Tribunal administratif N° 47998 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:47998 4e chambre Inscrit le 3 octobre 2022 Audience publique du 20 mai 2025 Recours formé par Madame (A), … (D), contre une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière d’indemnité
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47998 du rôle et déposée le 3 octobre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à D-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 5 juillet 2022 lui refusant un supplément d’indemnité personnel;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2022 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 20 janvier 2023 par Maître Jean-Marie BAULER ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 février 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, et Monsieur le délégué du gouvernement Vincent STAUDT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 10 décembre 2024 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 13 mai 2025 prononçant la rupture du délibéré en vue d’un changement de composition ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 16 mai 2025, les parties étant excusées.
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Il ressort du dossier administratif qu’entre 1979 et 2002, Madame (A) travailla en Allemagne, auprès de la « … AG », en tant que conseillère dans le service commercial des clients privés et accompagna les apprentis de la banque.
Par contrat de louage de services à durée déterminée signé en date du 26 juillet 2006, Madame (A) fut engagée auprès de l’Archevêché de Luxembourg en tant que chargé de cours de religion pour une tâche d’enseignement direct de 12 leçons hebdomadaires, avec effet au 15septembre 2006.
Par contrat de louage de services à durée indéterminée signé en date du 16 juillet 2007, Madame (A) fut engagée auprès de l’Archevêché de Luxembourg en tant qu’enseignante de religion pour une tâche d’enseignement direct de 22 leçons hebdomadaires, avec effet au 15 septembre 2007, tâche d’enseignement qui fut portée le 18 août 2008, à 23 leçons hebdomadaires à partir du 15 septembre 2008.
Par courrier du 28 avril 2008, l’Archevêché informa le ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle de sa décision d’accorder à Madame (A) une suppression de stage à partir du 15 septembre 2007.
Aux termes d’un contrat de louage de services à durée indéterminée signé en date du 14 septembre 2017, Madame (A) fut engagée en qualité de chargée de cours de la réserve des suppléants de l’enseignement fondamental avec effet au 15 septembre 2017 sous le statut d’employé de l’Etat, ce en exécution de la décision du Premier Ministre, Ministre d’Etat, du 21 juin 2017 et conformément à la loi du 2 août 2017 portant organisation de la reprise des enseignants de religion et des chargés de cours de religion.
Par courrier daté du 27 avril 2019, Madame (A) sollicita l’attribution du supplément d’indemnité personnel prévu par l’article 35 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et indemnités des employés de l’Etat, ci-après dénommée « la loi du 25 mars 2015 ».
Par courriel du 29 avril 2019, Madame (A) fut informée que le bénéfice du supplément d’indemnité personnel ne pouvait lui être attribué avant le 1er octobre 2027, à savoir 20 ans après son début de carrière le 1er octobre 2007.
Par courriel du 1er mai 2019, Madame (A) demanda un réexamen de sa demande.
Par courriel du 15 mai 2019, des renseignements supplémentaires sur la différence entre la bonification d’ancienneté utilisée pour la fixation du traitement initial et le calcul des années de service depuis le début de carrière déterminant, entre autres, la date d’attribution du supplément d’indemnité personnel furent donnés à Madame (A).
Par courrier de son litismandataire du 3 octobre 2019, Madame (A) s’adressa au ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après désigné par « le ministre », en les termes suivants :
« (…) J’ai l’honneur de vous écrire au nom de Madame (A) Ute, ancienne chargée de cours / enseignante de religion demeurant à D-…, qui m’a chargée de la défense de ses intérêts.
Ma mandante a débuté sa carrière auprès de l’Archevêché en date du 15 septembre 2006 comme enseignante de religion.
Etant donné qu’elle avait travaillé 25 ans en Allemagne avant de débuter sa carrière au Luxembourg, l’Etat lui a reconnu la moitié, c’est-à-dire 12 ans d’ancienneté avec effet au 1er octobre 2007 (annexe 1).
