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23/07/2025 | LUXEMBOURG | N°53065

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 juillet 2025, 53065


Tribunal administratif N° 53065 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:53065 1re chambre Inscrit le 25 juin 2025 Audience publique de vacation du 23 juillet 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 53065 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 juin 2025 par Maître Lukma

n ANDIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, ...

Tribunal administratif N° 53065 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:53065 1re chambre Inscrit le 25 juin 2025 Audience publique de vacation du 23 juillet 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 53065 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 25 juin 2025 par Maître Lukman ANDIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Egypte), de nationalité égyptienne, demeurant à L-…, tendant, aux termes de son dispositif, 1) à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, et 2) à la réformation sinon à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 juillet 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le vice-président, siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Mathieu WERNOTH, en remplacement de Maître Lukman ANDIC, et Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 juillet 2025.

Le 10 juin 2024, Monsieur (A), introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, Direction générale de l’immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée, dans un rapport du même jour. Il s’avéra à cette occasion que l’intéressé est titulaire d’une carte d’identité italienne valable du … au … En date du 11 juin 2024, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 1 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III ».

Le 12 juin 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues italiens une demande de reprise en charge de Monsieur (A) en application du règlement Dublin III, demande qui fut certes acceptée en date du 1er août 2024 sur base de l’article 12, paragraphe (4) dudit règlement par les autorités italiennes, lesquelles soulignèrent toutefois que « however […] transfers to Italy can’t be carried ou […] until further notice ».

Le 15 avril 2025, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 6 juin 2025, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé réceptionné le 10 juin 2025, le ministre des Affaires intérieures, désigné ci-après par « le ministre », informa Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a) et h) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée pour défaut de crédibilité, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Dans ladite décision, le ministre résuma les déclarations de Monsieur (A) comme suit :

« Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 10 juin 2024, dressé dans le cadre de l’introduction de votre demande de protection internationale, que vous êtes en possession d’une carte d’identité italienne émise le … et valable jusqu’au …, une photo de ladite carte ayant pu être retrouvée par la police sur votre portable. Vous affirmez dans ce contexte avoir quitté votre pays d’origine en 2012 et avoir légalement vécu les prochaines dix années en Italie. Depuis environ deux années, donc depuis environ 2022, vous séjourneriez en France, à …, tout en travaillant dans … au Luxembourg. Vous auriez introduit une demande de protection internationale « pour ramener ma femme en Europe par regroupement familial » (rapport de police page 3). Il ressort finalement dudit rapport que vous êtes connu des autorités policières luxembourgeoises pour avoir été impliqué dans des disputes.

Aux fins de déterminer l’Etat compétent pour le traitement de votre demande de protection internationale introduite au Luxembourg, vous avez été entendu en date du 11 juin 2024 dans le cadre d’un entretien conformément aux dispositions du règlement Dublin III. Vous aviez déclaré dans ce contexte avoir légalement vécu en Italie pendant les dernières douze années en y travaillant. Vous auriez quitté l’Italie alors que vous y auriez dernièrement vécu à la rue.

Vous auriez en outre fait des recherches sur internet sur le Luxembourg, « j’ai cherché un contrat de travail et j’ai vu que j’étais mieux payé ». Vous voudriez refaire votre vie au Luxembourg et faire venir votre épouse « elle aime l’Europe » (entretien Dublin III page 5).

Vous seriez ainsi arrivé au Luxembourg par vol en provenance de l’Italie en date du …février 2023 et vous auriez travaillé en tant que …. Vous ne voudriez pas retourner en Italie alors que vous auriez « fait mes repères au Luxembourg, j’ai un travail, j’ai un bon salaire » (entretien Dublin III page 4). Vous voudriez donc rester au Luxembourg parce que « le salaire est mieux ». Vous remarquez encore que « je fais tout cela pour amener ma femme ici » (entretien Dublin III page 5).

