La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/04/2025 | LUXEMBOURG | N°52686

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 avril 2025, 52686


Tribunal administratif Numéro 52686 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52686 Inscrit le 10 avril 2025 Le 17 avril 2025, Laura URBANY, premier juge au tribunal administratif, siégeant en remplacement des présidents et magistrats plus anciens en rang, légitimement empêchés, assistée de Lejila ADROVIC, greffier, a rendu le

JUGEMENT

sur la régularité d’une décision de prolongation de rétention administrative qui suit, au vu du dossier lui soumis :

Vu la requête du ministre des Affaires intérieures réceptionnée par le greffe du tribunal ad

ministratif le 10 avril 2025 et enrôlée sous le numéro 52686, tendant à la vérificat...

Tribunal administratif Numéro 52686 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52686 Inscrit le 10 avril 2025 Le 17 avril 2025, Laura URBANY, premier juge au tribunal administratif, siégeant en remplacement des présidents et magistrats plus anciens en rang, légitimement empêchés, assistée de Lejila ADROVIC, greffier, a rendu le

JUGEMENT

sur la régularité d’une décision de prolongation de rétention administrative qui suit, au vu du dossier lui soumis :

Vu la requête du ministre des Affaires intérieures réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 10 avril 2025 et enrôlée sous le numéro 52686, tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté du 2 avril 2025 ordonnant la prorogation du placement en rétention administrative de :

Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Syrie) et être de nationalité syrienne, avisé par télécopie ;

Entendu Monsieur le délégué du gouvernement Luca ESTGEN en sa plaidoirie à l’audience publique du 16 avril 2025.

__________________________________________________________________________

Vu les articles 120 (3) et 123 (6) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la décision du 10 octobre 2024 pris par le ministre des Affaire intérieures, désigné ci-

après par « le ministre », à l’encontre de Monsieur (A), refusant de faire droit à sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et l’ordre de quitter le territoire sans délai inscrit dans la même décision ;

Vu l’arrêté du 3 décembre 2024 pris par le ministre à l’encontre de (A) prenant, à son égard, une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans ;

Vu l’arrêté du ministre du 3 décembre 2024 ordonnant le placement en rétention de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 24 décembre 2024, inscrit sous le numéro 52123 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur (A) contre la prédite décision ministérielle du 3 décembre 2024 ;

1Vu l’arrêté du ministre du 2 janvier 2025 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de sa notification ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 21 janvier 2025, inscrit sous le numéro 52214 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur (A) contre la prédite décision ministérielle du 2 janvier 2025 ;

Vu l’arrêté du ministre du 3 février 2025 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu l’arrêté du ministre 3 mars 2025 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu l’arrêté du ministre du 2 avril 2025 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu la requête du ministre tendant à la vérification de la régularité du prédit arrêté du 2 avril 2025 ordonnant la prorogation du placement en rétention, réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 10 avril 2025, enrôlée sous le numéro 52686 ;

Vu le dossier administratif ;

Vu la convocation émise par le greffe du tribunal administratif le 10 avril 2025 convoquant les parties à l’audience publique du 16 avril 2025, notifiée en mains propres à Monsieur (A) en date du 10 avril 2025.

Quant à la recevabilité de la requête :

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 avril 2025 et enrôlée sous le numéro 52686, le ministre a saisi le président du tribunal administratif d’une demande tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté ordonnant la 4ème prorogation du placement en rétention de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision.

Conformément à l’article 123 (6) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 », « Lorsque le ministre décide de prolonger la durée de rétention en vertu de l’article 120, paragraphe (3), alinéa 2, il doit saisir d’office, par requête introduite dans les cinq jours ouvrables de la notification de la décision, le président du Tribunal administratif qui statue d’urgence comme juge du fond et en tout cas dans les dix jours du dépôt de la requête, la personne retenue dûment convoquée par les soins du greffe ».

Il ressort du dossier administratif et des pièces versées en cause que Monsieur (A) s’est vu notifier en date du 3 avril 2025 un arrêté du ministre daté du 2 avril 2025 ordonnant la 2prorogation de son placement en rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification de la décision.

La requête, introduite le 10 avril 2025, est partant à déclarer recevable pour avoir été introduite endéans cinq jours ouvrables conformément aux dispositions de l’article 123 (6) de la loi du 29 août 2008.

