Tribunal administratif No 47869 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:TADM:2025:47869 4e chambre Inscrit le 26 août 2022 Audience publique du 13 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre de la Sécurité intérieure en matière de traitement
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 47869 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 août 2022 par Maître Pol URBANY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l'annulation 1) de la décision du ministre de la Sécurité intérieure du 27 mai 2022 portant rejet de sa demande d’avancement en traitement avant le 1er octobre 2019, de sa demande d’une prime de régime militaire de 35 points indiciaires et d’une prime d’astreinte de 22 points indiciaires, ainsi que de sa demande en obtention d’un supplément personnel de traitement, de même que 2) pour autant que de besoin, de la décision implicite de refus du même ministre quant aux points de sa demande du 24 février 2022 auxquels la décision du 27 mai 2022 n’aurait pas répondu ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 décembre 2022 ;
Vu le mémoire en réplique de Maître Pol URBANY déposé au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2023 pour le compte de son mandant ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 février 2023 ;
Vu les pièces versées en cause, et notamment les décisions critiquées ;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Guillaume VAYSSE, en remplacement de Maître Pol URBANY, et Monsieur le délégué du gouvernement Daniel RUPPERT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 décembre 2024.
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Par arrêté ministériel du 6 décembre 2019, Monsieur (A), fonctionnaire du groupe de traitement C1 du cadre policier depuis le 20 septembre 2009, après sa réussite à l’examen concours d’admission à la carrière des fonctionnaires du groupe de traitement B1 du cadre policier, fut nommé audit groupe de traitement avec effet au 1er octobre 2019.
Par courrier du 24 février 2022, Monsieur (A) sollicita du ministre de la Sécurité intérieure, ci-après désigné par « le ministre », un avancement en traitement avant le 1er octobre 2019, l’octroi d’une prime de régime militaire de 35 points indiciaires et d’une prime 1d’astreinte de 22 points indiciaires, ainsi que l’obtention d’un supplément personnel de traitement.
Par décision du 27 mai 2022, le ministre rejeta toutes les demandes de Monsieur (A) formulées dans son courrier, précité, du 24 février 2022, sur base des motifs et considérations suivants :
« (…) En main votre courrier du 24 février 2022, entré au cabinet ministériel le 28 février 2022 par l'intermédiaire de Maître Pol URBANY, dans le cadre duquel vous demandez l'obtention, en premier lieu, d'un avancement en traitement, en deuxième lieu, de l'application d'une prime de régime militaire de 35 points et d'une prime d'astreinte de 22 points et en dernier lieu, d'un supplément personnel en traitement.
1) Quant à votre demande en obtention d'un avancement en traitement En ce qui concerne la demande en obtention d'un avancement en traitement, vous soutenez que vos collègues de travail ayant la même ancienneté que vous auraient bénéficié d'un grade de traitement plus favorable. Vous indiquez donc qu'au même titre qu'eux, vous auriez dû accéder au grade de traitement F4, échelon 9 à 226 points indiciaires en septembre 2019.
A supposer que vous remplissiez les conditions pour être promu au grade F4, échelon 9 en septembre 2019, une telle promotion n'aurait eu aucun impact financier, étant donné que, conformément à l'article 6 de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires de l'Etat, ci-après la « loi de 2015 », le traitement est dû à partir du premier jour du mois qui suit celui pendant lequel a lieu la promotion, donc en l'occurrence le 1er octobre 2019 :
« Art. 6. (1) Le traitement est dû à partir du premier jour du mois qui suit celui pendant lequel a lieu l'entrée en fonctions du fonctionnaire. Toutefois, si l'entrée en fonctions a lieu le premier jour ouvrable du mois, le traitement est dû pour le mois entier. (…) (3) Les dispositions du paragraphe 1er s'appliquent également en cas d'avancement en échelon, d'avancement en traitement et de promotion. (…) » Etant donné que vous avez réussi à l'examen-concours pour accéder au groupe de traitement B1 et que votre nomination à ce nouveau groupe de traitement est intervenue avec effet au 1er octobre 2019, une telle promotion aurait dès lors uniquement eu une valeur symbolique.
Partant, les conséquences financières de votre nomination au grade F4, échelon 9 auraient commencé à jouer le 1er octobre 2019, donc à la même date que votre nomination au grade F6 du groupe de traitement B1.
L'éventuel supplément personnel de traitement que vous pouviez recevoir aurait donc été identique même si vous aviez été promu au grade F4, échelon 9. Ce supplément est en effet calculé par rapport au traitement touché pour le mois de septembre 2019, à savoir celui que vous avez touché au moment où vous étiez classé au grade F4, échelon 8.
Il résulte de ce qui précède que le fait que vous n'ayez pas été promu au grade F4, échelon 9 n'a aucun impact sur votre situation financière.
22) Quant à votre demande d'application d'une prime de régime militaire de 35 points indiciaires et d'une prime d'astreinte de 22 points indiciaires Concernant votre demande d'application d'une prime de régime militaire de 35 points indiciaires et d'une prime d'astreinte de 22 points indiciaires, vous soutenez qu'après avoir accédé au groupe de traitement B1, vous ne touchez plus qu'une prime de régime militaire de 15 points indiciaires et une prime d'astreinte de 12 points indiciaires.
Or, pour les agents de la Police issus de la catégorie de traitement B, les articles 22 et 23 de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires de l'Etat fixent respectivement la hauteur de la prime d'astreinte à 12 points indiciaires et celle de la prime de régime militaire à 15 points indiciaires.
Ainsi, en appliquant à votre égard ces primes à la hauteur indiquée, toutes les dispositions légales en vigueur ont été respectées.
3) Quant à votre demande d'application d'un supplément personnel en traitement Enfin, concernant votre demande d'application d'un supplément personnel en traitement, vous soutenez que vos collègues de travail ayant la même ancienneté que vous, mais qui évoluent dans le groupe de traitement C1, toucheraient, depuis le 1er octobre 2020, un traitement (traitement de base, y compris les primes de régime militaire et d'astreinte) plus important que le vôtre et vous demandez ainsi un supplément sur base de l'article 66, paragraphe 2 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale.
Le supplément personnel de traitement est calculé par rapport à la différence entre le traitement que vous touchez au moment de votre nomination au groupe de traitement B1 et votre traitement antérieurement perçu avant votre nomination au 1er octobre 2019.
