Tribunal administratif N° 48313 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48313 4e chambre Inscrit le 23 décembre 2022 Audience publique du 29 avril 2025 Recours formé par Madame (A), …, contre deux actes de l’administration communale de … et un acte de la Caisse de Prévoyance des Fonctionnaires et Employés Communaux en matière de traitement
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48313 du rôle et déposée le 23 décembre 2022 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée Etude d’avocats PIERRET & associés SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1730 Luxembourg, 8, rue de l’Hippodrome, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B263981, représentée aux fins des présentes par Maître Sebastien COÏ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à L-…, tendant à la réformation sinon à l’annulation :
1) d’une décision de l’administration communale de … du 26 septembre 2022 portant rejet de ses revendications formulées dans un courrier du 11 juillet 2022 ;
2) d’une « décision implicite de refus » découlant du silence gardé pendant plus de trois mois par l'administration communale de … suite au courrier de mise en demeure précité du 11 juillet 2022 ;
3) d’une décision de refus du conseil d'administration de la Caisse de Prévoyance des Fonctionnaires et Employés Communaux prise en sa séance du 10 novembre 2022.
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Laura GEIGER, en remplacement de l’huissier de justice Carlos CALVO, demeurant à Luxembourg, du 3 janvier 2023, portant signification de ladite requête à l’administration communale de …, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ayant sa maison communale à L-…, ainsi qu’à la Caisse de Prévoyance des Fonctionnaires et Employés Communaux, représentée par son conseil d’’administration actuellement en fonction, établie à L-2420 Luxembourg, 20, avenue Emile Reuter ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Jean Kauffman, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 9 janvier 2023, au nom de la Caisse de Prévoyance des Fonctionnaires et Employés Communaux, préqualifiée ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour de la société à responsabilité limitée CASTEGNARO SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège à L-1469 Luxembourg, 67, rue Ermesinde, inscrite auregistre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B169020, représentée pour les besoins du présent recours par Maître Guy CASTEGNARO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif en date du 13 janvier 2023 au nom de l’administration communale de …, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse de Maître Jean KAUFFMAN déposé au greffe du tribunal administratif le 23 mars 2023 pour le compte de la Caisse de Prévoyance des Fonctionnaires et Employés Communaux, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse de la société à responsabilité limitée CASTEGNARO SARL, préqualifiée, déposé au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2023 pour le compte de l’administration communale de …, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique de la société à responsabilité limitée Etude d’avocats PIERRET & associés SARL, préqualifiée, déposé au greffe du tribunal administratif le 26 avril 2023 pour le compte de Madame (A) ;
Vu le mémoire en duplique de la société à responsabilité limitée CASTEGNARO SARL, préqualifiée, déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2023 pour le compte de l’administration communale de …, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les actes critiqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien COÏ, Maître Catherine GREVEN, en remplacement de Maître Jean KAUFFMAN, et Maître Lucas LEFEBVRE, en remplacement de Maître Guy CASTEGNARO, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 décembre 2024 ;
Vu l’avis du tribunal du 23 avril 2025 prononçant la rupture du délibéré ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport à l’audience publique du 25 avril 2024, les parties étant excusées.
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Par un contrat de travail à durée indéterminée signé le 31 août 2009, Madame (A) fut engagée, avec effet au 1er septembre 2009, par l’administration communale de …, ci-après dénommée « la Commune », en qualité d'assistante d'hygiène sociale, sous le statut d'employé communal, affectée au service médico-socio-scolaire de la Commune à raison de 20 heures par semaine, durée qui fut augmentée à 30 heures par semaine par avenant du 30 septembre 2010, respectivement à 36 heures par semaine par avenant du 31 août 2013.
Par courrier du 12 janvier 2012, Madame (A) demanda à se voir nommée dans le grade de substitution 14 bis de la carrière d'assistant d'hygiène sociale au motif qu'elle occuperait un poste à responsabilités particulières, demande qui fit l’objet d’un avis négatif du ministère de l'Intérieur et à la Grande Région en date du 28 mars 2012, transmis par la Commune à Madame (A) en date du 19 avril 2012.