Quant à la procédure :

Conformément à l’article 121 (1) de la loi du 29 août 2008, « La notification des décisions visées à l’article 120 est effectuée par un membre de la Police grand-ducale qui a la qualité d’officier de police judiciaire. La notification est faite par écrit et contre récépissé, dans la langue dont il est raisonnable de supposer que l’étranger la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés », ladite notification devant faire l’objet, conformément au paragraphe (2) de cette même disposition, d’un procès-verbal dressé par l’officier de police judiciaire qui y a procédé, mentionnant la date de la notification de la décision, la déclaration de la personne retenue qu’elle a été informée de ses droits mentionnés, ainsi que toute autre déclaration qu’elle désire faire acter, la langue dans laquelle la personne retenue fait ses déclarations, ledit procès-verbal devant soit être signé par la personne retenue, soit, en cas de refus de signature, devant mentionner le refus et les motifs du refus.

Conformément à l’article 122 (2) et (3) de la loi du 29 août 2008, « (2) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de prévenir sa famille ou toute personne de son choix. Un téléphone est mis à sa disposition à titre gratuit à cet effet. (3) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de se faire examiner dans les vingt-quatre heures de son placement en rétention, par un médecin et de choisir un avocat à la Cour d’un des barreaux établis au Grand-Duché de Luxembourg ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Luxembourg. Le mineur non accompagné d’un représentant légal se voit désigner, dans les meilleurs délais, un administrateur ad hoc ».

Il ressort du dossier administratif et des pièces versées en cause que la notification opérée en date du 3 avril 2025 l’a été conformément aux prescriptions légales, il se dégage encore du dossier administratif que la personne s’est régulièrement vu rappeler les droits qui lui sont reconnus pendant la période de rétention.

L’article 123 (6) de la loi du 29 août 2008 prévoit que le président s’assure que la personne retenue a été touchée par la convocation.

Il résulte à cet égard des pièces versées en cause que Monsieur (A) s’est bien vu notifier en mains propres la convocation du 10 avril 2025 pour l’audience publique du 16 avril 2025.

Nonobstant cette convocation, il ne s’est pas fait représenter par un avocat à la Cour régulièrement constitué. Malgré ce fait, la soussignée statue à l’égard de toutes les parties, en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

3Quant au fond :

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […] l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

4Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme1, il faut que l’éloignement de la personne retenue soit une perspective réaliste.

Enfin, en vertu de l’article 120 (3), in fine, de la même loi, si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut encore être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

En l’espèce, il résulte des éléments de la cause que la personne retenue se trouve toujours actuellement en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

En effet, comme indiqué ci-avant, par décision du 10 octobre 2024, le ministre a rejeté pour être non fondée, dans le cadre d’une procédure accélérée, la demande en obtention d’une protection internationale de Monsieur (A), tout en lui ordonnant de quitter le territoire sans délai.

Il est encore constant en cause que la personne retenue ne disposait, à la date de la prise de l’arrêté actuellement déféré, toujours pas d’autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail, de sorte qu’elle ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 34 de la loi du 29 août 2008.

Il est enfin constant en cause que le ministre prit encore en date du 3 décembre 2024 un arrêté à l’encontre de Monsieur (A), lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à partir de la sortie de l’Espace Schengen.

Il en résulte l’existence dans le chef de la personne retenue d’un risque de fuite, légalement présumé par l’article 111 (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 de la même loi.

Il s’ensuit que les conditions initiales ayant justifié que le ministre ait placé l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement perdurent actuellement.

En ce qui concerne ensuite les diligences effectuées en vue de l’éloignement de la personne retenue, la soussignée relève, tout d’abord, qu’elle est uniquement saisie d’une requête tendant au contrôle d’office de la décision du ministre de proroger une 4ème fois la mesure de rétention de Monsieur (A), de sorte qu’il lui appartient seulement d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire et que les conditions spécifiques à une telle 4ème prorogation, à savoir qu’il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, sont données, le tribunal étant appelé toutefois, le cas échéant, à relever d’office, sur la base des éléments du dossier portés à sa connaissance, tels 1 CourEDH, 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-Herzégovine (n° 2), req. n° 10112/16.

5que complétés ou éclairés lors de la procédure contradictoire devant lui, l’éventuel non-respect d’une condition de légalité qui n’a pas été invoquée par la personne concernée2.

