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06/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52688

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 mai 2025, 52688


Tribunal administratif N° 52688 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52688 3e chambre Inscrit le 10 avril 2025 Audience publique du 6 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52688 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 avril 2025 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons

ieur (A), déclarant être né le … à … (Guinée) et être de nationalité guinéenne...

Tribunal administratif N° 52688 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52688 3e chambre Inscrit le 10 avril 2025 Audience publique du 6 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52688 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 avril 2025 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Guinée) et être de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 3 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus d’octroi d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 avril 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Max LENERS, en remplacement de Maître Marcel MARIGO, et Monsieur le délégué du gouvernement Luca ESTGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 avril 2025.

Le 1er juillet 2024, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée, dans un rapport du même jour.

Le 4 février 2025, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

1Par décision du 3 avril 2025, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé le 7 avril 2025, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] En date du 1er juillet 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort de votre dossier administratif que vous auriez quitté votre pays d'origine le 27 juin 2024 et que vous seriez entré en Europe en franchissant la frontière française sans y introduire une demande de protection internationale. Vous auriez effectué votre voyage en compagnie d'un individu dénommé « …». Le jour de votre arrivée à Paris, vous auriez pris le train en direction du Luxembourg où vous êtes arrivé le 28 juin 2024.

Le 1er juillet 2024, vous vous êtes présenté au Ministère afin d'introduire une demande de protection internationale. Vous avez été entendu sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale en date du 4 février 2025.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez être né le … à …, être de nationalité guinéenne, d'ethnie Peul, de confession musulmane et avoir vécu à … dans le quartier de … avec votre épouse et vos enfants (p.2/19 du rapport d'entretien).

Lors de votre entretien individuel, vous expliquez avoir quitté … à la suite d'un incident survenu le 4 novembre 2023, impliquant deux militaires à qui vous auriez prêté votre voiture.

Selon vos propos, le 27 octobre 2023, ces deux individus qui auraient régulièrement fréquenté votre bar-café, vous auraient demandé de leur prêter votre voiture. Vous dites qu'ils « (…) ont débarqué chez moi, ils ont voulu que je leur prête une voiture, une … » (p.3/19 du rapport d'entretien). Vous précisez qu'ils vous auraient interrogé au sujet d'un colonel de l'armée, nommé « … », mais vous ignoreriez les raisons exactes de leur demande. Vous auriez alors demandé pourquoi ils auraient eu besoin de votre voiture, mais leur réponse aurait été évasive, se contentant de vous répondre « (…) qu'ils ont un programme à faire » (p.11/19 du rapport d'entretien). Ainsi, étant donné que « (…) c'était des forces de l'ordre », vous n'auriez pas estimé nécessaire de refuser leur demande ou de poser davantage de questions. Vous complétez vos dires par le fait que vous auriez en plus l'habitude de prêter votre voiture à vos voisins et à vos amis (p.12/19 du rapport d'entretien).

2Vous indiquez ensuite que, le fils de ce colonel, « … », accompagné de ses amis, aurait organisé l'évasion de son père ainsi que celle « (…) d'anciens dirigeants dont l'ancien président qui a dirigé la Guinée » de la prison du centre-ville de …. Selon vos dires, votre voiture aurait alors été utilisée pour cette opération (p.13/19 du rapport d'entretien).

Vous soulignez n'avoir été informé de cet incident qu'en date du 11 novembre 2023, soit une semaine après les faits, lorsque vos amis qui travailleraient à la gendarmerie, vous auraient contacté pour vous avertir qu'un dossier aurait été ouvert à votre sujet en raison de l'implication de votre voiture « (…) dans les événements qui se sont déroulés à la sûreté (…) » (p.11/19 du rapport d'entretien).

Subséquemment, vous auriez décidé de vous cacher dans le quartier de … à … pendant plusieurs mois. A cet effet, un ami, « … », vous aurait conseillé d'également cacher votre famille afin de leur éviter d'éventuelles représailles de la part des autorités guinéennes. Grâce à cet ami qui, selon vos informations, habiterait actuellement à …, vous auriez pu financer le voyage de votre femme et de vos enfants vers la Sierra Leone. Quant à vous, vous déclarez ne pas avoir « (…) pu prendre le risque de traverser par ce côté de la frontière » pour quitter … (p.11/19 du rapport d'entretien), de sorte que vous y seriez resté jusqu'à définitivement quitter la Guinée en avion au départ de … en juin 2024 (p.7/11 du rapport d'entretien).