Ensemble avec les 11 ans qu’elle a travaillé pour l’Archevêché, qui sont entretemps reconnus à 100% par l’Etat, Madame … dispose d’une ancienneté de service de 23 ans auprès de l’Etat.
2 Depuis le 15 septembre 2017 ma mandante est à considérer comme fonctionnaire de l’Etat au vu de son ancienneté de service.
Au vu de ce qui précède et au vu de l’âge de ma mandante, je vous saurais gré de bien vouloir lui accorder, avec effet au 1er janvier 2018, le supplément personnel de traitement (55 ans).
La reconnaissance d’ancienneté ainsi que le supplément personnel ont été accordés notamment aux dames … et ….
Je vous prie dès lors d’appliquer les mêmes règles à ma mandante.
Dans la négative, je vous prie de bien vouloir prendre une décision motivée susceptible de faire l’objet d’un recours devant les juridictions administratives.
J’adresse copie de la présente au Centre de gestion du personnel et de l’organisation de l’Etat, pour information (…) ».
Aucune suite n’a été réservée par le ministre au courrier précité du 3 octobre 2019 de Madame (A).
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juin 2020, Madame (A) introduit un recours contentieux contre la décision implicite du ministre refusant de faire droit à sa demande du 3 octobre 2019 visant à se faire allouer un supplément d’indemnité personnel.
Par jugement du 22 avril 2022, inscrit sous le numéro 44585 du rôle, le tribunal administratif écarta des débats, pour cause de tardiveté, les mémoires en réponse, en réplique et en duplique déposés respectivement au greffe du tribunal administratif en date des 4 décembre 2020, 5 janvier 2021 et 5 février 2021, reçut le recours principal en réformation en la forme, au fond, le déclara justifié et, dans le cadre du recours en réformation, annula la décision implicite de refus du ministre refusant de faire droit à la demande de Madame (A) du 3 octobre 2019 visant à se faire allouer un supplément d’indemnité personnel, pour défaut de motivation, et renvoya l’affaire en prosécution de cause audit ministre, le tout avec condamnation à une indemnité de procédure de 500 euros et aux frais et dépens de l’instance de l’Etat succombant.
En date du 5 juillet 2022, le ministre prit la décision qui suit :
« Madame, Par la présente, je fais suite au jugement du Tribunal administratif du 22 juillet 2022 par lequel ma décision implicite visant votre demande du 3 octobre 2019 en allocation d'un supplément personnel de traitement a été annulée et l'affaire m'a été renvoyée en prosécution de cause.
Vous sollicitez l'allocation du supplément d'indemnité personnel prévue par l'article 35 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l'État qui énonce que :
« l'employé de l'administration générale classé au dernier grade de son sous-groupe d'indemnité défini aux articles 43 à 49 et qui a accompli au moins 20 années de service depuis 3 le début de carrière, bénéficie à partir du premier jour du mois qui suit son cinquante-cinquième anniversaire d'un supplément d'indemnité personnel égal à la différence entre le dernier échelon barémique du grade de fin de carrière, y compris les allongements de grade prévus aux articles 43 à 49, et son indemnité actuelle. La présente disposition s'applique également aux employés des sous-groupes de l'enseignement classés au tableaux « enseignement (tableau indiciaire transitoire) du point II de l'annexe.
Le supplément personnel diminue au fur et à mesure que l'indemnité augmente par l'effet de l'avancement en grade et en échelon.
Par grade de fin de carrière au sens des dispositions du présent article, il y a lieu d'entendre le grade du sous-groupe d'indemnité accessible à l'employé compte tenu des conditions d'examen prévues pour ce sous-groupe. Toutefois, le bénéfice du supplément d'indemnité personnel est réservé à l'employé ayant passé avec succès l'examen de carrière, sauf si la loi ne prévoit pas d'examen de carrière pour son sous-groupe d'indemnité ou que l'employé en a été dispensé en vertu d'une disposition légale ».
Pour pouvoir bénéficier du supplément sollicité par vous, vous deviez avoir accompli au moins 20 années de service depuis le début de votre carrière.
