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06/04/1998 | MALI | N°60

Mali | Mali, Cour suprême, Section judiciaire, 06 avril 1998, 60


Texte (pseudonymisé)
1998040660
COUR SUPREME DU MALI ********* SECTION JUDICIAIRE *********
1ère Chambre Civile
POURVOIS N° 99-100 ET 104 DES 29 ET 30 MAI 1997
ARRET N° 60 DU 06 AVRIL 1998
Titre foncier - Action réelle - Action personnelle - Voie de fait -Résiliation de bail - Conditions d'indemnisation.
L'usage de droits légaux ne constitue guère, contrairement aux qualifications de l'arrêt querellé, une voie de fait ou une erreur grossière de l'administration pouvant justifier l'annulation prononcée, qu'en occultant cette réalité juridique la Cour d'Appel a violé les dispos

itions des articles 101, 102,103, et 59 du code domanial et foncier.
La Cour d...

1998040660
COUR SUPREME DU MALI ********* SECTION JUDICIAIRE *********
1ère Chambre Civile
POURVOIS N° 99-100 ET 104 DES 29 ET 30 MAI 1997
ARRET N° 60 DU 06 AVRIL 1998
Titre foncier - Action réelle - Action personnelle - Voie de fait -Résiliation de bail - Conditions d'indemnisation.
L'usage de droits légaux ne constitue guère, contrairement aux qualifications de l'arrêt querellé, une voie de fait ou une erreur grossière de l'administration pouvant justifier l'annulation prononcée, qu'en occultant cette réalité juridique la Cour d'Appel a violé les dispositions des articles 101, 102,103, et 59 du code domanial et foncier.
La Cour d'Appel (juridiction de l'ordre judiciaire) ne peut ni apprécier la régularité ou la validité des actes administratifs, ni les annuler.. « qu'en annulant la décision n°428/DB du gouverneur du district de Bamako d'une part et en transférant mécaniquement d'autre part à T .Diaby, le droit réel de propriété conféré par le titre foncier n°16029 crée au nom de B.Djigué au mépris de la procédure administrative réglementaire de transfert de titre foncier en vigueur, a manifestement commis un abus de pouvoir et violé les règles d'ordre public de compétence rationae materiae qui régissent les deux ordres de juridictions(juridiction de l'ordre administratif et juridiction de l'ordre judiciaire).
La Cour :
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
EN LA FORME :
Par actes N°99,100 et 104 au greffe de la Cour d'Appel de Bamako en dates respectives des 29 et 30 Mai 1997, Maîtres Magatte Seye, Waly Diawara et Aïssata Tembely, Avocats à la Cour, agissant au nom et pour le compte de Ac Ab, ont déclaré se pourvoir en cassation contre l'arrêt n°164 rendu le 28 Mai 1997 par la chambre civile de la Cour d'Appel de Bamako dans une instance en annulation de bail avec promesse de vente qui oppose leur client Ac Ab susnommé et le Gouvenorat du District de Bamako à A et Aa Ad.
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que les demandeurs ont consigné et produit trois mémoires ampliatifs auxquels les défendeurs ont répliqué ;