Par procès-verbal d'instruction du 15 juillet 2015, le président du Conseil supérieur de certaines professions de la santé saisit le Conseil de discipline du Conseil supérieur de certaines professions de la santé d'une poursuite disciplinaire contre Madame (A).
Par décision du 8 mars 2017, le Conseil de discipline de certaines professions de santé décida d'annuler le procès-verbal d'instruction du 15 juillet 2015, ainsi que les actes subséquents en raison d'une violation des droits de la défense.
Dans sa séance du 19 avril 2018, le collège échevinal de la Commune décida de ne pas faire bénéficier Madame (A) d'une majoration d'échelon pour poste à responsabilités particulières, poste qui était vacant et « de revoir le dossier après clôture de l'affaire judiciaire en cours ((A) c/C.S.C.P.S. / A.I.S.) ».
Par courrier du 30 mai 2018, Madame (A) forma un recours gracieux contre cette décision du 19 avril 2018, recours qui fut rejeté par la Commune en date du 14 juin 2018, suite à sa séance du 8 juin 2018.
En date du 25 septembre 2018, le Conseil de discipline de certaines professions de santé fut à nouveau saisi par le président du Conseil supérieur de certains professions de la santé et fut amené, par décision du 22 octobre 2019, à condamner Madame (A) à la suspension de l'exercice de la profession d'assistante d'hygiène sociale pour une durée de deux ans.
Suivant courrier du 11 février 2020, le Collège des Bourgmestres et Echevins de la Commune demanda au Commissaire du gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire, ci-après désigné par « le commissaire du gouvernement », de procéder à l'ouverture d'une procédure disciplinaire à l'encontre de Madame (A).
Après avoir, en date du 4 juin 2020, décidé de suspendre Madame (A) de l'exercice de ses fonctions avec effet immédiat, pendant tout le cours de la procédure disciplinaire jusqu'à la décision définitive, le commissaire du gouvernement clôtura son rapport d’instruction en date du 17 décembre 2021 en concluant à la transmission du dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires communaux, dénommé ci-après « le Conseil de discipline ».
En date du 4 janvier 2022, Madame (A), par l'intermédiaire de son litismandataire, adressa le courrier suivant à la Commune :
« (…) J'ai l'honneur de vous écrire en ma qualité de conseil de Madame (A) demeurant à L-….
Comme vous le savez, Madame (A) se trouve sous le coup d'une instruction disciplinaire lancée à son encontre par l'AC …… Je n'entends pas revenir ici sur le bienfondé de la saisine du Commissaire du Gouvernement en charge de l'instruction disciplinaire mais souhaite trouver une issue qui puisse satisfaire les deux parties.
Madame (A) n'entend plus exercer sa profession d'assistante d'hygiène sociale et envisage de faire valoir ses droits à pension qui sont ouverts à ce jour.
Madame (A) propose donc de faire les démarches nécessaires en ce sens en contrepartie de quoi, l'AC …. renoncerait à la procédure disciplinaire en cours.
3 Je suis d'avis que cette proposition constitue une porte de sortie honorable pour une personne ayant travaillé de nombreuses années à la pleine et entière satisfaction de son employeur.
Je vous prie de bien vouloir me communiquer votre position par rapport à cette proposition. (…) » Le 13 janvier 2022, la Commune répondit à Madame (A) comme suit :
« (…) Nous avons l'honneur de vous informer que le collège échevinal a pris note de votre courrier daté au 4 janvier 2022 portant sur l'instruction disciplinaire engagée à l'encontre de notre employée Mme (A).
Suite à une analyse approfondie du dossier et après mûre réflexion, le collège échevinal, en sa séance du 7 janvier 2022, a décidé d'arrêter l'action disciplinaire dont question, sous condition toutefois que Mme (A) pour sa part renonce à toute revendication quelconque autre que son salaire mensuel auquel elle aura droit jusqu'au moment de sa mise en retraite officielle.
Vu l'avancement du dossier déjà en mains du Conseil de discipline et le fait que le collège des bourgmestre et échevins n'est disposé à arrêter l'action disciplinaire qu'après réception d'une demande de pension en bonne et due forme de Mme (A), il est de rigueur que votre mandante nous fasse parvenir sa demande de pension avec effet au 1er mars 2022 pour au plus tard le 21 janvier 2022.