En cas de retour en Guinée, vous craindriez la mort ou l'emprisonnement « parce que c'est comme ça que les autorités procèdent dans mon pays, lorsqu'on a des problèmes avec les autorités, ou lorsqu'on est impliqué dans un problème lié aux autorités de mon pays » et que « (…) des gens liés à cet évènement, ont été arrêtés, et mis en prison » (p.11/19 du rapport d'entretien). Vous auriez donc décidé de vous rendre au Luxembourg car ce serait un pays où « (…) on respecte les droits » (p.10/19 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous ne présentez aucun document. Vous mentionnez cependant qu'en juin 2024, vous auriez confié vos documents d'identité à votre ami, car vous auriez pris peur lorsque les deux militaires vous auraient demandé de leur emprunter votre voiture. Selon vos dires, vous lui auriez laissé votre passeport guinéen, mais vous ne vous rappelleriez pas quels autres documents vous lui auriez confiés (p.3/19 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous ne présentez aucun document.

3. Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

« a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » 3Tel qu'il ressort de l'analyse de votre demande de protection internationale ci-dessous développée, il s'avère que le point a) de l'article 27 se trouve être d'application pour les raisons étayées ci-après.

4. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Avant tout autre développement, il y a lieu de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de fournir, dans la mesure du possible, des preuves crédibles et cohérentes des faits allégués et des craintes de persécution, en soumettant les documents et attestations nécessaires à l'appui de sa demande. Il appartient ainsi au demandeur de permettre aux autorités compétentes d'appréhender l'intégralité de sa situation personnelle. L'analyse de la demande ne se limite pas à la pertinence des faits, mais doit également prendre en compte la valeur des preuves et la crédibilité des déclarations. Or, dans votre cas, il apparaît que vous ne faites pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la Loi de 2015.

En effet, en ce qui concerne notamment vos documents d'identité, vous affirmez posséder une carte d'identité et un passeport guinéen, mais vous n'êtes pas en mesure de fournir une copie de ces documents alors que vous les auriez confiés à votre ami « … » (p.3/19 du rapport d'entretien). Vous indiquez également avoir traversé les frontières Schengen grâce à un passeport, mais qu'il ne s'agirait pas du vôtre. D'après vos déclarations, ce passeport aurait été le seul document de voyage vous permettant d'entrer en Europe, et vous affirmez ne pas être au courant des détails relatifs aux informations inscrites dans ce document. Cependant, lors de votre entretien individuel avec l'agent ministériel, vous précisez que les noms et prénoms figurant sur ce passeport seraient «…», ce qui démontre que vous détenez bel et bien des informations concernant les données personnelles inscrites dans ce document, contrairement à ce que vous avez pu affirmer en amont. A cela s'ajoute qu'au cours de votre audition policière, vous mentionnez que ce passeport serait au nom de «…», information qui ne correspond clairement pas à celle que vous donnez lors de votre entretien individuel.

En ce sens, il se dégage de la lecture des différents entretiens menés à l'occasion de l'instruction de votre demande que vos déclarations quant à vos documents d'identité manquent de cohérence, ce qui rend difficile la compréhension de votre récit.

Cette incohérence est mise en évidence par le fait que lors de votre entretien individuel, vous déclarez qu' « … » vous aurait accompagné pendant votre voyage vers le Luxembourg et qu'à cette fin, il vous aurait demandé de lui payer une somme de 5.000 USD. Vous précisez alors ne disposer que d'une somme totale de 4.000 USD. Cependant, tandis que lors de votre audition policière du 1er juillet 2024, vous affirmez que c'est votre grand-mère qui aurait réglé les 1.000 USD restants, à l'occasion de votre entretien avec l'agent ministériel, vous vous contredisez en soulevant que ce serait la mère d' « … » qui aurait versé cette somme (p.11/19 du rapport d'entretien). De plus, vous déclarez percevoir un salaire mensuel de 2.000.000 francs guinéens et avoir économisé pendant cinq ans pour financer votre voyage. Or, votre récit suggère que vous auriez pris la décision de fuir le pays seulement six mois après vous y être caché ce qui rend incohérente la chronologie de votre récit et les économies que vous mentionnez avoir faites.