Le raisonnement de comparer mensuellement la différence de traitement entre ce que vous auriez touché si vous aviez continué à évoluer dans le groupe de traitement C1 et ce que vous touchez actuellement est manifestement erroné. Il ressort du commentaire de l'article 77 (devenu l'article 66) du projet de loi n°7045 que « Le paragraphe 2 de cet article leur accorde un complément personnel en traitement au cas où leur nouveau traitement serait inférieur à celui qu'ils avaient avant le changement de groupe de traitement ».
Vous n'êtes d'ailleurs pas sans savoir que, de manière générale, vos perspectives de carrière dans le groupe de traitement B1 sont beaucoup plus favorables que celles dans le groupe de traitement C1. En effet, le niveau supérieur du groupe de traitement B1 comprend les grades F10, F11 et F12, dont le dernier échelon s'élève à 470 points indiciaires, alors que le niveau supérieur du groupe de traitement C1 comprend les grades F5, F6 et F7 dont le dernier échelon s'élève à 346 points indiciaires.
La perspective de carrière se chiffre de la façon suivante :
- un policier du groupe de traitement C1 qui se trouve au dernier échelon du dernier grade touche un traitement de base brut mensuel de 7.335,29 €;
3- un policier du groupe de traitement B1 qui se trouve au dernier échelon du dernier grade touche un traitement de base brut mensuel de 9.964,20 €.
La différence de traitement s'élève donc à 2.628,91 € par mois.
Vous conviendrez qu'il est pour le moins étonnant que vous vous sentiez lésé par rapport à vos collègues du groupe de traitement C1, alors que votre perspective de carrière est manifestement plus favorable dans le groupe de traitement B1 que si vous étiez resté dans le groupe de traitement C1.
Au vu de ces considérations, et dans la mesure où les dispositions légales applicables ont été parfaitement respectées, je ne peux faire droit à vos demandes introduites par l'intermédiaire de votre mandataire. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 août 2022, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du ministre du 27 mai 2022, ainsi que, pour autant que de besoin, de la décision implicite de refus du même ministre quant aux points de sa demande du 24 février 2022 auxquels la décision du 27 mai 2022 n’aurait pas répondu.
Le tribunal doit d’emblée constater, tel que soulevé d’office à l’audience des plaidoiries, que la demande de Monsieur (A) visait uniquement un avancement en traitement avant le 1er octobre 2019, l’octroi d’une prime de régime militaire de 35 points indiciaires et d’une prime d’astreinte de 22 points indiciaires, ainsi que l’obtention d’un supplément personnel de traitement, demandes par rapport auxquelles la décision déférée véhicule un refus, de sorte qu’il n’existe aucune décision implicite de refus du ministre, lequel a expressément pris position sur toutes les demandes lui soumises, de sorte que le recours sous examen se limite partant à la seule décision du 27 mai 2022. Ce constat est nécessairement sous-entendu par le demandeur du fait d’avoir introduit le présent recours « (…) pour autant que de besoin (…) » contre une décision implicite de refus non autrement précisée.
Le recours contre une décision implicite de refus est dès lors à déclarer irrecevable faute d’objet.
Aux termes de l’article 26 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désignée par « le statut général », « Les contestations auxquelles donneront lieu les décisions relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments des fonctionnaires de l’Etat sont de la compétence du Tribunal administratif, statuant comme juge du fond. ».
Dans la mesure où la décision déférée a trait au traitement – Monsieur (A) sollicitant tant un avancement en grade à une date antérieure à celui effectivement retenu que l’octroi d’un supplément personnel en traitement -, ainsi qu’aux accessoires du traitement de Monsieur (A), en l’occurrence le montant des primes d’astreinte et de régime militaire lui allouées, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours principal en réformation Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation y relatif.
Etant donné que, dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du recours en ce qui concerne le délai et 4la forme, force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.
Dès lors, étant donné que la partie gouvernementale est restée en défaut de préciser dans quelle mesure le recours serait irrecevable quant à la forme, respectivement quant au délai, les moyens d’irrecevabilité afférents encourent le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.
Il suit de ces considérations que le recours en réformation afférent est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur, outre de passer en revue les rétroactes cités ci-avant, retrace son parcours scolaire et professionnel en relevant plus particulièrement avoir été assermenté et nommé au grade d'inspecteur-adjoint avec effet au 20 septembre 2009 et d’être devenu officier de police judiciaire le 26 février 2016, suite à la réussite de l’examen de promotion de la carrière de l’inspecteur de police en avril 2016.
Après avoir réussi l'examen-concours d'admission à la carrière des fonctionnaires du groupe de traitement B1 du cadre policier, le demandeur rappelle avoir été nommé au groupe de traitement B1 du cadre policier de la police grand-ducale avec effet au 1er octobre 2019, son accession au grade de fonction de commissaire datant du 1er août 2018 avec l’entrée en vigueur de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la police grand-ducale, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 ».
Le demandeur fait encore valoir qu’avant son changement de groupe de traitement, il aurait été classé, en septembre 2019, dans le groupe de traitement C1, au grade de traitement F4, échelon 8 à 217 points indiciaires, tout en touchant une prime d’astreinte de 22 points indiciaires, ainsi qu’une prime de régime militaire de 35 points indiciaires, soit un total de 274 points indiciaires. Il précise encore, dans ce cadre, que ses collègues de travail, ayant la même ancienneté que lui, auraient évolué dans le groupe de traitement C1, au grade de traitement F4, échelon 9 à 226 points indiciaires, de sorte à toucher, avec les prédites primes, une rémunération totale de 283 points indiciaires.
Suite à son reclassement dans le groupe de traitement B1, il serait passé, le 1er octobre 2019 au grade F6, échelon 9, à 266 points indiciaires, tandis que ses primes d’astreinte et de régime militaire auraient diminué de 22, respectivement 35 points indiciaires à 12, respectivement 15 points indiciaires. Le demandeur explique encore être passé à l’échelon 10 à 278 points indiciaires en septembre 2021, auxquels il y aurait lieu de rajouter les prédites primes de 12, respectivement 15 points indiciaires. Il soutient encore que s’il était resté dans le groupe de traitement C1, il aurait obtenu, ensemble avec les primes d’astreinte et de régime militaire de 22, respectivement 35 points indiciaires, un traitement plus élevé, d’octobre 2019 à août 2021, de 8 points indiciaires par rapport à son traitement touché dans le groupe de traitement B1, respectivement de 5 points indiciaires à partir de septembre 2021. Il se prévaut finalement, dans ce cadre, de la situation d’un collègue de travail ayant la même ancienneté que lui et évoluant toujours dans le groupe de traitement C1, lequel aurait pu déjà avancer, au mois de mai 2012 au grade de traitement F5, échelon 10, de sorte que comparé audit collègue, la différence, en sa défaveur, avec son traitement actuellement touché dans le groupe de traitement B1 serait encore plus élevée.
