Tribunal administratif N° 52139 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52139 3e chambre Inscrit le 20 décembre 2024 Audience publique du 17 juin 2025 Recours formé par Madame (A), …, en matière d’indemnité de chômage
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52139 du rôle et déposée le 20 décembre 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas BANNASCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à L-…, tendant à voir proroger pendant une durée supplémentaire de 182 jours de calendrier l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet en attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité, respectivement l’irrégularité de la résiliation de son contrat de travail avec effet immédiat prononcée par le ministre de l’Education nationale de l’Enfance et de la Jeunesse le 14 décembre 2023, et confirmée par le même ministre par décision du 12 avril 2024 intervenue sur recours gracieux, enrôlé auprès du tribunal administratif de Luxembourg en date du 12 juillet 2024 sous le numéro 50738 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 12 février 2025 au greffe du tribunal administratif ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 mars 2025 par Maître Nicolas BANNASCH au nom de sa mandante, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé le 4 avril 2025 au greffe du tribunal administratif ;
Vu les pièces versées en cause ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Eve MATRINGE, en remplacement de Maître Nicolas BANNASCH, et Madame le délégué du gouvernement Evelyne LORDONG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 juin 2025.
Par contrat de travail à durée déterminée conclu le 8 mars 2016 entre le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après désigné par « le ministre », et Madame (A), cette dernière fut engagée en tant qu’assistante de direction auprès du Lycée …, pour la période du 11 avril 2016 au 10 avril 2017.
Par « contrat de louage de services de chargée d’éducation à durée déterminée de l’enseignement postprimaire » signé le 9 janvier 2017 entre le ministre et Madame (A), cette dernière fut engagée en tant que chargée d’éducation auprès du Lycée … pour la période du 9 janvier 2017 au 4 mai 2017.
1Par contrat de travail à durée déterminée conclu le 9 novembre 2017 entre le ministre et Madame (A), celle-ci se vit engager en tant qu’assistante de direction auprès du Lycée …, pour la période du 9 novembre 2017 au 8 février 2018, contrat de travail qui fut renouvelé le 8 février 2018 pour la période du 9 février 2018 au 8 février 2019.
Par « contrat de louage de services de chargée d’enseignement à durée indéterminée de l’enseignement postprimaire » signé le 23 avril 2018 entre le ministre et Madame (A), cette dernière fut engagée en tant que chargée d’enseignement auprès du Lycée … à partir du 24 avril 2018.
Par un premier avenant au prédit « contrat de louage de services de chargée d’enseignement à durée indéterminée de l’enseignement postprimaire », signé entre parties le 14 août 2020, Madame (A) fut transférée au Lycée … à partir du 15 septembre 2020.
Suite à un deuxième avenant au prédit « contrat de louage de services de chargée d’enseignement à durée indéterminée de l’enseignement postprimaire », Madame (A) fut transférée à tâche complète à … à partir du 1er septembre 2022.
Par courrier du 15 novembre 2023, le directeur de … saisit le ministre en vue de la résiliation du contrat de travail de Madame (A).
Par missive du 27 novembre 2023, le ministre informa Madame (A) de son intention de procéder à la résiliation de son contrat de travail conformément aux dispositions des articles 5 et 7 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat, tout en l’informant, conformément à l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, de sa possibilité de prendre position quant à la décision envisagée.
Par courrier du même jour, le ministre sollicita l’avis du ministre de la Fonction publique quant à la résiliation du contrat de travail de Madame (A).
Le 1er décembre 2023, le directeur de … informa le ministre que Madame (A) ne s’est pas présentée à son lieu de travail à cette même date et ce en dépit du fait que son congé de maladie était arrivé à terme la veille.
Par courrier électronique adressé au ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après désigné par « le ministère », en date du 5 décembre 2023, Madame (A) prit position quant aux manquements lui reprochés.
Le 7 décembre 2023, le ministre de la Fonction publique émit un avis favorable à la résiliation du contrat de travail de Madame (A).
Par décision du 14 décembre 2023, le ministre notifia à Madame (A) la résiliation de son contrat de travail avec effet immédiat, ladite décision étant libellée comme suit :
« […] Par la présente, je fais suite à mon courrier du 27 novembre 2023 par lequel je vous informais de mon intention de procéder à la résiliation de votre contrat de travail à durée indéterminée, conformément aux dispositions des articles 5 et 7 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat. Par courrier électronique du 5 décembre 2023, vous avez pris position quant aux motifs justifiant l’intention précitée.
2 Pour rappel, il vous est reproché, sans préjudice quant aux dates et heures exactes, les faits suivants :
- avoir, le mercredi 8 novembre 2023, fait sortir les élèves de la salle de classe … au bout d’une heure de surveillance, soit vers 11h05, alors que la surveillance devait être assurée par vous de 10h20 à 11h50, du fait de l’absence d’un professeur, et avoir ainsi quitté votre lieu de travail sans autorisation en laissant les élèves sans surveillance dans les couloirs de l’établissement ;
Quant à ce reproche, vous arguez vous être trompée de ligne dans le tableau des surveillances, alors que vous porteriez le même nom que l’agent d’une autre ligne du tableau.