En contrepartie, le collège échevinal s'engage à porter le dossier à l'ordre du jour de la séance du conseil communal du 28 février 2022 tout en précisant que la décision acceptant la démission doit être prise par le conseil communal. (…) ».
Par courrier de son litismandataire du 17 janvier 2022, Madame (A) transmit à la Commune la demande de pension qu’elle avait fait parvenir à la Caisse de Prévoyance des Fonctionnaires et Employés Communaux, ci-après dénommée « la CPFEC », en date du 10 janvier 2022, dans les termes suivants :
« (…) Je tiens à revenir au dossier et plus particulièrement à votre courrier recommandé avec A.R. daté du 13 janvier 2022.
Conformément à la demande formulée dans ledit courrier, je vous prie de bien vouloir trouver en annexe la demande de pension de Madame (A) transmise à la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux. (…) ».
Dans sa séance du 28 février 2022, le conseil communal de la Commune décida ce qui suit : « (…) D'accorder à Madame (A) démission volontaire de ses fonctions auprès de l'administration communale à partir du 1er mars 2022. L'intéressée aura droit à une pension annuelle et viagère. » Par courrier du 7 mars 2022, la Commune informa le Conseil de discipline de sa décision prise en sa séance du 28 février 2022 tout en demandant « suite à une demande d'accord extrajudiciaire de l'avocat de Mme (A) (…) d'arrêter la procédure disciplinaire engagée à son encontre (…) ».
Par un courrier de son litismandataire du 11 juillet 2022, Madame (A) s’adressa comme suit à la Commune :
« (…) J'ai l'honneur de vous écrire en ma qualité de conseil de Madame (A), née le …, demeurant à L-….
Comme vous le savez, suivant décision du Conseil communal prise en la séance du 28 février 2022, ma mandante s'est vu accorder le droit de partir en pension.
Or, à ce jour, celle-ci n'a toujours pas perçu son indemnité compensatrice de congés non pris calculée sur la base de 77 jours de congés.
Par ailleurs, je me dois de constater que le calcul du traitement de ma mandante est erroné depuis plusieurs années.
En effet, le nombre de points indiciaires servant de base au calcul du traitement de Madame (A) n'est pas de 529 points mais bien de 555 points puisque le poste de travail occupé, à savoir celui d'assistant d'hygiène sociale, avait été reconnu comme étant un poste à responsabilité particulière.
Ceci résulte d'un courrier de l'AC …. daté du 20 janvier 2012 adressé au Ministre de l'Intérieur de l'époque, Monsieur Jean-Marie HALSDORF ainsi que d'une décision du Collège des Bourgmestre et Echevins prise en sa séance du 19 avril 2018.
Je vous mets partant formellement en demeure de procéder au recalcul du traitement de ma mandante sur la base des 555 points indiciaires ainsi que de procéder au paiement des arriérés de traitement et de l'indemnité compensatrice de congés non pris dans les plus brefs délais.
Enfin, je joins en annexe une copie de mon courrier recommandé avec A.R. daté de ce jour (recours gracieux) adressé à la CPFEC pour votre information. (…) ».
La Commune, par un courrier de son litismandataire du 26 septembre 2022, répondit comme suit à Madame (A) :
« (…) Nous nous permettons de revenir vers vous suite à votre courrier de mise en demeure du 11 juillet 2022.
Votre cliente demande le re-calcul de son traitement afin de prendre en compte la majoration d'échelon pour poste à responsabilité particulière à laquelle elle prétend avoir droit et par conséquent, demande le paiement d'arriérés de traitement qui résulterait d'un tel re-calcul ainsi que le paiement d'une indemnité compensatrice de congés non pris.
Un tel courrier n'a pas manqué de surprendre notre mandante.
Dans un premier temps, cette dernière tient à rappeler que Mme (A) ne dispose d'aucun droit à une telle majoration d'échelon. De même, notre mandante conteste redevoir à votre cliente une quelconque indemnité compensatrice de congés non pris.