L'article 21, paragraphe 1er, alinéa 2, de la loi précitée prévoit que « pour les employés, l'expression « début de carrière » se substitue à l'expression « nomination définitive ». Ledit début de carrière est donc la date à partir de laquelle la période d'initiation est terminée.
Vous avez été engagée auprès de l'Archevêché en date du 15 septembre 2006. Vous avez débuté votre carrière d'enseignante de religion à partir du 1er octobre 2007, et ce, jusqu'au 14 septembre 2017.
Le 14 septembre 2017, et avec effet au 15 septembre 2017, vous avez signé un contrat de travail de chargée de cours à durée indéterminée de la réserve de suppléants de l'enseignement fondamental avec mon ministère.
Conformément aux dispositions de l'article 24 de la loi du 2 août 2017 portant organisation de la reprise des enseignants de religion et des chargés de cours de religion, vos 10 années passées en tant qu'enseignante de religion sous l'autorité de l'Archevêché sont entièrement considérées comme années de service passées auprès de l'État.
A ces années, s'ajoutent les années de service que vous avez travaillées jusqu'à présent.
Ainsi, le 1er octobre 2020, vous ne pouviez vous prévaloir que de 13 années de service depuis le début de votre carrière auprès de l'État, de sorte que vous ne remplissez actuellement toujours pas les conditions prévues à l'article 35 de la loi de 2015 précitée pour pouvoir bénéficier d'un supplément d'indemnité personnel.
Ce n'est qu'en date du 1er octobre 2027, et sous réserve du fait que vous ayez bien accompli toutes vos années de service, que vous aurez accompli les 20 années de service requises à l'application des dispositions de l'article 35 précité.
Au vu de ce qui précède, je vous informe du fait que je ne ferais pas droit à votre demande. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 octobre 2022, Madame (A) fit introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre du 5 juillet 2022 lui refusant un supplément d’indemnité personnel.
Dans son mémoire en réponse, la partie gouvernementale soulève, en tant que moyen d’irrecevabilité du recours, l’incompétence du tribunal administratif pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal par Madame (A) au motif d’une absence de base légale y relative, voire du défaut de moyen ou de mention spécifique soulevé par cette dernière.
Dans sa requête introductive d’instance, Madame (A) conclut à la recevabilité de son recours et dans le cadre de son mémoire en réplique, elle se rapporte à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du mémoire en réponse du délégué du gouvernement, quant à sa forme et quant au délai.
Il convient tout d’abord de relever qu’il n’est pas contesté que Madame (A) a la qualité d’employé de l’Etat au sens de la loi du 25 mars 2015.
Force est au tribunal de constater que la décision déférée du 5 juillet 2022 refusant de faire droit à la demande de Madame (A) a pour objet exclusif l’allocation d’un supplément d’indemnité personnel, conformément à l’article 35 de la loi du 25 mars 2015, de sorte à porter sur la question de la rémunération d’un employé de l’Etat.
Au regard de l’article 10 de la loi du 25 mars 2015 disposant que « les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif, statuant comme juge du fond », le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation contre la décision ministérielle déférée du 5 juillet 2022, de sorte que le moyen d’incompétence est à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne le fait par la partie demanderesse de se rapporter à prudence de justice en ce qui concerne la recevabilité du mémoire en réponse du délégué du gouvernement, quant à sa forme et quant au délai, sans pour autant fournir la moindre argumentation à ce sujet, force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige dans la présentation de leurs demandes, étant encore relevé que le mémoire en réponse a bien été déposé dans le délai prévu par la loi.
A défaut d’un autre moyen d’irrecevabilité, il y a lieu de déclarer le recours principal en réformation recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours et en fait, après avoir exposé les rétroactes tels que repris ci-
avant, la demanderesse explique qu’en date du 15 septembre 2006, le Centre commun de la sécurité sociale lui aurait certifié son statut d’employé de l’Etat et que dans la mesure où elle aurait travaillé pendant 25 ans en Allemagne avant de débuter sa carrière au Luxembourg, l’Etat lui aurait reconnu la moitié, c’est-à-dire 12 années d’ancienneté avec effet au 1er octobre 2007.