À cet égard, je tiens à vous faire remarquer le fait que si l’autre agent se nomme « (B) » votre nom est quant à lui inscrit comme « (A) ». Dès lors, la confusion est difficilement explicable.
Je constate également que les classes où s’effectuaient les différentes surveillances sont différentes, la confusion est donc d’autant plus compliquée, puisque le numéro des classes vous permettait aussi de faire la différence entre votre ligne et celle de l’autre agent.
Aussi, si, tel que vous l’arguez, vous pensiez qu’une personne devait surveiller la classe après vous, vous ne deviez pas laisser les élèves sans surveillance dans le couloir et vous auriez dû vous inquiéter de ne pas voir le prochain surveillant arriver, en prenant la peine, par exemple, de prévenir le secrétariat.
- avoir, le jeudi 9 novembre 2023, été absente de votre lieu de travail sans autorisation alors que, malgré le fait que vous deviez commencer votre journée de travail dès 9h15, vous n’avez informé votre hiérarchie de votre absence pour raisons de santé qu’à 10h08 ;
Quant à ce reproche, vous arguez la survenance d’un problème informatique en expliquant que votre message électronique du 8 novembre 2023 ne serait pas parti. Or, vous ne rapportez aucune preuve de la tentative d’envoi avant votre heure d’entrée en service.
- de ne pas vous être présentée à l’examen de contrôle prévu auprès du médecin de contrôle le 14 novembre 2023, sans justification ;
Quant à ce reproche, vous arguez ne pas avoir consulté vos courriers électroniques professionnels et ne pas avoir reçu d’appel téléphonique de la part de la secrétaire. Je tiens à vous rappeler le fait que si un courrier électronique n’a pas pu vous parvenir sur votre adresse privée, c’est parce que vous avez refusé de la communiquer à votre direction, ainsi vous devez être joignable sur votre adresse professionnelle lorsqu’un tel cas de figure se présente.
- de ne pas vous être présentée à l’examen de contrôle prévu auprès du médecin de contrôle le 3 juillet 2023, sans justification ;
Quant à ce reproche, vous arguez à nouveau ne pas avoir reçu les appels téléphoniques qui vous étaient destinés. Aussi si vous parlez d’un rendez-vous chez le médecin du travail, il s’agissait en fait d’un rendez-vous chez le médecin de contrôle.
Au vu de votre dossier, de vos explications, et du fait que vous avez réitéré votre comportement fautif le 1er décembre 2023, en étant absente sans justification de votre lieu de 3travail ce même jour puisque que vous n’avez pas daigné prévenir votre hiérarchie de votre absence avant 20h10, j’estime que le maintien d’une relation de travail saine, basée sur la confiance, est impossible et que les faits qui vous sont reprochés justifient ma décision de procéder à la résiliation de votre contrat.
En effet, de tels agissements, itératifs et qui ne peuvent être excusés à maintes reprises, tel que vous tentez pourtant de le faire, sont constitutifs de violations des dispositions contenues aux articles 9, paragraphes 1er et 2, et 10, paragraphe 1er, 12, paragraphes 1er et 2, et 28-3 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le Statut général des fonctionnaires de l’État.
La présente décision prend effet dès sa notification. […] ».
Le 13 mars 2024, Madame (A) introduisit un recours gracieux contre la décision ministérielle précitée du 14 décembre 2023.
Le 12 avril 2024, le ministre rejeta le recours gracieux lui ainsi soumis et confirma sa décision du 14 décembre 2023 dans les termes suivants :
« […] Par la présente, je fais suite à votre courrier du 13 mars 2024 par lequel vous entendez former un recours gracieux contre ma décision du 14 décembre 2023 relative à la résiliation de votre contrat de travail à durée indéterminée, intervenue conformément aux dispositions des articles 5 et 7 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’État.
Quant aux deux premiers faits qui vous étaient reprochés, à savoir le fait d’avoir, le 8 novembre 2023, quitté votre lieu de travail sans autorisation en laissant les élèves sans surveillance dans les couloirs de l’établissement et le fait d’avoir, le jeudi 9 novembre 2023, été absente de votre lieu de travail sans autorisation, vous n’apportez aucun élément nouveau par rapport à votre prise de position du 5 décembre 2023, de sorte qu’une nouvelle discussion les concernant n’a pas lieu d’être.
Quant aux reproches relatifs à vos absences non excusées aux examens de contrôles prévus auprès du médecin de contrôle le 3 juillet 2023 et le 14 novembre 2023, sans justification, vous n’apportez pas de nouvel élément autre que le fait que vous n’auriez pas refusé d’être contactée sur votre adresse électronique privée. Néanmoins, si vous arguez que d’autres moyens auraient pu être utilisés pour vous contacter, vous ne vous positionnez pas sur les nombreux appels téléphoniques, visant à vous informer des convocations, auxquels vous n’avez pas répondu.
Quant aux reproches relatifs à de prétendus faits de harcèlement dont vous auriez été victime et que vous comptez actuellement faire valoir, je vous informe du fait que ces derniers ne peuvent être pris en compte dans le cadre du présent recours gracieux contre la décision de résiliation de votre contrat de travail. Je ne puis que vous conseiller, pour l’avenir, de faire valoir de tels faits, s’ils étaient avérés, en temps utiles.
