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15/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52725

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 mai 2025, 52725


Tribunal administratif N° 52725 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52725 2e chambre Inscrit le 18 avril 2025 Audience publique du 15 mai 2025 Recours formé par Madame (A), …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52725 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2025 par Maître Françoise NSAN-NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom

de Madame (A), déclarant être née le … à … (Cameroun) agissant tant en son nom ...

Tribunal administratif N° 52725 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52725 2e chambre Inscrit le 18 avril 2025 Audience publique du 15 mai 2025 Recours formé par Madame (A), …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52725 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2025 par Maître Françoise NSAN-NWET, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), déclarant être née le … à … (Cameroun) agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de sa fille mineure (B), née le … à … (Grèce), toutes les deux de nationalité camerounaise, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 4 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à ces demandes de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Fideline BILOA BIBI, en remplacement de Maître Françoise NSAN-NWET, et Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 mai 2025.

Le 24 août 2023, Madame (A), introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », pour son propre compte ainsi que pour le compte de sa fille mineure (B), ensemble désignées ci-après par « les consorts (AB) ».

Le même jour, elle fut entendue par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

1Une recherche effectuée à la même date dans la base de données EURODAC révéla que l’intéressée avait auparavant introduit des demandes de protection internationale en Grèce le 16 janvier 2019 et en France le 11 septembre 2020.

Le 25 août 2023, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le 30 août 2023, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues français une demande de reprise en charge de Madame (A) et de son enfant mineur sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par ces derniers par courrier du 10 septembre 2023 transmis par courrier électronique envoyé le lendemain.

Par décision du 8 janvier 2024, notifiée à l’intéressée en mains propres le même jour, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre » informa Madame (A) que le Grand-Duché de Luxembourg n’examinerait pas sa demande de protection internationale et qu’elle serait, ensemble avec sa fille, transférée vers la France, Etat membre responsable pour examiner sa demande de protection internationale, ledit ministre invoquant plus particulièrement les dispositions de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III.

Par jugement du tribunal administratif du 4 mars 2024, inscrit sous le numéro 50041 du rôle, Madame (A) fut déboutée de son recours contentieux introduit le 9 février 2024 à l’encontre de la décision ministérielle, prémentionnée, du 8 janvier 2024.

Par courrier du 27 décembre 2024, le ministre informa Madame (A) du fait que le Grand-Duché de Luxembourg était devenu responsable pour l’examen de sa demande de protection internationale introduite le 28 août 2023, en vertu des dispositions de l’article 29, paragraphe (2) du règlement Dublin III.

Par décision du 4 avril 2025, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé envoyé le même jour, le ministre informa Madame (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale, ainsi que sur celle introduite au nom de son enfant (B), dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et que leurs demandes avait été refusées comme non fondées, tout en leur enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] En date du 24 août 2023, vous avez introduit des demandes de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») pour votre compte ainsi que pour celui de votre fille mineure, (B), née le … à … en Grèce, de nationalité camerounaise.

2Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort de votre dossier administratif et plus précisément du résultat des recherches effectuées dans la base de données « Eurodac » le jour de l'introduction de vos demandes que vous avez introduit des demandes de protection internationale en Grèce en date du 16 janvier 2019, respectivement en France en date du 11 septembre 2020. Selon vos dires, vous auriez renoncé à vos demandes en Grèce, respectivement les autorités grecques ne vous auraient pas fourni une réponse. Quant à vos demandes introduites en France, elles auraient été rejetées, tout comme le recours y introduit.

Un entretien « Dublin III» a été mené en date du 25 août 2023 afin de déterminer l'Etat responsable pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Partant, une demande de prise en charge en vertu de l'article 18(1) du règlement Dublin III a été adressée par les autorités luxembourgeoises en date du 30 août 2023 aux autorités françaises, demande qui fut acceptée en date du 10 septembre 2023.