2 Au vu de votre titre de séjour italien, les autorités luxembourgeoises ont adressé en date du … juin 2024 une demandé de prise en charge aux autorités italiennes sur base du règlement Dublin III. Le 1er août 2024, les autorités italiennes ont bien accepté votre transfert en Italie, « however, transfers to Italy can’t be carried out (…) until further notice, (…) ». Le 26 février 2025, vous avez été informé que le Luxembourg est devenu responsable de l’examen de votre demande de protection internationale alors que votre transfert en Italie n’a pas pu se faire dans les délais légalement prévus. En date du 15 avril 2025, vous avez été entendu dans le cadre de votre entretien visant vos motifs de fuite. […] Vous déclarez être de nationalité égyptienne, marié, de confession musulmane et originaire de …, où vous auriez vécu dans la maison parentale jusqu’à votre départ d’Egypte en 2012. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous voudriez faire venir votre épouse au Luxembourg et parce que vous voudriez éviter une peine de prison en Egypte.

Vous prétendez ainsi ne plus avoir revu votre épouse depuis deux ans et demi. A l’époque, lorsque vous auriez séjourné en Italie, vous auriez pu rencontrer votre épouse en voyageant à Dubaï ou aux Maldives mais désormais votre titre de séjour italien ne serait plus valable et vous auriez été obligé de trouver un autre moyen pour « rétablir ma situation » (p. 4 du rapport d’entretien).

Par rapport au risque d’être emprisonné en Egypte, vous déclarez qu’en … au lycée, un élève vous aurait demandé si vous pouviez lui échanger …- euros contre des livres égyptiennes, ce que vous auriez accepté. Vers 2011, vous auriez voulu échanger ces …- euros à la banque.

Or, il se serait avéré qu’il s’agirait de faux billets. La police aurait été appelée sur les lieux et vous auriez par la suite été interrogé. Pendant votre interrogatoire, le premier jour, vous auriez été « torturé, frappé, (…) même électrocuté » (p. 6 du rapport d’entretien). Vous auriez ensuite été placé pendant quatre jours en garde à vue au poste de police, détention qui aurait été prolongée deux fois, voire, trois fois, de deux semaines. Vous auriez par la suite été libéré sous caution et seriez resté à la maison pendant les prochains mois. Vous dites aussi qu’en …, vous auriez été libéré de prison. Votre avocat vous aurait alors expliqué que la situation serait grave alors que vous écoperiez d’une peine d’emprisonnement minimale de … ans et ceci même si vous étiez blanchi. Vous dites pareillement que votre « affaire touchait à la trésorerie nationale générale. C’est pour ça que c’est une grande affaire en Egypte » (p. 7 du rapport d’entretien).

Votre mère aurait alors décidé que vous deviez quitter l’Egypte pour l’Italie à l’aide d’un habitant de votre quartier qui aurait les moyens de faire sortir légalement les gens du pays et ce contre un paiement de …- euros. Trois mois après avoir payé cette personne, et suite à un entretien auprès du consulat italien, vos documents auraient été prêts. Vous auriez en outre à nouveau dû payer cette personne afin que vous soyez aidé par d’autres personnes à l’aéroport alors que votre nom y aurait été « signalé » (p. 4 du rapport d’entretien). Ce plan aurait toutefois échoué, de sorte que votre mère aurait contacté des personnes haut-placées dans les forces de l’ordre vous permettant de quitter l’Egypte.

Le … 2012, vous auriez ainsi officiellement quitté l’Egypte moyennant un visa pour l’Italie. Deux mois plus tard, votre mère aurait reçu une notification concernant votre audience par rapport à cette affaire des faux billets. En 2011 ou 2012, vous auriez été condamné en absence à une peine de prison de … ans. Votre peine aurait été plus sévère à cause de votre absence, en étant présent, vous auriez écopé d’une peine de … ou …ans. En cas de retour en 3 Egypte, vous craindriez d’être immédiatement conduit en prison depuis l’aéroport et d’être « frappé et humilié » (p. 5 du rapport d’entretien).

En 2023, vous auriez décidé de quitter l’Italie parce que « je devais absolument avoir un lieu de résidence à l’endroit où j’irais en dehors de l’Italie. En d’autres termes la carte de résidence me sert qu’en Italie » (p.7 du rapport d’entretien), voire, parce que vous auriez fait des recherches et découvert que le niveau de vie au Luxembourg serait supérieur, que le salaire serait élevé et que le pays vous offrirait beaucoup d’opportunités. Vous auriez du coup demandé à une connaissance de vous trouver un travail dans un restaurant italien au Luxembourg. Vous prétendez en outre ne pas avoir recherché de protection en Italie parce que votre titre de séjour aurait encore été valable jusqu’en mars ou …2024 et, du coup vous n’auriez, selon vos dires, pas pu y introduire de demande de protection internationale. Vous n’auriez d’ailleurs pas recherché une protection en France parce que vous auriez choisi de vivre au Luxembourg.