Attendu que par ailleurs, les formalités prescrites par l'article 590 eu Code de Procédure Civile, commerciale et sociale relatives à la notification du mémoire en réplique des défendeurs aux demandeurs au pourvoi, ont été observés par le greffe de la Cour Suprême ;
Attendu que ce faisant, les pourvois sont en la forme recevables ;
AU FOND :
Le mémoire ampliatif produit par Maître Magatte Seye, Boubacar Sidibé et Abdramane Sanogo, soulève trois moyens de cassation :
-1er moyen pris de la violation des articles 237, 238 et 239 du Code Domanial et Foncier ;
-2ème moyen pris de la violation par mauvaise application de l'article 2279 du Code Civil ;
-3ème moyen pris de la violation par méconnaissance des articles 101,102 et 181 du Code Domanial et Foncier ;
Le mémoire de Maître A. Cissé du Cabinet d'Avocats Associés soulève un moyen unique de cassation présenté en deux branches :
-Première branche : mauvaise application de la notion de fait et violation des articles 101 et 102 du Code Domanial et Foncier ;
-Deuxième branche : violation des articles 103, 237 et 239 du Code Domanial et Foncier
Le mémoire ampliatif de Maître Waly Mamady Diawara soulève deux moyens de cassation à savoir :
-Premier moyen tiré de l'interprétation erronée des articles 105, 101, 102 et 59 du Code Domanial et Foncier de l'article 2279 du Code Civil ;
-Deuxième moyen tiré de l'abus de pouvoir commis par la Cour d'Appel et de la violation des règles de compétences rations materiae ;
1° Moyen tiré de l'abus de pouvoir ;
2° Moyen tiré de la violation des articles 181, 237, 238 et 239 du Code Domanial et Foncier :
Dans les mémoires en réplique, Maître Binké Kamité et Mamadou Tounkara (S.C.P d'Avocats Doumbia-Tounkara) ont contesté le bien fondé des moyens de cassation soulevés et ont conclu au rejet du recours formé.
ANALYSE DES MOYENS DE CASSATION
Attendu que les mémorants font griefs à l'arrêt attaqué de procéder par violation des articles 237, 238, 239, 181, 101, 102, 103, 105 et 59 du code Domanial et Foncier 2279 du Code Civil, par mauvaise application de la notion de voie de fait, par abus de pouvoir et par violation des règles de compétence ratione matériel ;
Attendu que les moyens identiques et ceux qui interfèrent peuvent être regroupés et examinés ensemble.
1° Moyens pris de la violation des articles 237, 238 et 239 du Code Domanial et Foncier :
Attendu que les articles 237, 238 et 239 du Code Domanial et Foncier dont la violation est visée par les mémorants, disposent formellement :
-Article 237 du Code Domanial et Foncier :
« le titre foncier est définitif et inattaquable ; il constitue devant les juridictions maliennes le point de départ unique de tous les droits réels existant sur l'immeuble au moment de l'immatriculation ».
-Article 238 du Code Domanial et Foncier :
Toute action tendant à la revendication d'un droit réel non révélé en cours de procédure et ayant pour effet de mettre en cause le droit de propriété d'un immeuble est irrecevable » ;
-Article 239 du Code Domanial et Foncier :
« Les personnes dont les droits auront été lésés par suite d'immatriculation, ne peuvent se pourvoir par voie d'action réelle mais seulement en cas de dol, par voie d'action personnelle en indemnité » ;
Attendu que ces dispositions législatives impératives sont d'ordre public et s'imposent aux parties et aux juges ;
Attendu que la décision attaquée au pourvoi est un arrêt confirmatif qui, juridiquement, adopte de facto tous les motifs et le dispositif du jugement d'instance appelé ;
Attendu que par rapport aux griefs formulés, le jugement d'instance confirmé mentionne entre autres dans son dispositif :
« déclare Aa Ad en conséquence propriétaire aussi du droit réel conféré par le titre foncier N°16029 délivré pendant le cours du présent procès et qui est la consécration du droit au bail acquis par Aa Ad.
Attendu que le dispositif de la décision confirmé est contraire à l'esprit et à la lettre des dispositions de loi visées aux moyens ;
Que cette entorse à la loi emporte la censure de la haute juridiction ;
Qu'il s'ensuit que ces moyens sont fort pertinents et doivent être retenus ;
2° Moyens pris de la violation des articles 101, 102, 10 et 59 du code domanial et foncier :
Attendu que l'arrêt querellé déclare péremptoirement :
« Considérant qu'enfin, il y a voie de fait lorsque dans l'accomplissement d'une activité matérielle d'exécution, l'Administration commet une irrégularité grossière portant atteinte au droit de propriété ou à une liberté publique , que la juridiction considère que la seule menace précise d'exécution d'une mesure assez illégale constitue une voie de fait ; qu'en l'espèce, les circonstances de la cause démontrent à suffisance qu'en ignorant le nantissement consenti sur le fonds de commerce et la vente aux enchères publiques opérée, le Gouverneur du District commet une voie de fait dont le contentieux relève des tribunaux judiciaires » ;