Vous vous êtes ensuite vu notifier une décision de transfert en date du 26 janvier 2024, décision contre laquelle vous avez introduit un recours devant le Tribunal administratif, déposé par le biais de Maître Fideline BILOA BIBI, en remplacement de Maître Françoise NSAN-

NWET, en date du 9 février 2024. Le 4 mars 2024, le Juge a déclaré le recours non justifié.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de vos demandes de protection internationale Madame, vous déclarez être de nationalité camerounaise, d'ethnie Bamiliké, de confession chrétienne et être né le … à …. Quant à votre fille mineure, (B) est née le … à … en Grèce et elle est également de nationalité camerounaise.

Quant à vos craintes et celles de votre fille en cas de retour au Cameroun, vous déclarez « je ne sais pas » (p.13/16 de votre rapport d'entretien).

Dans ce contexte, vous expliquez notamment avoir introduit des demandes de protection internationale en raison du fait que « c'est la loi […] je suis entré [sic] illégalement sur le territoire, donc, il fallait que j'aille demander la protection » (p.12/16 de votre rapport d'entretien).

Vous ajoutez par ailleurs avoir été victime de violences conjugales que vous auriez subies de la part de votre ex-conjoint « (C) ». Lors d'une altercation en 2017, vous l'auriez notamment « frappé à mort » et ensuite, « il s'est retrouvé par terre, il a agonisé, donc il a promis de m'envoyer à la morgue, de me tuer » (p.13/16 de votre rapport d'entretien) ou en prison (selon votre fiche de motifs de fuite).

Selon vos dires, vous auriez quitté le Cameroun une première fois en juin 2017 et auriez ensuite résidé au Tchad pendant environ cinq mois. Vous seriez retournée au Cameroun fin 2017 afin de procéder au renouvellement de votre passeport et de faire une demande en vue 3d'obtenir un visa turc auprès de l'ambassade. Finalement, vous auriez définitivement quitté le Cameroun en été 2018.

A l'appui de vos demandes de protection internationale, vous ne présentez aucun document d'identité, sinon de voyage, respectivement aucun autre document permettant d'étayer vos déclarations. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 avril 2025, Madame (A), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour compte de sa fille mineure (B), a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du 4 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 4 avril 2025, telles que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui de son recours et en fait, Madame (A) explique avoir été contrainte de fuir son pays d’origine, le Cameroun, en raison de maltraitances conjugales graves et du manque de soutien apporté par les autorités en la matière. Tout en s’appuyant sur un rapport rendu en 2022 par l’organisation internationale « … » selon lequel « la violence conjugale [serait] un problème endémique » et qu’« [a]ucune législation n’érige[rait] spécifiquement en infraction la violence conjugale ou ne prévoi[rait] de mesures préventives ou pour promouvoir la protection des survivantes », elle expose qu’elle aurait quitté le Cameroun en 2017 pour se rendue en Turquie avant d’embarquer, tout en étant malade et enceinte, sur un bateau vers la Grèce. Après avoir été sauvée en mer par les forces armées du pays, elle explique avoir donné naissance à sa fille (B) à …, le …, et qu’après un bref passage en France, elle serait arrivée au Luxembourg en 2023 pour y rejoindre le père de son enfant.

