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23/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52806

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mai 2025, 52806


Tribunal administratif N° 52806 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52806 Inscrit le 6 mai 2025 Audience publique du 23 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52806 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 mai 2025 par Maître Marlène AYBEK, avocat à la Cour,

inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), décl...

Tribunal administratif N° 52806 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52806 Inscrit le 6 mai 2025 Audience publique du 23 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52806 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 6 mai 2025 par Maître Marlène AYBEK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Guinée) et être de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 22 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 mai 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le président de la quatrième chambre du tribunal administratif entendu en son rapport, ainsi que Maître Christ MOUSSONI-NGAMBOU, en remplacement de Maître Marlène AYBEK, ainsi Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 mai 2025.

En date du 30 octobre 2023, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité furent actées par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, dans un rapport du même jour. Il s’avéra à cette occasion, tel que confirmé par une recherche effectuée le même jour dans la base de données EURODAC, que Monsieur (A) avait irrégulièrement franchi la frontière italienne le 18 septembre 2023, sans avoir introduit, par après, une demande de protection internationale en Italie.

Par un courrier du 29 décembre 2015, les autorités ministérielles luxembourgeoises adressèrent une demande de prise en charge de Monsieur (A) à leurs homologues italiens sur base de l’article 13, paragraphe (1) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ». Bien que ladite demande fit l’objet d’une acceptation tacite par les autorités italiennes sur le fondement de l’article 22, paragraphe (7) du règlement Dublin III, Monsieur (A) n’avait pas pu être transféré endéans le délai légal vers l’Italie, de sorte que par courrier du 7 octobre 2024, le ministre des Affaires intérieures, entretemps compétent, ci-

après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) de la compétence du Grand-Duché de Luxembourg pour l’examen de sa demande de protection internationale.

Le 9 avril 2025, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 22 avril 2025, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre informa Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), points a) et c) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision résuma les faits et rétroactes procéduraux ainsi que les déclarations de Monsieur (A) comme suit :

« (…) Il ressort de votre dossier administratif et plus précisément du résultat des recherches effectuées dans la base de données « Eurodac » et de votre entretien « Dublin III » que vous avez franchi de manière irrégulière la frontière italienne, plus précisément à Porto Empedocle, en date du 18 septembre 2023 sans pour autant y introduire une demande de protection internationale, Vous y avez notamment indiqué que « ich habe angegeben, 17 Jahre alt zu sein, jedoch haben dieselben aufgeschrieben ich sei 2004 geboren » (p.3/4 du rapport de police).

Par conséquent, une demande de prise en charge a été adressée aux autorités italiennes de la part des autorités luxembourgeoises en date du 29 décembre 2023. La prise en charge fut considérée comme tacitement acceptée le 1er mars 2024. Dans la mesure où la procédure de transfert n'a pas pu être menée à bien dans les délais légalement prévus par le règlement Dublin III, les autorités luxembourgeoises sont devenues responsables pour l'examen et le traitement de votre demande de protection internationale en date du 2 septembre 2024.

Quant à votre date de naissance, vous avez initialement déclaré être mineur et que « ich weiss es nicht mehr ich muss in meinen Dokumenten nachschauen. […] Nein das Geburtsdatum auf den Dokumenten in Luxemburg weiss ich nicht » (p.2/5 de rapport du Service de Police Judiciaire) avant de prétendre être né le … 2004. Or, selon une copie de l'extrait du registre d'état civil établi le 27 février 2024, qui n'a d'ailleurs pas pu être authentifiée, vous seriez né le … 2006. Vous avez par ailleurs remis une copie d'un jugement supplétif, établi le … 2024, indiquant que vous seriez né en date du … 2006. Il convient en revanche de noter que l'Unité de la Police de l'Aéroport exprime des doutes quant à l'authenticité dudit document étant donné qu'un tel jugement est toujours rendu par le tribunal de première instance tandis que le vôtre a été établi par la cour d'appel de …, de sorte qu'il peut être conclu que le document a été falsifié afin de vous attribuer une fausse date de naissance. A cela s'ajoute que selon votre compte Facebook, vous seriez né le …1995, date qui a finalement été retenue par les autorités luxembourgeoises.

En date du 9 avril 2025, un entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale a été mené avec un agent ministériel.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez être de nationalité guinéenne, d'ethnie Konianké et avoir vécu à … jusqu'à votre départ définitif en 2020.

En cas de retour vers la Guinée, vous prétendez craindre pour votre intégrité physique.

En effet, concernant les raisons vous ayant poussé à quitter votre pays d'origine, vous déclarez initialement que vos parents n'auraient pas eu les moyens afin de financer vos études ou de subvenir à vos besoins (selon votre fiche de motifs de fuite manuscrite).