Ensemble avec les 11 ans qu’elle aurait travaillé pour l’Archevêché, qui seraient entretemps reconnus à 100% par l’Etat, la partie demanderesse affirme disposer d’une ancienneté de service de 23 ans auprès de l’Etat.
Elle estime même que depuis le 15 septembre 2017, elle serait à considérer comme fonctionnaire de l’Etat au vu de son ancienneté de service.
Elle relate qu’entre le 28 avril 2019 et le 15 mai 2019, elle aurait eu un échange de courriels avec un certain Monsieur … au sujet de la reconnaissance de son ancienneté non seulement en ce qui concerne la détermination de sa date de début de carrière en vue de la fixation de son traitement, mais également en vue de calculer son ancienneté de service auprès de l’Etat.
La date de début de carrière n’étant pas reconnue rétroactivement, les années qu’elle aurait travaillées pour l’Archevêché ne seraient pas reconnues pour le calcul de l’ancienneté afin de bénéficier du supplément d’indemnité personnel, et ce alors même que la reconnaissance d’ancienneté ainsi que le supplément d’indemnité personnel à l’âge de 55 ans auraient été accordés notamment aux dames … et …..
En droit, la demanderesse invoque une violation de l’article 35 de la loi du 25 mars 2015, alors qu’elle remplirait les conditions y posées.
Elle indique qu’elle serait âgée de 55 ans, aurait accompli au moins 20 années de service depuis son début de carrière et que depuis le 15 septembre 2017 elle serait à considérer comme fonctionnaire de l’Etat compte tenu de son ancienneté de service.
La demanderesse fait encore relever qu’elle travaillerait auprès de l’Etat depuis le 15 septembre 2006, date de début de son stage.
Comme elle aurait déjà travaillé pendant 25 ans en Allemagne avant de débuter sa carrière au Luxembourg, l’Etat lui aurait reconnu 12 années d’ancienneté avec effet au 1er octobre 2007.
La demanderesse souligne ensuite que la loi du 25 mars 2015 aurait retenu que « les années travaillées dans le même établissement (fonction publique) à l’étranger [seraient] désormais reconnues à 100 % par l’Etat », de sorte qu’au vu de son ancienneté de service totale de désormais 28 ans, elle aurait tout à fait droit à la bonification d’ancienneté de service.
Elle fait encore relever, dans ce contexte, qu’en vertu de l’article 21 de la loi du 25 mars 2015, la distinction que le ministre ferait entre les termes « début de carrière » et « nomination définitive » serait absolument arbitraire et ne changerait rien à la date à partir de laquelle l’ancienneté devrait être calculée, tout en faisant valoir qu’il se poserait la question de savoir pourquoi les articles 21 et 35 de la loi du 25 mars 2015 ne seraient pas lus ensemble. En effet, la demanderesse fait valoir que, d’un côté, il aurait été accepté que la bonification d’ancienneté, telle que prévue aux articles 5 et 21 de la loi du 25 mars 2015, jouerait pour la fixation du traitement initial et, d’un autre côté, l’administration refuserait de la faire jouer pour le supplément d’indemnité personnel à partir de l’âge de 55 ans. Ainsi, la demanderesse soutient qu’il se poserait dès lors la question de savoir pourquoi la bonification d’ancienneté ne serait pas prise en compte pour déterminer le « début de carrière » de l’article 35 de la loi du 25 mars 2015, alors qu’elle serait pourtant prise en compte dans la fixation de son traitement de « début de carrière » de l’article 21 de la même loi, aucune raison objective ne justifiant une telle différenciation, selon elle.