Au vu de ce qui précède, je vous informe du fait que je confirme ma décision du 14 décembre 2023 et que je ne donnerai pas droit à votre recours gracieux. […] ».
Après s’être inscrite comme demandeur d’emploi auprès de l’Agence pour le développement de l’emploi, ci-après désignée par « l’ADEM », le 27 décembre 2023, Madame 4 (A) y introduisit une demande d’octroi des indemnités de chômage complet le 16 avril 2024, demande qui fut rejetée par une décision du directeur de l’ADEM du 7 mai 2024 dans les termes suivants :
« […] Vous vous êtes inscrite comme demandeur d’emploi à l’ADEM le 27 décembre 2023 et vous avez introduit une demande d’octroi des indemnités de chômage complet le 16 avril 2024.
Il ressort des pièces justificatives introduites auprès de mes services qu’en date du 14 décembre 2023, le ministre de la Fonction publique a procédé à la résiliation de votre contrat de travail à durée indéterminée avec effet au 14 décembre 2023. En effet, cette procédure a été lancée sur base de l’article 5 et 7 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés d l’Etat.
Dès lors, vous ne pouvez pas être considérée comme chômeur involontaire au sens des dispositions des articles L.521-3. et L.521-4. du Code du Travail.
Je regrette que dans ces conditions je ne sois pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande du 16 avril 2024. […] ».
La demande en réexamen de la décision directoriale du 7 mai 2024, introduite par Madame (A) le 14 mai 2024 fut déclarée non-fondée par une décision de la Commission spéciale de réexamen du 20 juin 2024, notifiée le 14 août 2024, sur base des motifs suivants :
« […] Vu la décision prise par le directeur de l’Agence pour le développement de l’emploi en date du 07 mai 2024 dans les formes prévues par la loi ;
Vu la demande en réexamen de Mme (A) matricule …, dénommé(e) ci-après la partie requérante, introduite dans les formes et délais prévus par la loi par le mandataire Maître BANNASCH Nikolaus en date du 14 mai 2024;
Vu les articles L.521-3, L.521-4 et L.527-1 (2) du Code du Travail;
Attendu que la Commission spéciale de réexamen constate que la partie requérante s’est inscrite comme demandeur d’emploi à l’ADEM en date du 27/12/2023 et qu’elle y a introduit une demande en obtention des indemnités de chômage complet le 16/04/2024;
Que la partie requérante a été occupée en qualité d’employée administrative à plein temps auprès du Lycée … depuis le 24/04/2018;
Qu’en date du 14/12/2023, le Ministre de la Fonction Publique a engagé, sur base de l’article 7, paragraphe 3 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’État, la procédure de résiliation du contrat de travail de la partie requérante au motif qu’elle a été absente de son lieu de travail sans justification et cela à plusieurs reprises;
Que l’article L. 521-3 du Code du Travail dispose que « Pour être admis au bénéfice de l’indemnité de chômage complet, le salarié doit être chômeur involontaire. », 5Que l’article L.521-4. du Code du Travail dispose qu’ : « Aucune indemnité de chômage n’est due : (1) en cas d’abandon non justifié du dernier poste de travail, sauf si l’abandon est dû à des motifs exceptionnels, valables et convaincants, (2) en cas de licenciement pour motif grave. »;
Que par décision du 07/05/2024 la demande d’indemnisation a été refusée au motif que la partie requérante ne peut pas être considérée comme chômeur involontaire au sens de la loi, Que dans sa demande de réexamen du 14/05/2024, le mandataire de la partie requérante déclare que la loi du 25 mars 2015 ne prévoit pas de délai de préavis en cas de résiliation; et que le licenciement de sa mandante ne mérite pas la qualification de faute grave;
Qu’après examen attentif de la demande en réexamen, les membres de la Commission tiennent à prendre position par rapport aux explications de la partie requérante comme suit:
Que la partie requérante a été licenciée avec effet au 14/12/2023 sur base de la procédure suivant les articles 5 et 7 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat;
Que les faits reprochés à la partie requérante ne permettent pas la continuation de la relation de travail ;
Que les absences injustifiées sont d’une telle gravité, que ces faits compromettent de façon immédiate et définitive le maintine de la relation de travail et que par ailleurs, la décision du Ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse prend effet dès sa notification;
Que la Commission constate que la partie requérante n’est pas à considérer comme chômeur involontaire au sens des dispositions des articles L.521-3 et L.521-4 du Code du Travail;
Que les membres de la Commission ne peuvent déroger aux dispositions légales en vigueur;
Que la décision prise par le directeur de l’ADEM est justifiée et à maintenir;
PAR CES MOTIFS - déclare, dans sa session du 20 juin 2024, la demande en réexamen recevable quant à la forme, - la rejette quant au fond. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 juillet 2024, inscrite sous le numéro 50797 du rôle, Madame (A) a fait introduire un recours tendant à se voir attribuer par provision pendant une durée maximale de 182 jours de calendrier l’indemnité de chômage complet en attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité, respectivement l’irrégularité de la résiliation de son contrat de travail avec effet immédiat prononcée par le ministre le 14 décembre 2023 et confirmée par le même ministre le 12 avril 62024, enrôlé auprès du tribunal administratif de Luxembourg en date du 12 juillet 2024 sous le numéro 50738.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2024, inscrite sous le numéro 52139 du rôle, Madame (A) a fait introduire un recours tendant à voir proroger pendant une durée supplémentaire de 182 jours de calendrier l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet en attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité, respectivement l’irrégularité de la résiliation de son contrat de travail avec effet immédiat prononcée par le ministre de l’Education nationale de l’Enfance et de la Jeunesse le 14 décembre 2023, et confirmée par le même ministre par décision du 12 avril 2024 intervenue sur recours gracieux, enrôlé auprès du tribunal administratif de Luxembourg en date du 12 juillet 2024 sous le numéro 50738.
