partie du personnel, nous portons à votre connaissance que nous ne sommes pas d'accord avec les conditions du chômage proposées.
En conséquence, nous vous demandons de bien vouloir nous payer nos droits conformément à l'article 235 du Code du Travail».
Le Code du Travail ne comporte aucun article 235. Cependant l'article L235 u figure comme suit: « les membres chargés de l'administration de la direction d'un syndicat doivent être domiciliés en République du Mali, jouir de leurs droits civiques et n'avoir encouru aucune des condamnations qui, aux termes des lois électorales en vigueur, entraînent la suppression du droit de vote»
Manifestement il appert que l'article L235 n'est pas celui auquel ont voulu faire allusion les auteurs de la lettre du 18 février 2002.
Par contre l'article L35 du même Code dispose: « lorsque pour des raisons d'ordre économique, commandées par des nécessités de l'entreprise ou résultant d'évènements imprévisibles présentant le caractère de force majeure, l'employeur décide de mettre en chômage temporaire tout ou partie de son personnel l'inspecteur du travail doit, au préalable, en être informé.
La durée de la suspension ne peut excéder trois mois. Au delà de trois mois ou en cas de non-acceptation par le travailleur des conditions de suspensions proposées, la rupture éventuelle du contrat est imputable à l'employeur»;
Il résulte des termes de la dite lettre que l'article visé est bien l'article L35 au lieu de l'article 235 qui n'existe pas dans le Code du Travail.
Par ailleurs la lettre du 18 février 2002 des demandeurs fait suite à la décision de SADA - SA de les mettre en chômage technique. Par conséquent l'arrêt attaqué est mal venu à viser les dispositions des articles L40 (1), L190 (1) et L191 tout en occultant celles de l'article L35 alors qu'aux termes de l'article 12 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale il doit donner ou restituer aux faits et actes litigieux leur exacte qualification.
La dénaturation des termes de l'écrit est manifeste. En outre l'arrêt procède d'un manque de base légale. La censure s'impose.
La cassation étant acquise, l'analyse du dernier moyen est superfétatoire.
PAR CES MOTIFS:

En la forme: reçoit le pourvoi;
Au fond: casse et annule l'arrêt déféré;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'Appel de Bamako autrement composée;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.

Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.


Synthèse
Formation : Section judiciaire
Numéro d'arrêt : 19
Date de la décision : 06/12/2004
Chambre sociale

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;2004-12-06;19 ?
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