5 Par ailleurs, il résulte des courriers échangés entre vous-même et notre mandante en date des 13 janvier et 17 janvier 2022 qu'un accord a été trouvé entre les parties selon lequel :
- notre mandante s'engageait à accepter la démission de Mme (A) et à cesser l'instruction disciplinaire engagée à son encontre, - votre cliente, en contrepartie, devait renoncer « à toute revendication quelconque autre que son salaire mensuel auquel elle aura droit jusqu'au moment de sa mise en retraite officielle ».
Il ressort de ces éléments que votre cliente s'est engagée à renoncer à toute revendication et notamment à sa demande en paiement d'une majoration d'échelon pour poste à responsabilité particulière qui avait été introduite pour la première fois en 2012 et réitérée en 2018, ainsi qu’à toute demande en paiement d'une indemnité pour congé non pris.
Notre mandante a respecté son engagement dès la fin de février 2022. Il appartient à votre mandante de respecter ses engagements.
Dans ce contexte, notre mandante nous charge de vous informer qu'elle n'entend pas donner une réponse favorable aux demandes de votre cliente. Notre mandante se réserve tous droits quant à l'inexécution par Mme (A) des termes de l'accord. (…) ».
En date du 11 juillet 2022 le litismandataire de Madame (A) adressa encore à la CPFEC le courrier suivant :
« (…) J'ai l'honneur de vous écrire en ma qualité de conseil de Madame (A), née le …, demeurant à L-….
Suivant décision prise par le Conseil d'administration de la CPFEC dans sa séance du 31 mars 2022 (notifiée le 12 mai 2022), ma mandante s'est vu accorder une pension annuelle et viagère respectivement une pension mensuelle calculée sur base d'un traitement équivalent à 529 points indiciaires.
Or, cette base de calcul est erronée car ma mandante, qui exerçait la fonction d'assistante d'hygiène sociale au sein de l'AC …., occupait un poste à responsabilité particulière.
Cette reconnaissance résulte d'un courrier de l'AC …. du 20 janvier 2012 adressé au Ministre de l'Intérieur et à la Grande Région, Monsieur Jean-Marie HALSDORF.
Cette reconnaissance résulte également d'une décision du Collège des Bourgmestre et Echevins de l'AC …. prise en sa séance du 19 avril 2018 dans laquelle il fut clairement affirmé qu'en ce qui concerne le groupe d'indemnité A2, le poste d'assistant d'hygiène sociale occupé par ma mandante était un poste à responsabilité particulière.
Par conséquent, sauf erreur de ma part, le nombre de points indiciaires servant de base au calcul de la pension n'est pas de 529 points mais de 551 points (529 + 22).
Partant, je forme, au nom et pour le compte de ma mandante, un recours gracieux contre la décision du 31 mars 2022 notifiée le 12 mai 2022 et vous prie de procéder au recalcul de la pension sur la base d'un traitement équivalent à 551 points indiciaires. (…) ».
Dans sa séance du 10 novembre 2022, la CPFEC prit la décision suivante, notifiée à Madame (A) par un courrier recommandé du 24 novembre 2022 :
« (…) Attendu que le Conseil d'administration de la caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux a accordé, en séance du 31 mars 2022, une pension annuelle et viagère à Madame (A), assistante d'hygiène sociale au service de l'administration communale de …, née le …;
Que cette décision a été notifiée à Madame (A) le 12 mai 2022 ;
Vu le recours gracieux introduit par l'Etude d'avocats Georges Pierret au nom de Madame (A), en date du 11 juillet 2022, demandant la prise en compte d'une majoration d'échelon pour poste à responsabilité particulière de 22 points indiciaires dans la rémunération servant de base au calcul de la pension ;
Vu l'article 10.I. de la loi modifiée du 25 mars 2015 instituant un régime de pension spécial transitoire pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes ainsi que pour les agents de la SNCFL disposant que la pension est basée sur le dernier traitement dont le fonctionnaire a bénéficié au moment de la cessation des fonctions ;
Considérant que les informations sur le dernier traitement sont fournies à la caisse de prévoyance par l'employeur par l'intermédiaire d'une fiche de renseignement ;
Que la fiche de renseignement transmise par l'administration communale de … lors de l'instruction du dossier de Madame (A) ne fait aucune mention d'une majoration d'échelon pour poste à responsabilité particulière ;
Vu un courrier du cabinet d'avocats Castegnaro, dont copie a été transmise à la caisse de prévoyance par l'étude Pierret, dans lequel l'administration communale de … tient à rappeler que Madame (A) ne dispose d'aucun droit à une majoration d'échelon pour poste à responsabilité particulière ;
Considérant qu'une majoration d'échelon pour poste à responsabilité particulière ne fait pas partie du dernier traitement dont Madame (A) a bénéficié au moment de la cessation de ses fonctions ;
Après délibération décide par les voix de tous les membres présents de rejeter la demande introduite par Madame (A) susqualifiée sur la prise en compte d'une majoration d'échelon pour poste à responsabilité particulière de 22 points indiciaires dans le calcul de sa pension. (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 décembre 2022 Madame (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation de la décision précitée de la Commune du 26 septembre 2022, d’une « décision » implicite de refus de cette dernière, ainsi que de la décision précitée du conseil d'administration de la CPFEC du 10 novembre 2022.