Par jugement du 5 février 2025, inscrit sous le numéro 50797 du rôle, le tribunal administratif reçut le recours inscrit sous le numéro 50797 du rôle en la forme et le dit justifié au fond, le tout en mettant les frais de l’instance à la charge de l’Etat.
Compétence et recevabilité Moyens et arguments des parties Dans sa requête introductive d’instance, la demanderesse conclut d’abord à la compétence ratione materiae du tribunal de céans en se basant à cet égard sur un arrêt de la Cour administrative du 14 novembre 2019, inscrit sous le numéro 43098C du rôle.
Elle estime ensuite que son recours devrait être déclaré recevable ratione temporis dans la mesure où la demande en relevé de déchéance de l’allocation des indemnités de chômage pourrait intervenir à tout moment, la demanderesse mettant à cet égard en exergue, qu’avant d’introduire le recours sous analyse, elle aurait d’abord essayé d’obtenir gain de cause devant l’ADEM, sans pour autant prospérer dans ses démarches, tout en précisant encore que, devant le refus persistant de l’ADEM, elle aurait, par ailleurs, dû saisir les juridictions sociales.
Finalement, elle estime avoir un intérêt à agir en l’espèce, alors qu’elle se retrouverait sans ressources depuis la résiliation de son contrat de travail, la concernée précisant plus particulièrement qu’elle n’aurait plus de couverture sociale et se verrait en outre réclamer le montant de son traitement par l’Etat et ce sans pouvoir bénéficier des prestations de chômage.
Elle en conclut que le tribunal serait compétent pour statuer sur son recours, lequel devrait, par ailleurs, être déclaré recevable.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours à plusieurs titres.
En premier lieu, il argumente qu’en vertu de l’article L. 521-4, paragraphe (3) du Code du travail, la demanderesse ne pourrait solliciter une prolongation de l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage qu’après s’être vue accorder l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet par un jugement du tribunal administratif, ce qui ne serait toutefois pas le cas en l’espèce, dans la mesure où aucun jugement n’aurait encore été rendu par le tribunal administratif dans le cadre du recours inscrit sous le numéro 50797 du rôle.
7 En second lieu, il fait valoir que la demanderesse n’aurait aucun intérêt à agir, alors que le tribunal administratif n’aurait pas encore statué sur sa demande en relevé de déchéance de l’allocation des indemnités de chômage.
S’agissant de la compétence ratione materiae du tribunal, le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse, outre de réitérer ses développements contenus dans sa requête introductive d’instance, réfute l’argumentation du délégué du gouvernement suivant laquelle une demande de prolongation de l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet ne pourrait être soumise au tribunal administratif qu’après un premier jugement l’admettant au bénéfice du chômage en soutenant, d’une part, qu’un tel jugement aurait entretemps été rendu par le tribunal administratif en date du 5 février 2025 et, d’autre part, que l’article L. 521-4, paragraphe (3) du Code du travail ne prévoirait pas une telle condition de recevabilité.
Elle conteste encore l’argumentation du délégué du gouvernement selon laquelle elle n’aurait aucun intérêt à agir, en soulignant que les indemnités de chômage auxquelles elle pourrait prétendre depuis son licenciement en décembre 2023 ne lui seraient versés qu’en février 2025. En outre, l’attribution provisionnelle des indemnités pour les six mois suivants demeurerait subordonnée à une décision favorable du tribunal de céans.
Dans ce contexte, elle donne à considérer qu’un salarié du secteur privé pourrait saisir le juge des référés suivant une procédure orale, sans représentation obligatoire, ce qui aboutirait généralement à une ordonnance dans un délai de quinze jours, de sorte qu’elle subirait une inégalité de traitement procédural. Elle relève, par ailleurs, que durant toute la période d’attente de son admission au bénéfice du chômage, elle se serait retrouvée sans revenu et sans couverture maladie.
Elle en conclut qu’elle aurait un intérêt à agir contre la décision déférée.