4En conséquence, plusieurs éléments demeurent flous, notamment la manière exacte dont vous auriez pu financer votre voyage, ainsi que les personnes impliquées dans l'organisation et le financement de ce dernier.

A toutes fins utiles, il est pertinent de rappeler que d'après les recherches effectuées sur votre téléphone portable lors de votre audition avec le Service de Police judiciaire, une photo est révélatrice quant à la date de départ de votre pays d'origine. Vous affirmez avoir quitté votre pays d'origine, la Guinée, le 27 juin 2024 et être arrivé au Luxembourg le lendemain, le 28 juin 2024. Or, cette photo datant du 29 juin 2024, soit un jour après votre arrivée au Luxembourg, ne peut vraisemblablement pas avoir été prise en Sierra Leone alors que vous déclarez que ce serait le téléphone de votre mère et que vous l'auriez reçu une semaine avant d'être arrivé au Luxembourg (p.3/4 du rapport du Service de la Police judiciaire). En réalité, la photo en question illustre une scène qui ne correspond pas à l'environnement urbain typique de la Sierra Leone, pays où votre mère aurait vécu à ce moment-là. Les rues de la ville de … en Sierra Leone, bien que variées, sont moins aménagées et ne correspondent pas à l'environnement moderne et urbanisé que montre la photo. Vous tentez donc de dissimuler des informations, voire de faire une fausse déclaration sur les circonstances de votre départ de votre pays d'origine.

En outre, lorsque vous avez été interrogé sur d'éventuelles connaissances que vous auriez au Luxembourg, vous répondez par la négative. Toutefois, des recherches effectuées sur vos réseaux sociaux révèlent que deux individus, nommés « … » et « …», résident au Luxembourg et vous seraient connus d'après vos déclarations (p.4/4 du rapport du Service de la Police judiciaire).

En somme, les incohérences relevées tant dans votre récit que dans les éléments factuels, notamment en ce qui concerne vos documents d'identité, votre trajet jusqu'en Europe, votre date de départ du pays d'origine, et vos relations avec des personnes au Luxembourg, jettent un sérieux doute sur la véracité de votre demande de protection internationale et renforcent le fait que vous avez essayé d'induire les autorités luxembourgeoises en erreur sur des éléments linéaires depuis le début de l'introduction de votre demande de protection internationale.

Quoiqu'il en soit, il échet de constater que vous ne remplissez, ni les conditions pour l'octroi du statut de réfugié, ni celles pour l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut de réfugié (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut 5ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42, paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, il ressort clairement de votre récit que les faits dont vous faites état, ne relèvent pas du champ d'application de la Convention de Genève, étant donné qu'il n'existe aucune crainte de persécution liée à votre race, votre religion, votre nationalité, vos opinions politiques ou votre appartenance à un groupe social. En effet, vous auriez quitté votre pays d'origine en juin 2024 à la suite d'un incident survenu le 4 novembre 2023, au cours duquel votre voiture aurait été impliquée dans l'évasion de quatre personnes de la prison de ….

Or, de tels faits ne sauraient justifier l'octroi du statut de réfugié dans votre chef, étant donné qu'une telle raison ne correspond à aucun des cinq critères de fond défini par la Convention de Genève et la Loi de 2015. En effet, il s'agit d'une infraction de droit commun commise par des personnes privées, qui auraient uniquement utilisé votre voiture.