À cette fin, l’autorité judiciaire statuant sur une demande de prolongation de rétention doit être en mesure de prendre en considération tant les éléments de fait et les preuves invoqués par l’autorité administrative ayant ordonné la rétention initiale que toute observation éventuelle du ressortissant concerné d’un pays tiers. En outre, elle doit être en mesure de rechercher tout autre élément pertinent pour sa décision au cas où elle le jugerait nécessaire. Il s’ensuit que les pouvoirs détenus par l’autorité judiciaire dans le cadre d’un contrôle ne peuvent, en aucun cas, être circonscrits aux seuls éléments présentés par l’autorité administrative concernée3.

Les dispositions de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, citées ci-avant, sont à entrevoir, notamment, à l’aune de l’article 15 (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », aux termes duquel « Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres […] la personne concernée est immédiatement remise en liberté ».

Selon la Cour de Justice de l’Union européenne4, l’article 15 (4) de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que seule une réelle perspective que l’éloignement puisse être mené à bien eu égard aux délais fixés aux paragraphes (5) et (6) de ce même article correspond à une perspective raisonnable d’éloignement et que cette dernière n’existe pas lorsqu’il paraît peu probable que l’intéressé soit accueilli dans un pays tiers eu égard auxdits délais. Afin de constater que l’État membre concerné a entrepris les efforts raisonnables pour réaliser l’opération d’éloignement et qu’il existe un manque de coopération de la part du ressortissant concerné d’un pays tiers, un examen détaillé des éléments factuels relatifs à l’ensemble de la période de rétention initiale est nécessaire.

Il échet de prime abord de constater que dans le cadre des jugements précités des 24 décembre 2024 et 21 janvier 2025, le tribunal administratif a retenu que les démarches accomplies par les autorités luxembourgeoises à ces dates devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, le tribunal y relevant plus particulièrement que les autorités ministérielles luxembourgeoises, seraient à ces dates, tributaires de la collaboration des autorités syriennes, lesquelles les auraient informé par courriel du 15 janvier 2015 que le « civil status system » en Syrie ne serait pas encore fonctionnel et que la demande d’identification relative à Monsieur (A) allait durer un certain temps.

En ce qui concerne les diligences accomplies depuis lors, il résulte, à cet égard, du dossier administratif que par courriel du 28 janvier 2025, les autorités ministérielles ont envoyé un rappel à l’Ambassade de la République syrienne arabe à Bruxelles au regard de la demande d’identification de l’intéressé ainsi que de la délivrance d’un laissez-passer dans son chef, en s’y enquérant plus particulièrement d’une date approximative à laquelle le « civil statuts system » en Syrie serait opérationnel. Par courriel du même jour, les autorités consulaires syriennes ont informé le ministre « For the time being, we have no updates regarding the 2 CJUE, grande chambre, 8 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid contre C. et X., C-704/20 et C-39/21.

3 CJUE 5 juin 2014, Bashir Mohamed Ali Mahd, C-146/14 PPU, points 62 et 64.

4 CJUE, grande chambre, 30 novembre 2009, Said Shamilovich Kadzoev (Huchbarov), C-357/09 PPU.

6activation of the civil statuts system in Syria. We are still waiting, and we do not know when it will be operational. We will inform you as soon as we receive any updates. ». Par courriels des 18 février et 27 mars 2025, les autorités ministérielles ont de nouveau prié les autorités consulaires syriennes à Bruxelles de les informer s’il y avait des nouvelles par rapport à l’activation du « civil statuts system » en Syrie, sans que ces dernières n’aient répondu auxdits rappels.

Il ressort ensuite du dossier administratif que par courriel du 18 février 2025, les autorités ministérielles ont contacté l’agent d’encadrement psychosocial au sein du Centre de rétention en charge de l’intéressé pour s’enquérir si ce dernier était disposé à contacter sa mère qui se trouverait en Turquie afin d’obtenir les documents nécessaires pour se voir délivrer un visa pour la Turquie. Par courriel du 21 février 2025, ledit agent a répondu que Monsieur (A) n’était pas disposé de faire lesdites démarches, alors qu’il estimerait que tel n’était pas possible.

Par courriel du 27 mars 2025, les autorités ministérielles se sont de nouveau enquises auprès dudit agent concernant lesdites démarches. Ce dernier a, par courriel du même jour, répondu que le concerné n’était toujours pas disposé de contacter sa mère dans l’optique de se délivrer un visa pour la Turquie. Par courriels des 3 et 4 avril 2025, ledit agent a encore informé les autorités ministérielles qu’il avait de nouveau tenté de convaincre Monsieur (A) de faire lesdites démarches, ce que ce dernier aurait refusé de faire, en dépit de la propose ministérielle d’organiser un vol vers la Turquie dans l’hypothèse où il possédait un tel visa.