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

- Votre passeport égyptien émis le … et expiré le …. Suivant rapport n° … du …, l’Unité de la Police de l’Aéroport - Service Expertise Document a conclu qu’il s’agit d’un document authentique ;

- Votre carte d’identité égyptienne et une carte d’identité expirée.

Par courriel du 3 mai 2025, votre mandataire a encore fait parvenir à la Direction générale de l’immigration des copies de diverses photos de documents en langue arabe, de 2011 ou de 2012, qui vous concerneraient, ainsi que la photo de la page biométrique du passeport égyptien de votre épouse. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif, lu ensemble avec la désignation de l’acte attaqué telle que figurant à la première page de la requête introductive d’instance, à la réformation de la décision ministérielle du 6 juin 2025 portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale, et à la réformation sinon à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.

Ainsi, la soussignée est amenée à constater, quant à l’objet du recours, que le dispositif de la requête introductive d’instance ne contient aucune mention de la décision ministérielle du 6 juin 2025 de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée.

A cet égard, la soussignée relève que la seule décision utilement attaquée est celle qui figure dans le dispositif de la requête introductive d’instance1, étant encore précisé que les termes juridiques employés par un professionnel de la postulation sont à appliquer à la lettre, ce plus précisément concernant la nature du recours et son objet, tel que cerné à travers la requête introductive d’instance2.

1 Trib. adm., 17 décembre 2001, n° 12830 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 398 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 13 juin 2005, n° 19368 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 399 et les autres références y citées.

4 Il s’ensuit qu’à défaut de toute mention, au dispositif de la requête introductive d’instance, d’un recours contre la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, la soussignée n’est pas valablement saisie de tels recours.

Par conséquent, les arguments et moyens développés par le demandeur quant à l’application, par le ministre, de la procédure accélérée sont d’ores et déjà à écarter pour défaut de pertinence.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de refus d’une demande de protection internationale prises dans le cadre d’une procédure accélérée et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 6 juin 2025 refusant de faire droit à la demande de protection internationale de Monsieur (A) et lui ordonnant de quitter le territoire, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire.

A l’appui de son recours le demandeur rappelle les faits et rétroactes à la base de sa demande de protection internationale, tout en expliquant qu’il n’aurait pas déposé de demande de protection internationale en Italie dès son arrivée, étant donné qu’il serait en possession d’un titre de séjour valable et qu’en tout état de cause, l’Italie refuserait de traiter les demandes de protection internationales et violerait le principe de non-refoulement, de sorte que sa demande n’aurait pas eu de succès. Il explique encore qu’il n’aurait pas déposé de demande de protection internationale en France, alors que la France n’aurait pas été compétente pour connaître de sa demande en vertu des dispositions du règlement Dublin III.

En droit, le demandeur reproche en premier lieu une insuffisance de motivation au ministre en violation de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015. Tout en citant également l’article 34 de la loi du 18 décembre 2015, l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », et l’article 13 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH », relative au procès équitable, le demandeur fait valoir que le ministre n’aurait cité aucune disposition légale et aucune jurisprudence dans ses décisions litigieuses, mais se serait borné à affirmer que son récit ne serait pas crédible, de sorte qu’il ne serait pas en mesure de contester lesdites décisions de manière effective.

Il se base ensuite sur l’article 10, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que sur la directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres, sur la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d’autres raisons, ont besoin d’une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts, sur des arrêts 5 de la Cour de justice de l’Union européenne, sur des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, sur la jurisprudence du tribunal administratif, ainsi que sur le bénéfice du doute inscrit à l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, pour reprocher au ministre de ne pas avoir procédé à une évaluation individuelle et à un examen rigoureux de sa situation.