Quand bien même un tel lien existerait, quod non, force est de constater que vous retracez principalement des faits en soumettant que très peu d'informations quant à votre situation concrète et individuelle et plus particulièrement quant aux raisons qui vous auraient motivé à quitter votre pays d'origine. Vous mentionnez certes le fait que votre vie pourrait être en danger en Guinée, mais vous ne fournissez aucune précision sur la nature concrète de ces dangers. Par conséquent, le problème, respectivement les craintes que vous éprouvez, ne revêtent pas un degré de gravité suffisant tels qu'ils puissent être assimilés à un acte de persécution ou une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

En effet, force est de relever que vous n'émettez tout au long de votre entretien individuel sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale que de simples suppositions et craintes hypothétiques de subir le même sort que d'autres citoyens guinéens.

Alors que vous supposez que « c'est comme ça que les autorités procèdent dans mon pays », vous évoquez pouvoir faire aussi l'objet d'une arrestation, d'un emprisonnement ou d'être tué en cas de retour dans votre pays d'origine (p.11/19 du rapport d'entretien). Or, en ce qui concerne vos craintes personnelles, vous n'approfondissez pas vos propos et n'expliquez pas dans quelle mesure vous seriez personnellement persécuté ou encore ciblé par les autorités guinéennes. Vous ne faites que supposer pouvoir faire l'objet d'une arrestation car selon vos dires, « (…) il y a même des innocents qu'on arrête et qu'on met en prison comme ça, sans jugement (…) » (p.11/19 du rapport d'entretien). Vos craintes ne sont donc basées sur aucun fait concret et personnel que vous auriez subi, de sorte que vos craintes de subir des représailles de la part des autorités guinéennes sont purement hypothétiques ou encore traduisent tout au plus un sentiment d'insécurité. Or, un sentiment d'insécurité générale ne revêt également pas un degré de gravité suffisant tel qu'il puisse être assimilé à un acte de persécution ou une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

6De plus, il y a lieu de noter que vous n'avez pas fait l'objet d'une quelconque convocation ou arrestation de la part des autorités guinéennes avant de quitter votre pays d'origine, de sorte que vous n'avez été ni visé ni menacé ni poursuivi directement et personnellement. Dans la mesure où vous n'êtes pas capable de donner davantage d'informations quant à un dossier qui aurait été ouvert à votre égard, il est également incertain si vous êtes réellement recherché par les autorités de votre pays.

Quand bien même un dossier aurait été ouvert, il convient notamment de souligner qu'aucun incident serait survenu après l'ouverture d'un dossier à votre égard en date du 11 novembre 2023, dont vous auriez eu connaissance par l'intermédiaire de vos amis, qui seraient également des gendarmes. Au contraire, vous seriez parvenu à vous cacher pendant six mois sans que les autorités guinéennes ne vous aient activement recherché. Aucun appel officiel, ni convocation d'un poste de police ou autre démarche des autorités ne vous aurait été adressée pour vous informer que votre voiture aurait été impliquée dans l'incident en question, de sorte qu'aucune mesure coercitive ou action significative n'aurait été entreprise par les autorités guinéennes à votre égard. Toutefois, si les autorités guinéennes avaient réellement été activement à votre recherche, des démarches concrètes, telles que des convocations officielles ou des mesures coercitives auraient certainement été prises par ces dernières afin de vous localiser et de faire avancer le dossier. Le défaut de toute action de ce type témoigne donc de l'absence d'une réelle urgence dans votre situation, suggérant que si un dossier avait été ouvert à votre égard, il n'aurait pas été jugé suffisamment grave pour entraîner une véritable intervention des autorités guinéennes.

Dans cette lignée, il est également surprenant que, malgré le fait que votre numéro de téléphone aurait figuré sur la plaque d'immatriculation de la voiture en question, aucune tentative de contact n'aurait été faite par les autorités, alors que selon votre récit, vous seriez personnellement visé par les autorités.

A cela s'ajoute qu'en dépit du fait que vos amis gendarmes auraient été en mesure de vous informer qu'un dossier aurait été ouvert à votre égard, il échet de relever que vous ne semblez pas avoir été particulièrement préoccupé par la situation, autrement vous vous seriez davantage renseigné sur les raisons de votre implication dans cette affaire ou, du moins, vous auriez tenté de fuir immédiatement votre pays après l'incident en question, tel que le ferait une personne réellement persécutée. Au contraire, vous auriez choisi de vous cacher pendant six mois dans le quartier de … à …, où, selon vos dires, il vous serait impossible d'être retrouvé (p.15/19 du rapport d'entretien). Cependant, vous seriez resté dans la même ville et n'auriez pas envisagé de fuir vers une autre région du pays.