Vous poursuivez vos dires selon lesquels votre père serait décédé et que votre mère serait tombée malade et n'aurait pas eu les moyens financiers pour financer son traitement. Vous auriez donc décidé de quitter la Guinée Lors de l'entretien ayant eu lieu le 9 avril 2025, respectivement un an et demi plus tard, vous faites soudainement état de menaces que vous auriez subies de la part des membres de votre famille. Après un long silence, vous expliquez qu'après la mort de votre père, vos oncles auraient souhaité récupérer la terre de votre père. Or, vous auriez été l'héritier et ces derniers auraient voulu vous « éliminer » (p.6/10 de votre rapport d'entretien) sans que vous ne relatiez un quelconque événement.

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

- Une copie de l'extrait du registre civil, établi en date du 27 janvier 2024 ;

- une copie d'un jugement supplétif, établi en date du 13 février 2024.

En date du 6 août 2024, l'Unité de la Police de l'Aéroport n'a pas pu authentifier lesdits documents et a déclaré que « […] ce qui laisse des doutes en vue de l'authenticité du jugement supplétif en question ». (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mai 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation (i) de la décision du ministre du 22 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, (ii) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et (iii) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions précitées du ministre du 22 avril 2025, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir passé en revue une partie des rétroactes retracés ci-avant, expose, tout d’abord, être de nationalité guinéenne, de religion musulmane, appartenir au groupe ethnique Konianké et avoir été contraint de quitter son pays d’origine en raison des menaces de mort proférées à son encontre par ses oncles paternels s’étant accaparé des terrains qu’il aurait hérités au décès de son père.

Quant à la décision ministérielle de recourir à la procédure accélérée afin de le débouter de sa demande de protection internationale, Monsieur (A) fait valoir que ce serait à tort que le ministre aurait pris sa décision dans le cadre de l'application de la procédure accélérée sur base des points a) et c) de l'article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015.

Ainsi, en ce qui concerne le cas d’ouverture du point c) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur soutient que le ministre lui aurait, à tort, attribué une date de naissance trouvé sur une page Facebook, laquelle n’aurait pas comporté son nom, malgré la circonstance, d’une part, qu’il aurait déclaré une autre date de naissance et, d’autre part, qu’il aurait remis des documents remis au ministère, en l’occurrence, une copie de l’extrait du registre civil du 27 janvier 2024, ainsi que d’un jugement supplétif du 13 février 2024, établissant sa date de naissance du 10 octobre 2006. Le demandeur conteste encore, dans ce contexte, la conclusion ministérielle selon laquelle l’authenticité des prédits documents ne serait pas établie sur base d’une prétendue situation de fraude générale aux documents prévalant en Guinée. Il aurait, selon le demandeur, appartenu au ministre d’effectuer des démarches supplémentaires, notamment en contactant les autorités guinéennes, respectivement en diligentant une expertise, afin d’établir la fiabilité des documents litigieux, au lieu de retenir, à tort, qu’il se serait agi de documents falsifiés.

Le demandeur reproche ensuite au ministre d’avoir procédé à une analyse erronée et superficielle de son récit. Dans ce contexte, il donne à considérer qu’il aurait quitté son pays d’origine contre son gré en raison des menaces de mort proférées à son encontre, ainsi que des risques de persécutions, respectivement d’atteintes graves dont il craint de faire l’objet en cas de retour dans son pays d’origine. Il en conclut que les motifs à la base de sa demande de protection internationale seraient pertinents, de sorte à échapper à l’application de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015.

Quant au refus du ministre de lui accorder l’un des statuts prévus par la protection internationale, Monsieur (A) critique, tout d’abord, l’analyse ministérielle consistant à retenir l’absence de crédibilité de ses déclarations en contestant avoir eu des versions divergentes quant aux faits à la base de sa demande de protection internationale devant la police grand-

ducale, puis devant les autorités ministérielles, alors que sa situation financière désastreuse dans son pays d’origine aurait été provoqué par les agissements de ses oncles paternels l’ayant dépossédé de son héritage foncier. Ces faits rentreraient, par ailleurs, dans les prévisions de l’article 2, f) de la loi du 18 décembre 2015, pour être motivés par un des critères de fond y définis, seraient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, au regard de la circonstance qu’il serait exposé à des persécutions, respectivement d’être tué par ses oncles paternels en cas de retour dans son pays d’origine, et émaneraient de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, dans la mesure où les autorités guinéennes ne seraient pas disposées, voire capables de le protéger. Il conteste encore toute possibilité de fuite interne dans son chef, dont la preuve incomberait au ministre lequel ne l’aurait cependant pas concrètement rapportée en l’espèce, et invoque à son bénéfice les dispositions de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, dans la mesure où les auteurs des actes de persécution qu’il aurait déjà subis, se trouveraient toujours en Guinée et l’auraient à plusieurs reprises menacé de mort.