Dans le cadre de son mémoire en réplique, la demanderesse critique l’interprétation littérale de l’article 21 de la loi du 25 mars 2015, telle que présentée par la partie gouvernementale, notamment quant aux termes « début de carrière » et « nomination définitive », laquelle serait en contradiction avec les articles 8 et 9 de la même loi. Ainsi, il ressortirait clairement de la lecture combinée de ces deux derniers articles que les périodes passées au service de l’Etat en qualité de stagiaire, sinon d’employé sous contrat déterminé, sinon en qualité de salarié, rentreraient dans le calcul de l’ancienneté de la personne concernée, de sorte qu’il serait insensé de reconnaître l’ancienneté pour les droits de pension à partir du début de stage, mais de ne calculer les bonifications d’ancienneté qu’à partir de la nomination définitive.
La demanderesse indique, dans ce contexte, qu’elle aurait commencé son stage en tant que chargée de religion auprès de l’Archevêché de Luxembourg en date du 15 septembre 2006, date à laquelle le Centre commun de la sécurité sociale lui aurait certifié son statut d’employé de l’Etat, de sorte qu’elle aurait travaillé 11 ans pour l’Archevêché, lequel lui aurait reconnu 12 ans d’ancienneté, en raison des 25 ans travaillés en Allemagne, qui s’ajouteraient aux 11 ans d’ancienneté précités.
La demanderesse estime d’ailleurs qu’en 2017, elle aurait ainsi accumulé 23 ans d’ancienneté auprès de l’Etat.
Elle reproche ensuite au ministre de s’être limité à une interprétation purement littérale des dispositions de l’article 7, paragraphe 2 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommée « la loi du 22 juin 1963 », alors que cette loi manquerait de clarté dans la mesure où l’on ignorerait si le législateur aurait effectivement voulu limiter la reconnaissance de l’ancienneté au calcul du traitement initial ou s’il aurait simplement omis de préciser les autres cas d’application.
La demanderesse réitère, dans ce contexte, son argumentation selon laquelle il serait insensé de reconnaître l’ancienneté pour les droits de pension ainsi que pour les grades d’employé de l’Etat concerné, mais d’exclure ce droit dans le cadre du calcul de l’attribution du supplément d’indemnité personnel, ce d’autant plus que les lois ambiguës devraient être interprétées selon le principe de faveur. Dans le même ordre d’idées, elle fait plaider, en s’appuyant sur un arrêt de la Cour administrative du 20 juillet 2022, inscrit sous le numéro 47128C du rôle, qu’il serait de jurisprudence que la question de l’interprétation d’un texte ne tiendrait pas à sa lettre, mais à sa systémique, c’est-à-dire à son objet. Ainsi, elle estime qu’en l’espèce, la systémique de la loi qui consisterait à vouloir « limiter à un certain âge le désavantage subi par les agents quant à leurs avancements bloqués » devrait pouvoir bénéficier aux agents qui, à un certain âge, subiraient un désavantage quant à leurs avancements retardés par l’effet d’une entrée plus tardive au service de l’Etat, après une carrière dans le privé dont les années auraient pourtant été reconnues au moment de leur entrée en service auprès de l’Etat.
La demanderesse fait encore relever que dans le cadre du supplément personnel de traitement pour les agents âgés de 55 ans, force serait d’admettre que les agents qui auraient commencé auprès de l’Archevêché, à un âge plus avancé, n’auraient, selon l’interprétation étatique, aucune chance d’en bénéficier avant l’âge de départ en retraite.
Elle rappelle que le supplément d’indemnité personnel aurait initialement été destiné à limiter à un certain âge le désavantage subi par les agents quant à leurs avancements bloqués par l’effet des limites prévues au niveau du nombre des emplois des différentes fonctions de l’ancien cadre fermé. La demanderesse fait finalement valoir que le dispositif, ayant été étendu à toutesles situations où l’agent accuserait un retard dans sa carrière, constituerait une discrimination en raison de l’âge.
En ce qui concerne les considérations supplémentaires développées dans le mémoire en réponse du délégué du gouvernement, la demanderesse reproche à la partie étatique d’avoir affirmé que l’admission au régime de pension des fonctionnaires de l’Etat ne lui attribuerait pas le statut de fonctionnaire, alors qu’elle estime que, dans son raisonnement juridique, il importerait peu si elle serait fonctionnaire ou non.