Vous expliquez que vous auriez également décidé de cacher votre famille en Sierra Leone afin de les protéger des représailles des autorités guinéennes à la suite des événements du 4 novembre 2023. En effet, votre femme et vos enfants se seraient installés chez votre belle-

mère à … où ils auraient bénéficié d'un soutien financier de la part de vos amis afin de subvenir à leurs besoins (p.5/19 du rapport d'entretien). Vous indiquez que votre famille y serait restée pendant un an avant de revenir en Guinée pour les études de vos enfants. Or, vos explications soulèvent un véritable doute sur la réelle gravité de votre situation car le fait que votre famille revienne en Guinée et qu'elle trouve un logement dans le quartier … à … (p.5/19 du rapport d'entretien), … et ville dans laquelle vous auriez vécu en amont des faits du 4 novembre 2023, démontre que la situation n'a manifestement jamais été aussi grave que vous l'affirmez. En effet, si les autorités guinéennes avaient réellement voulu cibler votre famille, il semble peu 7probable qu'elle aurait pu s'installer sans crainte dans un autre quartier de …, respectivement qu'elle revienne un an après s'installer en Guinée.

Par ailleurs, vous-même soulignez que vous n'auriez pas pu prendre le risque de traverser la frontière afin de vous rendre en Sierra Leone car vous craindriez d'être repéré par les autorités nationales de votre pays. Or, si votre situation relevait réellement d'un degré de gravité important, il aurait été raisonnable que vous preniez toutes les mesures possibles afin de quitter votre pays d'origine en rejoignant votre famille. Au contraire, vous avez préféré rester en Guinée pendant un temps considérable après les événements du 4 novembre 2023, à savoir jusqu'au 27 juin 2024 sans que vous ne rencontriez le moindre souci quelconque.

Toujours en ce sens, force est de relever que vous avez été à même de quitter votre pays d'origine par voie aérienne, et ceci dans la légalité la plus absolue, sans que vous ne rencontriez le moindre souci à l'aéroport où de nombreux contrôles de police et aéroportuaires ont pourtant lieu. Or, ici encore, une personne qui serait réellement recherchée par son gouvernement n'aurait pas réussi à quitter son pays de cette façon-ci, de sorte que vous ne vous trouviez donc pas dans une situation d'une gravité telle que vous tentez de le faire croire.

Partant, force est de constater que les problèmes dont vous faites état ainsi que la crainte que vous exprimez concernant votre vie qui serait en danger ne sauraient revêtir un degré de gravité suffisant pour constituer un acte de persécution ou une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

A toutes fins utiles, force est de retenir que vous n'avez aucunement jugé opportun d'introduire une demande de protection internationale en France, pays de votre arrivée sur le sol européen. Or, si vous aviez réellement été en danger et recherché par les autorités guinéennes, vous auriez manifestement usé de cette possibilité pour introduire une demande de protection internationale. Dès lors, votre comportement ne correspond pas à celui d'une personne qui se serait sentie contrainte de fuir son pays d'origine alors que sa vie y aurait été en danger. Or, cette observation ne fait que conforter le constat que la situation dans votre pays d'origine n'est pas d'une gravité suffisante pour constituer une crainte fondée de persécution en lien avec un des cinq motifs de fond de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015, « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

8 L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous fondez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande d'octroi du statut de réfugié. Or, et tout en renvoyant aux arguments développés ci-dessus, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité.

Enfin, vous restez également en défaut d'établir qu'il existerait dans votre chef un risque réel d'être la victime de menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d'une procédure accélérée.