En ce qui concerne la recevabilité ratione temporis de son recours, la demanderesse ajoute que l’article L. 521-4, paragraphe (3) du Code du travail ne prévoirait pas de délai pour l’introduction d’un recours tendant à la prorogation de l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet pendant une durée supplémentaire de 182 jours de calendrier et que, même à admettre qu’un tel délai existe, celui-ci ne pourrait courir qu’à compter de la date de la décision de l’ADEM l’admettant au bénéfice provisoire des indemnités de chômage pour une première période de 6 mois, soit en l’espèce à compter du 4 mars 2025.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement insiste sur son argumentation selon laquelle il résulterait des termes de l’article L. 521-4, paragraphe (3) du Code du travail qu’à défaut d’autorisation initiale, aucune prorogation de l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage ne saurait être accordée. Il en déduit que la demanderesse aurait dû attendre qu’un jugement autorisant l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet soit rendu avant d’en solliciter la prorogation.
En ce qui concerne l’intérêt à agir de la demanderesse, le délégué du gouvernement se réfère à un arrêt de la Cour administrative du 12 octobre 2017, inscrit sous le numéro 39490C du rôle, pour faire valoir qu’au jour de l’introduction du recours, la demanderesse n’aurait 8disposé d’aucune autorisation d’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet, de sorte qu’elle n’aurait pas eu d’intérêt à en solliciter la prolongation.
Analyse du tribunal En ce qui concerne la compétence du tribunal pour statuer en l’espèce, il convient de rappeler qu’il résulte des enseignements de la Cour administrative dans son arrêt du 14 novembre 2019, inscrit sous le numéro 43098C du rôle, qu’il appartient au seul tribunal administratif, statuant en formation collégiale, de connaître du recours d’un employé public à se voir relever de la déchéance de l’allocation des indemnités de chômage complet et à autoriser pendant une durée maximale de 182 jours de calendrier l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet à ce dernier en attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité, respectivement l’irrégularité du licenciement intervenu, au sens de l’article L. 521-4, paragraphe (2) du Code du travail, en ce que le tribunal administratif, puis, sur appel, la Cour administrative sont compétents au fond pour toute affaire de licenciement d’un employé public, tel que Madame (A) en l’espèce.
Il s’ensuit que le tribunal de céans demeure compétent pour toiser le litige sous examen consistant à proroger l’attribution provisionnelle des indemnités de chômage pour une durée supplémentaire de 182 jours de calendrier à Madame (A).
Cette conclusion n’est pas énervée par le fait que le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la compétence du tribunal sans développer d’argumentation afférente, alors que, même si le fait de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, une contestation non autrement développée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties dans la présentation de leurs moyens.
En ce qui concerne la recevabilité du recours, et s’agissant tout d’abord du moyen du délégué du gouvernement suivant lequel le recours serait irrecevable en ce qu’aucune prorogation de l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage ne saurait être accordée à Madame (A) à défaut d’une autorisation initiale, le tribunal relève qu’aux termes de l’article L. 521-4, paragraphe (3) du Code du travail, « (3) Le président de la juridiction du travail détermine la durée pour laquelle l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage est autorisée, sans préjudice des conditions d’attribution visées à l’article L. 521-3. La durée ne peut être supérieure à cent quatre-vingt-deux jours de calendrier.
Le chômeur peut demander, conformément à la procédure du paragraphe (2) du présent article, la prorogation de l’autorisation d’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage sans que la durée totale de l’autorisation ne puisse excéder trois cent soixante-cinq jours de calendrier. ».
Il découle de la disposition légale précitée, ensemble les enseignements de la Cour administrative dans son arrêt du 14 novembre 2019, inscrit sous le numéro 43098C du rôle, que le tribunal administratif, statuant en formation collégiale, fixe la durée de l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage, qui ne peut dépasser 182 jours de calendrier et que l’employé public licencié concerné peut demander une prorogation de la mesure en question, sans que la durée totale de l’autorisation ne puisse dépasser 365 jours de calendrier.
9En l’espèce, il est constant que le contrat de travail de Madame (A) a été résilié avec effet immédiat par décision du ministre du 14 décembre 2023, confirmée sur recours gracieux par décision du même ministre du 12 avril 2024, et que l’affaire au fond relative à cette résiliation, inscrite sous le numéro 50738 du rôle, est actuellement pendante devant le tribunal administratif et fixée pour plaidoiries à l’audience publique du 22 septembre 2026.
Force est ensuite de constater que si, au moment de l’introduction du présent recours en date du 20 décembre 2024, aucun jugement n’avait encore été rendu dans le cadre du recours introduit par la demanderesse en vue d’obtenir, à titre provisionnel, l’attribution de l’indemnité de chômage complet pour une première période de 182 jours de calendrier, le tribunal a, suivant un jugement du 5 février 2025, inscrit sous le numéro 50797 du rôle, autorisé ladite attribution provisionnelle dans le chef de Madame (A) pendant une durée de 182 jours de calendrier, ledit jugement étant entretemps coulé en force de chose jugée.
Or, dans la mesure où l’article L. 521-4, paragraphe (3) du Code du travail implique certes qu’aucune prorogation de la durée de l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage ne saurait être accordée sans qu’une telle attribution ait été accordée initialement, il n’en ressort toutefois pas qu’une demande en ce sens soit irrecevable dans une telle hypothèse, étant relevé, par ailleurs, que le tribunal prend en l’espèce en considération la situation de droit et de fait au jour où il statue.