5 En droit, le demandeur critique, tout d’abord, la décision ministérielle pour lui avoir refusé un avancement en traitement avant le 1er octobre 2019, en précisant qu’il aurait dû bénéficier, dans le groupe de traitement C1, d’un avancement au grade de traitement F4, échelon 9 au plus tard en septembre 2019. Il expose, dans ce contexte, qu’au moins un collègue de travail, ayant la même ancienneté que lui, aurait déjà avancé, en mai 2019, dans le groupe de traitement C1, au grade de traitement F4, échelon 9 à 226 points indiciaires, de sorte qu’il devrait avoir droit au même avancement au mois de mai 2019, sinon au plus tard au mois de septembre 2019 et non pas, tel qu’affirmé par le ministre, le 1er octobre 2019, Monsieur (A) basant sa demande sur les articles 6 et 14 de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désignée par « la loi du 25 mars 2015 ».
Ainsi, la décision déférée serait à réformer en ce qu’il y aurait lieu de lui accorder un avancement en traitement au grade de traitement F4, échelon 9 à partir du 1er mai 2019, sinon à partir du 1er juin 2019, sinon à partir du 1er juillet 2019, sinon à partir du 1er août 2019, sinon au plus tard à partir du 1er septembre 2019.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur réitère son argumentation quant à un avancement en grade de traitement dont il aurait dû bénéficier avant le 1er octobre 2019, tel que cela aurait été le cas pour au moins un collègue de travail ayant eu la même ancienneté que lui, lequel aurait bénéficié dudit avancement déjà pour le 1er mai 2019. Dans ce cadre, le demandeur réfute encore l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle le policier visé par ledit avancement aurait effectué une mission spécifique lui ayant permis de bénéficier d’une bonification d’ancienneté, alors qu’il soutient que tel n’aurait pas été le cas.
Ainsi, à défaut d’avoir fait droit à sa demande de bénéficier d’un avancement en grade de traitement à partir du 1er mai 2019, sinon au plus tard à partir du 1er septembre 2019, la décision ministérielle déférée serait à réformer pour violation de la loi du 25 mars 2015, ainsi que du principe d’égalité devant la loi prévu par l’ancien article 10bis, actuellement l’article 15 de la Constitution.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen sous examen pour manquer de fondement.
En vertu de l’article 6 de la loi du 25 mars 2015 « (1) Le traitement est dû à partir du premier jour du mois qui suit celui pendant lequel a lieu l'entrée en fonctions du fonctionnaire.
Toutefois, si l'entrée en fonctions a lieu le premier jour ouvrable du mois, le traitement est dû pour le mois entier.
(2) Le premier traitement est dû à partir de la date d'entrée en fonctions du fonctionnaire lorsque celle-ci n'est pas précédée d'un stage préparant à la fonction à laquelle il a été nommé.
(3) Les dispositions du paragraphe 1er s'appliquent également en cas d'avancement en échelon, d'avancement en traitement et de promotion. (…) ».
Aux termes de l’article 7 de la loi du 25 mars 2015 « Le fonctionnaire comptant depuis sa nomination définitive deux ans de bons et loyaux services dans le même échelon de 6son grade accède à l'échelon suivant de ce grade, sans préjudice de l'application des dispositions inscrites à l'article 5 fixant l'échéancier de cet échelon et des échelons subséquents. Il en est de même après chaque période subséquente de deux ans de bons et loyaux services. Par dérogation aux dispositions qui précèdent, le deuxième échelon viendra à échéance après un an de service ou un an de service computable en application de l'article 5. » Il y a encore lieu de relever, conformément à l’article 14, paragraphe (2) de la loi du 25 mars 2015, pour le sous-groupe policier, relevant du groupe de traitement C1 et comprenant un niveau général, ainsi qu’un niveau supérieur, que le niveau général dudit sous-groupe comprend les grades F2, F3 et F4 et que les avancements en traitement aux grades F3 et F4 se font après respectivement trois et six années de grade à compter de la première nomination, étant encore précisé que le fonctionnaire concerné doit avoir passé avec succès un examen de promotion pour bénéficier du troisième avancement en traitement et des avancements en grade ultérieurs de son sous-groupe.
Il est constant en cause pour ressortir des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que Monsieur (A) fut nommé au grade d’inspecteur adjoint avec effet au 20 septembre 2009 et fut classé au grade de traitement F2 à la même date.
Il y a encore lieu de constater que par décision du directeur général de la Police en date du 15 juillet 2011 et confirmée par arrêté ministériel du 22 juillet 2011, Monsieur (A) fut suspendu de l’exercice de son emploi à partir du 15 juillet 2011, suspension qui fut levée par arrêté ministériel du 14 octobre 2011 avec effet au 17 octobre 2011.
Dans ce contexte, le tribunal doit encore relever qu’en vertu de l’article 15, paragraphe (3) de la loi du 18 juillet 2018 relative au statut disciplinaire du personnel du cadre policier de la Police grand-ducale, la période de suspension ne compte pas comme temps de service pour les biennales, l'avancement en traitement, l’admission à l’examen de promotion et la pension, sauf en cas de décision de non-lieu ou d'acquittement, le demandeur n'affirmant et a fortiori n’établissant pas que cette dernière hypothèse soit remplie dans son chef.
Il ressort encore des éléments soumis à l’analyse du tribunal par la partie étatique, non contestés par le demandeur, que ce dernier accéda au grade de traitement F3 avec effet au 1er janvier 2013 et au grade F4 avec effet au 1er janvier 2016, avancements en grade non remis en cause par le demandeur et pour lesquels il a dûment été tenu compte de sa date de nomination en tant qu’inspecteur adjoint le 20 septembre 2009, ainsi que de sa période de suspension du 15 juillet au 17 octobre 2011, de sorte que ses avancements en échelons dans le grade F4 doivent a priori s’opérer tous les deux ans à partir de ladite date du 1er janvier 2016, conformément aux articles 6 et 7 de la loi du 25 mars 2015, précités, ainsi que conformément à l’article 15, paragraphe (3) de la loi du 18 juillet 2018 relative au statut disciplinaire du personnel du cadre policier de la Police grand-ducale.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le ministre a, à bon droit, refusé la demande de Monsieur (A) de bénéficier d’un avancement au grade de traitement F4, échelon 9 à partir du 1er mai 2019, sinon au plus tard en septembre 2019, sans violer la loi du 25 mars 2015, de sorte que le moyen afférent du demandeur encourt le rejet pour manquer de fondement.
7Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’invocation, de la part du demandeur, d’une part, de la situation d’un collègue de travail non nommé ayant prétendument la même ancienneté que lui et ayant bénéficié d’un avancement au grade de traitement F4, échelon 9 à partir du 1er mai 2019, et, d’autre part, d’une violation du principe d’égalité devant la loi consacré à l’ancien article 10bis, actuellement l’article 15 de la Constitution.
Il échet d’abord de relever que les termes de l’ancien article 10bis de la Constitution sont actuellement repris par l’article 15 du même texte, selon lequel « (1) Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi.
La loi peut prévoir une différence de traitement qui procède d’une disparité objective et qui est rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but. (…) ».
Le tribunal rappelle que le principe d’égalité de traitement tel que visé audit article est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit rationnellement justifiée, adéquate et proportionnée à son but1.
Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe d’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but2.
Or, le tribunal doit relever que le demandeur est resté en défaut d’établir qu’il se trouve dans la même situation qu’un de ses collègues ayant la même ancienneté que lui et ayant bénéficié d’un avancement au grade de traitement F4, échelon 9 à partir du 1er mai 2019, dans la mesure où il ne ressort d’aucun élément soumis à l’analyse du tribunal que ledit collègue aurait également fait l’objet d’une suspension de l’exercice de son emploi du 15 juillet au 17 octobre 2011, étant encore précisé, dans ce contexte, qu’il ressort des explications du délégué du gouvernement que le collègue de travail en question a, pour le surplus, fait l’objet d’une bonification d’ancienneté pour avoir effectué une mission spécifique, hypothèse non établie dans le chef de Monsieur (A).
Il suit de ces considérations que le moyen tenant à une violation du principe d’égalité laisse également d’être fondé.
Quant au volet de la décision ministérielle du 27 mai 2022 ayant refusé à Monsieur (A), suite à sa nomination au groupe de traitement B1, l’octroi d’une prime d’astreinte de 22 points indiciaires, ainsi que celui d’une prime de régime militaire de 35 points indiciaires, le demandeur cite, tout d’abord, les dispositions légales en cause, à savoir les articles 22 et 23 de la loi du 25 mars 2015, tout en présentant un historique relatif à l’introduction et à l’évolution des diverses primes dans la force publique et en relevant que le Conseil d’Etat, dans son avis par rapport au projet de loi n° 7045, ayant abouti à la loi du 18 juillet 2018, aurait déjà soulevé la problématique de l'égalité de traitement au sein de la Fonction publique, 1 Trib. adm., 20 décembre 2007, n° 22476 du rôle. Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 116 et les autres références y citées.
2 Trib. adm., 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Lois et règlements, n° 9 (2e volet) et les autres références y citées.
8en ce qui concerne le montant divergeant de primes par rapport aux différents groupes de traitement, tout en soulignant que si le critère serait celui de l'astreinte, tout le personnel se trouvant dans cette situation objective devrait bénéficier de la même prime afférente.
Il précise encore que le Syndicat National de la police grand-ducale aurait, tant dans son avis sur le projet de loi sur la réforme de la police grand-ducale ayant conduit à la loi du 18 juillet 2018 que dans un courrier du 6 décembre 2021 adressé au ministre, mis en doute le caractère justifié des différents niveaux des primes d’astreinte et de régime militaire pour les groupes de traitement B1 et C1, alors même que les conditions de travail et leurs grades de fonction seraient identiques, remarque que l’association du personnel policier détenteur d’un diplôme de fin d’études secondaires de la police grand-ducale aurait également fait valoir.
Les mêmes critiques auraient été véhiculées par l’association du personnel policier détenteur d’un diplôme de fin d’études secondaires de la police grand-ducale, dans leur prise de position du 29 janvier 2022, ainsi que par l’avis de la chambre des fonctionnaires et employés publics du 7 décembre 2021 sur le projet de loi n° 7880 sur l’organisation de l’armée luxembourgeoise, dans la mesure où une problématique similaire s’y serait également posée par rapport aux membres de l’armée relevant des groupes de traitement B1 et C1.
Le demandeur conclut à la réformation de la décision déférée pour violation de la loi, et plus particulièrement pour violation du principe d’égalité devant la loi. Il explique, dans ce cadre, avoir touché dès le début de sa carrière policière et jusqu’à son accession au groupe de traitement B1 une prime d’astreinte de 22 points indiciaires, ainsi qu’une prime de régime militaire de 35 points indiciaires, primes qui auraient été réduites à 12, respectivement 15 points indiciaires suite à son passage au groupe de traitement B1, alors même que ses conditions de travail n’auraient pas changé. Cette application de primes différentes à des personnes se trouvant dans une situation parfaitement comparable constituerait, selon le demandeur, une différence de traitement qui ne procèderait pas de critères objectifs, ne serait pas rationnellement justifiée et ne serait pas adéquate et proportionnée à son but, de sorte à violer l’ancien article 10bis, actuellement l’article 15, paragraphe (1) de la Constitution.
Quant à la comparabilité des situations, le demandeur se prévaut, tout d’abord, de sa situation professionnelle avant et après son passage au groupe de traitement B1, en mettant en évidence que ses conditions de travail seraient restées identiques.
Le demandeur invoque encore, dans le cadre de son analyse de la comparabilité, la situation des policiers évoluant dans le groupe de traitement C1 et ceux du groupe de traitement B1, pour faire valoir que les sujétions, astreintes, permanences et nécessaires disponibilités seraient toujours les mêmes, sinon du moins similaires entre les policiers des groupes de traitement C1 et B1.
Il conclut des considérations qui précèdent que sa situation, respectivement celle des policiers dans le groupe de traitement B1, d’une part, et la situation de ses collègues de travail restés dans le groupe de travail Cl, d’autre part, seraient tout à fait comparables.