Quant au refus du ministre de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, Monsieur (A) affirme que les faits d’espèce permettraient de retenir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il risquerait de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015. Le demandeur invoque encore dans ce cadre, l’« affaire Grecque » dans laquelle la « Commission européenne » aurait retenu que les traitements considérés comme dégradants seraient ceux qui humilient gravement la personne aux yeux d’autrui ou l’incitent à agir contre sa volonté ou sa conscience. Dans l’affaire Irlande c. Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », aurait retenu qu’un traitement infligé devrait, pour pouvoir être qualifié de torture, causer de « forts graves et cruelles souffrances » au sens de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « la CEDH ». Dans une autre affaire Selmouni c. France, de 1999, la CourEDH se serait réservée une certaine souplesse dans l’examen des actes illicites en fonction du niveau d’exigence croissant en matière de protection des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Le demandeur renvoie encore aux affaires Selçuk et Asker c. Turquie du 24 avril 1998, Dulas c. Turquie du 30 janvier 2001 et Bilgin c. Turquie du 16 novembre 2000, dans le cadre desquelles il aurait été retenu que la destruction de maisons constituerait un acte de violence et de destruction délibéré constitutif d’une violation de l’article 3 de la CEDH, au mépris de la sécurité et du bien-être des requérants qui se seraient retrouvés sans abri, dans des circonstances causant angoisse et souffrances. En raison du fait qu’il risquerait, en cas de retour en Guinée, d’être victime d’actes de persécution, voir d’être tué par ses oncles paternels, le demandeur soutient risquer ainsi de faire l’objet de traitements inhumains et dégradants, de sorte que la décision déférée lui refusant l’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire devrait encourir la réformation Le demandeur conclut finalement encore à la réformation de l’ordre de quitter le territoire émis à son encontre, alors qu’il serait impossible de procéder à son éloignement vers son pays d’origine, au regard des atteintes graves, respectivement des traitements inhumains et dégradants qu’il risquerait d’y subir. Dans ce cadre, Monsieur (A) invoque une violation, de la part de la décision déférée, des articles 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », ainsi que, de manière autonome, 3 de la CEDH.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours, pris en son triple volet.

Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient au soussigné de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier de manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé.

En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant en premier lieu du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée, le soussigné relève que la décision ministérielle déférée a été prise sur base des dispositions des points a) et c) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-

fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; (…) c) le demandeur a induit les autorités en erreur en ce qui concerne son identité ou sa nationalité, en présentant de fausses indications ou de faux documents ou en dissimulant des informations ou des documents pertinents qui auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), sous a) et c) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit si le demandeur a induit les autorités en erreur en ce qui concerne son identité ou sa nationalité, en présentant de fausses indications ou de faux documents ou en dissimulant des informations ou des documents pertinents qui auraient pu influencer la décision dans un sens défavorable.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Le soussigné est dès lors amené à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par lui ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), points a) et c) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

S’agissant plus particulièrement du point a) de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015 et afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il échet de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 :

« Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a) ».

Aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves ».

Finalement, l’article 40 de la même loi dispose que : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière ».

Il suit de ces dispositions légales que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, il convient de souligner qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi 18 décembre 2015 est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine, ou encore des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48, précité, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. L’article 2 g), précité, définit également la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 ». Cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les persécutions ou les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Indépendamment de la question de la crédibilité du récit du demandeur, il convient de rappeler que l’une des conditions d’octroi d’une protection internationale est celle de la preuve, à fournir par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine, au cas où les auteurs des actes de persécution, respectivement des atteintes graves, sont des personnes privées sans lien avec l’Etat, ce qui est le cas en l’espèce, dans la mesure où le demandeur déclare être la victime des agissements de sa famille, et plus particulièrement de ses oncles paternels, lesquels auraient proféré des menaces de mort à son encontre afin de le déposséder de son héritage foncier suite au décès de son père, ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

En l’espèce, l’analyse de la situation décrite par le demandeur lors de son audition ainsi qu’au cours de la présente instance, ne permet pas au soussigné de retenir que le demandeur aurait apporté une raison valable de penser que ses droits les plus élémentaires seraient bafoués en cas de retour dans son pays d’origine sans que les autorités de ce pays ne puissent, respectivement ne veuillent lui fournir une protection appropriée contre les agissements de sa famille.

Il y a, en effet, lieu de rappeler dans ce cadre que pour qu’un défaut de protection au pays d’origine puisse être retenu, il faut en toute hypothèse, que l’intéressé ait tenté d’obtenir cette protection pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte.

Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut.

L’essentiel est, en effet, d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée.

Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou atteintes graves - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

A cet égard, il convient encore de souligner l’importance de rechercher la protection des autorités du pays d’origine puisqu’à défaut d’avoir au moins tenté de solliciter une forme quelconque d’aide, les demandeurs de protection internationale ne sauraient reprocher aux autorités étatiques une inaction volontaire ou un refus de les aider.

En effet, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a lui-même pas tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de maltraitances physiques et morales, communément la forme d’une plainte.

En l’espèce, force est toutefois au soussigné de constater que le demandeur n’a pas effectivement recherché l’aide des autorités guinéennes. En effet, sur question de l’agent ayant mené son entretien, le demandeur a expliqué par rapport aux agissements subis de la part de ses oncles paternels qu’il n’aurait pas déposé de plaintes à l’encontre de ces derniers auprès des forces de l’ordre guinéennes, sans fournir une quelconque explication à ce sujet, ni dans le cadre de son audition ni dans son recours contentieux sauf à affirmer ne pas se sentir en sécurité en Guinée1.

Ainsi le soussigné doit retenir que le demandeur, à défaut d’avoir recherché la protection des autorités de son pays d’origine, n’a pas fourni des éléments suffisants permettant de conclure que de manière générale, les autorités guinéennes seraient impuissantes ou non disposées à lui offrir une protection contre les problèmes dont il fait état dans le cadre de sa demande de protection internationale.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours du demandeur dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que les faits soulevés à la base de sa demande de protection internationale ne seraient pas dépourvus de pertinence, sont visiblement dénués de tout fondement.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

2) Quant au recours en réformation de la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Force est de rappeler que le soussigné vient de retenir ci-avant, dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que le demandeur est resté en défaut de présenter des faits suffisamment pertinents pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, que ce soit au statut de réfugié ou à celui conféré par la protection subsidiaire, dans la mesure où il est resté en défaut d’invoquer un quelconque fait concret de nature à pouvoir être qualifié d’acte de persécution ou d’atteinte grave, respectivement un quelconque indice qu’il risquerait de faire l’objet de tels actes.

Or, le soussigné, au niveau de la décision au fond du ministre refusant l’octroi de la protection internationale, ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et moyens invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, que le demandeur ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale prise en son double volet.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à déclarer comme manifestement infondé et le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

1 Page 8 du rapport d’audition de Monsieur (A) du 9 avril 2025.

3) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné qu’il vient d’être retenu que le recours dirigé contre la décision du ministre portant rejet de la demande de protection internationale de Monsieur (A) est manifestement infondé et qu’un retour du demandeur dans son pays d’origine, la Guinée, ne l’expose dès lors ni à des actes de persécution ni à des atteintes graves, le ministre a valablement pu assortir sa décision de refus d’un ordre de quitter le territoire.

Il convient de rappeler que si l’article 3 de la CEDH, auquel renvoie l’article 129 de la loi du 29 août 2008, tel qu’invoqué par le demandeur à titre subsidiaire, proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.

En effet, si une mesure d’éloignement - telle qu’en l’espèce consécutive à l’expiration du délai imposé au demandeur pour quitter le Luxembourg - relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquerait de porter atteinte aux droits inscrits à l’article 3 de celle-ci, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose problème de conformité à la CEDH, spécialement à l’article 3 de la CEDH, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 de la CEDH garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 de la CEDH qui interdit aux Etats parties à la CEDH d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer quelqu’un à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte et a fortiori qu’il existe un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants.

Cependant, dans ce type d’affaires, la CourEDH soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La CourEDH recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la CourEDH évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.

Le soussigné procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.

Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus en cas de retour en Guinée, le soussigné a conclu ci-avant à l’absence, dans le chef du demandeur, de tout risque réel et actuel de subir des persécutions ou des atteintes graves, au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la torture ou des traitements inhumains ou dégradants, de sorte qu’il ne saurait se départir de cette conclusion à ce niveau-ci de son analyse.

Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH, le soussigné retient qu’il n’existe pas un risque suffisamment réel pour que le renvoi du demandeur dans son pays d’origine soit, dans ces circonstances, incompatible avec l’article 3 de la CEDH, de sorte que le moyen tiré d’une violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008, ainsi que d’une violation « autonome » de l’article 3 de la CEDH encourt le rejet.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, Le premier vice-président présidant la quatrième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 22 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 mai 2025 par le soussigné, Paul Nourissier, premier vice-président présidant la quatrième chambre, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52806
Date de la décision : 23/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-23;52806 ?

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