Il critique dans ce contexte plus particulièrement l’affirmation ministérielle suivant laquelle il serait connu des autorités policières luxembourgeoises pour avoir été impliqué dans des disputes, en soulignant que le ministre n’apporterait aucune preuve quant à ces reproches, lesquels ne seraient pas non plus datés et circonstanciés. Il conteste ainsi avoir fait l’objet de poursuites pénales sur le territoire luxembourgeois et rappelle l’article 6, paragraphe 2. de la CEDH relatif à la présomption d’innocence, pour conclure que le ministre ne saurait être « recevable » de se prévaloir de ces faits pour refuser sa demande de protection internationale.

Il estime par ailleurs que cette approche établirait que le ministre ne se serait pas adonné à un examen de sa situation individuelle.

Le demandeur conteste ensuite les conclusions ministérielles suivant lesquelles son récit ne serait pas suffisamment documenté, en soulignant les difficultés pour les demandeurs de protection internationale de se munir des preuves écrites. Il ne serait ainsi pas possible en Egypte de se doter par exemple d’un rapport médical constatant des blessures infligées par la police.

Il critique encore le ministre pour avoir pris en considération ses déclarations lors de son entretien auprès de la police grand-ducale en date du 10 juin 2024 et lors de son entretien en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III du 11 juin 2024, pour remettre en cause sa crédibilité, en soulignant que lesdits entretiens ne porteraient pas sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale.

Le demandeur conteste encore toute contradiction dans ses déclarations en ce qui concerne la durée de sa garde à vue et souligne qu’en tant que non-juriste, le ministre ne saurait lui reprocher de ne pas avoir clairement pu reproduire les explications de son avocat en Egypte.

Quant au statut de réfugié, le demandeur explique qu’il aurait été victime de traitements inhumains et dégradants de la part des autorités policières dans son pays d’origine, que sa famille aurait été menacée et qu’il aurait été condamné à une peine d’emprisonnement imprescriptible de dix ans. Il expose que les violences policières ne seraient pas effectivement poursuivies en Egypte et que les détenus y seraient exposés à des traitements inhumains sans que les auteurs desdites infractions ne seraient poursuivis, le demandeur se référant à cet égard à un rapport d’Amnesty International de janvier 2021, intitulé « Qu’importe si tu meurs ».

Finalement, le demandeur estime que la protection subsidiaire devrait lui être attribuée étant donné qu’il risquerait de subir des mauvais traitements de la part des autorités policières et judiciaires en cas de retour dans son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire 6 devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

En ce qui concerne d’abord le moyen de légalité externe tenant à une insuffisance de motivation, il échet de relever la seule disposition légale pertinente y relative, à savoir, l’article 34 de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose que « (1) Les décisions prises par le ministre en matière de protection internationale sont communiquées par écrit au demandeur dans un délai raisonnable. Toute décision négative est motivée en fait et en droit et les possibilités de recours sont communiquées par écrit au demandeur. […] ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, également invoqué par le demandeur, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et les catégories de décisions y énumérées limitativement, en l’occurrence celles refusant de faire droit à la demande de l’intéressé, celles révoquant ou modifiant une décision antérieure, sauf si elles interviennent à la demande de l’intéressé et qu’elles y font droit, celles intervenant sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle, celles intervenant après procédure consultative, lorsqu’elles diffèrent de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elles accordent une dérogation à une règle générale, doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base.

Au delà de la considération que la sanction de l’absence de motivation ne consiste pas dans l’annulation de l’acte visé, mais dans la suspension des délais de recours et celui-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et 7 même pour la première fois à la phase contentieuse3, force est de constater, à la simple lecture de l’acte litigieux, que le ministre a amplement motivé les décisions y reprises tant en droit qu’en fait, en ce qu’il a résumé les faits et les déclarations du demandeur, indiqué les bases juridiques, à savoir les articles 27, paragraphes (1) a) et h) et 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, et a, par ailleurs, procédé à l’examen de la situation de fait telle que présentée par le demandeur à l’appui de la demande de protection internationale sur plusieurs pages.

Il s’ensuit que le moyen basé sur un défaut de motivation des décisions ministérielles déférées est dès lors à rejeter pour être manifestement non fondé.