En droit et quant à la décision du ministre de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, Madame (A), après avoir cité les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, fait valoir qu’il serait évident qu’en raisons des violences domestiques qu’elle aurait subies et du traumatisme qu’elle aurait vécu, ensemble avec sa fille, en raison des nombreuses tentatives infructueuses de la transférer vers la France, les réponses quant aux motifs invoqués au soutien de sa demande de protection internationale lors de son audition ministérielle, auraient pu apparaître comme succinctes, tout en faisant, dans ce contexte, valoir que lesdites réponses feraient suite aux questions lacunaires posées par l’agent lors de ladite audition. Elle donne, à cet égard, à considérer qu’il aurait été plus judicieux de creuser plus amplement les réponses données lors dudit entretien relatives aux circonstances de fait ayant entouré sa fuite, alors que 4les questions lui posées auraient concerné presque exclusivement sa fille (B) et sa relation avec son père. Elle en conclut que l’autorité compétente aurait fait une interprétation erronée des faits de l’espèce et se serait abstenue d’examiner sa situation particulière en écartant, dans son chef, l’existence d’une crainte fondée de persécution au sens de la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, désignée ci-après par « la Convention de Genève » et de la loi du 18 décembre 2015, tout en donnant à considérer que selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ci-après désigné par l’ « UNHCR », dont les recommandations convergeraient avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (« CJUE »), le principe du bénéfice du doute serait absolument crucial dans le cadre de l’examen d’une demande de protection internationale et que ledit principe « allows the decisionmaker to reach a clear conclusion to accept an accepted material fact as credible even though there may be no other evidence to support the fact. ». Madame (A) avance que le même rapport de l’UNHCR soulignerait que les traumatismes vécus pourraient affecter la façon dont un demandeur de protection internationale présenterait son récit qui pourrait contenir un certain degré d’incohérences, sans qu’il ne puisse en être conclu que le récit en question serait essentiellement faux. Elle ajoute, dans ce contexte, que dans son « guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés », l’UNHCR indiquerait que « Très souvent, le processus d'établissement des faits ne sera achevé que lorsque la lumière aura été faite sur tout un ensemble de circonstances. Le fait de considérer certains incidents isolément hors de leur contexte peut conduire à des erreurs d’appréciation (…) », tout en faisant valoir que, contrairement aux recommandations et critères énoncés ci-avant, le ministre aurait, dans le cas d’espèce, pris chaque élément de son récit isolément et aurait omis de faire une analyse globale de sa situation.

Madame (A), tout en s’appuyant, à cet égard, sur un arrêt C-621/21 rendu le 16 janvier 2024 par la CJUE, avance que les femmes victimes de violences domestiques fondées sur le genre seraient susceptibles d’obtenir une protection internationale dès lors que les autorités de leur pays d’origine sont dans l’incapacité de leur procurer une protection adéquate, tout en donnant à considérer que sa situation personnelle n’aurait pas fait l’objet d’une analyse par l’autorité étatique, de sort que la pertinence des éléments qu’elle aurait communiqués ne saurait être remise en question.

Quant au refus relatif à l’octroi d’une protection internationale, Madame (A) estime avoir détaillé à suffisance l’existence de sa vulnérabilité sociale en sa qualité de femme et de son incapacité « compte tenu de cet état », de se protéger contre les violences domestiques qu’elle aurait subies tout en précisant qu’elle craindrait de subir des représailles suite à sa tentative de se protéger contre les violences domestiques que lui aurait infligées son ex-

compagnon.

Tout en s’appuyant sur l’article 60, paragraphe 2 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, faite à Istanbul, le 11 mai 2011, ci-après désignée par la « Convention d’Istanbul », Madame (A) reproche au ministre de ne pas avoir pris en compte le risque accru qu’elle courrait d’être victime de violences en raison de son genre et de ne pas avoir recherché si sa situation personnelle relèverait effectivement de la protection voulue par la Convention d’Istanbul, alors que ce dernier aurait purement et simplement rejeté ses peurs en relativisant son vécu. Elle reproche, à cet égard, encore au ministre d’avoir omis d’évoquer une quelconque violence fondée sur le genre, tout en donnant à considérer que la position adoptée par l’autorité étatique démontrerait à suffisance l’absence d’une analyse par rapport au besoin de protection qu’elle nécessiterait en raison des violences domestiques qu’elle aurait subies.

5 Après avoir cité l’article 2 de la Convention d’Istanbul, Madame (A) donne à considérer que les menaces et les craintes qu’elle aurait avancées reposeraient essentiellement et manifestement sur son genre, alors que les violences domestiques subies de même que l’absence de protection des autorités camerounaises des femmes « dans ce types de dossiers », revêtiraient un caractère de gravité suffisant pour constituer une crainte légitime dans son chef et auraient justifié une analyse plus approfondie de la part de l’autorité étatique. Elle ajoute, dans ce contexte, que les actes de violence lui ayant été infligés pour la seule et unique raison qu’elle serait une femme, constitueraient de facto une persécution fondée sur le genre qui justifierait un besoin de protection, tout en ajoutant que le droit à la vie, ainsi que celui de ne pas subir de traitements inhumains et dégradants seraient prévus par les articles 2 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, désignée ci-

après par « la CEDH ».