I) Recours contre les actes pris par la Commune :
En ce qui concerne la compétence du tribunal en cette matière, il échet de relever que s’agissant, vis-à-vis de la Commune, d’une revendication salariale, il ressort de l’article 10 du règlement grand-ducal modifié du 15 novembre 2001 concernant le régime des employés communaux, que « 1. Les contestations relatives au contrat d’emploi des employés communaux, à leur rémunération et aux sanctions et mesures disciplinaires qui leur sont appliquées sont de la compétence des juridictions de l’ordre administratif en exécution de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif. (…) ».
Aux termes de l’article 41 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, applicable aux employés communaux au vœu de l’article 1er, paragraphe (4) de cette même loi, « (…) les contestations auxquelles donnent lieu les décisions administratives relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments, à la mise à la retraite ou à la pension des fonctionnaires communaux, sont de la compétence du tribunal administratif, statuant comme juge du fond. ».
Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour statuer sur le recours principal en réformation dirigé contre des actes pris par la Commune en cette matière, étant relevé, telle que cette question avait été soulevée d’office à l’audience des plaidoiries et par rapport à laquelle les parties se sont rapportées à prudence de justice, que le recours est d’ores et déjà irrecevable pour défaut d’objet en ce qui concerne une décision implicite de refus de la part de la Commune, alors qu’il ressort clairement des rétroactes passés en revue ci-avant que le courrier du 26 septembre 2022 de la part de cette dernière constitue une décision de refus explicite par rapport aux demandes de Madame (A), telles que formulées dans son courrier précité du 11 juillet 2022 adressé à la Commune, de sorte que la présomption de l’article 4 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions administratives ne joue pas dans le cas d’une décision explicite.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation en ce qui concerne les revendications vis-à-vis de la Commune.
Dans son mémoire en réponse, la Commune oppose une fin de non-recevoir à Madame (A) en raison d’une transaction entre parties ayant mis fin au litige les opposant.
A ce titre, la Commune fait valoir qu’en date du 4 janvier 2022, Madame (A), par l'intermédiaire de son litismandataire, lui aurait adressé un courrier l'informant du fait qu'elle n'entendrait plus exercer sa profession d'assistante d'hygiène sociale, en proposant de faire les démarches nécessaires pour faire valoir ses droits à pension en contrepartie d’une renonciation, par la Commune, à la procédure disciplinaire en cours.
Par un courrier du 13 janvier 2022, la Commune aurait alors informé Madame (A) du fait qu'elle accepterait d'arrêter la procédure disciplinaire, « sous condition toutefois que Mme (A) pour sa part renonce à toute revendication quelconque autre que son salaire mensuel auquel elle aura droit jusqu'au moment de sa mise en retraite officielle », ainsi qu’« après réception d'une demande de pension en bonne et due forme ».
Cette dernière proposition aurait été acceptée par Madame (A) par un courrier du 17 janvier 2022, dans le cadre duquel elle lui aurait transmis, sans aucune réserve quant aux conditions imposées par le courrier du 13 janvier 2022, sa demande de pension adressée à la CPFEC.
