1998040662
COUR SUPREME DU MALI ********* SECTION JUDICIAIRE *********
1ère Chambre Civile
POURVOI N° 117 DU 05 JANVIER 1997
ARRET N° 62 DU 06 AVRIL 1998
Instance en expulsion et revendication de parcelle-Preuve propriété lot à usage d'habitation - Article 535, évocation par la Cour d'Appel--ultra-petita-
L'évocation telle que prévue à l'article 535 du Code de procédure civile, commerciale et sociale est usée par la Cour d'Appel lorsqu'elle est saisie d'un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction ou d'un jugement qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance ; dans ce cas elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même le cas échéant, une mesure d'instruction.
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
EN LA FORME :
Par acte n° 117 reçu le 05 janvier 1997 au greffe de la Cour d'appel de Bamako, maîtres Tiessolo Konaré et Yiribèrè Ouologuem, avocats associés, agissant au nom et pour le compte de Ad Ag, ont déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n° 180 rendu le 04 juin 1997 par la Chambre Civile de ladite Cour dans une instance en expulsion et revendication de parcelle qui oppose leur client au sieur Ae Ab ;
Le demandeur a consigné le 05 avril 1997 suivant certificat de dépôt n° 143 et produit mémoire ampliatif notifié au défendeur qui a répliqué sous la plume de son avocat maître Kadidia Sangaré qui a conclu au rejet pur et simple dudit recours ;
Conformément aux dispositions de l'article 590 du code de procédure civile, commerciale et sociale, le memoire en réponse du défendeur a été notifié aux avocats du demandeur ;
Toutes les dispositions de la loi ayant ainsi été respectées, le pourvoi est recevable en la forme ;
AU FOND :
En cet état, la cause présentait à juger les points de droit et moyens de cassation soulevés par le demandeur :
A/ MOYENS DE CASSATION
A l'appui de son action, le demandeur, sous la plume de son avocat maître Daba Diallo, Avocat à la Cour, a soulevé trois moyens de cassation et reproche à l'arrêt querellé :
-La violation de l'article 535 du code de procédure civile commerciale et sociale ;
-Le manque de motivation, article 430 du code de procédure civile commerciale et sociale ;
-Le refus d'entendre des témoins.
1°premier moyen tiré de la violation de l'article 535 du code de procédure civile commerciale et sociale :
En ce qu'il résulte du dossier et suffisamment démontré que le mémorant ressortissant malien résident en Côte-D'Ivoire a, de bonne foi, acheté la parcelle litigieuse avec un membre de la commission domaniale de la Commune VI du District de Bamako en la personne du nommé Aa Af pour la somme de 650.000 fcfa ;
Qu'après l'achat, il a édifié des bâtiments pour y faire loger sa famille rentrée de l'étranger ; qu'il est indiscutable que c'est un acheteur de bonne foi ;
Que conformément aux dispositions des articles 535 et suivants du Code de procédure civile commerciale et sociale, la Cour d'Appel devrait statuer par évocation et ordonner à Ae, au moins, la restitution de la valeur des réalisations faites de bonne foi à Ad Ag dit Ad Ag ;
Qu'en ne le faisant pas, elle a violé la loi et permis du coup à Ae de s'enrichir sans cause ;
2° Du second moyen pris du manque de motifs : (article 430 du Code de procédure civile commerciale et sociale)
En ce que la motivation d'une décision de justice s'analyse à ce que le juge vise expressément les différents textes de loi, de jurisprudence ou de doctrine sur lesquels, il s'est basé pour fonder sa conviction ;
Que l'arrêt querellé n'a rien fait dans ce sens et mérite en conséquence la censure de la Cour Suprême.