Suivant les dispositions de l'article 34 (2) de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Guinée ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 avril 2025, Monsieur (A) a fait déposer un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 3 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions précitées du ministre du 3 avril 2025, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et quant à la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en application de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur donne à considérer que ses déclarations au sujet de son arrivée au Luxembourg et du 9financement de son voyage auraient été faites dans des circonstances de détresse et ce, après avoir échappé à la mort tant dans son pays d’origine qu’en traversant la mer. Ayant été traumatisé par son passé, il serait incapable de se situer dans le temps et dans l’espace, le demandeur soulignant qu’il aurait été de bonne foi au moment de ses déclarations et qu’il n’aurait jamais eu l’intention d’induire les autorités ministérielles en erreur.

Il soutient ensuite que l’examen de sa demande de protection internationale suivant la procédure accélérée résulterait d’une interprétation erronée des éléments invoqués par lui à l’appui de sa demande, lesquels seraient, contrairement à l’argumentation ministérielle, pertinents au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Quant au refus de lui accorder une protection internationale, et concernant plus particulièrement le reproche ministériel d’avoir indiqué deux noms distincts figurant dans le passeport lui ayant permis d’entrer dans l’Espace Schengen, il précise que, lors de son arrivée au Luxembourg après avoir échappé à la mort, il aurait été désemparé lors de ses déclarations faites au sujet des circonstances de son arrivée, en réitérant qu’il n’aurait eu aucune intention d’induire les autorités ministérielles en erreur sur les circonstances de son arrivée ni sur ses documents d’identité.

Il explique ensuite avoir été contraint de quitter son pays d’origine par crainte d’être emprisonné ou tué, alors que sa voiture, qu’il aurait prêtée à des membres des forces de l’ordre guinéennes, aurait été identifiée par les autorités guinéennes après avoir été utilisée dans le cadre d’une évasion de prison à ….

Tout en donnant à considérer que les actes de persécution seraient fréquents dans son pays d’origine et que les faits présentés devraient s’analyser à l’aune de sa situation personnelle, il estime qu’il n’existerait aucune incohérence au niveau de son récit et précise à cet égard que « ses récits » seraient complémentaires.

Le demandeur reproche encore au ministre d’avoir procédé à une analyse « simpliste et superficielle » de sa situation personnelle, ce qui serait contraire au « principe de minutie », lequel imposerait au ministre de veiller à ce que « les aspects de fait et de droit du dossier » soient dûment pris en compte lors de l’examen d’une demande de protection internationale, tout en mettant en exergue que les autorités ministérielles devraient procéder à une recherche et à un examen attentifs des faits, récolter les renseignements nécessaires à la prise de décision et prendre en considération tous les éléments du dossier, afin de décider en pleine connaissance de cause et après avoir raisonnablement apprécié tous les éléments utiles à la résolution du cas d’espèce.

En ce qui concerne plus particulièrement le refus de lui accorder le statut de réfugié, il reproche à l’autorité ministérielle d’avoir fait une interprétation erronée des faits de l’espèce en retenant que les conditions d’octroi du statut de réfugié ne seraient pas remplies dans son chef.

A cet égard, il fait valoir que les évènements qu’il aurait subis dans son pays d’origine, comme le fait de vivre caché, auraient affecté son état mental, de sorte que sa demande de protection internationale devrait être déclarée fondée.

10Il estime par ailleurs, en se référant à un rapport de l’organisation non gouvernementale « Amnesty International », publié sur le site « www.amnesty.org », que sa situation devrait également être analysée à l’aune de la situation politique de son pays d’origine, laquelle serait caractérisée par une violation constante des droits de l’homme.

Il en conclut que les violences à son encontre devraient être qualifiées de persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et de la loi du 18 décembre 2015 et qu’il craindrait avec raison de subir à nouveau ces violences en cas de retour dans son pays d’origine, alors qu’« il [ne serait] pas impossible que ces violences revêt[iraient] une gravité suffisante et abouti[raient] à une situation irrémédiable pour [lui] ».

En ce qui concerne le refus de lui accorder une protection subsidiaire, il soutient que sa situation personnelle, telle qu’exposée lors de son audition, tomberait dans le champ d’application de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, dès lors que les actes de persécutions subis par lui cadreraient avec les hypothèses retenues aux points a), b) et c) dudit article.