Quant à la justification de la différence de traitement opérée entre les groupes de traitement C1 et B1 en ce qui concerne le montant des primes d’astreinte et de régime militaire, le demandeur explique, tout d’abord, que la seule justification avancée par le législateur aurait été celle, dans le cadre de la loi modifiée du 31 mai 1999 portant création d’un corps de police grand-ducale, que le montant des primes aurait déjà été intégré dans le tableau barémique des policiers du cadre supérieur. Si le traitement différent entre les 9policiers de l'ancien cadre supérieur et les inspecteurs et brigadiers de police aurait dès lors pu se justifier par l'idée de ne pas attribuer aux policiers du cadre supérieur le double des primes d'astreinte et de régime militaire, aucune justification n'existerait cependant, selon le demandeur en ce qui concerne la différence de traitement entre les policiers du groupe de traitement Cl et les policiers du groupe de traitement B1. Il relève encore, dans ce contexte, sur base de l’article 54 de la loi du 18 juillet 2018, que, depuis l'entrée en vigueur de ladite loi, les policiers des groupes de traitement Cl et B1 évolueraient dans les mêmes grades de fonction d’« inspecteur », respectivement de « commissaire », contrairement aux policiers des groupes de traitement A1 et A2 qui seraient regroupés au niveau des « commissaires divisionnaires », grade qui ne serait pas accessible aux policiers relevant des groupes de traitement C1 et B1.
Le demandeur en conclut que les policiers des groupes de traitement C1 et B1 auraient dû se voir octroyer le même nombre de points indiciaires en ce qui concerne les primes d'astreinte et de régime militaire, alors qu’ils connaîtraient la même hiérarchie des grades de fonction, ainsi que les mêmes conditions de travail, contrairement aux policiers des groupes de traitement A1 et A2, lesquels, comparés aux agents relevant du groupe B1, auraient d’autres missions et responsabilités, ainsi qu’une autre hiérarchie.
Cette conclusion ne serait pas remise en cause par les autres justifications invoquées par la partie étatique et tenant, d’une part, aux perspectives de carrière plus favorables des policiers du groupe de traitement B1 par rapport à ceux relevant du groupe de traitement C1, alors que de telles perspectives seraient sans incidence sur les primes litigieuses, et, d’autre part, à l’approbation, par un des syndicats représentatif des agents de la police grand-ducale, dans le cadre de discussions, du projet de loi à la base des articles litigieux de la loi du 25 mars 2015, alors qu’une telle approbation ne saurait justifier tout choix politique. Le fait que le Conseil d’Etat n’aurait également pas soulevé d’inconstitutionnalités au sujet du montant des primes d’astreinte et de régime militaire serait également indifférent, sous peine de faire perdre tout son sens au contrôle de constitutionnalité a posteriori, tel que prévu par la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, ci-après désignée par « la loi du 27 juillet 1997 ». Le demandeur relève finalement, dans ce contexte, que les préposés de la nature et des forêts évoluant, depuis la réforme de la fonction publique, également dans le groupe de traitement B1, toucheraient, tout comme les policiers du groupe de traitement C1, une prime d’astreinte de 22 points indiciaires, le demandeur contestant que leurs conditions de travail seraient plus pénibles que celles des policiers relevant également du groupe de traitement B1.
Au regard de la violation « manifeste » de l’ancien article 10bis de la Constitution, actuellement l’article 15, paragraphe (1) de la Constitution, par les articles 22 et 23 de la loi du 25 mars 2015, le tribunal ne serait pas obligé, en vertu de l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997, de saisir la Cour constitutionnelle, mais pourrait directement réformer la décision litigieuse et lui accorder une prime d’astreinte de 22 points indiciaires, ainsi qu’une prime de régime militaire de 35 points indiciaires.
Si le tribunal ne pourrait pas directement accéder à la demande de réformation, il est demandé de soumettre, avant tout progrès en cause, les questions préjudicielles suivantes à la Cour constitutionnelle :
« 1) L'article 22, paragraphe 2, b) de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, en ce qu'il n'applique aux policiers évoluant dans le 10groupe de traitement B1 qu'une prime d'astreinte de 12 points indiciaires, est-il conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où il instaure une différence de traitement par rapport à l'article 22, paragraphe 1er, c) de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, qui fait bénéficier les policiers du groupe de traitement C1 d'une prime d'astreinte de 22 points indiciaires? ».
« 2) L'article 23, paragraphe 1, alinéa 2 de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, en ce qu'il n'applique aux policiers évoluant dans le groupe de traitement B1 qu'une prime de régime militaire de 15 points indiciaires, est-il conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où il instaure une différence de traitement par rapport à l'article 23, paragraphe 1er, alinéa 1er de la loi modifiée du 25 mars 2015 sur le traitement des fonctionnaires de l'État, qui fait bénéficier les policiers du groupe de traitement C1 d'une prime de régime militaire de 35 points indiciaires? ».
« 3) L'article 22, paragraphe 2, b) de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires de l'État, en ce qu'il n'applique aux policiers évoluant dans le groupe de traitement B1 qu'une prime d'astreinte de 12 points indiciaires, est-il conforme à l'article 10bis, paragraphe 1er de la Constitution, dans la mesure où il instaure une différence de traitement par rapport à l'article 22, paragraphe 1er, a) de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d'avancement des fonctionnaires de l'État, qui fait bénéficier les préposés de la nature et des forêts du groupe de traitement B1 d'une prime d'astreinte de 22 points indiciaires ? ».
Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse, tout en réfutant l’ensemble de l’argumentation de la partie étatique, insiste sur la circonstance qu’il y aurait lieu de prendre en considération l’essence même des primes d’astreinte et de régime militaire allouées aux policiers relevant des groupes de traitement B1 et C1, dans le cadre de l’analyse de l’existence d’une différence de traitement injustifiée et partant d’une violation de l’ancien article 10bis, actuellement l’article 15, paragraphe (1) de la Constitution, sans qu’il ne suffirait, dans ce contexte, de se référer aux articles 22 et 23 de la loi du 25 mars 2015.
Selon le demandeur, les policiers relevant du groupe de traitement B1 seraient dans une situation identique, sinon similaire que les policiers du groupe de traitement C1 en ce qui concernerait leurs conditions de travail et les tâches à accomplir, Monsieur (A) relevant que le contrôle de la conformité au principe d’égalité requerrait uniquement que les situations en cause seraient, conformément à la jurisprudence, similaires. Par ailleurs, la comparabilité des situations devrait s’examiner au regard de la mesure en cause, tel que l’occurrence l’allocation des primes d’astreinte et de régime militaire aux policiers relevant des groupes de traitement B1 et C1, lesquels toucheraient des montants différents de primes malgré le fait d’être soumis aux mêmes conditions de travail.
Monsieur (A) insiste encore sur le fait qu’il n’existerait aucune justification valable entre la différence de valeur des primes d’astreinte et de régime militaire allouées aux policiers des groupes de traitement C1 et B1, tout en réfutant l’argumentation étatique selon laquelle les groupes de traitement supérieurs auraient nécessairement plus de responsabilités à assumer, alors qu’avec la loi du 18 juillet 2018, il n’existerait plus d’hiérarchie de carrière entre les groupes de traitement C1 et B1 lesquels connaîtraient une parfaite mixité de carrière, telle que ressortant explicitement de l’article 54 de la même loi en ce qui concerne les grades 11d’ancienneté. Au regard des conditions de travail identiques, ainsi que des responsabilités partagées, les primes d’astreinte et de régime militaire allouées aux policiers relevant des groupes de traitement B1 et C1 devraient partant être identiques.
Dans ce contexte, le demandeur réitère encore son argumentation relative à la circonstance que les primes litigieuses ne seraient pas déjà, en partie, intégrées aux traitements plus élevés alloués groupes de traitements supérieurs, tout en contestant la comparaison effectuée par la partie étatique quant aux primes allouées aux fonctionnaires du groupe de traitement B1 de l’armée et de l’inspection générale de la police dont le montant serait identique à celles touchées par les policiers relevant du groupe de traitement B1, alors que la partie étatique aurait, dans d’autres affaires, également refusé de procéder à une comparaison entre les policiers et d’autres catégories de fonctionnaires.
Le demandeur réfute finalement la justification avancée par la partie étatique selon laquelle, dans son nouveau groupe de traitement, il toucherait un traitement de base de début de carrière plus élevé, respectivement qu’il aurait une meilleure perspective de carrière, alors que ces éléments n’auraient pas fait l’objet de la demande litigieuse ayant donné lieu à la décision ministérielle déférée qui concernerait essentiellement le montant des primes d’astreinte et de régime militaire.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen du demandeur fondé sur une violation du principe d’égalité devant la loi, en ce qui concerne le montant des primes d’astreinte et de régime militaire allouées à Monsieur (A), dans le groupe de traitement B1, pour manquer de fondement.
Aux termes de l’ancien article 10bis, actuellement l’article 15, paragraphe (1) de la Constitution, « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi. (…) ».
Il échet de relever que ce principe constitutionnel interdit de traiter de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation ne soit objectivement justifiée.
Le contrôle de la constitutionalité d’une loi étant le monopole de la Cour Constitutionnelle, il est rappelé que l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 dispose que :
« Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.
Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :
a) une décision sur la question soulevée n'est pas nécessaire pour rendre son jugement;
b) la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement;
c) la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet. (…) ».
Il y a, dans ce contexte, d’emblée lieu de rejeter l’argumentation de la partie demanderesse consistant à soutenir que le tribunal pourrait directement accueillir ses moyens relatifs à la violation de l’ancien article 10bis de la Constitution, au motif que celle-ci serait manifeste, alors qu’une telle manière de faire est contraire à l’article 6 de la loi du 27 juillet 121997 pour empiéter sur la compétence de la Cour constitutionnelle dont la saisine s’impose, sauf dans les cas y limitativement énumérés de dispense de saisine.
En l’espèce, les trois questions de constitutionnalité ainsi soulevées visent les articles 22, respectivement 23 de la loi du 25 mars 2015, fixant, notamment pour les agents de police relevant des groupes de traitement C1 et B1, la valeur des primes d’astreinte, respectivement de régime militaire.
Aux termes de l’article 22 de la loi du 25 mars 2015 « (1) Une prime d’astreinte de 22 points indiciaires est allouée: (…) c) aux agents de la catégorie de traitement C, autres que ceux du groupe de traitement C1 sous-groupe à attributions particulières, de la rubrique «Armée, Police et Inspection générale de la Police, ainsi que l’officier appelé à exercer les fonctions d’infirmier gradué de l’armée; (…) ».
(2) Une prime d’astreinte de 12 points indiciaires est allouée: (…) b) aux agents de la catégorie de traitement B, groupe de traitement B1 du sous-
groupe policier de la rubrique «Armée, Police et Inspection générale de la Police»; (…) ».
Aux termes de l’article 23 de la loi du 25 mars 2015, « (1) Une prime de régime militaire non pensionnable de 35 points indiciaires est allouée aux agents relevant de la catégorie de traitement C de la rubrique «Armée, Police et Inspection générale de la Police».
Une prime de régime militaire non pensionnable de 15 points indiciaires est allouée aux agents relevant des groupes de traitement A1, A2 et B1 de la rubrique «Armée, Police et Inspection générale de la Police ». (…) ».
Il suit de ces deux dispositions que les primes d’astreinte et de régime militaire sont effectivement moindres pour les agents du groupe de traitement B1 que pour ceux du groupe de traitement C1.
La troisième question préjudicielle proposée par le demandeur vise encore l’article 22, paragraphe (1), a) de la loi du 25 mars 2015 aux termes duquel « (1) Une prime d’astreinte de 22 points indiciaires est allouée: a) aux agents de la catégorie de traitement B, groupe de traitement B1, sous-groupe technique nommés aux fonctions de chargé technique et de chargé technique dirigeant exerçant les fonctions de préposé de la nature et des forêts auprès de l’Administration de la nature et des forêts (…) », lesdits agents se voyant ainsi accorder une prime d’astreinte supérieure à celle des agents de la police grand-ducale relevant également du groupe de traitement B1.
Quant aux deux premières questions préjudicielles, le tribunal doit relever que celles-ci ont déjà été soumises à la Cour constitutionnelle, laquelle a retenu, dans quatre arrêts du 30 juin 2023, inscrits sous les nos 00180 à 00183 du registre, que : « par rapport aux questions préjudicielles posées, les articles 22, paragraphe 2, b), et 23, paragraphe 1, alinéa 2, de la loi modifiée du 25 mars 2015 fixant le régime des traitements et les conditions et modalités d’avancement des fonctionnaires de l’État ne sont pas contraires à l’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution », sur base de la motivation suivante :
« L’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution dispose : « Les Luxembourgeois sont égaux devant la loi ».
13 La mise en œuvre de la règle constitutionnelle d’égalité suppose que les catégories de personnes entre lesquelles une discrimination est alléguée se trouvent dans une situation comparable.
Dans le cadre de la fonction publique, le principe d’égalité de traitement implique, d’une part, que plus particulièrement les fonctionnaires de l’État se trouvant dans une situation comparable soient soumis aux mêmes règles et, d’autre part, que les fonctionnaires se trouvant dans des situations dissemblables soient régis par des règles définies en fonction même de ces différences.
La définition et la délimitation des différentes carrières, les classements des fonctions en catégories de traitement, elles-mêmes réparties en groupes et sous-groupes de traitement, les conditions de recrutement, de rémunération et de perspectives d’évolution particulières, reflètent la volonté du législateur d’organiser les carrières au regard de la nature des tâches, permanentes ou temporaires, que chacune des carrières a pour mission d’accomplir.
Les différences de statut en résultant d’une catégorie de traitement à une autre, voire d’un groupe de traitement à un autre, fût-ce à l’intérieur d’une même carrière ou d’une même catégorie de traitement, ne se heurtent pas au principe de l’égalité devant la loi, lequel n’est pas synonyme d’uniformité et ne s’oppose pas à la liberté d’organisation et de structuration des différentes carrières et catégories de traitement voire des différents groupes de traitement.
Ni une identité de situation ni encore une comparabilité des situations n’existent ainsi entre fonctionnaires de groupes de traitement distincts.
En l’absence d’une situation comparable entre les différents fonctionnaires bénéficiant respectivement de la prime d’astreinte et de la prime de régime militaire d’un groupe de traitement à un autre, une violation de l’article 10bis, paragraphe 1, de la Constitution n’est pas établie en relation avec les deux questions préjudicielles posées. ».
En application de l’article 6, alinéa 2, point c) de la loi du 27 juillet 1997, le tribunal n’est dès lors pas amené à soumettre les questions préjudicielles numérotées 1 et 2 à la Cour constitutionnelle et les rejette pour être dénuées de fondement, en ce qu’elles tablent sur la prémisse erronée que les situations y visées seraient comparables, ce qui n’est pas le cas, au regard des conclusions, précitées, de la Cour constitutionnelle.
Quant à la troisième question préjudicielle proposée par le demandeur tenant à une discrimination, en ce qui concerne le montant de la prime d’astreinte, des agents de la police grand-ducale relevant du groupe de traitement B1 par rapport aux préposés de la nature et des forêts du groupe de traitement B1, il y a lieu de relever qu’il ressort d’un arrêt de la Cour constitutionnelle du 26 novembre 2021, inscrit sous le n° 00168 du registre, que la situation du cadre policier de la police grand-ducale est à tel point spécifique qu’elle doit être analysée à part et n’est pas comparable à celle des fonctionnaires de l’Etat en général, ni à celle des fonctionnaires expéditionnaires informaticiens, détenteurs d’un diplôme de technicien ou d’un diplôme équivalent, ni encore à celle des fonctionnaires communaux, ni plus loin à celle des fonctionnaires de l’Inspection générale de la police.
14Or, la question préjudicielle formulée par le demandeur tend à voir comparer la situation des policiers du groupe de traitement B1 avec une autre catégorie de fonctionnaires de l’Etat, en l’occurrence les préposés de la nature et des forêts du groupe de traitement B1.
Bien que la Cour constitutionnelle ne se soit pas prononcée sur la comparabilité de la situation des membres du cadre policier de la police grand-ducale relevant du groupe de traitement B1 avec celle des préposés de la nature et des forêts, l’arrêt susvisé de la Cour constitutionnelle du 26 novembre 2021 permet toutefois, par analogie, de faire le même constat en ce que les deux situations visées ne sont pas non plus comparables.
Le tribunal doit partant également rejeter la question préjudicielle numérotée 3 relative à une prétendue rupture de l’égalité devant la loi pour être dénuée de tout fondement, en ce qu’elle table sur la prémisse erronée que les situations visées seraient comparables, ce qui n’est manifestement pas le cas.
En application de l’article 6, alinéa 2, point b) de la loi du 27 juillet 1997, le tribunal n’est dès lors pas amené à soumettre la question préjudicielle numérotée 3 à la Cour constitutionnelle.
Il suit de ces considérations qu’en l’absence d’une violation du principe d’égalité devant la loi, le moyen afférent concernant le refus de se voir attribuer une prime de régime militaire de 35 points indiciaires, ainsi qu’une prime d’astreinte de 22 points indiciaires est à rejeter pour manquer de fondement.
En ce qui concerne le refus ministériel de lui accorder un supplément personnel de traitement, le demandeur se base sur l’article 66 de loi du 18 juillet 2018 pour réfuter l’argumentation ministérielle et faire valoir que ladite disposition légale devrait impliquer que l'accession du groupe de traitement Cl au groupe de traitement B1 ne pourrait pas conduire à ce qu'un policier toucherait une rémunération inférieure à la rémunération, d’une part, antérieurement touchée dans le groupe de traitement C1, mais également, d'autre part, qu'il aurait continué à toucher dans le groupe de traitement Cl s’il n’avait pas changé de groupe de traitement. Le demandeur invoque encore, dans ce contexte, un arrêt de la Cour administrative du 28 juin 2016, inscrit sous le numéro 37529C du rôle, et conclut à l’octroi, dans son chef, d’un supplément personnel de traitement, dans la mesure où il aurait touché, entre le mois d’octobre 2019 et le mois d’août 2021, un traitement diminué de 8 points indiciaires, entre le mois de mai 2021 et le mois d’août 2021, de 17 points indiciaires, comparé à au moins un collègue de travail, et à partir de septembre 2021, de 5 points indiciaires par rapport au traitement qu’il aurait pu toucher dans le groupe de traitement C1.
Après avoir fourni un exemple comparatif entre deux policiers ayant été classés au même moment au même grade de traitement et au même échelon mais ayant accédé par le biais du mécanisme « Out-In » au groupe de traitement B1 à des moments différents, ce qui aurait eu un effet sur le montant de leur traitement et partant également sur l’octroi ou non d’un supplément personnel de traitement, le demandeur soutient qu’un tel supplément devrait dès lors être accordé, non seulement si le traitement touché dans le groupe de traitement B1 serait inférieur au dernier traitement touché précédemment dans le groupe de traitement C1, mais également si le nouveau traitement dans le groupe de traitement B1 serait inférieur au traitement que le policier aurait continué à toucher dans le groupe de traitement C1 s’il n’avait pas changé de groupe de traitement.
15Sur base des considérations qui précèdent, le demandeur conclut à la réformation de la décision ministérielle déférée pour violation de l’article 66 de la loi du 18 juillet 2018, de sorte qu’il devrait se voir accorder mensuellement un supplément personnel de traitement de 8 points indiciaires pour les mois d’octobre 2019 à août 2021, de 17 points indiciaires pour les mois de mai 2021 à août 2021 et de 5 points indiciaires à partir de septembre 2021.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur, tout en insistant sur le bien-fondé de sa demande de bénéficier d’un avancement au grade F5, dans le groupe de traitement C1, en date du 22 septembre 2019, réitère l’ensemble de son argumentation relative à l’octroi, dans son chef, d’un supplément personnel de traitement, tout en réfutant l’analyse du délégué du gouvernement selon laquelle la nécessité de toucher un tel supplément ne devrait être examinée qu’au moment de la nomination de l’agent en question dans son nouveau groupe de traitement et non pas sur base d’une comparaison mensuelle du traitement effectivement touché par rapport à celui que l’agent concerné aurait touché s’il avait continué à évoluer dans son ancien groupe de traitement. Dans ce contexte, le demandeur fait valoir que son raisonnement au sujet du supplément personnel de traitement ne serait pas absurde et aurait, depuis toujours, été appliqué de cette manière dans la fonction publique, en précisant que la seule particularité, en ce qui concerne la police grand-ducale, aurait été de prendre en compte, pour la comparaison des traitements, également les primes d’astreinte et de régime militaire.
Le demandeur renvoie encore, dans ce cadre, à nouveau à l’arrêt de la Cour administrative du 28 juin 2016, inscrit sous le numéro 37529C du rôle.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce volet de la demande pour être dépourvu de fondement.
Aux termes du 2e paragraphe de l’article 66 de la loi du 18 juillet 2018, « Au cas où leur nouveau traitement serait inférieur à leur traitement de base, y compris les primes de régime militaire et d’astreinte, ils bénéficient d’un supplément personnel de traitement. Le supplément personnel diminue au fur et à mesure que le traitement augmente par l’accomplissement des conditions de stage, d’examen et d’années de service. ».
Les parties sont en désaccord en ce qui concerne le moment auquel la différence en traitement au sens de l’article 66, paragraphe (2) de la loi du 18 juillet 2018 doit être constatée, la partie étatique se limitant à vérifier un éventuel écart par rapport au traitement perçu avant le changement de groupe, la partie demanderesse estimant qu’il faudrait analyser un tel écart sur la durée, par une comparaison de l’évolution de l’ancienne carrière par rapport à la nouvelle.
C’est d’abord à bon droit que le délégué du gouvernement a relevé qu’il ressort du commentaire de l’article 77 (devenu article 66) dans le cadre du projet de loi n° 7045, ayant abouti à la loi du 18 juillet 2018, que « Le paragraphe 2 de cet article leur accorde un complément personnel en traitement au cas où leur nouveau traitement serait inférieur à celui qu'ils avaient avant le changement de groupe de traitement. » Il s’agit dès lors d’éviter que, lors du passage a priori valorisant d’un groupe de traitement hiérarchiquement inférieur vers un groupe de traitement hiérarchiquement supérieur, soit en l’occurrence du groupe C1 au groupe B1, un agent se trouve confronté à une diminution de son traitement.
16C’est dès lors au moment du changement de groupe de traitement qu’il faut se situer pour apprécier une éventuelle diminution du traitement, en comparant le dernier traitement avant le changement de groupe avec le premier traitement dans le nouveau groupe3.
Les éléments du traitement à prendre en compte à cet égard sont le traitement de base, auquel se rajoutent les primes de régime militaire et d’astreinte.
Force est, dans ce contexte, au tribunal de relever que le classement de départ de la partie demanderesse à prendre en considération est celui au 1er septembre 2019, à savoir le classement au grade F4, échelon 8, à 217 points indiciaires, auquel il y a lieu d’ajouter les primes d’astreinte de 22 points indiciaires et de régime militaire de 35 points indiciaires, ce qui donne un total de 274 points indiciaires.
Le traitement touché par le demandeur le premier mois dans le groupe de traitement B1, grade de traitement F6, échelon 9, à savoir pour le mois d’octobre 2019, équivaut à un traitement de base de 266 points indiciaires, auquel s’ajoutent 15 points de prime de régime militaire et 12 points de prime d’astreinte, soit un total de 293 points indiciaires.
Dans la mesure où le nouveau traitement, primes comprises, est effectivement supérieur à celui que le demandeur avait avant le changement de groupe de traitement, il n’y a pas lieu à versement d’un supplément personnel de traitement au sens de l’article 66, paragraphe (2) de la loi du 18 juillet 2018.
Il suit de ces considérations que la demande en allocation d’un supplément personnel de 8 points indiciaires pour les mois d’octobre 2019 à août 2021, de 17 points indiciaires pour les mois de mai 2021 à août 2021 et de 5 points indiciaires à partir de septembre 2021, est à rejeter pour manquer de fondement.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’argumentation du demandeur se rapportant à une évolution de son traitement dans un groupe de traitement dans lequel il ne se trouve finalement plus depuis le 1er octobre 2019, alors que le supplément personnel de traitement, comme cela résulte des développements qui précèdent, ne saurait pas faire revivre des expectatives de carrières d’un groupe de traitement dans lequel on ne se trouve plus.
En l’absence d’autres moyens dont le tribunal est valablement saisi, force est dès lors de retenir que le recours est à rejeter dans son ensemble.
Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500 euros présentée par le demandeur en application de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;
déclare irrecevable le recours en ce qu’il est dirigé contre une décision implicite de refus ;
3 Trib. adm., 31 janvier 2023, n° 44307 du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu 17 reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision du ministre de la Sécurité intérieure du 27 mai 2022 refusant d’accorder à Monsieur (A) un avancement en traitement avant le 1er octobre 2019, une prime d’astreinte de 22 points indiciaires et une prime de régime militaire de 35 points indiciaires, ainsi qu’un supplément personnel de traitement ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure sollicitée par Monsieur (A) ;
laisse les frais et dépens de l’instance à charge du demandeur.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 mai 2025 par :
Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 13 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 18