Attendu que par rapport à ces griefs, les articles 101, 102, 103 et 59 du Code Domanial et Foncier visés au moyen qui sont également d'ordre public, édictent :
-Article 101 du Code Domanial et Foncier :
« le bail est résilié de plein droit si le preneur ne met pas en valeur le terrain loué dans les délais et conditions qui lui ont été fixés » ;
-Article 102 du Code Domanial et Foncier :
« dans le cas de résiliation visé au présent article l'Etat reprend le terrain dans les conditions prévues à l'article 59 du Code Domanial et Foncier » ;
-Article 103 du Code Domanial et Foncier :
« à l'expiration du bail et à la condition que le terrain ait été mis en valeur dans les conditions fixées dans le bail, le preneur peut demander à acquérir le terrain loué » ;
L'Etat est tenu de le lui vendre ;
« le contrat de cession est établi en la forme d'un acte administratif »;
Attendu que l'article 59 du Code Domanial et Foncier traite du mode et des conditions d'indemnisation du preneur en cas de retrait et l'article 181 du Code Domanial et foncier, détermine les conditions dans lesquels les immeubles (tels station d'essence) doivent être légalement revendiqués ;
Attendu que par ailleurs, l'article 9 du contrat de bail passé le 1er février 1991 entre le Gouverneur du District et la Société Ousmane Daou représentée par Ae Af dispose :
« 3°)-le bail sera résilié de plein droit si à l'expiration du délai de trois ans, l'Administration constate un défaut ou une insuffisance quelconque de mise en valeur
« 4°) le preneur peut mettre fin au bail à tout moment sous réserve de donner au bailleur un préavis de trois mois»
« 6°) à défaut de paiement d'un seul terme du loyer à son échéance ou d'inobservation de l'une quelconque des charges et conditions ci-dessus énoncées., le présent bail sera résilié de plein droit sans qu'il ne soit nécessaire de remplir aucune formalité judiciaire » ;
Attendu qu'en tout état de cause, juridiquement, le nantissement ne peut porter que sur des biens meubles (contrat de bail et droit au bail) et jamais sur un terrain qui faisait alors partie du domaine privé immobilier de l'Etat non partie à l'adjudication ni à la cession,
Attendu qu'à cet égard, il résulte amplement des dispositions d'ordre public du Code Domanial et Foncier citées par les mémorants et de l'article 9 du contrat de Bail qui est la loi des parties, que le preneur a la faculté de mettre fin au bail à tout moment et que le Gouverneur du District dispose du droit de résiliation du bail, de reprise du patrimoine immobilier de l'Etat et de cession après mise en valeur du terrain conformément aux dispositions de l'article 103 du Code Domanial et Foncier ;
Que l'usage de ces droits légaux ne constitue guère, contrairement aux qualifications de l'arrêt querellé, une voie de fait ou une erreur grossière de l'Administration pouvant justifier l'annulation prononcée ;
Qu'en occultant cette réalité juridique pour procéder comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a manifestement violé les dispositions légales visées aux moyens qui gouvernent et sécurisent la propriété foncière au Mali ;
Qu'il appert en conséquence que lesdits moyens sont fondés et doivent être accueillis.
3° Moyens pris de la violation de l'article 2279 du Code Civil :
Attendu que ce moyen reproche à la Cour d'Appel de s'appuyer sur l'article 2279 du Code Civil pour justifier la vente aux enchères publiques du fonds de Commerce objet du bail et le transfert du Titre Foncier de Ac Ab à Aa Ad par l'arrêt querellé ;
Attendu que par rapport à ce grief, l'arrêt déféré énonce dans son avant dernier motif : « considérant sur l'intervention de Aa Ad qu'il n'est pas contesté qu'avant la création du litige foncier, l'intimé a acquis le fonds de commerce litigieux suite à une vente aux enchères publiques » ;
« déclare Aa Ad propriétaire aussi du droit réel conféré par le titre foncier n° 16029 délivré pendant le cours du présent procès et qui est la concrétisation du droit de bail acquis par Aa Ad » ;
« que pour toutes ces raisons, il convient de confirmer le jugement querellé sur toutes ses dispositions».
Attendu que l'article 2279 du Code civil auquel se réfère l'arrêt querellé stipule : « en fait de meuble, possession vaut titre » ;
Attendu qu'il est de jurisprudence que l'article 2279 du Code Civil ne s'applique qu'aux meubles corporels susceptibles de tradition manuelle ;