Force est, par ailleurs, de relever qu’une demande de relevé de déchéance d’un employé public licencié en matière de chômage, tel que c’est le cas en l’espèce de Madame (A) qui explique avoir été sans revenu depuis son licenciement en décembre 2023 et ce jusqu’à l’attribution provisionnelle des indemnités de chômage par l’ADEM en mars 2025, requiert une mesure urgente, dès lors qu’il se pose une question de moyens de subsistance primaires qui se résout éminemment en termes de dignité humaine1.
De plus, les exigences d’un recours effectif s’imposent, ce d’autant plus que l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 28 mai 2019, n° 146 du registre, a qualifié le principe de l’Etat de droit comme étant un principe fondamental non écrit relevant implicitement de la Constitution, dont découlent notamment le principe de l’accès à un juge et celui de la nécessité d’un recours effectif, dégagés comme tels par la Cour constitutionnelle dans ledit arrêt2.
Partant, dans la mesure où le tribunal a, au jour où il statue, définitivement autorisé l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage complet pour une période de 182 jours dans le chef de Madame (A) et au vu de l’urgence de la situation, le fait d’obliger l’intéressée à introduire un nouveau recours afin de solliciter la prorogation de ladite mesure constituerait un formalisme excessif portant atteinte au principe de l’Etat de droit, incluant l’accès à un juge et la nécessité d’un recours effectif, de sorte que le moyen d’irrecevabilité sous analyse encourt le rejet.
Concernant ensuite l’intérêt à agir de la demanderesse, il convient d’abord de rappeler que l’intérêt à agir d’un demandeur est l’utilité que présente pour celui-ci la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter3, étant souligné que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une 1 Cour adm. 14 novembre 2019, n° 43098C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Compétence, n° 113.
2 Cour adm. 14 novembre 2019, n° 43098C du rôle, disponible sur disponible sur www.jurad.etat.lu.
3 Trib adm. 19 juin 2018, n° 39513 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 82 (1er volet) et les autres références y citées.
10prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés4.
Il convient par ailleurs de souligner que l’intérêt à agir doit être personnel, direct, né et actuel, la condition relative au caractère né et actuel, c’est-à-dire un caractère suffisamment certain, de l’intérêt invoqué impliquant qu’un intérêt simplement éventuel ou potentiel ne suffit pas pour que le recours contre un acte soit déclaré recevable.
En l’espèce, si certes, tel que relevé ci-avant, au moment de l’introduction du présent recours en date du 20 décembre 2024, aucun jugement n’avait encore été rendu dans le cadre du recours introduit par la demanderesse en vue d’obtenir, à titre provisionnel, l’attribution de l’indemnité de chômage complet pour une première période de 182 jours de calendrier, le tribunal ne saurait toutefois suivre le délégué du gouvernement dans son raisonnement selon lequel la demanderesse n’avait, de ce fait, pas d’intérêt à agir au moment de l’introduction du recours sous analyse.
En effet, la demanderesse justifie d’un intérêt à introduire un recours tendant à la prolongation de l’indemnité de chômage, et ce même en l’absence, le jour de l’introduction dudit recours, de jugement définitif sur son recours initial relatif à l’octroi de ladite indemnité, dans la mesure où elle explique avoir été sans revenu depuis son licenciement en décembre 2023 et ce jusqu’à l’attribution provisionnelle des indemnités de chômage par l’ADEM en mars 2025, de sorte qu’elle avait intérêt à agir le plus rapidement possible pour obtenir la prorogation de ladite mesure.
A cela s’ajoute, tel que relevé ci-avant, que le tribunal a entretemps, par jugement du 5 février 2025, inscrit sous le numéro 50797 du rôle, autorisé l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage complet pour une première période de 182 jours dans le chef de Madame (A), ledit jugement étant coulé en force de chose jugée.
Dans ces conditions, le tribunal retient que la demanderesse justifiait, - et justifie toujours actuellement -, d’un intérêt suffisant à agir, de sorte que les contestations afférentes du délégué du gouvernement encourent le rejet.
A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, même à soulever d’office, le tribunal conclut que le recours est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Quant au fond Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours, après avoir repris les rétroactes tels que retranscrits ci-avant et avoir pris position quant aux faits lui reprochés dans le cadre de la résiliation de son contrat de travail, la demanderesse, en se basant sur les articles L. 521-4 (2) et L. 521-7 du Code du travail fait valoir qu’elle remplirait toutes les conditions pour se voir autoriser la prorogation de l’attribution par provision des indemnités de chômage complet dès lors qu’elle serait inscrite comme demandeur d’emploi auprès de l’ADEM depuis le 27 décembre 2023, qu’elle aurait sollicité l’octroi des indemnités de chômage complet dès le 16 avril 2024 et qu’elle aurait porté 4 Trib. adm. 1er octobre 2003, n°16156 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 3 et les autres références y citées.
11le litige relatif au bien-fondé de la résiliation de son contrat de travail devant le tribunal administratif par un recours déposé en date du 12 juillet 2024. Elle ajoute que même à admettre que la résiliation de son contrat de travail devait être justifiée, les motifs invoqués par le ministre ne sauraient toutefois pas être qualifiés de faute grave.