Etant donné que la deuxième condition pour pouvoir prétendre au statut de la protection internationale n’aurait pas été analysée par le ministre alors même qu’elle serait remplie en l’espèce, il y aurait lieu de réformer la décision ministérielle déférée.

En ce qui concerne le refus par rapport à l’octroi de la protection subsidiaire, Madame (A) soutient que sa situation personnelle telle qu’exposée par elle lors de son audition tomberait dans le champ d’application de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 dès lors que les actes de persécutions subis par elle cadreraient avec le point b) contenu dans le prédit article.

Elle ajoute que l’article 3 de la CEDH instaurerait par ailleurs une obligation positive à la charge des États membres, de protéger les personnes devant être expulsées de leurs territoires contre le risque de subir des actes de torture ou des mauvais traitements contraires à cette disposition. Compte tenu de sa situation personnelle et de son genre, la demanderesse estime qu’elle ne pourra pas trouver refuge auprès des autorités de son pays et qu’elle risquerait d’y faire l’objet de traitements contraires à l’article 3 de la CEDH.

Concernant l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision litigieuse, la demanderesse donne à considérer que son éloignement vers le Cameroun constituerait une violation manifeste de l’article 3 de la CEDH, de sorte que la prédite décision serait à réformer.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours en ses trois volets.

Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer. », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

6Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par les demanderesses à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

1) Quant à la décision du ministre de statuer sur les demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée A titre liminaire, la soussignée est amenée à rejeter les reproches formulés par Madame (A) suivant lesquels l’examen des demandes de protection internationale résulterait d’une interprétation erronée des éléments invoqués à l’appui des prédites demandes, alors que l’agent ministériel en charge de son entretien aurait posé des « questions lacunaires », respectivement que le ministre aurait « pris chaque élément [de son] récit isolément, se gardant soigneusement de faire une analyse globale de [sa] situation ». En effet, il ressort du rapport d’audition de Madame (A) que celle-ci a été invitée à exposer les raisons pour lesquelles elle avait sollicité une protection internationale au Luxembourg, ainsi que les raisons de son départ de son pays d’origine, l’agent ministériel chargé de son audition l’ayant plus particulièrement interrogée sur les problèmes qu’elle aurait personnellement rencontrés au Cameroun, ainsi que sur les persécutions et atteintes graves qu’elle y aurait subies. Le ministre a, quant à lui, ensuite procédé à un examen approprié en fait et en droit des déclarations faites par Madame (A) au cours de son audition en motivant tant sa décision de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale en question dans le cadre d’une procédure accélérée que celle portant refus desdites demandes.

Quant au fond, la soussignée relève que la décision ministérielle de statuer sur les demandes de protection internationale des consorts (AB) dans le cadre d’une procédure accélérée est fondée sur les dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquels « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.

7 Afin d’analyser si les consorts (AB) n’ont soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’ils remplissent les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il échet de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1)1 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 392 et 403 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le 1 « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

2 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être : a) l’Etat ; b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ; c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

3 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par : a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire. (2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».

8pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. L’article 2, point g), précité, définit également la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 ». Cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les persécutions ou les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas.

Par ailleurs, il y a lieu de préciser que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire relève de l’absence de protection dans le pays d’origine au sens des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015 et que le demandeur doit fournir à cet égard la preuve que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Il échet également de relever que la Convention d’Istanbul et notamment ses dispositions qui incriminent la violence physique, l’excision et le mariage forcé à l’encontre 9des femmes, et à travers laquelle les Etats signataires se sont engagés à adopter un cadre légal susceptible de prendre en compte la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre comme forme de persécution, respectivement comme préjudice grave donnant lieu à une protection subsidiaire, ne confère pas un droit autonome et automatique à l’obtention du statut de réfugié à toute femme se prévalant de violences domestiques, mais il appartient au ministre et par la suite au juge administratif de procéder à une analyse au cas par cas et ce au regard des conditions de la Convention de Genève.4 En l’espèce, indépendamment de la qualification des faits invoqués, l’examen des déclarations faites par Madame (A) lors de son audition, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène la soussignée à conclure qu’elle reste manifestement en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015.