3° Troisième moyen tiré du refus d'entendre des témoins :
Le mémorant rappelle qu'il avait sollicité dans ses écritures d'instance et d'appel, l'audition de certains témoins ;
Que la Cour d'Appel a méconnu cet état de fait et n'a pas daigné répondre à cette requête ;
Qu'il est de jurisprudence constante que le refus par la Cour d'Appel de répondre à une demande d'audition de témoins, est un motif de cassation -Arrêt civil n° 44 du 23 juin 1986-;
Qu'en conséquence, l'arrêt querellé mérite d'être censuré ; B/ ANALYSE DE MOYENS PRESENTES PAR LE DEMANDEUR
1° Du premier moyen pris de la violation de l'article 535 du Code de procédure civile commerciale et sociale :
Attendu que l'évocation telle que prévue à l'article 535 du code de procédure civile, commerciale et sociale, est usée par la Cour d'appel lorsqu'elle est saisie d'un jugement qui ordonne une mesure d'instruction ou d'un jugement qui statuant sur une exception de procédure, a mis fin à l'instance ; dans ce cas elle peut évoquer les points non jugés si elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive après avoir ordonné elle-même le cas échéant, une mesure d'instruction ;
Attendu que dans le cas d'espèce, le demandeur Ad Ag, aurait pu réclamer un titre d'indemnisation ou de dédommagement des impenses couvrant le montant des réalisations effectuées sur ladite parcelle ;
Attendu que la Cour sur la base de cette réclamation aurait pu par arrêt avant dire droit, désigner un expert ;
Attendu que le demandeur n'ayant pas soulevé ses prétentions, est mal venu à reprocher à la Cour de n'avoir pu évoquer dans une procédure en expulsion et revendication de parcelle et ce faisant, le moyen est inopérant ;
Attendu par ailleurs que si la Cour d'Appel avait évoqué dans l'instance comme le souhaite aujourd'hui le demandeur en cassation, son arrêt serait censuré pour avoir statué « ultra petita » ;
2° Du second moyen pris du manque de motifs :
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article 430 du code de procédure civile commerciale et sociale, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ; que les jugements et arrêts énoncent leurs décisions sous forme de dispositif ;
Attendu que les décisions de justice doivent être motivés sous peine de nullité ;
Attendu qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier que le demandeur a acquis le 30 décembre 1991 par achat et de bonne foi, la parcelle KX-5 sise dans la zone de réhabilitation de Faladié-village (Commune VI du District de Bamako) des mains du nommé Aa Af membre de la commission domaniale da ladite Commune ;
Attendu que c'est en mai 1996 que le sieur Ae Ab a cru bon d'assigner le demandeur en justice, en revendication de parcelle et expulsion après avoir tenté par l'intermédiaire du sieur Ac Ah d'arriver à une solution de règlement à l'amiable - par paiement d'une somme -;
Attendu qu'à l'appui de ses prétentions, le nommé Ae a produit un carnet de famille établi le 04 août 1987 et photocopie non certifiée par le Maire compétent de la liste des ménages destinés au recasement dans le cadre du projet de réhabilitation de Faladié-village ;
Attendu que c'est pour cette liste que le sieur Ae Ab recensé sous le n° C/21 devrait être recasé sur la parcelle KX-5 ;
Attendu que le nommé Ae Ab demandeur en première instance n'a pu produire à ce jour, ni lettre d'attribution, ni permis d'occuper ou d'habiter encore moins un titre foncier pour asseoir son droit de propriété ;
Attendu par ailleurs qu'il n'a pu produire la preuve du paiement des 301.000 fcfa -droit d'édilité -condition première pour bénéficier d'une parcelle ;
Attendu que le demandeur en cassation Ad Ag occupe de façon irrégulière, une parcelle avec le prétendu attributaire, n'apporte aucune preuve justifiant son droit de propriété ;
Attendu que la Cour d'Appel en attribuant ainsi au défendeur Ae Ab, suivant le juge d'instance la propriété d'une parcelle litigieuse sans titre administratif et en expulsant l'occupant irrégulier Ad Ag qui y a investi, n'a pas donné de motifs suffisants à sa décision qui manque de base légale et mérite en conséquence d'être censurée ;
3° Du troisième moyen pris du refus d'entendre des témoins :
Attendu que bien que superfétatoire, ce moyen mérite d'être examiné et analysé pour les besoins de la discussion ;
Attendu que dans une procédure judiciaire, la conduite et la direction des débats relèvent du pouvoir discrétionnaire du Président de la Juridiction de jugement ;
Attendu que la Cour d'Appel juge sur pièces et n'est pas tenue d'entendre les témoins cités par les parties ;
Que dans le cas d'espèce, la Cour d'Appel n'avait aucune obligation d'entendre des témoins cité par les parties, si elle estimait être suffisamment informée .............
Attendu que le demandeur, en reprochant à la Cour son refus d'entendre des témoins pour ainsi arriver à la censure de l'arrêt querellé, est mal venu dans son moyen qui mérite d'être rejeté ;
PAR CES MOTIFS :
LA COUR :
En la forme : Reçoit le pourvoi ;
Au fond : Casse et annule l'arrêt déféré ;
Et pour faire droit renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Bamako autrement composée ;
Ordonne la restitution de l'amende de consignation ;
Met les dépens à la charge du Trésor Public. Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement le jour, mois et an que dessus
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER