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08/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52680

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 mai 2025, 52680


Tribunal administratif N° 52680 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52680 2e chambre Inscrit le 9 avril 2025 Audience publique du 8 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A1), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52680 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 avril 2025 par Maître Lukman ANDIC, avocat Ã

  la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieu...

Tribunal administratif N° 52680 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52680 2e chambre Inscrit le 9 avril 2025 Audience publique du 8 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A1), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52680 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 avril 2025 par Maître Lukman ANDIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A1), déclarant être né le … à …, … (Egypte) et être de nationalité égyptienne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 24 mars 2025 de recourir à la procédure accélérée, de celle portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 22 avril 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le vice-président, en remplacement du président de la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Marina LIFA, en remplacement de Maître Lukman ANDIC, et Madame le délégué du gouvernement Cindy COUTINHO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 28 avril 2025.

Le 16 décembre 2024, Monsieur (A1) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A1) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, suite à une recherche effectuée dans la base de données SIS, que Monsieur (A1) a fait l’objet d’une mesure d’éloignement en France lui notifiée le 25 octobre 2024, de même que d’un signalement par les autorités françaises pour « ressortissant d’un pays tiers en vue d’une décision de retour », valable du 6 novembre 2024 au 6 novembre 2029.

Le 27 janvier 2025, Monsieur (A1) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

1 Par décision du 24 mars 2025, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A1) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), sous a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire.

Le ministre estima tout d’abord que la demande de protection internationale de Monsieur (A1) serait basée sur des motifs que le demandeur essayerait d’étoffer par une histoire qualifiée par le ministre de non convaincante concernant les persécutions qu’il aurait subies en Egypte à cause des problèmes qu’il aurait avec la famille d’un dénommé Monsieur (B) qui serait décédé après avoir été agressé par un ami de Monsieur (A1), explications qui ne seraient pas crédibles au vu des déclarations incohérentes et du comportement du demandeur depuis son arrivée en Europe. Le ministre retint ensuite que les conditions d’une protection internationale ne seraient pas remplies dans le chef de Monsieur (A1). A cet égard, le ministre releva tout d’abord que les motifs économiques et de convenance personnelle qui sous-

tendraient la demande de protection internationale de Monsieur (A1) ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié dans le chef de celui-ci alors qu’ils ne rentreraient pas dans les champs d’application ni de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », ni de la loi du 18 décembre 2015.

Quant au choix de Monsieur (A1) de fuir l’Egypte pour éviter une éventuelle arrestation par la police, le ministre avança que la finalité de la procédure d’asile ne serait pas de permettre à une personne qui se serait rendue coupable d’une infraction dans son pays d’origine d’échapper aux sanctions qui y seraient prévues, tout en donnant à considérer que l’intéressé aurait confirmé que la police n’aurait retenu aucune charge contre lui de sorte que ses craintes invoquées à cet égard feraient clairement partie du passé. Quant aux craintes de vengeance de la part de la famille de Monsieur (B), le ministre, après avoir constaté que ce conflit se situerait dans un contexte d’ordre privé, retint que les craintes invoquées à cet égard par Monsieur (A1) ne revêtiraient pas un degré de gravité suffisant pour justifier l’octroi dans son chef du statut de réfugié. Il ajouta que dans la mesure où les différents problèmes liés à la famille de Monsieur (B) seraient des actes émanant de personnes privées, ceux-ci ne pourraient être considérés comme fondant une crainte légitime de persécutions uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités égyptiennes, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Quant au refus de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, le ministre constata que Monsieur (A1) invoquerait les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande en obtention du statut de réfugié, tout en retenant qu’il resterait en défaut de faire état d’un risque réel de faire l’objet, en cas de retour dans son pays d’origine, d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, respectivement que les autorités égyptiennes ne seraient pas en mesure de lui accorder une protection.

Il résuma les déclarations de Monsieur (A1) comme suit : « […] Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire du 16 décembre 2024, que vous êtes entré illégalement en Allemagne le 13 septembre 2024 et que le 6 novembre 2024, une décision de retour a été prise à votre encontre. En France, vous faites l’objet d’une mesure d’éloignement vous notifiée le 25 octobre 2024. Vous faites par ailleurs l’objet d’un signalement dans la base de données SIS par les autorités françaises pour « ressortissant d’un pays tiers en vue d’une décision de retour », valable du 6 novembre 2024 au 6 novembre 2029. Il ressort encore du rapport de police que vous déclarez avoir quitté l’Egypte en août 2024 moyennant un visa russe à destination de la Russie. Vous auriez ensuite gagné la Biélorussie et en octobre 2024, vous auriez franchi la 2frontière polonaise avant que vos empreintes n’aient été prises en Allemagne. Vous seriez alors parti travailler pendant deux mois en France avant de venir, le 13 décembre 2024, introduire une demande de protection internationale au Luxembourg sur conseil d’un ami.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez être de nationalité égyptienne, de confession musulmane. Vous vous seriez religieusement marié au Luxembourg avec une dénommée Madame (A2), de nationalité marocaine, que vous auriez connue en Russie et que vous auriez retrouvée « par hasard au Luxembourg » (p. 2 du rapport d’entretien). Cette dernière serait également demandeur de de protection internationale.

Vous seriez originaire d’… et auriez travaillé en tant que maître-nageur à côté de vos études universitaires. Début 2024, vous auriez arrêté vos études et votre travail de maître-

nageur pour vous concentrer sur votre « travail », voire, « pour partir du pays » (p. 3 du rapport d’entretien) alors que la vie aurait été dure en Egypte et que vous n’y auriez pas pu construire votre vie en tant qu’homme. Pendant ce temps, vous auriez subvenu à vos besoins en travaillant comme peintre ou dans un café. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous craindriez d’être tué par la famille d’un dénommé Monsieur (B) qui voudrait venger sa mort.

Vous relatez ainsi que votre problème aurait commencé en juin 2024, lorsque Monsieur (B) aurait à plusieurs reprises harcelé votre sœur en la touchant par force. Avec un ami, voire, des amis, vous vous seriez alors déplacés chez cet homme et une bagarre aurait éclaté. Un de vos amis l’aurait frappé avec un bâton, il serait tombé par terre et vous auriez pris la fuite. La police serait arrivée sur les lieux et l’homme aurait été hospitalisé mais il serait décédé un mois plus tard à l’hôpital après que vous auriez déjà quitté l’Egypte. Vous précisez que votre famille aurait pris en charge ses frais d’hospitalisation dans une tentative de régler l’affaire à l’amiable. Suite à son décès, une plainte aurait été déposée dans laquelle aurait figuré votre nom alors que, grâce aux caméras de surveillance, il aurait été clair que vous auriez été présent sur les lieux de l’agression bien que vous n’ayez pas agressé la victime. Vous ajoutez dans ce contexte qu’« Après, j’ai quitté l’Egypte et par la suite, la police a mentionné que je n’avais aucun lien avec cette affaire » (p. 9 du rapport d’entretien). Vous prétendez encore qu’une vingtaine de jours après votre départ, la famille de la victime serait passée chez vous mais qu’il n’y avait personne, « puis, je suis devenu la personne recherchée numéro 1 » (p. 9 du rapport d’entretien). Cette famille aurait par la suite appris que vous vous trouveriez en Europe et une personne lui aurait fourni votre adresse en France.

Vous prétendez aussi qu’en juin 2024, le jour de l’agression, après avoir vu la victime par terre et « plein de sang. Sa vie était en danger. Ma famille m’a conseillé de fuir l’Egypte » (p. 10 du rapport d’entretien), de sorte que vous seriez parti vous cacher pendant une vingtaine de jours à Alexandrie dans un appartement que vous auriez loué. Vous confirmez avoir pris le choix de quitter l’Egypte lorsque vous auriez craint d’être arrêté par la police à cause de cette agression, voire, lorsque vous auriez craint une réaction de la famille en question, tout en ajoutant que « J’ai fait cela pour protéger ma famille » (p. 15 du rapport d’entretien), respectivement, pour éviter qu’elle ne soit inquiétée. Pendant votre séjour à Alexandrie, vous auriez parlé à un ami en Russie pour vous organiser un visa. Fin juillet ou début août 2024, depuis le Caire, vous auriez quitté l’Egypte en avion à destination de Moscou. Vous prétendez avoir été interdit de vol au vu de ladite plainte mais qu’un ami, que vous auriez payé, vous 3aurait aidé à quitter l’aéroport et rejoindre Moscou avec une escale à Sotchi. A Moscou, un passeur vous aurait amené en voiture en Biélorussie. Après quelques tentatives échouées, vous auriez ensuite réussi à entrer en Pologne, où un autre passeur vous aurait conduit jusqu’à Berlin fin septembre 2024. En garde à vue en Allemagne, la police aurait pris vos empreintes et vous aurait donné un document pour introduire une demande de protection internationale, ce que vous n’auriez pas voulu faire.

Vous seriez alors parti à Paris, où vous auriez vécu « normalement » (p. 6 du rapport d’entretien) jusqu’à ce que ladite famille ne vous y retrouve. Vous auriez été agressé et blessé chez vous par deux personnes qui vous auraient reproché d’avoir tué une personne, tout en ajoutant qu’« avant cet incident, j’étais arrêté par la police française à cause de mon séjour illégal » (p. 6 du rapport d’entretien). Vous auriez alors déménagé chez un ami avant de venir au Luxembourg, respectivement, vous auriez décidé de partir de France après que cette famille vous y aurait retrouvé. Sur conseil de vos amis, vous auriez décidé de venir introduire une demande de protection internationale au Luxembourg. Vous prétendez en outre ne pas avoir demandé de protection en France alors que « C’est normal. Pour les Egyptiens, ils peuvent avoir leurs documents légaux après 5 à 7 ans. Ça prend beaucoup de temps. (…) En France, on peut travailler même sans documents légaux ce qui n’est pas le cas au Luxembourg » (p. 8 du rapport d’entretien).

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous présentez une photo de votre passeport égyptien émis le 6 novembre 2021. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2025, Monsieur (A1) a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision du ministre du 24 mars 2025 d’opter pour la procédure accélérée, de celle du même jour ayant refusé de faire droit à sa demande de protection internationale, et de l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 24 mars 2025, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique être de nationalité égyptienne, de confession musulmane et être marié religieusement à Madame (A2), ressortissante marocaine, qui aurait également introduit une demande de protection internationale au Luxembourg laquelle serait en cours d’instruction.

Il donne à considérer que sa demande de protection internationale serait motivée par le fait que lorsqu’il a vécu en Egypte, sa petite sœur, Madame (A3), aurait été régulièrement harcelée sexuellement par un homme, un dénommé Monsieur (B), qui aurait voulu toucher certaines parties de son corps. Ayant voulu protéger sa sœur, il se serait alors rendu à la 4rencontre de Monsieur (B), accompagné de plusieurs amis, pour s’expliquer avec lui, afin que ce dernier cesse ses agissements constitutifs de harcèlement sexuel, voire d’attentat à pudeur au sens des articles 372 et suivants du Code pénal luxembourgeois. Malheureusement, la discussion se serait envenimée et l’un de ses amis aurait frappé Monsieur (B) à l’aide d’un bâton à tel point que celui-ci serait tombé au sol et qu’il aurait été hospitalisé. Il explique que trente jours après l’incident, il aurait appris que Monsieur (B) serait décédé des suites de ses blessures, tout en donnant à considérer qu’à ce jour, l’affaire pénale serait en cours d’instruction.

Il continue en expliquant que par la suite, deux individus, proches de la famille de la victime, se seraient rendus chez lui, alors qu’il avait fui l’Egypte et rejoint la France, et l’auraient frappé avec un bâton et l’agressé à l’aide d’un couteau en le blessant à la main et en lui cassant son doigt. Il souligne à cet égard qu’il aurait montré à l’agent ministériel l’état de son doigt gauche et une cicatrice de quelques centimètres sur sa main droite. Il aurait, par ailleurs, fait état des menaces de mort proférées à son encontre de la part de ces personnes inconnues.

Il met ensuite en exergue que même s’il lui avait été interdit de quitter le territoire égyptien, il serait cependant parvenu à fuir son pays d’origine vers la Russie. En avançant que l’affaire relative au meurtre qu’il serait soupçonné d’avoir commis serait en cours d’instruction, il souligne qu’en risquant la peine de mort, il n’aurait pas eu d’autre choix que de fuir l’Egypte.

Au vu de ces éléments, il estime que la motivation contenue dans la décision déférée démontrerait que le ministre n’aurait pas procédé à un examen approfondi, individuel et impartial de sa situation, de sorte qu’elle encourrait la réformation.

Quant à la décision d’avoir recours à la procédure accélérée, le demandeur reproche tout d’abord au ministre de se contenter de mettre en doute la crédibilité de son récit, sans préciser en quoi ses déclarations seraient contradictoires. Il se prévaut à cet égard de l’article 8, paragraphe (2) de la directive 2005/85/UE du Parlement européen et du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les Etats membres, ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE », concernant l’examen auquel doivent procéder les autorités compétentes en matière de demandes de protection internationale, de même que de l’article 4, paragraphe (5), point e) de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection, s’agissant des conditions d’application du principe du bénéfice du doute.

Il réfute l’affirmation du ministre selon laquelle il ne serait pas crédible que sa sœur, victime d’attouchements de la part de Monsieur (B), n’aurait pas déposé plainte contre son agresseur, en soutenant, tout en se prévalant d’un rapport de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 10 août 2021 relatif à la situation des femmes en Egypte, que les femmes victimes d’agressions sexuelles en Egypte ne verraient réservé aucune suite à leurs plaintes, si ce n’était le fait d’essuyer des moqueries et des humiliations de la part des autorités.

S’agissant de l’affirmation du ministre selon laquelle il ne serait pas démontré qu’il aurait été agressé par les membres de la famille de la victime alors même qu’il avait montré à 5l’agent ministériel les traces de son agression aux mains, le demandeur se prévaut de deux jugements du tribunal administratif du 16 janvier 2024 et du 28 février 2025, inscrits respectivement sous les numéros 49836 et 52319 du rôle, concernant la crédibilité du récit d’un demandeur de protection internationale et l’application, en droit des réfugiés, du principe du bénéfice du doute.

Il met à cet égard en exergue qu’il aurait quitté l’Egypte après avoir été informé du décès de Monsieur (B), tout en soulignant que quand bien même une vidéo démontrerait qu’il ne serait pas à l’origine du meurtre de cette personne, il n’en demeurerait pas moins qu’il aurait joué un rôle dans la survenance de cet évènement et que cette affaire serait toujours en cours d’instruction. Il estime que les contradictions à ce sujet dans son récit ne seraient que mineures et dès lors en aucun cas de nature à entacher sa crédibilité. Il ajoute que le fait qu’il ait laissé sa famille seule en Egypte ne serait pas non plus de nature à entacher la crédibilité de son récit, dans la mesure où ce serait lui qui serait considéré par la famille de Monsieur (B) comme le principal responsable du décès de celui-ci et où ce serait encore lui qui aurait été menacé de mort et agressé par les membres de cette famille.

Le demandeur reproche ensuite au ministre d’affirmer que les circonstances de la rencontre entre lui et Madame (A2) seraient de nature à décrédibiliser son récit en relevant qu’il ne serait pas intelligible en quoi le fait qu’il se soit mariée religieusement avec une femme qu’il a rencontrée lors de son passage en Russie et retrouvée au Luxembourg serait de nature à décrédibiliser son récit, respectivement justifierait le recours par le ministre à la procédure accélérée.

Il soutient que le fait qu’il n’ait pas formulé de demande de protection internationale en Pologne, en Allemagne ou encore en France ne justifierait pas non plus le recours par le ministre à la procédure accélérée, dans la mesure où ces trois Etats présenteraient des défaillances systémiques dans l’accueil des demandeurs d’asile. Le demandeur se réfère, à cet égard, à la jurisprudence de la CJUE et de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la Cour EDH », en la matière, de même qu’à un arrêt du Conseil du Contentieux des Etrangers du 20 mars 2024, n° 303487, pour conclure que contrairement à ce que soutient le ministre, ni la Pologne, ni l’Allemagne, ni encore la France ne seraient des pays sûrs pour les demandeurs d’asile.

En ce qui concerne l’affirmation du ministre selon laquelle il aurait introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en vue d’échapper à une condamnation pénale en Egypte pour meurtre, le demandeur met en avant que suivant l’article 230 du Code pénal égyptien, la peine encourue pour meurtre avec préméditation serait la peine de mort. En outre, l’article 235 du même Code pénal disposerait que : « Les individus qui se rendent complices d’un meurtre dont l’auteur encourt la peine de mort seront condamnés à la peine capitale ou aux travaux forcés à perpétuité. ». Il estime qu’en recourant à la procédure accélérée, le ministre aurait méconnu la jurisprudence de la Cour EDH1 en la matière, laquelle aurait notamment condamné la Suède pour violation des articles 2 et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », à propos de ressortissants syriens, accusés d’avoir commis un meurtre et encourant la peine de mort en cas de retour en Syrie.

1 Cour EDH, 8 novembre 2005, Bader et autres c. Suède, requête n° 13284/04.

6Il reproche dans ce contexte au ministre de ne pas avoir procédé à un examen individuel de sa situation et de s’être notamment abstenu d’examiner les peines encourues par lui en cas de retour dans son pays d’origine.

Le demandeur conclut que la décision déférée de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée serait à réformer.

Quant au refus de lui accorder un statut de réfugié, le demandeur, après s’être référé à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, reprenant l’article 1A, paragraphe (2) de la Convention de Genève, se prévaut de deux articles, intitulés « Office du juge de l’asile et crédibilité du récit » et « Le récit du demandeur d’asile, de son émission à sa réception », dont la source n’est pas autrement précisée, mentionnés en note de bas de page, desquels il se dégagerait que des incohérences ou des divergences pourraient apparaître entre les différentes déclarations d’un demandeur d’asile ou entre le récit de celui-ci et d’autres éléments de preuve, lesquelles pourraient s’expliquer notamment par les nombreux défis auxquels ces derniers seraient confrontés, en raison des barrières linguistiques, des traumatismes subis ou encore de la méconnaissance des attentes procédurales. Dès lors, les contradictions dans le récit d’un demandeur de protection internationale ne devraient pas être systématiquement interprétées comme un manque de sincérité, mais pourraient être le résultat de facteurs externes affectant la mémoire ou l’expression de celui-ci ou encore sa compréhension des exigences juridiques et administratives.

Le demandeur rappelle à cet égard que l’origine de sa demande de protection internationale trouverait sa source dans les attouchements subis par sa petite sœur, tout en insistant sur le fait que l’Egypte serait une société patriarcale où les agressions sexuelles seraient courantes, mais où les victimes ne porteraient que rarement plainte. Cette absence de dépôt de plainte serait liée au traitement des victimes par la police et la justice, alors que les victimes seraient souvent humiliées et que les peines prévues en la matière ne seraient jamais appliquées. A cela s’ajouterait qu’il suffirait à l’auteur de l’agression d’épouser sa victime pour échapper aux poursuites pénales. Au vu de ces considérations, ce serait à tort que le ministre lui aurait reproché le fait que sa sœur n’ait pas déposé plainte contre son agresseur.

En réitérant qu’une procédure pénale serait en cours en Egypte et que pour l’infraction qui lui serait reprochée, il encourrait la peine de mort, le demandeur avance que l’Egypte ne garantirait pas le droit au procès équitable au sens de l’article 6 de la CEDH, tel que cela se dégagerait d’un rapport de l’organisation Amnesty International du 2 décembre 2020, intitulé « Egypte : La hausse alarmante des exécutions révèle la gravité de la crise des droits humains ».

Il soutient que les actes de persécution subis par lui en Egypte qui seraient motivés par des facteurs relevant de la Convention de Genève, constitueraient des atteintes graves à son intégrité physique et psychologique, tandis que les menaces directes et répétées formulées à son encontre démontreraient une impossibilité manifeste de retour dans son pays d’origine sans mettre sa vie en danger.

Le demandeur conclut que les conditions d’octroi du statut de réfugié, notamment la crainte fondée de persécution en raison de son appartenance à un groupe social menacé, seraient remplies en l’espèce, de sorte que ledit statut devrait lui être accordé.

7Quant au refus de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur rappelle la teneur des dispositions des articles 230 et 235 du Code pénal égyptien, de même que le fait que la Suède aurait été condamnée par la Cour EDH pour violation des articles 2 et 3 de la CEDH à propos de ressortissants syriens, accusés d’avoir commis un meurtre et craignant la peine de mort en Syrie.

Il reproche au ministre de ne pas avoir procédé à une analyse individuelle de sa situation en s’abstenant d’examiner les peines encourues par lui en cas de retour en Egypte pour le meurtre qu’il serait accusé d’avoir commis, de sorte que la décision ministérielle portant refus de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire devrait être réformée.

A l’appui de son recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, le demandeur fait valoir que le rejet de sa demande de protection internationale reposerait sur une appréciation erronée des faits et du droit. En se prévalant d’un arrêt de la Cour EDH du 15 avril 2021, K.I.

c. France, requête n° 5560/19, il conclut que dans la mesure où il risquerait la peine de mort en cas de retour dans son pays d’origine, l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre violerait les articles 2 et 3 de la CEDH, et devrait, à son tour, être réformé.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours en ses trois volets.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il ressort de cette disposition qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

La soussignée constate de prime abord que ni le texte légal ni d’ailleurs les travaux parlementaires afférents ne contiennent de définition de ce qu’il convient d’entendre par « recours manifestement infondé ».

Il appartient dès lors à la soussignée, saisie d’un recours basé sur la disposition légale citée ci-avant, de définir ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé » et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

8Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé. Comme le législateur s’est référé au « recours », c’est-à-dire au recours contentieux, en d’autres termes à la requête introductive d’instance, et non pas à la demande de protection internationale en tant que telle, la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier de manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente. En d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé. En effet, en application de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée A titre liminaire, la soussignée est amenée à rejeter le reproche formulé par le demandeur suivant lequel le ministre n’aurait pas procédé à un examen approfondi, individuel et impartial de sa situation. En effet, il ressort du rapport d’audition du demandeur qu’il a été invité à exposer les raisons pour lesquelles il avait sollicité une protection internationale au Luxembourg, ainsi que les raisons de son départ de son pays d’origine, l’agent ministériel chargé de son audition l’ayant plus particulièrement interrogé sur les problèmes qu’il aurait personnellement rencontrés en Egypte, ainsi que sur les persécutions et atteintes graves qu’il y aurait subies. Le ministre a, quant à lui, ensuite procédé à un examen approprié en fait et en droit des déclarations faites par Monsieur (A1) au cours de son audition en motivant tant sa décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de l’intéressé dans le cadre d’une procédure accélérée que celle portant refus d’une protection internationale dans son chef.

En ce qui concerne plus particulièrement le reproche selon lequel le ministre n’aurait pas pris en considération le risque pour lui d’encourir la peine de mort en cas de retour en Egypte alors qu’il y serait accusé d’avoir commis un meurtre, la soussignée se doit de relever qu’il ressort sans équivoque des déclarations du demandeur lors de son entretien ministériel que la police aurait affirmé qu’il n’aurait aucun lien avec cette affaire de meurtre2 et qu’il ne serait pas concerné par le procès en cours alors qu’il aurait été innocenté suite aux vidéos de surveillance qui auraient filmé l’agression sur le dénommé Monsieur (B)3. Dans la mesure où le demandeur a dès lors confirmé lors de son entretien ministériel que la police n’aurait retenu aucune charge contre lui et où celui-ci n’a, de surcroît, à aucun moment de la procédure précontentieuse fait état de sa crainte d’être condamné à la peine de mort en cas de retour dans son pays d’origine, il ne saurait être reproché au ministre de ne pas avoir analysé les peines 2 Page 9/18 du rapport d’entretien.

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9encourues par le demandeur en cas de retour en Egypte, de sorte que le reproche afférent est rejeté.

Enfin, la soussignée constate que c’est encore à tort que le demandeur avance que le ministre se contenterait de mettre en doute la crédibilité de son récit alors qu’il ressort clairement de la décision déférée que celui-ci ne s’est pas arrêté à la crédibilité des déclarations du demandeur, mais qu’il a également analysé le fond de sa demande de protection internationale. La contestation afférente est dès lors, à son tour, rejetée.

Quant au fond, la soussignée relève que la décision ministérielle est, en l’espèce, fondée sur les dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), sous a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par lui ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

S’agissant plus particulièrement du point a) de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015 et afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il échet de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

En ce qui concerne tout d’abord le statut de réfugié, il convient de relever que la notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de 10son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1)4 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 395 et 406 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les persécutions antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas.

En l’espèce, indépendamment de la crédibilité du récit du demandeur, telle que contestée par la partie étatique, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène la soussignée à conclure qu’il reste manifestement en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier 4 « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

5 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être : a) l’Etat ; b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ; c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

6 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par : a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire. (2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».

11dans son chef une crainte actuelle fondée de persécutions au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour en Egypte.

Force est de constater que Monsieur (A1) a invoqué à l’appui de sa demande en obtention d’un statut de réfugié (i) des motifs économiques ou de convenance personnelle, (ii) sa crainte d’être tué par vengeance par la famille du dénommé Monsieur (B) qui serait décédé après avoir été frappé avec un bâton par un des amis du demandeur, et (iii) sa crainte d’être arrêté par la police en raison de cette affaire de meurtre. Dans son recours, le demandeur ajoute qu’en cas de retour en Egypte, il risquerait d’être condamné à la peine de mort pour le meurtre de Monsieur (B) dont il serait accusé.

Concernant tout d’abord les motifs économiques ou de convenance personnelle qui sous-tendent la demande de protection internationale de Monsieur (A1), force est de constater que ceux-ci ne sauraient justifier l’octroi du statut de réfugié dans son chef alors qu’ils ne rentrent pas dans les critères prévus par les articles 1A, paragraphe (2) de la Convention de Genève et 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir des persécutions ou un risque de persécutions en raison de la race, la nationalité, la religion, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social.

En ce qui concerne les craintes du demander en relation avec la famille de Monsieur (B), force est de constater que celles-ci ne sont pas non plus de nature à lui faire accorder le statut de réfugié dans la mesure où les faits à la base de ces craintes, à savoir le fait que la famille du défunt Monsieur (B), qui serait décédé à la suite d’une bagarre dans laquelle le demandeur aurait été impliqué et laquelle trouverait sa cause dans les harcèlements sexuels que le défunt aurait occasionnés sur la sœur du demandeur, voudrait venger sa mort, ne trouvent pas leur origine dans la race, la nationalité, la religion ou les opinions politiques du demandeur, respectivement dans l’appartenance de celui-ci à un certain groupe social, mais se limitent, au contraire, à un conflit d’ordre purement privé ne relevant pas du champ d’application de la Convention de Genève.

Il en est de même de la crainte du demandeur de se faire arrêter par la police égyptienne et d’être condamné à la peine de mort alors qu’il serait accusé d’avoir tué Monsieur (B). En effet, indépendamment du bien-fondé de cette crainte au vu des déclarations du demandeur à cet égard lors de son entretien ministériel et quand bien même cette crainte soit en relation avec la police, respectivement avec la justice égyptiennes, force est de constater que celle-ci ne trouve pas non plus sa source dans un des critères prévus par l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte qu’aucun statut de réfugié ne saurait lui être octroyé.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’affirmation vague du demandeur dans son recours suivant laquelle les actes de persécutions subis par lui seraient « motivés par des facteurs relevant de la Convention de Genève » alors qu’il appartiendrait « à un groupe social menacé », à défaut de développements concrets et circonstanciés permettant de retenir que Monsieur (A1) appartient à un certain groupe social au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015, étant relevé qu’il n’appartient pas à la soussignée de suppléer à la carence du demandeur et de rechercher elle-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Au vu de ce qui précède, la soussignée arrive à la conclusion que c’est à bon droit que le ministre a retenu que le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a 12soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié.

En ce qui concerne ensuite le statut conféré par la protection subsidiaire, il a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40, précités, de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que l’article 2, point g), précité, définit la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 ». Cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine.

Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas.

Par ailleurs, il y a lieu de préciser que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire relève de l’absence de protection dans le pays d’origine au sens des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015 et que le demandeur doit fournir à cet égard la preuve que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

13Force est de constater qu’à la base de sa demande en obtention d’un statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur a invoqué les mêmes faits que ceux invoqués à la base de sa demande en obtention d’un statut de réfugié.

Or, ici également, la soussignée arrive à la conclusion que le demandeur reste manifestement en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015.

En effet, en ce qui concerne tout d’abord les motifs économiques ou de convenance personnelle qui sous-tendent la demande de Monsieur (A1), force est de constater que ceux-ci ne sauraient justifier l’octroi d’un statut conféré par la protection subsidiaire dans son chef alors que de tels motifs ne rentrent pas dans le champ d’application de la loi du 18 décembre 2015.

En ce qui concerne ensuite les problèmes dont a fait état le demandeur en relation avec les membres de la famille du défunt Monsieur (B) qui serait décédé à l’hôpital après avoir été frappé avec un bâton par un des amis de Monsieur (A1), agression lors de laquelle le demandeur aurait été présent et qui trouverait sa raison dans le fait que la personne défunte aurait à plusieurs reprises harcelé sexuellement sa sœur, la soussignée se doit de retenir que les faits invoqués dans ce contexte ne revêtent manifestement pas un degré de gravité tel à pouvoir être assimilés à des atteintes graves ou à une crainte fondée de subir des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine au sens de la loi du 18 décembre 2015. En effet, force est de constater que le demandeur se limite à affirmer de manière vague que la famille de la victime serait une fois passée à son domicile et que depuis, il serait devenu « la personne recherchée numéro 1 »7, sans toutefois expliquer plus amplement les menaces ou agressions dont il aurait concrètement fait l’objet à ce moment, voire par la suite, pour venger le décès de Monsieur (B).

Si le demandeur a fait état lors de son entretien ministériel d’une agression en France de la part de deux personnes inconnues, dont il estime qu’elles seraient des membres de la famille de Monsieur (B), agression lors de laquelle il aurait été frappé avec un bâton et blessé à la main, tout en ayant reçu des menaces de mort, au-delà du constat que ces faits ne sont pas pertinents en l’espèce dans la mesure où la question de savoir si un étranger craint avec raison de subir des atteintes graves doit être examinée par rapport au seul pays dont celui-ci a la nationalité8 et que Monsieur (A1) a exclusivement la nationalité égyptienne, force est de constater qu’il n’est pas établi en l’espèce que l’agression dont le demandeur a été victime en France ait un quelconque lien avec la famille du défunt.

Même à admettre, pour les besoins de la discussion, que ladite agression en France et les menaces de mort proférées à l’encontre du demandeur à ce moment auraient émané de membres de la famille de Monsieur (B) qui voudraient venger sa mort, la soussignée se doit de constater que les auteurs des agissements dont Monsieur (A1) déclare avoir été victime en Egypte, respectivement en France, sont des personnes privées, sans lien avec l’Etat. Le demandeur ne peut dès lors faire valoir une crainte fondée de subir des atteintes graves que si les autorités égyptiennes ne veulent ou ne peuvent pas lui fournir une protection effective contre les agissements dont il fait état, en application de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, ou s’il a de bonnes raisons de ne pas vouloir se réclamer de la protection des autorités de son pays d’origine.

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8 Trib. adm., 15 décembre 2004, n° 18573 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 129 et les autres références y citées.

14 En effet, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut9.

Or, force est de constater que le demandeur n’a jamais dénoncé ses agresseurs auprès de la police égyptienne, respectivement auprès d’une autre autorité de son pays d’origine. En effet, à la question de l’agent ministériel de savoir si le demandeur a déposé une plainte auprès d’une autorité contre les agissements des membres de la famille de Monsieur (B), celui-ci a répondu sans équivoque par la négative10. La soussignée relève, à cet égard, que si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a pas tenté lui-

même formellement d’obtenir une telle protection. Or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence d’actes physiques ou mentaux, communément la forme d’une plainte. Ainsi, à défaut d’avoir déposé une plainte, le demandeur ne saurait reprocher aux autorités égyptiennes compétentes une absence de protection contre les agissements ces personnes, étant relevé que la seule affirmation vague selon laquelle « [l]a police ne protège personne. La police arrive en retard, après qu’il y a eu des problèmes »11 est largement insuffisante pour retenir le contraire. Il s’ensuit que Monsieur (A1) ne démontre pas qu’il n’aurait pas pu rechercher une protection en Egypte contre les agissements de la part des membres de famille du défunt Monsieur (B).

En tout état de cause, si jamais après son retour en Egypte, le demandeur devait à nouveau être confronté à des représailles de la part des membres de la famille de Monsieur (B), il lui appartiendrait de s’adresser aux autorités égyptiennes afin que celles-ci engagent des poursuites par rapport à ses doléances.

Au vu de ce qui précède, la soussignée est amenée à conclure que le demandeur n’a manifestement pas établi un défaut de protection de la part des autorités étatiques égyptiennes, de sorte qu’au moins l’une des conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire ne se trouve manifestement pas remplie dans son chef.

En ce qui concerne la crainte du demandeur d’être arrêté par la police et d’être condamné à la peine de mort alors qu’il serait accusé d’avoir tué Monsieur (B), la soussignée rappelle que le demandeur a confirmé lors de son entretien ministériel que la police n’aurait retenu aucune charge contre lui en relation avec le décès de Monsieur (B) et qu’il ne serait pas concerné par le procès en cours alors qu’il aurait été innocenté suite aux vidéos de surveillance qui auraient filmé l’agression sur le dénommé Monsieur (B)12, de sorte que les allégations invoquées à cet égard par le demandeur dans son recours selon lesquelles une procédure pénale serait en cours et qu’il risquerait la peine de mort en cas de retour en Egypte sont à rejeter pour être non fondées et pour être contredites par les éléments du dossier administratif. Force est à cet égard encore de relever que le demandeur se contente d’affirmer qu’il serait accusé d’avoir 9 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

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15tué Monsieur (B) et qu’il risquerait d’être condamné à une peine de mort dans son pays d’origine sans toutefois sous-tendre cette affirmation par un quelconque élément de preuve tangible, telle une convocation au bureau de police ou à audience d’une juridiction répressive, voire tout autre élément permettant de démontrer qu’une procédure pénale pour meurtre ou pour complicité de meurtre serait en cours à son encontre. Il convient pour cette raison également de rejeter l’invocation par le demandeur de l’arrêt de la Cour EDH du 8 novembre 2005 dans l’affaire BADER et autres c. Suède où il était question d’un ressortissant syrien qui avait effectivement été condamné par contumace à la peine de mort pour complicité de meurtre, contrairement au demandeur qui, d’après ses propres déclarations, a été innocenté à la suite d’une enquête menée par les autorités de son pays d’origine, de sorte que les enseignements de cette affaire ne sont pas transposables en l’espèce.

Quant à l’allégation selon laquelle l’Egypte ne garantirait pas le droit à un procès équitable au sens de l’article 6 de la CEDH et la référence dans ce contexte à un rapport d’Amnesty International, intitulé « Egypte. La hausse alarmante des exécutions révèle la gravité de la crise des droits humains » publié le 2 décembre 2020, force est de constater que cette publication qui date de presque cinq ans ne reflète non seulement pas nécessairement la situation actuelle en Egypte en matière de droits à un procès équitable, mais qu’elle est par ailleurs invoquée par le demandeur de manière générale et sans mise en relation avec sa situation particulière, étant à cet égard rappelé que le demandeur a déclaré avoir été innocenté à la suite de l’enquête policière menée par les autorités égyptiennes et qu’il reste actuellement en défaut de verser une quelconque pièce en relation avec un éventuel futur procès dans le cadre de l’agression, voire du meurtre de Monsieur (B). Il s’ensuit que l’allégation selon laquelle ses droits à un procès équitable ne seraient pas garantis en Egypte est non seulement non fondée, mais également purement hypothétique et dès lors à rejeter.

Au vu de ce qui précède, la soussignée conclut que le demandeur reste en défaut de démontrer qu’en cas de retour en Egypte, il risquerait d’y subir des atteintes graves au sens des points a) et b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la peine de mort ou l’exécution, respectivement la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.

Dans la mesure où le demandeur n’allègue pas qu’il subirait dans son pays d’origine des menaces graves et individuelles contre sa vie en raison d’une violence aveugle causée par un conflit armé interne ou international au sens de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, la soussignée arrive à la conclusion que c’est également à bon droit que le ministre a retenu que le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours du demandeur dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que les faits soulevés à la base de sa demande de protection internationale ne seraient pas dépourvus de pertinence, sont visiblement dénués de tout fondement.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

162) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Force est de rappeler que la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que le demandeur est resté en défaut de présenter des faits suffisamment pertinents pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, que ce soit au statut de réfugié ou à celui conféré par la protection subsidiaire.

Or, la soussignée, au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et moyens invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que le demandeur ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à déclarer comme manifestement infondé et le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

3) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer les dispositions des articles 2 et 3 de la CEDH.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le vice-président, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 24 mars 2025 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur (A1) dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

17 au fond, déclare le recours dirigé contre ces décisions manifestement infondé et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 mai 2025 par la soussignée, Alexandra Bochet, vice-président au tribunal administratif, en remplacement du président de la deuxième chambre du tribunal administratif, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Bochet 18


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52680
Date de la décision : 08/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-08;52680 ?

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