Elle réitère ensuite son argumentation selon laquelle il ressortirait de la lecture combinée des articles 8 et 9 de la loi du 25 mars 2015 que les périodes passées au service de l’Etat en qualité de stagiaire, sinon d’employé sous contrat déterminé, sinon en qualité de salarié, rentreraient dans le calcul de l’ancienneté, de sorte qu’il serait contradictoire de reconnaître l’ancienneté pour les droits à la pension à partir du début de stage, mais de ne calculer les bonifications d’ancienneté qu’à partir de la nomination définitive.
Quant à la situation de Madame .., la demanderesse verse une attestation testimoniale établie par cette dernière en date du 19 janvier 2023. Elle soutient que Madame … se serait fait reconnaître l’ensemble de ses années travaillées auprès de l’Archevêché par l’Etat, y compris « presque » l’entièreté de son année de stage, le stage ayant eu lieu pendant l’année académique 1982/1983. Ainsi, l’ancienneté que l’Etat aurait reconnu à cette dernière débuterait le 1er janvier 1983, de sorte que seulement trois mois de son année de stage n’auraient pas été reconnus.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 35 de la loi du 25 mars 2015 « L’employé de l’«Administration générale» classé au dernier grade de son sous-groupe d’indemnité défini aux articles 43 à 49 et qui a accompli au moins 20 années de service depuis le début de carrière, bénéficie à partir du premier jour du mois qui suit son cinquante-cinquième anniversaire d’un supplément d’indemnité personnel égal à la différence entre le dernier échelon barémique du grade de fin de carrière, y compris les allongements de grade prévus aux articles 43 à 49, et son indemnité actuelle. La présente disposition s’applique également aux employés des sous-groupes de l’enseignement classés au tableau « Enseignement (tableau indiciaire transitoire) » du point II de l’annexe.
Le supplément d’indemnité personnel diminue au fur et à mesure que l’indemnité augmente par l’effet de l’avancement en grade et en échelon.
Par grade de fin de carrière au sens des dispositions du présent article, il y a lieu d’entendre le grade du sous-groupe d’indemnité accessible à l’employé compte tenu des conditions d’examen prévues pour ce sous-groupe. Toutefois, le bénéfice du supplément d’indemnité personnel est réservé à l’employé ayant passé avec succès l’examen de carrière, sauf si la loi ne prévoit pas d’examen de carrière pour son sous-groupe d’indemnité ou que l’employé en a été dispensé en vertu d’une disposition légale. » Il ressort de la disposition légale précitée que l’agent âgé de 55 ans, en vue de bénéficier du supplément de traitement personnel prévu audit article, doit être classé au dernier grade de son sous-groupe d’indemnité défini aux articles 43 à 49 et doit avoir accompli au moins 20 années de service depuis le début de sa carrière, cette disposition étant également applicable aux employés des sous-groupes de l’enseignement classés au tableau « Enseignement (tableauindiciaire transitoire) » du point II de l’annexe.
Force est au tribunal de constater que la condition d’ancienneté de 20 années de service depuis le début de carrière est litigieuse en l’espèce, de sorte qu’il y a lieu d’en préciser la portée.
A cet égard, l’article 21, paragraphe (1), alinéa 2 de la loi du 25 mars 2015 précise que « Pour les employés, l’expression « début de carrière » se substitue à l’expression « nomination définitive ». ».
Ainsi, le début de carrière pour un employé de l’Etat coïncide avec la date à partir de laquelle la période d’initiation prend fin, autrement dit à partir de la fin de son stage, tel que cela ressort des travaux parlementaires afférents selon lesquelles « L’article 21 prévoit les dispositions applicables aux indemnités des employés au moment du début de leur carrière, date à laquelle la période de stage expire. »1.