La demanderesse en conclut qu’il y aurait lieu de lui autoriser la prorogation, pendant une durée supplémentaire de 182 jours de calendrier, de l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet en attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité, respectivement l’irrégularité de la résiliation de son contrat de travail avec effet immédiat.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement, après avoir relaté les rétroactes repris ci-avant et cité les articles L. 521-4 (2) et L. 521-7 du Code du travail, se rapporte à prudence de justice quant à la demande de Madame (A) à se voir autoriser la prorogation de l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet en attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité de la résiliation du contrat de travail de celle-ci.
Dans son mémoire en réplique, outre de réitérer ses développements contenus dans sa requête introductive d’instance, la demanderesse ajoute que, par jugement du tribunal administratif du 5 février 2025, inscrit sous le numéro 50797 du rôle, elle se serait vue autoriser, pendant une durée maximale de 182 jours de calendrier, l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet, tout en donnant à considérer qu’elle serait toujours inscrite comme demandeur d’emploi auprès de l’ADEM.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement maintient ses développements contenus dans son mémoire en réponse.
Analyse du tribunal Dans la mesure où dans l’arrêt prémentionné du 14 novembre 2019, inscrit sous le numéro 43098C du rôle, la Cour administrative a fondé la compétence du tribunal administratif, siégeant en formation collégiale, pour statuer sur une demande d’un employé public en relevé de déchéance de l’allocation des indemnités de chômage sur les dispositions de l’article L.521-
4, paragraphe (2) du Code du travail, la demanderesse doit remplir les conditions imposées par ledit article pour prospérer tant dans sa demande initiale, que dans la demande, sous examen, concernant la prorogation de l’attribution provisionnelle des indemnités de chômage, demande prévue au 3e paragraphe du même article.
Aux termes de l’article L. 521-4, paragraphes (2) et (3) du Code du travail « Dans les cas d’un licenciement pour motif grave, d’une démission motivée par un acte de harcèlement sexuel ou par des motifs graves procédant du fait ou de la faute de l’employeur, le demandeur d’emploi peut, par voie de simple requête, demander au président de la juridiction du travail compétente d’autoriser l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet en attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité ou le bien-fondé de son licenciement ou de sa démission.
Le président de la juridiction du travail statue d’urgence, l’employeur entendu ou dûment convoqué.
12L’Agence pour le développement de l’emploi peut intervenir à tout moment dans l’instance engagée ; à cet effet, le greffe lui adresse copie de la requête introductive visée au premier alinéa.
La demande visée au premier alinéa n’est recevable qu’à condition que le demandeur d’emploi ait suffi aux conditions visées à l’article L. 521-7 et qu’il ait porté préalablement le litige concernant son licenciement devant la juridiction du travail compétente.
(3) Le président de la juridiction du travail détermine la durée pour laquelle l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage est autorisée, sans préjudice des conditions d’attribution visées à l’article L. 521-3. La durée ne peut être supérieure à cent quatre-vingt-deux jours de calendrier.
Le chômeur peut demander, conformément à la procédure du paragraphe (2) du présent article, la prorogation de l’autorisation d’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage sans que la durée totale de l’autorisation ne puisse excéder trois cent soixante-cinq jours de calendrier. ».
L’article L. 521-7 du Code du travail, auquel renvoie l’article L.521-4, paragraphe (2) du même Code, dispose encore que « Pour bénéficier de l’indemnité de chômage complet, le salarié sans emploi est tenu de s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès des bureaux de placement publics et d’y introduire sa demande d’indemnisation. ».
En l’espèce, il ressort des pièces versées en cause, de même que des développements de part et d’autre, que Madame (A), après avoir fait l’objet d’une résiliation avec effet immédiat de son contrat de travail, (i) s’est inscrite comme demandeur d’emploi le 27 décembre 2023 auprès de l’ADEM, (ii) a sollicité l’octroi des indemnités de chômage le 16 avril 2024 et (iii) a saisi la juridiction compétente du litige concernant la régularité, respectivement l’irrégularité de la prédite résiliation de son contrat de travail avec effet immédiat, par le biais d’un recours déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2024 et tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 14 décembre 2023, confirmée par le même ministre à travers la décision précitée du 12 avril 2024, cette affaire n’étant pas encore définitivement vidée.
Il en ressort encore que son droit aux indemnités de chômage lui attribué à travers le jugement du 5 février 2025 est venu à expiration le 25 juin 2024.
La demande de Madame (A) répond partant aux conditions fixées par les articles L.521-
4 et L.521-7 du Code du travail.
Par conséquent, sans préjudice quant au fond, il y a lieu de faire droit à la demande de Madame (A) tendant à la prorogation de l’autorisation d’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage en attendant la décision judiciaire définitive du litige concernant la régularité de son licenciement par l’effet de la décision ministérielle attaquée au fond, ladite prorogation étant limitée à une durée maximale de 182 jours de calendrier.
Quant à la demande de Madame (A) tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure Moyens et arguments des parties 13 Dans sa requête introductive d’instance, la demanderesse sollicite la condamnation de la partie étatique au paiement d’une indemnité de procédure de 1.000,- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 ».
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de cette demande dans son mémoire en réponse.