En effet, le tribunal rejoint le ministre dans son constat selon lequel le comportement de Madame (A) n’est pas celui d’une personne qui se sent réellement en danger dans son pays d’origine. Force est, dans ce contexte, de relever que la demanderesse explique, de manière vague et non circonscrite, avoir subi, en 2017, des violences conjugales par son ex-conjoint au Cameroun, un dénommé (C), tout en ajoutant qu’après avoir frappé ce dernier lors d’une bagarre, celui-ci l’aurait menacée en lui promettant de « l’envoyer à la morgue, de [la] tuer » 5. Elle précise, dans ce contexte, avoir quitté le Cameroun vers « mi-2017 », y être revenue « fin 2017 » et être repartie « vers juillet, août 2018 », de sorte qu’il est constant en cause qu’après avoir quitté son pays d’origine une première fois en 2017, Madame (A) est retournée au Cameroun l’année d’après et a pu se maintenir sur le territoire du prédit pays pendant plusieurs mois, sans être à nouveau exposée à la moindre violence ou menace de la part de son ex-

conjoint6. Il y a, dans ce contexte, encore lieu de relever que confrontée à la question de savoir pourquoi elle ne s’était pas installée dans une autre région ou une autre ville de son pays d’origine, la demanderesse a répondue de manière vague « [j]e ne sais vraiment pas, je peux pas vous dire ça, j’y ai pas pensé. »7.

A ceci s’ajoute que les faits relatés par Madame (A) remontent à l’année 2017, soit à plus de sept ans. Etant donné que la demanderesse a elle-même, de manière non équivoque, affirmé, dans le cadre de son entretien ministériel, qu’elle ne serait plus en couple avec le dénommée (C) qui serait son « ancien concubin 8», les faits s’étant produits en 2017 sont par conséquent trop éloignés dans le temps pour justifier, à eux seuls, l’octroi d’une protection internationale, étant, à cet égard, ajouté que Madame (A) n’a pas fait état d’un autre événement qui laisserait penser qu’elle sera à nouveau exposée à de telles violences ou menaces de la part de son ex-conjoint en cas de retour dans son pays d’origine. Ce constat est corroboré par le fait que Madame (A), confrontée à la question de savoir « [q]ue craignez-vous concrètement en cas de retour dans votre pays d’origine ? », y a répondu « [j]e ne sais pas. »9.

4 Voir notamment Trib. adm., 19 octobre 2020, n° 42799 du rôle, confirmé par arrêt de la Cour adm., 4 février 2021, n° 45229C du rôle, Pas. adm. 2024, Etrangers, n°210.

5 Page 13 du rapport d’entretien ministériel de la demanderesse.

6 Page 3 du rapport d’entretien ministériel de la demanderesse.

7 Page 14 du rapport d’entretien ministériel de la demanderesse.

8 Page 2 du rapport d’entretien ministériel de la demanderesse.

9 Page 14 du rapport d’entretien ministériel de la demanderesse.

10Force est ensuite de relever que l’auteur des agissements dont Madame (A) déclare avoir été victime au Cameroun, à savoir son ex-concubin, est une personne privée, sans lien avec l’Etat. Elle ne peut dès lors faire valoir une crainte fondée d’être persécuté, respectivement un risque réel de subir des atteintes graves que si les autorités camerounaises ne veulent ou ne peuvent pas lui fournir une protection effective contre les agissements dont elle fait état, en application de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, ou s’il a de bonnes raisons de ne pas vouloir se réclamer de la protection des autorités de son pays d’origine.

En effet, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut10.