La soussignée relève ensuite que le demandeur n’est pas non plus fondé à reprocher au ministre une mauvaise instruction de son dossier en ne procédant, en violation de l’article 10, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015, pas à une analyse individuelle, objective et impartiale de sa demande de protection internationale, alors qu’aux termes de cet article :

« (3) Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que : a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement ; […] ». En effet, il ne se dégage pas des éléments à la disposition de la soussignée que les décisions litigieuses n’aient pas été prises individuellement, objectivement et impartialement. La seule circonstance selon laquelle l’instruction de la demande de Monsieur (A), respectivement l’appréciation que le ministre a faite de ses déclarations lors de son audition, n’a pas abouti à l’octroi d’une protection internationale, respectivement que ce dernier a retenu un défaut de crédibilité à l’égard de ses déclarations, ne permet, en tout état de cause, pas au demandeur de soutenir valablement que l’article 10, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015 aurait été violé, étant encore précisé, à toutes fins utiles, que le ministre ne s’est pas basé sur la circonstance que le demandeur est connu des autorités policières pour avoir été impliqué dans des disputes, pour refuser sa demande de protection internationale, tel qu’allégué par le demandeur, mais sur le défaut de crédibilité de son récit, la référence aux données de la police grand-ducale figurant uniquement dans le rappel des faits procéduraux à la base des décisions litigieuses.

Il s’ensuit que le moyen afférent est rejeté pour être manifestement infondé.

1) Quant au recours en réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale En vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa 3 Cour adm., 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 96 et les autres références y citées.

8 résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 394 et 405 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses 4 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

5 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » 9 envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Il y a lieu de préciser que le juge doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Il se dégage à ce propos du libellé de la décision déférée que le ministre est arrivé à la conclusion que le récit de Monsieur (A) ne serait pas crédible dans son ensemble. Le délégué du gouvernement confirme cette approche.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5), de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves6.

Or, la soussignée partage les doutes du ministre quant à la crédibilité du récit de Monsieur (A).

En effet, force est tout d’abord de constater que Monsieur (A) est resté en défaut de verser une quelconque pièce probante de nature à corroborer ses dires, alors même qu’il affirme, depuis le 11 juin 2024, être en possession de tels documents. Il a ainsi déclaré lors de son entretien du 11 juin 2024 en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III, qu’ils existent des documents attestant notamment son mariage, que ces documents se trouvent en Egypte7, et qu’il vient d’envoyer une photo de son contrat de mariage par courrier électronique aux services du ministère8, ce qu’il n’a toutefois pas fait.

Force est ensuite de souligner que le demandeur a, de nouveau, lors de son entretien sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale du 15 avril 2025, affirmé que « je suis parfaitement en mesure de vous fournir les documents nécessaires qui concernent mes déclarations. Tout est écrit dans les décisions de justice9 », que 6 Trib. adm. 16 avril 2008, n° 23855, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 142 et les autres références y citées.

7 Entretien en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III, page 2.

8 Entretien en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III, page 3.

9 Entretien sur la situation et sur les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale, page 5.

10 « toutes les dates se retrouveront dans les documents que mon avocat vous fera parvenir10 », et que lesdits documents sont en cours de traduction11, sans toutefois verser lesdits documents au ministre. Or, une telle façon de procéder étant de nature à remettre manifestement en doute la sincérité des déclarations du demandeur, étant précisé que mis à part l’affirmation générale dans sa requête introductive d’instance qu’il serait particulièrement difficile pour les demandeurs d’asile de se munir des preuves écrites, le demandeur est resté en défaut de fournir une quelconque explication dans le cadre de son recours quant aux raisons de son inaction, voire quant à la nature des difficultés rencontrées pour se procurer des documents dont il a déclaré à plusieurs reprises d’être d’ores et déjà en possession.

Si le demandeur a ensuite certes, le jour même des plaidoiries, versé à la soussignée un certain nombre de documents en langue arabe, dûment traduits, et outre le constat qu’aucune force probante ne leur saurait être accordé en ce qu’il s’agit uniquement des photos de faible qualité, il échet de constater que ces documents ne concordent pas avec le récit du demandeur.