Le demandeur conclut finalement à la réformation de l’ordre de quitter le territoire émis à son encontre, alors qu’il serait « impossible de procéder à [son] éloignement forcé » vers son pays d’origine.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours en ses trois volets.

Appréciation de la soussignée Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer. », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le 11recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

Avant tout progrès en cause, la soussignée est amenée à constater que l’affirmation non autrement étayée du demandeur selon laquelle le ministre aurait effectué une analyse « simpliste et superficielle » de sa situation personnelle, contraire au « principe de minutie », est, dans la mesure où ce dernier reste en défaut d’expliquer quels « aspects de fait et de droit » de son dossier le ministre aurait omis de prendre en compte, manifestement à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas à la soussignée de suppléer la carence du demandeur dans le développement de ses moyens.

1) Quant à la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant d’abord de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, la soussignée relève que cette dernière décision a été prise sur base des dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.

Afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe 12(1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 391 et 402 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».

13En l’espèce, indépendamment de la question de la crédibilité de son récit, la soussignée partage en l’espèce l’analyse du ministre que le demandeur n’a, en déposant sa demande de protection internationale et en exposant les faits, soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Il se dégage en effet des déclarations faites par le demandeur tant devant l’agent du service de police judiciaire que devant l’agent ministériel qu’il aurait quitté la Guinée en juin 2024 à la suite d’un incident survenu le 4 novembre 2023, au cours duquel sa voiture aurait été impliquée dans l’évasion de quatre prisonniers d’une prison à …. Il ressort encore des déclarations du demandeur qu’en date du 11 novembre 2023, il aurait été informé par deux amis, qui travailleraient à une gendarmerie, qu’un dossier aurait été ouvert à son nom, raison pour laquelle il aurait ensuite vécu en cachette pendant six mois jusqu’au départ de son pays d’origine. Au vu de ces faits, il affirme risquer l’emprisonnement ou la mort en cas de retour en Guinée.

En ce qui concerne tout d’abord les conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, la soussignée rejoint le ministre dans son constat que les faits ainsi soulevés par le demandeur ne sont manifestement pas motivés par un des critères de fond prévus par la Convention de Genève et l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un groupe social.

Ce constat n’est pas contredit par le demandeur dans sa requête introductive d’instance, dans la mesure où celui-ci se borne, en substance, à affirmer de manière non autrement étayée qu’il remplirait les conditions pour pouvoir prétendre au statut de réfugié en ce que les évènements qu’il aurait subis dans son pays d’origine auraient affecté son état mental, sans pour autant prendre position par rapport aux motifs à la base des actes qu’il craint de subir en cas de retour dans ledit pays.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a estimé que le demandeur n’a soulevé que des faits sans pertinence dans le cadre de sa demande d’octroi du statut de réfugié.

En ce qui concerne ensuite les conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire, la soussignée constate, à l’instar de la partie étatique, que le demandeur invoque les mêmes faits qu’à l’appui de sa demande d’octroi du statut de réfugié.

Or, il échet de constater que les craintes mises en avant par le demandeur de faire l’objet d’atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine doivent être considérées comme étant manifestement hypothétiques.

Dans ce cadre, il faut en effet relever, d’une part, que le demandeur n’a eu aucune implication directe dans l’évasion de prison du 4 novembre 2023 et, d’autre part, qu’il ne ressort pas de ses déclarations que les autorités guinéennes soient effectivement à sa recherche.

S’il a certes déclaré avoir été informé par deux amis gendarmes qu’un dossier aurait été ouvert à son nom et que son numéro de téléphone y figurerait, il n’en demeure pas moins que le concerné ne fait état d’aucune démarche concrète de la part des autorités guinéennes à son encontre. Ainsi, malgré le fait que son numéro de téléphone était inscrit sur sa voiture3, il 3 Page 13 du rapport d’entretien : « […] Comme je revendais des voitures, c’étaient des voitures qui n’étaient pas immatriculées. A la place de la plaque d’immatriculation, c’était mon numéro de téléphone que je mettais, pour que les acheteurs puissent me contacter. […] ».