Qu'il doit être écarté pour des objets mobiliers non individualisés ou des installations constituant des immeubles par destination ;
Qu'il a été jugé que le domaine public étant inaliénable et imprescriptible, les objets mobiliers qui en font partie ne peuvent donner lieu à l'application de l'article 2279 du Code Civil et peuvent être l'objet d'une revendication perpétuelle ;
Que l'article 2279 du Code Civil n'est pas applicable aux meubles incorporels ;
Attendu qu'il résulte de l'analyse qui précède que la Cour d'Appel ne pouvait nullement invoquer l'article 2279 du Code Civil dans la mesure où il s'agit dans le cas d'espèce d'un bail avec promesse de vente faisant toujours partie du domaine de l'Etat , donc d'un droit réel de propriété immobilière aucune cession n'étant intervenue entre l'Administration et Aa Ad ;
Que ce faisant, en procédant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel a incontestablement fait une mauvaise application de l'article 2279 du Code civil qui expose sa décision à la censure de la Cour Suprême ;
Qu'il en découle que ce moyen est opérant.
4° Moyen pris de la violation de l'article 105 du Code Domanial et Foncier :
Attendu que ce moyen reproche à la Cour d'Appel d'avoir retenu la compétence de la juridiction civile dans une matière qui relevait de la connaissance du Tribunal de commerce ;
Attendu que par rapport à ce grief, l'article 105 du Code Domanial et Foncier visé par l'arrêt stipule : « le Tribunal civil de droit commun est compétent pour trancher tout litige relatif au bail avec promesse de vente » ;
Attendu que l'article 12 du contrat de bail passé entre le Gouverneur du District et la Société Ousmane Daou et fils énonce également que : « le tribunal de 1ère Instance de Bamako sera compétent pour connaître des litiges attribués à défaut de règlement à l'amiable » ;
Qu'il découle de ces dispositions que le Tribunal a une compétence attributive de juridiction en la matière ;
Que c'est donc à bon droit que les juridictions civiles ont retenu leur compétence en la cause ;
Qu'il s'ensuit que ce moyen n'est pas pertinent et doit être rejeté.
5° Moyens tirés de l'abus de pouvoir et de la violation des moyens de compétence ratione materiae :
Attendu que le dispositif du jugement confirmé par l'arrêt énonce entre autres :
« déclare nul et de nul effet la décision n° 428/DB en date du 27 septembre 1993 du Gouverneur du District de Bamako même que conséquemment, le bail avec promesse de vente n° 0978/93 en date du 09 novembre 1993 signé et intervenu entre Ac Ab et ledit Gouverneur et, portant sur le même terrain et partant le même fonds de commerce déjà nanti au profit de CESSIRI-SO » ;
« déclare Aa Ad propriétaire aussi du droit réel conféré par le titre foncier n° 16029 délivré pendant le cours du présent procès et qui est la concrétisation du droit au bail acquis par Aa Ad » ;
Attendu que la décision° 428/DB querellé est, par nature, un acte administratif dont l'annulation ne pouvait être prononcée que par les seules juridictions administratives Tribunal Administratif, Section Administrative de la Cour Suprême) ;
Attendu qu'en la matière, il est constant en droit que les juges de l'ordre judiciaire ne peuvent ni apprécier la régularité ou la validité des actes administratifs, ni les annuler ;
Que ce faisant, la Cour d'Appel en annulant la décision n° 428/DB du Gouverneur du District de Bamako d'une part et en transférant mécaniquement d'autre part à Aa Ad, le droit réel de propriété conféré par le titre foncier n° 16029 crée au nom de Ac Ab au mépris de la procédure administrative règlementaire de transfert de titre foncier en vigueur, a manifestement commis un abus de pouvoir et violé les règles d'ordre public de compétence ratione materiae qui régissent les deux ordres de juridictions (juridiction de l'ordre administrative et juridiction de l'ordre judiciaire) ;
Que la Cour Suprême dans sa fonction de régulation du droit, doit censurer cette violation flagrante de la loi ;
PAR CES MOTIFS
La Cour :
En la forme : Reçoit le pourvoi ;
Au fond : Casse et annule l'arrêt déféré ;
Et pour faire droit, renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Bamako, autrement composée ;
Ordonne la restitution de l'amende de consignation ;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement, les jour, mois et an que dessus
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET GREFFIER


Synthèse
Formation : Section judiciaire
Numéro d'arrêt : 60
Date de la décision : 06/04/1998
1ère chambre civile

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ml;cour.supreme;arret;1998-04-06;60 ?
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