Or, force est de constater que Madame (A) n’a jamais dénoncé son agresseur auprès de la police camerounaise, respectivement auprès d’une autre autorité de son pays d’origine. En effet, à la question de l’agent ministériel de savoir si Madame (A) a déposé une plainte auprès d’une autorité, celle-ci a répondu sans équivoque par la négative11. La soussignée relève, à cet égard, que si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a pas tenté lui-même formellement d’obtenir une telle protection. Or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence d’actes physiques ou mentaux, communément la forme d’une plainte. Ainsi, à défaut d’avoir déposé une plainte, Madame (A) ne saurait reprocher aux autorités camerounaises compétentes une absence de protection contre les agissements de son ex-concubin.

Dès lors, la soussignée est amenée à conclure que les consorts (AB) n’ont manifestement pas établi un défaut de protection de la part des autorités étatiques camerounaises, de sorte qu’au moins l’une des conditions d’octroi du statut de réfugié et du statut conféré par la protection subsidiaire ne se trouve manifestement pas remplie dans leur chef.

Cette conclusion n’est pas énervée par le rapport rendu en 2022 par l’organisation internationale « … », prémentionné, dont les demanderesses se prévalent pour faire valoir une absence, voire une insuffisance de protection de la part des autorités camerounaises à l’égard de femmes victimes de violences conjugales. Si le prédit rapport - outre le fait de dater de 2022, de sorte que les informations y contenues ne reflètent plus nécessairement la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle au Cameroun - indique « qu’aucune législation n’érige spécifiquement en infraction la violence conjugale ou ne prévoit de mesures préventives ou pour promouvoir la protection des survivantes », il n’est cependant pas de nature à établir un défaut de protection généralisé de la part de l’Etat camerounais contre de tels agissements, voire une incapacité des autorités en place de protéger les victimes de violences domestiques, étant à cet égard, relevé qu’il ressort des explications de la partie étatique que le code pénal camerounais érige en infraction les menaces proférées et les violences commises à l’encontre d’autrui.

10 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

11 Page 14 du rapport d’entretien ministériel de la demanderesse.

11 Il suit des considérations qui précèdent que le recours des consorts (AB) dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser leurs demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’elles ont présentés pour établir que les faits soulevés à la base de leurs demandes de protection internationale ne seraient pas dépourvus de pertinence, sont visiblement dénués de tout fondement.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

2) Quant à la décision de refus d’accorder une protection internationale Force est de rappeler que la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur les demandes de protection internationale en question dans le cadre d’une procédure accélérée, que les demanderesses sont restées en défaut de présenter des faits suffisamment pertinents pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, que ce soit au statut de réfugié ou à celui conféré par la protection subsidiaire.

Or, la soussignée, au niveau de la décision au fond du ministre de refuser les demandes de protection internationale, ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et moyens invoqués par les demanderesses à l’appui de leurs demandes en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de l’audition de Madame (A), ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que celles-ci ne remplissent manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours contre les décisions de refus d’un statut de protection internationale est également à déclarer comme manifestement infondé et les demanderesses sont à débouter de leurs demandes de protection internationale.

3) Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant ordre de quitter le territoire Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, la soussignée relève qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné qu’il vient d’être retenu que le recours dirigé contre la décision du ministre portant rejet des demandes de protection internationale des consorts (AB) est manifestement infondé et qu’un retour dans leur pays d’origine ne les expose dès lors ni à des actes de persécution ni à des atteintes graves, de sorte qu’il n’est pas non plus démontré en l’espèce que 12les demanderesses risqueraient d’y subir des actes de torture ou des mauvais traitements, le ministre a valablement pu assortir sa décision de refus d’un ordre de quitter le territoire, sans violer les dispositions de l’article 3 de la CEDH.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 4 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé des demandes de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi du statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute les demanderesses de leurs demandes de protection internationale ;

condamne les demanderesses aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 mai 2025 par la soussignée, Caroline Weyland, premier juge du tribunal administratif, en remplacement du président de la deuxième chambre du tribunal administratif, en présence du greffier Shania Hames.

s. Shania Hames s. Caroline Weyland 13


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52725
Date de la décision : 15/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-15;52725 ?

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