Suite à la signature d’un contrat de louage de services à durée indéterminée signé en date du 14 septembre 2017, Madame (A) fut engagée en qualité de chargée de cours de la réserve des suppléants de l’enseignement fondamental avec effet au 15 septembre 2017 et conformément à l’article 24 de la loi du 2 août 2017 portant organisation de la reprise des enseignants de religion et des chargés de cours de religion, selon lequel « (…)(2) Il lui est tenu compte dans son entièreté du temps passé à exercer une tâche d’enseignement au service de l’enseignement public sous l’autorité de l’Archevêché. (…) », ses 10 années de service en tant qu’enseignante de religion sous l’autorité de l’Archevêché ont été entièrement prises en compte comme années de service passés auprès de l’Etat.
En effet, il n’est pas contesté que la demanderesse a été engagée auprès de l’Archevêché en date du 15 septembre 2006, date à laquelle son stage a débuté, pour se terminer en date du 15 septembre 2007, et ce grâce à une réduction de stage lui accordée par l’Archevêché en date du 28 avril 2008 avec effet au 15 septembre 2007.
Il s’ensuit que le début de carrière de Madame (A) auprès de l’Etat se situe au 1er octobre 2007, date qui n’est d’ailleurs pas contestée par cette dernière.
Suivant ces considérations, la date de début de carrière de Madame (A) est le 1er octobre 2007, Par conséquent, c’est à bon droit que le ministre a retenu que Madame (A) pourra se prévaloir de 20 années de service depuis le début de sa carrière à partir du 1er octobre 2027, au plus tôt.
Ainsi, à la date de la décision litigieuse du 5 juillet 2022, la demanderesse ne pouvait se prévaloir que de 14 années de service depuis le début de sa carrière auprès de l’Etat, de sorte à ne pas remplir ladite condition d’ancienneté prévue à l’article 35 de la loi du 25 mars 2015 lui permettant de bénéficier d’un supplément d’indemnité personnel à l’âge de 55 ans.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a refusé l’octroi à Madame (A) du supplément d’indemnité personnel prévu à l’article 35 de la loi du 25 mars 2015, faute pour cette dernière d’avoir remplie la condition d’ancienneté de service acquise auprès de l’Etat.
1 Doc. parl., n° 6465, Projet de loi, Commentaire des articles, p. 32.Ce constat n’est pas énervé par l’argumentation de la demanderesse ayant trait à une bonification d’ancienneté dont elle a pu bénéficier au moment de la fixation de son traitement initial auprès de l’Archevêché.
S’il est constant en cause pour ressortir des pièces soumises à l’examen du tribunal que Madame (A) a bénéficié d’une bonification d’ancienneté de 12 années pour la fixation de son traitement initial avec effet au 1er octobre 2007, date de début de sa carrière auprès de l’Archevêché et partant auprès de l’Etat, il n’en demeure pas moins que tant la bonification d’ancienneté que le point de départ fictif de la carrière d’un agent sont des éléments qui ont pour seule finalité la fixation du traitement initial dudit agent et ne sont pas à confondre avec l’ancienneté acquise au service de l’Etat, telle que requise dans l’article 35 de la loi du 25 mars 2015.
Il s’ensuit que ni une bonification d’ancienneté accordée, ni une date de départ fictive d’une carrière d’un agent ne sont de nature à influer sur l’ancienneté acquise au service de l’Etat, de sorte que l’argumentation afférente de la demanderesse est à rejeter pour manquer de fondement, étant encore précisé, à cet égard, que la demanderesse a d’ores et déjà eu droit à ladite bonification d’ancienneté, prévue à l’article 7 de la loi du 22 juin 1963, au moment de la fin de son stage, et ce dans les conditions applicables à cette époque, lui ayant permis de profiter d’une majoration de l’indemnité initiale.
Ainsi, comme seul le début de carrière au service de l’Etat est déterminant pour fixer le point de départ de l’ancienneté de 20 années de service nécessaire pour l’attribution à l’employé du supplément d’indemnité personnel à l’âge de 55 ans, prévu à l’article 35 de la loi du 25 mars 2015, l’affirmation de la demanderesse selon laquelle le ministre aurait dû prendre en compte la date de début de son stage comme point de départ de son ancienneté est également à rejeter pour manquer de fondement, au-delà du constat que même en rajoutant l’année de stage auprès de l’Archevêché, Madame (A) ne remplirait toujours pas la condition d’ancienneté de 20 ans.