Conformément au considérant 16 de la directive 2008/115, « Le recours à la rétention aux fins d’éloignement devrait être limité et subordonné au respect du principe de proportionnalité en ce qui concerne les moyens utilisés et les objectifs poursuivis. La rétention n’est justifiée que pour préparer le retour ou procéder à l’éloignement et si l’application de mesures moins coercitives ne suffirait pas ».

Or, le principe de proportionnalité exige que la rétention d’une personne contre laquelle une procédure d’éloignement est en cours ne se prolonge pas pendant un laps de temps déraisonnable, c’est-à-dire n’excède pas le délai nécessaire pour atteindre le but poursuivi5 .

Au vu de cet impératif, les autorités compétentes doivent, pendant toute la période de rétention, activement et de manière continue et non-interrompue poursuivre les démarches afin d’obtenir, de la part des autorités diplomatiques compétentes, la délivrance de documents de voyage et elles sont tenues de négocier l’admission de la personne retenue dans son pays d’origine dans les meilleurs délais6 : même dans l’hypothèse où les faits indiquent un retard pour obtenir les documents nécessaires de la part du pays tiers, un Etat membre est tenu de poursuivre activement et de manière continue et non-interrompue ses efforts en vue de l’exécution de l’opération d’éloignement7, étant rappelé que toute rétention d’un ressortissant d’un pays tiers constitue une ingérence grave dans le droit à la liberté, consacré à l’article 6 de la Charte des droits des droits fondamentaux de l’Union européenne 8.

Si les autorités compétentes n’ont certes pas de mainmise sur les autorités de pays tiers saisies de demandes de délivrance de documents de voyage et qu’elles sont tributaires de la collaboration desdites autorités, la personne retenue ne doit pas non plus pâtir d’un défaut total 5 Voir Cour EDH, grande chambre, 29 janvier 2008, Saadi c. Royaume-Uni, no 13229/03, § 74.

6 Prise de position de l’avocat général M. Maciej SZPUNAR, affaire C-146/14 PPU, présentée le 14 mai 2014.

7 CJUE, 5 juin 2014, Mahdi c. Bulgarie, C 146/14 PPU.

8 CJUE, grande chambre, 8 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid contre C. et X., C 704/20 et C 39/21, point 72.

7de collaboration des autorités compétentes du pays d’origine mettant à néant toute perspective d’une exécution de la mesure d’éloignement : l’incertitude et l’impuissance n’étant pas conciliables avec la privation de liberté, un étranger ne peut être placé et maintenu en rétention que si son éloignement forcé demeure une perspective raisonnable.

Il convient par ailleurs, à titre surabondant, de rappeler qu’une mesure de prorogation en tout état de cause, ne saurait, conformément à l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise.

Aussi, lorsque le ministre entend solliciter une énième prorogation de la rétention d’un ressortissant étranger au motif que les autorités consulaires n’ont pas encore délivré de laisser-

passer, il doit non seulement justifier de ses relances auprès de ces autorités, mais il doit encore justifier que la délivrance du laissez-passer consulaire interviendra vraisemblablement à bref délai9. En effet, dès lors qu’elle est privative de liberté, le placement en rétention administrative et sa prolongation ne se conçoivent que dans la mesure où il existe des perspectives raisonnables de départ de l’étranger vers le pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité, ou encore tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible. Pour le dire autrement, c’est parce que, eu égard aux circonstances de fait et éventuellement de droit, l’administration pense pouvoir exécuter dans des délais raisonnables la mesure d’éloignement qu’elle peut envisager la rétention administrative.

La soussignée constate, d’un autre côté que la prorogation sous analyse s’inscrit toutefois précisément dans les hypothèses prévues à l’article 120, paragraphe (3), in fine, de la même loi, à savoir lorsque « malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires », tandis que la possibilité de retenir l’intéressé expirera définitivement seulement le 3 juin 2025, de sorte qu’au stade actuel un délai à première vue suffisant en vue de l’identifier et d’exécuter son éloignement vers son pays d’origine avant cette date subsiste à ce jour.

S’il est certes constant en cause (i) que par courriel du 15 janvier 2025, les autorités consulaires syriennes à l’Ambassade de la République syrienne arabe à Bruxelles ont informé les autorités ministérielles que le « civil state system » en Syrie ne serait pas encore opérationnel, de sorte que la demande leur adressée par le ministre en date du 24 décembre 2024 tendant à l’identification de Monsieur (A) et à la délivrance d’un laissez-passer dans son chef allait prendre un certain temps, (ii) que par courriel du 28 janvier 2025, lesdites autorités consulaires ont informé les autorités ministérielles que ledit service ne serait toujours pas opérationnel et qu’ils allaient les tenir au courant à ce sujet et (iii) qu’il ne figure au dossier administratif un quelconque élément postérieur à cette date établissant que lesdites autorités consulaires aient donné des nouvelles à ce sujet, respectivement que ledit service en Syrie serait entretemps opérationnel et, ce, en dépit de rappels en ce sens envoyés par les autorités ministérielles en date des 18 février et 27 mars 2025, la soussignée constate à cet égard à ce jour pas de défaut total de collaboration des autorités consulaires syriennes, défaut qui mettrait effectivement à néant toute perspective d’une exécution de la mesure d’éloignement, mais que celles-ci semblent au contraire coopérer à l’identification de Monsieur (A), le seul retard, à ce jour, dans la délivrance d’un laissez- passer, ne signifiant pas que ces démarches seraient à ce 9 Trib. adm. 9 février 2024, n° 50026.

8jour vouées à l’échec, les autorités consulaires étant d’ailleurs tenues par le droit international de réadmettre leurs ressortissants.

Il ne saurait en effet être retenu que la seule absence à ce jour de réponse positive à une demande de délivrance d’un laissez-passer - étant constant en cause que les autorités syriennes œuvrent actuellement en ce sens - constitue ipso facto un obstacle à l’exécution de la mesure d’éloignement insusceptible d’être surmonté durant le temps de la rétention ; or, comme retenu ci-avant, la possibilité de retenir l’intéressé expirera définitivement seulement le 3 juin 2025, de sorte qu’un délai à première vue suffisant en vue d’exécuter l’éloignement de celui-ci vers la Syrie avant cette date subsiste, la soussignée ne s’étant pas vu soumettre d’éléments concrets susceptibles d’énerver ce constat.

Au vu de l’ensemble de ces éléments et compte tenu de ces circonstances spécifiques du cas sous examen, la soussignée est amenée à conclure que les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent être considérées, dans les circonstances de l’espèce, et à ce stade comme encore suffisantes, à charge pour les autorités ministérielles de poursuivre, activement et de manière continue et non-interrompue leurs efforts auprès des autorités consulaires syriennes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120, paragraphe (3), de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention reste vérifiée en l’espèce.

Concernant finalement la possibilité d’application de mesures moins coercitives, les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1), à savoir l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement auprès des services ministériels après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ou encore l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125 (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3), de la même loi, tout en relevant qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’au vu de la présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du concerné, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes propres à prévenir le risque de fuite.

En l’espèce, il se dégage du dossier administratif que les raisons avancées par la partie étatique pour justifier le recours à la mesure de rétention plus particulièrement en raison d’un risque de fuite dans le chef de Monsieur (A) résident dans l’absence dans son chef de tout document d’identité et de voyage valables et dans le défaut de celui-ci de pouvoir justifier 9d’une adresse légale au Luxembourg. A défaut de toute circonstance et élément énervant actuellement ce constat, il y a lieu de retenir que l’intéressé ne présente toujours pas de garanties suffisantes de représentation, et ne remplit donc pas les conditions préalables afin de bénéficier d’une mesure moins coercitive.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’arrêté ministériel du 2 avril 2025 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention de Monsieur (A) est à confirmer.

Par ces motifs, la soussignée, premier juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement des présidents et magistrats plus anciens en rang, légitimement empêchés, statuant à l’égard de toutes les parties et en audience publique ;

déclare recevable la requête du ministre des Affaires intérieures tendant à la vérification de la régularité de la décision de prolongation de la rétention administrative ;

quant au fond, confirme l’arrêté ministériel du 2 avril 2025 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention de Monsieur (A).

Ainsi jugé et prononcé au tribunal administratif, date qu’en tête.

s. Lejila Adrovic s. Laura Urbany Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52686
Date de la décision : 17/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-17;52686 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award