La Commune donne à considérer qu’ayant, quant à elle, respecté son engagement et l'accord trouvé entre parties en décidant dans sa séance du 28 février 2022, d'accorder à Madame (A) la démission volontaire de ses fonctions auprès de la Commune à partir du 1er mars 2022 et en informant, par courrier du 7 mars 2022, le Conseil de discipline de sa décision, prise en sa séance du 28 février 2022, d'arrêter la procédure disciplinaire engagée à l’encontre de Madame (A) suite à l'accord extrajudiciaire trouvé, elle s’attendrait à ce qu’il en soit de même pour Madame (A) en ce qui concerne la renonciation à toute revendication autre que son salaire mensuel, incluant clairement sa demande en paiement d'une majoration d'échelon pour poste à responsabilités particulières, introduite pour la première fois par courrier du 12 janvier 2012, ainsi que sa demande en paiement d'une indemnité pour congés non pris.
Madame (A) serait par ailleurs en aveu de l’existence de cette transaction, alors qu’elle aurait expressément reconnu, dans sa requête introductive d’instance, l'existence d'un accord trouvé entre parties.
Etant donné qu’aux termes de l'article 2044 du Code civil, la transaction serait un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître en se consentant des concessions réciproques, et qu’au vœu de l'article 2052 du Code civil, une transaction aurait, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, Madame (A) ne serait plus recevable à engager la présente procédure.
La Commune fait encore relever que selon une jurisprudence constante, la transaction ne serait pas un contrat solennel, nul en l'absence d'écrit, alors que l'écrit ne serait pas exigé pour la validité du contrat de transaction dont l'existence pourrait être établie selon les modes de preuve prévus en matière de contrats par les articles 1341 et suivants du Code civil et notamment, en application de l'article 1347 du Code civil, par le biais d'un commencement de preuve par écrit, constitué en l’occurrence par l'échange de courriers entre parties, dans le cadre duquel elle se serait engagée à accepter la démission de Madame (A) et à cesser l'instruction disciplinaire engagée à l’encontre de cette dernière, en contrepartie, pour celle-ci de renoncer à « toute revendication quelconque autre que son salaire mensuel auquel elle aura droit jusqu'au moment de sa mise en retraite officielle ».
La Commune estime que les courriers émanant de Madame (A) témoigneraient de la volonté de cette dernière d'accepter ledit accord dans la mesure où aucune réserve y relative n’aurait été soulevée et que Madame (A) lui aurait immédiatement transmis sa demande de pension, de sorte à avoir ainsi manifesté, sans équivoque, sa volonté d'accepter ladite proposition et de mettre fin à tout litige né ou à naître dans les conditions convenues d'un commun accord des parties.
La Commune fait finalement souligner que l'ensemble des revendications formulées par Madame (A) dans le présent recours seraient couvertes par la transaction entre parties, le différend concernant l’attribution à Madame (A) d'une majoration d'échelon pour poste à responsabilités particulières aurait été introduite pour la première fois par un courrier du 12 janvier 2012 et réitérée le 30 mai 2018, de sorte à avoir préexisté à la transaction litigieuse.
Il en serait de même en ce qui concerne le congé non encore pris, prétention née de la rupture du contrat de travail du fait de la mise en pension de Madame (A).
Enfin, la transaction contiendrait des concessions réciproques de la part des deux parties, lesquelles seraient par ailleurs parfaitement équilibrées.
Dans son mémoire en duplique, la Commune fait préciser que ses développements ne seraient pas énervés par les arguments de Madame (A), alors qu’un écrit solennel ne serait pas une condition de validité du contrat de transaction, lequel serait établi par l'échange de courriers entre parties, non seulement quant au principe de l’accord mais également quant aux modalités de ce dernier.
A cet égard, il serait absolument faux d'alléguer qu’elle aurait « tenté d'imposer ses conditions », qui n'auraient « ni expressément ni implicitement étaient acceptées par Madame (A) », alors que cette dernière, après avoir reçu sa proposition du 13 janvier 2022, aurait immédiatement transmis, sans aucune réserve quant aux conditions y proposées, sa demande de pension manifestant ainsi, sans équivoque, sa volonté d'accepter ladite proposition et de mettre fin à tout litige né ou à naître dans les conditions convenues d'un commun accord entre les parties.