14n’affirme notamment pas avoir fait l’objet d’un appel téléphonique ou d’une convocation ou arrestation avant de quitter son pays d’origine, ni que les autorités guinéennes aient entrepris une quelconque autre démarche ou mesure à son égard.

Le constat que les craintes exposées par le demandeur ne sont qu’hypothétiques se trouve encore conforté par le fait que celui-ci est encore resté caché pendant six mois dans la même ville, et plus précisément dans le quartier de … à …4, après l’incident du 4 novembre 2023, avant de s’enfuir en prenant l’avion à … en direction de Paris.

A cela s’ajoute que le demandeur déclare avoir décidé de cacher sa famille en Sierra Leone afin de les protéger des représailles des autorités guinéennes à la suite des événements du 4 novembre 2023. Toutefois, tel que relevé à bon droit par la partie étatique, la circonstance que sa famille ait pu s’installer de nouveau à … un an plus tard sans rencontrer le moindre problème corrobore le constat que les craintes du demandeur d’être recherché par les autorités guinéennes et de subir des atteintes graves doivent, à l’évidence, s’analyser comme étant purement hypothétiques5.

Cette conclusion se trouve finalement encore confirmée par le fait que le demandeur a pu quitter la Guinée et rejoindre la France moyennant un vol de ligne intercontinental tout à fait régulier, en passant les contrôles de police et de sécurité à l’aéroport de … sans aucune difficulté.

Partant, à défaut du moindre élément concret permettant de retenir que les autorités guinéennes sont effectivement à la recherche du demandeur, les craintes de celui-ci s’analysent tout au plus en un sentiment général d’insécurité, lequel est, à l’évidence, insuffisant pour établir l’existence, dans son chef, d’une crainte fondée de subir des atteintes graves.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’affirmation du demandeur, appuyée sur une publication de l’organisation « Amnesty International », non versée en cause, mais dont il cite des extraits, suivant laquelle il existerait en Guinée une « violation constante des droits les plus élémentaires de l’Homme », alors qu’elle ne permet pas, à défaut de toute mise en relation concrète avec sa situation personnelle, de retenir qu’il risquerait effectivement des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine.

Dans la mesure où le demandeur reste, dès lors, manifestement en défaut d’établir à suffisance de droit qu’il risquerait de subir dans son pays d’origine la peine de mort ou l’exécution au sens du point a) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, ni la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants au sens du point b) dudit article, et qu’il n’allègue pas craindre des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international au sens du point c) du même article, c’est encore à bon droit que le ministre a estimé que le demandeur n’a soulevé que des faits sans pertinence dans le cadre de sa demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

Dans ces circonstances, la soussignée conclut que Monsieur (A) n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions 4 Page 15 du rapport d’entretien.

5 Page 16 du rapport d’entretien : « […] S’ils sont revenus, c’est que ça s’est calmé pour eux, il n’y a plus de risque pour eux. Donc, j’ai voulu qu’ils retournent en Guinée, pour que les enfants reprennent l’école coranique, faute de moins. […] ».

15requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que les conditions pour l’application de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 sont remplies en l’espèce.

Il s’ensuit que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de ladite disposition est à déclarer manifestement infondé.

2) Quant à la décision du ministre portant refus d’une protection internationale S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur une protection internationale, la soussignée retient, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre du volet du recours visant la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, que les faits invoqués par ce dernier ne justifient manifestement pas l’octroi d’un statut de protection internationale, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé de faire droit à la demande afférente du demandeur.

Dès lors, le recours dirigé contre la décision du ministre portant refus d’accorder au demandeur une protection internationale est à rejeter pour être manifestement infondé.

Il s’ensuit que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

3) Quant à la décision du ministre portant ordre de quitter le territoire Finalement, quant à la décision portant ordre de quitter le territoire, il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, et que c’est partant à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, impliquant qu’il a, à bon droit, pu retenir que le retour de ce dernier en Guinée ne l’expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est, à son tour, à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

16reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 3 avril 2025 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre celle portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 mai 2025 par la soussignée Sibylle Schmitz, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Sibylle Schmitz Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52688
Date de la décision : 06/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-06;52688 ?

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