Le même constat s’impose quant à l’affirmation de la demanderesse selon laquelle sa situation serait comparable à celle de Madame …, laquelle se serait vu attribuer le supplément d’indemnité personnel de l’article 35 de la loi du 25 mars 2015 depuis le mois de janvier 2018, dans la mesure où il résulte expressément de l’attestation testimoniale de Madame …, versée à l’appui du présent recours, que Madame … a commencé à travailler pour l’Archevêché à partir de l’année scolaire 1982/1983, de sorte que leur situation d’ancienneté est différente. Il échet encore de souligner qu’il n’est pas établi, contrairement aux dires de la demanderesse, que Madame … se serait vu reconnaître dans le calcul de son ancienneté de service acquise auprès de l’Etat, sa période de stage, cette affirmation de la partie demanderesse étant restée à l’état de pure allégation pour n’être soutenue par aucun élément tangible.
Quant à l’argumentation de Madame (A) tiré du régime de pension des fonctionnaires de l’Etat dont peuvent bénéficier les employés de l’Etat, conformément aux conditions et modalités prévues aux articles 8 et 9 de la loi du 25 mars 2015, force est de constater que si l’ancienneté pour les droits à la pension prend en compte différentes périodes passées au service de l’Etat, d’une commune ou de l’Armée, il n’en reste pas moins que cette ancienneté n’est pas à confondre avec celle prévue à l’article 35 de la même loi, les différents articles traitant tout simplement de différents droits, de sorte que les articles 8, 9 et 35 de la loi du 25 mars 2015 ne sauraient être considérés comme étant en contradiction les uns avec les autres.
Force est encore au tribunal de constater qu’il ressort des travaux parlementaires relatifs à la loi du 25 mars 2015 que la volonté du législateur était celle de faire bénéficier du supplémentd’indemnité personnel à l’âge de 55 ans les agents remplissant « la condition d’une ancienneté de service d’au moins 20 années de grade dans le sous-groupe d’indemnité dans lequel est classé l’employé, et il n’est prévu que dans le dernier grade »2. Or, si la demanderesse critique la finalité du supplément d’indemnité personnel de l’article 35 de la loi du 25 mars 2015 en la qualifiant de discrimination en raison de l’âge, force est cependant de retenir qu’aucune discrimination en raison de l’âge ne saurait être entrevue ni dans les termes de la loi, mais dans la seule hypothèse d’une entrée tardive au service de l’Etat d’un agent, étant encore relevé que l’époque à laquelle un agent se fait engager auprès de l’Etat constitue le seul fait de l’agent en question et ne saurait être imputable à l’Etat.
Il s’ensuit, au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, que le recours sous analyse est à rejeter pour être non fondé, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant, notamment sur les considérations supplémentaires formulées par le délégué du gouvernement quant à la contestation du statut de fonctionnaire de la demanderesse, considérations superfétatoires quant au fond du litige.
S’agissant finalement de la demande en communication du dossier administratif formulée par la demanderesse sur base de l’article 8, paragraphe (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée « la loi du 21 juin 1999 »,exclusivement dans le dispositif de sa requête introductive d’instance, le tribunal constate que la partie étatique a déposé ensemble avec son mémoire en réponse, une farde de pièces correspondant a priori au dossier administratif. A défaut pour la demanderesse de remettre en question le caractère complet du dossier mis à sa disposition à travers le mémoire en réponse, sa demande en communication du dossier administratif est à rejeter comme étant devenue sans objet.
Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros, telle que sollicitée par la demanderesse sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en communication du dossier administratif ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la demanderesse ;
condamne la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 mai 2025 par :
2 Doc. parl., n° 6465, Projet de loi, Commentaire des articles, p. 35.Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 12