Dans son mémoire en réplique, la demanderesse fait valoir qu’en tant qu’employée de l’Etat, elle aurait dû suivre la procédure contentieuse administrative, où le ministère d’avocat à la Cour serait obligatoire, contrairement aux salariés du secteur privé qui pourraient saisir le tribunal du travail par simple requête, sans ministère d’avocat obligatoire, la concernée estimant que cette différence de traitement ne serait pas justifiée. En effet, de l’avis de la demanderesse, le législateur aurait pu simplifier la procédure pour les employés publics, comme pour les salariés privés, en prévoyant notamment une procédure à juge unique et sans ministère d’avocat obligatoire.
La demanderesse en conclut qu’il serait, en comparaison avec la situation des salariés privés, inéquitable de laisser à sa charge les frais qu’elle aurait dû engager pour avoir recours à un avocat à la Cour dans le cadre de ses deux recours tendant à se voir autoriser, respectivement à voir proroger l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage, de sorte qu’il y aurait lieu de condamner la partie étatique à lui payer une indemnité de procédure de 2.000,- euros sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement conteste l’indemnité sollicitée tant dans son principe que dans son quantum.
En se référant à un arrêt de la Cour administrative du 22 décembre 2016, inscrit sous le numéro 38251C du rôle, il relève plus particulièrement que le propre du mécanisme de l’allocation d’une indemnité de procédure serait que la juridiction saisie est amenée à évaluer ex aequo et bono, c’est-à-dire en équité le montant éventuellement redû au titre d’indemnité de procédure par rapport à une instance qu’elle est amenée à toiser. En conséquence, au-delà des règles classiques en matière de preuve et de contestation, la juridiction saisie serait amenée à statuer sur la demande en allocation d’une indemnité de procédure à partir de l’ensemble des données lui fournies au niveau de l’instance pertinente, et notamment par rapport au degré de difficulté de l’instance et au caractère d’iniquité par elle retenu quant à l’imputation définitive d’une partie au moins des dépens à une partie.
Il en déduit qu’en l’espèce, vu l’absence de complexité de l’affaire et le « déroulement du dossier », la demande en allocation d’une indemnité de procédure à la partie demanderesse ne serait pas fondée et devrait être rejetée.
Analyse du tribunal Il convient d’emblée de préciser que la possibilité de demander au juge de condamner une partie au litige à payer à l’autre une indemnité de procédure est réservée aux seules parties aux litige et que cette qualité est appelée à disparaître lorsque l’instance ayant occasionné les frais en question vient à son terme. Une telle demande ne se conçoit en effet que lorsqu’une demande afférente a été formulée dans le cadre du litige auquel elle se rapporte quant à son 14objet et dans le cadre et dans les limites duquel le juge saisi est appelé à apprécier l’équité fondant cette condamnation5.
En l’espèce, si la demanderesse argue qu’il y aurait lieu de tenir compte des frais qu’elle aurait dû engager pour avoir recours à un avocat à la Cour tant dans le cadre de son recours tendant à se voir autoriser l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage que dans le cadre de son recours tendant à voir proroger ladite autorisation, force est toutefois de constater que l’objet du présent recours se limite à la seule demande en prorogation de l’attribution par provision de l’indemnité de chômage complet dans le chef de Madame (A).
En conséquence, étant donné que le jugement prémentionné du 5 février 2025, désormais définitif, a mis fin à l’instance relative à la demande de Madame (A) tendant à se voir autoriser l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage complet pour une période initiale de 182 jours, et que le tribunal a rejeté la demande d’indemnité de procédure formulée par Madame (A) dans ce contexte, cette dernière n’est, en tout état de cause, pas fondée à réclamer une indemnité de procédure pour les frais engagés dans cette instance.
Pour le surplus, le tribunal retient que la seule circonstance que Madame (A) ait, en raison de sa qualité d’employée de l’Etat licenciée, dû saisir le tribunal administratif par ministère d’avocat à la Cour ne saurait, en l’absence de tout élément concret et personnel, suffire à établir l’iniquité dans son chef. En effet, un tel raisonnement entraînerait la condamnation automatique de la partie étatique à une indemnité de procédure chaque fois que celle-ci succombe dans un litige portant sur l’attribution provisionnelle de l’indemnité de chômage complet.
Partant, à défaut de tout autre élément, le tribunal conclut que la demande en allocation d’une indemnité de procédure est à rejeter, les conditions légales n’étant pas remplies en l’espèce.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours introduit par Madame (A) recevable et fondé ;
partant, autorise la prorogation de l’attribution par provision à Madame (A) de l’indemnité de chômage complet en attendant la décision judiciaire définitive sur la régularité, respectivement l’irrégularité de la décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 14 décembre 2023, confirmée par le même ministre par décision du 12 avril 2024 et portant résiliation de son contrat de travail avec effet immédiat, ladite prorogation étant limitée à une durée maximale de 182 jours de calendrier ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 2.000,- euros telle que formulée par la demanderesse ;
condamne l’Etat aux frais et dépens.
5 Trib. adm. 19 mai 1999, n° 10815 et 10816 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 1305.
15Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 juin 2025 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 16