Dans son mémoire en réplique, Madame (A) s’oppose à l’exception de transaction lui opposée par la Commune, en soutenant qu’il n’y aurait jamais eu de transaction dans le présent dossier entre elle et la Commune.
Elle souligne qu’il n'y aurait jamais eu de transaction écrite entre parties, contrairement à ce qui serait exigé par l’article 2044 du Code civil.
Si la Commune croirait actuellement que son courrier du 13 janvier 2022, ainsi que le dépôt subséquent par elle de sa demande en obtention de sa pension pourraient valoir transaction, Madame (A) fait valoir qu’elle n’aurait ni expressément ni implicitement accepté les conditions que la Commune aurait tenté de lui imposer à travers le courrier précité, tout en relevant qu’elle aurait, de toute façon, été en droit de déposer sa demande de pension à laquelle la Commune n'aurait pas pu juridiquement s'opposer ab initio.
A titre subsidiaire, à supposer qu'une transaction ait eu lieu en l'espèce, un tel accord exclurait de son champ d'application les arriérés de salaire, respectivement l'indemnité compensatrice de congés non pris qui serait à qualifier de créance de nature salariale.
Si elle concède s’être, par son courrier daté du 4 janvier 2022, rapprochée de la Commune afin de parvenir à arrangement satisfaisant pour les deux parties, Madame (A) s’y serait seulement engagée à faire valoir ses droits à pension en échange de l'abandon de la procédure disciplinaire par la Commune, sans jamais renoncer à son droit au recalcul de son traitement du fait qu'elle aurait occupé un poste à responsabilités particulières, ni à son droit de percevoir une indemnité compensatrice de congés non pris, ces deux points n'ayant dès lors jamais été inclus dans le périmètre de la négociation.
Force est au tribunal de relever qu’aux termes de l’article 2052 du Code civil, « Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort. (…) », telle que définie à l’article 1351 du même code, rendant irrecevable tout recours entre les mêmesparties, avec le même objet et la même cause1.
Si Madame (A) fait actuellement plaider qu’il n’y aurait jamais eu un quelconque accord entre parties pouvant valoir transaction, force est cependant au tribunal de relever qu’une telle allégation est manifestement contredite par tous les éléments de la cause.
En effet, il ressort des rétroactes repris ci-avant que Madame (A) était non seulement à l’origine d’une demande d’accord avec la Commune en vue d’arrêter la procédure disciplinaire diligentée contre elle et dans le cadre de laquelle le commissaire du gouvernement avait d’ores et déjà saisi le Conseil de discipline, mais a également, implicitement mais nécessairement, accepté la condition supplémentaire à un tel accord, telle que proposée par la Commune, dans son courrier du 13 janvier 2022, tenant à l’engagement de Madame (A) à renoncer « à toute revendication quelconque autre que son salaire mensuel auquel elle aura droit jusqu’au moment de sa mise en retraite officielle ». En effet, elle a, dans son courrier du 17 janvier 2022, transmettant à la Commune sa demande de pension, outre de ne pas avoir formulée de réserve relative à la condition supplémentaire proposée par la Commune dans le courrier précité du 13 janvier 2022, expressément fait référence audit courrier, en expliquant qu’elle exécuterait la demande y formulée2. Ainsi, Madame (A) est actuellement particulièrement malvenue de contester tout accord sur l’abandon de ses revendications autres que son seul traitement jusqu’à la prise d’effet de sa mise à la retraite, incluant nécessairement ses anciennes revendications relatives à une majoration pour poste à responsabilités particulières, ainsi que l’indemnité de congé non pris à la fin de son contrat de travail, revendications constituant cependant actuellement exclusivement l’objet et la cause du présent litige l’opposant à la Commune et par rapport auxquelles, il y a partant, en application de l’article 2052 du Code civile, autorité de chose jugée, que le tribunal est tenu de respecter.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que la Commune a opposé à Madame (A) ladite fin de non-recevoir, de sorte que le recours dirigé contre la décision communale déférée du 26 septembre 2022 est à déclarer irrecevable pour cause d’autorité de chose jugée.