En effet, force est d’abord de constater que lesdits documents concernent un dénommé (B), né le …, ce qui ne correspond pas au nom et à la date de naissance du demandeur, ce dernier étant encore resté en défaut d’expliquer cette circonstance d’une quelconque manière. Il ressort également desdits documents, et plus particulièrement d’un soi-disant jugement pénal, que l’accusé a tenté d’échanger …- livres égyptiennes contre des euros, ce qui ne correspond pas non plus à l’affirmation du demandeur auprès du ministère suivant laquelle il s’agirait de l’équivalent de ….- euros, le demandeur étant, de nouveau resté en défaut d’expliquer cette circonstance d’une quelconque manière. Finalement, il échet de constater qu’il ressort du même soi-disant jugement pénal que l’accusé a été condamné à une peine de prison de … ans et non pas à une peine d’emprisonnement de dix ans comme soutenu par le demandeur auprès du ministère12 ainsi que dans sa requête introductive d’instance, étant souligné à cet égard, qu’il paraît manifestement douteux qu’un condamné ignore sa peine exacte pour se tromper de six ans, cette circonstance étant d’ores et déjà de nature à compromettre la crédibilité du demandeur.

Force est ensuite de constater que le demandeur a également fait des déclarations manifestement incohérentes en ce qui concerne son vécu en Egypte. Ainsi, le jour de son dépôt de sa demande de protection internationale en date du 10 juin 2024, le demandeur a déclaré que « je demande l’asile pour ramener ma femme en Europe par regroupement familial13 », sans avoir perdu un seul mot sur les actes de torture subis de la part des policiers, sur sa condamnation à une peine de prison, voire sur des menaces proférées à l’égard de sa mère par les autorités locales. Si le demandeur a par la suite, et plus précisément dans la fiche des motifs, indiqué que « j’ai des problèmes dans mon pays14 », et a encore déclaré lors de son entretien en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III que « j’ai un problème avec des personnes, elles me 10 Entretien sur la situation et sur les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale, page 6.

11 Entretien sur la situation et sur les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale, page 9.

12 Entretien sur la situation et sur les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale, page 5.

13 Déclarations du demandeur sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg du 10 juin 2024, page 3.

14 Fiche de motifs de la demande de protection internationale du 10 juin 2024.

11 menacent15 », il n’a, de nouveau, pas fait état des actes de tortures et de sa peine d’emprisonnement, préférant de parler simplement des « problèmes ». A cela s’ajoute qu’il est manifestement incohérent de parler des « personnes » non autrement identifiées qui l’auraient « menacé », alors que dans son récit présenté en date du 15 avril 2025, il n’a pas fait état de menaces provenant des personnes non identifiées, mais des actes de tortures subis par des agents de police et d’une condamnation pénale de dix ans, l’explication fournie par le demandeur lors de son entretien sur la situation et sur les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale, suivant laquelle lesdites personnes l’ayant menacé, seraient les policiers égyptiens l’ayant torturé ne donne manifestement pas de sens. A cela s’ajoute qu’il ressort sans équivoque des déclarations du demandeur du 15 avril 2025, qu’il craint l’exécution de la peine de prison en cas de retour dans son pays d’origine, de sorte qu’il est manifestement illogique d’indiquer dans un premier temps uniquement craindre des « menaces » dans son pays d’origine.

Concernant ensuite les circonstances relatives au départ du demandeur de son pays d’origine, il ressort de ses déclarations qu’il s’est présenté, ensemble avec sa mère, auprès d’une personne non autrement identifiée du quartier, qui émet des visas et des titres de séjour pour l’Italie contre paiement de plus de …-euros et que sa mère a vendu un terrain pour se procurer de l’argent en question16. Le demandeur a ensuite déclaré que suite à l’échec de sa première tentative de quitter le territoire à l’aéroport, sa mère a contacté des « personnes haut placées dans les forces de l’ordre de la famille de mon père » et que grâce à une de ces personnes il a pu quitter le territoire égyptien17. Or, et si vraiment le demandeur et sa mère connaissent « des personnes haut placées » lui permettant de quitter le territoire égyptien sans être inquiété par les autorités, il est manifestement dénué de tout sens de d’abord payer une somme non négligeable d’argent à une personne locale inconnue pour tenter d’arriver au même but. A cet égard, il échet encore de constater qu’il ressort des explications circonstanciées, pièces à l’appui, de la partie étatique, que les sorties de l’Egypte sont strictement contrôlées et surveillées par les autorités, de sorte qu’il est manifestement douteux que le demandeur a pu quitter son pays d’origine sans avoir fait l’objet d’un quelconque contrôle.

Il paraît ensuite manifestement étonnant que l’Etat égyptien a encore accepté le mariage par procuration du demandeur il y a « … ans18 », alors même qu’il déclare être recherché en vue de l’exécution du jugement le condamnant à une peine de prison de … ans, étant souligné que des personnes réellement persécutées dans leur pays d’origine évitent de manière générale le contact avec les autorités de ce pays. Aussi, et dans ce même contexte, il se dégage des déclarations du demandeur, ainsi que des pièces du dossier administratif, que les autorités égyptiennes ont encore émis un nouveau passeport à son égard en 2019, soit sept ans après sa prétendue condamnation au pénal, au lieu de le confisquer, voire de refuser toute prolongation, de sorte à laisser plutôt conclure que le demandeur n’est manifestement pas recherché par les autorités de son pays d’origine.

15 Entretien en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III, page 6.

16 Entretien sur la situation et sur les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale, page 4.

17 Entretien sur la situation et sur les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale, page 5 18 Entretien sur la situation et sur les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale, page 2.

12 Finalement, il ressort des différentes déclarations du demandeur qu’il a vécu, depuis 2012 et pendant environ dix ans, en Italie, qu’il vit depuis deux ans en France tout en travaillant au Luxembourg19, et qu’il est arrivé au Luxembourg le 14 février 202320. Or, ces affirmations sont toutefois manifestement contredites par le propre CV du demandeur versé en cause, duquel il ressort qu’il travaille depuis 2013 et de manière non interrompue au Luxembourg, impliquant ainsi une présence sur le territoire luxembourgeois depuis cette date. Il ressort également dudit CV que le demandeur a fait une formation de « … » en Italie en 2011, c’est-à-dire, un an avant sa prétendue fuite d’Egypte en date du 10 février 2012, ces éléments étant manifestement en contradiction avec le récit du demandeur.

Face à ces constatations, d’ores et déjà suffisantes pour retenir que le récit du demandeur n’est manifestement pas crédible, le demandeur est encore resté en défaut de fournir une quelconque explication dans le cadre de son recours susceptible d’éclaircir les éléments ainsi mis en avant. En effet, le demandeur s’est limité de critiquer de manière générale le ministre pour avoir, non seulement pris en considération ses déclarations lors de son entretien sur la situation et sur les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale en date du 15 avril 2025, mais également ses déclarations lors de son entretien en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III du 11 juin 2026, sans avoir pris positions de manière circonstanciée sur les différents contradictions mises en exergue par le ministre.

Dans ces conditions, force est à la soussignée de constater que les incohérences mis en avant par la partie gouvernementale, et non éclairées par le demandeur à travers son présent recours, sont de nature à invalider les affirmations de Monsieur (A) d’avoir subi, respectivement de subir, des persécutions ou des atteintes graves dans son pays d’origine.

Partant, au vu des constatations qui précèdent, la soussignée retient que la crédibilité du récit de Monsieur (A) est compromise dans son intégralité, de sorte que ledit récit ne saurait, de toute évidence, justifier ni l’octroi du statut de réfugié ni l’octroi de la protection subsidiaire.

Par voie de conséquence, la soussignée est amenée à conclure que le recours dirigé contre la décision du ministre portant refus d’une protection internationale est à déclarer manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale 19 Déclarations du demandeur sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg du 10 juin 2024, page 3.

20 Entretien en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement Dublin III, pages 4 et 5. Entretien sur la situation et sur les motifs se trouvant à la base de la demande de protection internationale, page 3.

13 afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que partant c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, impliquant qu’il a à bon droit pu retenir que le retour de celui-ci dans son pays d’origine ne l’expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire sans violer l’article 3 de la CEDH, tel qu’avancé par le demandeur.

Il s’ensuit et à défaut d’autre moyen que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le vice-président siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 6 juin 2025 portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours dirigé contre ces deux décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre l’ordre de quitter le territoire ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique de vacation du 23 juillet 2025, par la soussignée, Géraldine ANELLI, vice-président au tribunal administratif, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Géraldine ANELLI Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 juillet 2025 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 53065
Date de la décision : 23/07/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-07-23;53065 ?

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