Au vu de l’issue du litige et au vu des considérations qui précèdent, le tribunal retient qu’il est inéquitable que la Commune supporte seule les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, alors qu’elle a dû recourir aux services d’un avocat pour sa défense, de sorte qu’il y a lieu de faire droit à la demande de cette dernière en allocation d’une indemnité de procédure sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, laquelle est fixée ex aequo et bono à la somme de 1.500,- euros.
II) Recours contre la décision de la CPFEC Quant à la compétence du tribunal en cette matière, et comme il s’agit d’une décision refusant de faire droit à une demande de modification du montant de la pension allouée à Madame (A), en application de la loi modifiée du 25 mars 2015 instituant un régime de 1 Thierry Hoscheit, Le droit judiciaire privé, n° 893, Editions Paul Bauler 2012.
2 « (…) Je tiens à revenir au dossier et plus particulièrement à votre courrier recommandé avec A.R. daté du 13 janvier 2022.
Conformément à la demande formulée dans ledit courrier, je vous prie de bien vouloir trouver en annexe la demande de pension de Madame (A) transmise à la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux. (…) ».pension spécial transitoire pour les fonctionnaires de l'Etat et des communes ainsi que pour les agents de la Société nationale des Chemins de Fer luxembourgeois, ci-après dénommée « la loi du 25 mars 2015 », il échet de relever qu’aux termes de l’article 42 de cette même loi, « Le tribunal administratif statue en première instance et comme juge du fond sur les recours dirigés contre les décisions, y compris celles émises par la Commission des pensions, relatives aux pensions et autres prestations prévues par la présente loi.
Les recours sont intentés dans le délai de trois mois à partir de la notification de la décision. », de sorte que le tribunal est compétent pour statuer sur le recours principal en réformation dirigé contre la décision déférée du 10 novembre 2022 de la CPFEC, recours qui est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi, sans que cette conclusion ne soit énervée par le fait que la CPFEC se soit rapportée à la sagesse du tribunal en ce qui concerne la recevabilité du recours en la pure forme, alors même si le fait de se rapporter à prudence de justice est à considérer comme une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de pallier la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions, étant, par ailleurs, relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation y relatif.
A l’appui de son recours, la partie demanderesse sollicite la réformation de la décision déférée du 10 novembre 2022, afin d’ordonner à la CPFEC de procéder au recalcul de ses droits à pension à compter du 1er mars 2022 en conséquence du recalcul des salaires touchés par elle avant sa mise à la retraite, tel que ce recalcul est réclamé dans le cadre de son recours précité dirigé contre la décision de la Commune du 26 septembre 2022.
La CPFEC se rapporte également à la sagesse du tribunal en ce qui concerne le fond de cette affaire.
Or, force est de retenir qu’au vu du rejet du recours dirigé contre la décision de la Commune du 26 septembre 2022, le montant du traitement mensuel de Madame (A) à la base de la fixation de sa pension mensuelle ne peut plus être discuté, de sorte qu’il n’y a, en conséquence, pas non plus lieu de mettre en cause la décision de la CPFEC du 10 novembre 2022 ayant calculé le montant de la pension sur base du salaire effectivement perçu par la partie demanderesse avant sa mise à la retraite, en application de l’article 10.I de la loi du 25 mars 2015, base légale qui n’est pas autrement contestée en cause en l’espèce par la partie demanderesse.
Il suit de ces considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens, que le recours sous examen encourt le rejet.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare compétent pour statuer sur le recours principal en réformation dirigé contreles actes déférés de la Commune de … ;
déclare irrecevable le recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre une décision implicite de refus de la part de la Commune de … ;
déclare irrecevable le recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre la décision déférée de la Commune de … du 26 septembre 2022 ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation afférent ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision de la Caisse de prévoyance des fonctionnaires et employés communaux du 10 novembre 2022 ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation afférent ;
condamne Madame (A) à payer à la Commune de … une indemnité de procédure à hauteur de 1.500,- euros ;
condamne Madame (A) aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 avril 2025 par :
Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 13