Tribunal administratif N° 52566 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52566 5e chambre Inscrit le 21 mars 2025 Audience publique du 16 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52566 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 mars 2025 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 10 mars 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 mars 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le premier juge, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la cinquième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Maître Elena FROLOVA, en remplacement de Maître Michel KARP, et Monsieur le délégué du gouvernement Luca ESTGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 avril 2025.
Le 23 janvier 2025, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée, dans un rapport du 24 janvier 2025.
Le 27 février 2025, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 10 mars 2025, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé le lendemain, le ministre des Affaires intérieures, désigné ci-après par « le ministre », résuma les les déclarations de Monsieur (A) comme suit :
1 « […] Vous déclarez vous nommer (A), être né le … à …/Algérie, être de nationalité algérienne et de confession musulmane. Vous seriez divorcé et auriez vécu dans un quartier de … avec vos parents et votre fratrie. En Algérie, vous auriez fréquenté l'école pendant neuf années et auriez travaillé en tant que ….
A l'appui de votre demande, vous déclarez vous être marié à une femme en 2018 et que vous auriez divorcé fin 2019. En effet, dans la mesure où on ne vous aurait pas accordé un logement social, vous et votre épouse auriez été obligés de vivre auprès de votre mère ce qui aurait causé des problèmes concernant l'entretien de la maison « de propreté, de ménage, de cuisine » (entretien page 5). Votre épouse vous aurait demandé de lui trouver un logement en location, mais vous n'auriez pas eu les moyens financiers pour payer un loyer, de sorte que vous auriez divorcé en 2019.
Or, immédiatement après le divorce, vous auriez eu des problèmes avec les frères de votre ex-épouse, mais « les plus gros problèmes auraient été en 2022 » (entretien page 5). Ces frères n'auraient pas accepté le divorce et le fait que vous auriez abandonné leur soeur. A chaque fois que vous vous seriez rencontrés, vous vous seriez disputés dans la rue et ils vous auraient menacé de mort. Vous auriez toujours tenté de les éviter. Cela aurait uniquement été des disputes verbales tandis qu'en juin 2022, il y aurait eu « la grande dispute » (entretien page 5). En effet, vous seriez allé faire des courses et en sortant de l'épicerie, les frères de votre ex-épouse vous auraient attaqué avec des bâtons en bois et vous auraient frappé. Puis, ils seraient partis. Les autres gens sur place auraient appelé une ambulance et vous auriez été transporté à l'hôpital.
Vous auriez été hospitalisé pendant trois jours.
Vous n'auriez pas porté plainte par peur que les frères de votre ex-épouse ne vous frappent davantage. Vous feriez confiance en la justice algérienne, mais vous n'auriez pas droit à un avocat pour vous assister.
Vous auriez réfléchi à porter plainte, mais il vous faudrait un avocat. Vous auriez donc été découragé à cause des coûts. Vous seriez encore resté en Algérie pendant quatre mois avant de partir en Europe.
Vous déclarez encore avoir quitté l'Algérie alors que vous n'auriez pas eu de travail stable et que vos conditions de vie n'auraient pas été bonnes. Vous ne vous seriez pas installé dans une autre région de votre pays d'origine parce que vous n'auriez pas voulu rester en Algérie.
Le coût de la vie en Algérie serait élevé et il n'y aurait pas de logements disponibles.
Concernant vos craintes en cas de retour en Algérie, vous estimez que « Dieu seul le sait ce qui risque à (sic) m'arriver » (entretien page 6).
Vous auriez quitté l'Algérie en décembre 2022 pour l'Espagne où vous auriez vécu pendant deux années. Vous seriez alors allé en France où vous auriez séjourné pendant deux mois avant de venir au Luxembourg en passant par la Belgique. Sur question de savoir pourquoi vous seriez spécifiquement venu au Luxembourg, vous estimez que « Dieu m'a envoyé ici » (entretien page 4). Vous auriez pris le train jusqu'à Arlon, auriez acheté un ticket pour le Luxembourg et seriez ainsi arrivé au Luxembourg.
A l'appui de votre demande, vous remettez les documents suivants :
- une capture d'écran de votre livret militaire (document en langue arabe, non traduit) ;
- une capture d'écran d'un Certificat de consultation de coups et blessures « Destiné à la Justice », daté au 22 mars 2022, établi par l'Etablissement Hospitalier … à … ;
2 - un Certificat médical, établi par l'Etablissement public hospitalier … daté au … mars 2022;
- une capture d'écran d'une radiographie d'un crâne ;
- trois photos, dont deux vous montreraient dans un lit d'hôpital, et la troisième montrerait une ecchymose et un hématome de votre oeil droit ;
- deux captures d'écran d'un livret de famille (document en langue arabe, non traduit).
Par rapport à vos documents d'identité, vous estimez ne jamais avoir eu un passeport et votre carte d'identité se trouverait à votre domicile en Algérie. […] ».
A travers la même décision, le ministre l’informa qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), points a) et h) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
En ce qui concerne l’application de l’article 27, paragraphe (1), point h) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre releva plus particulièrement qu’il ressortirait des déclarations de l’intéressé qu’il avait quitté son pays d’origine en décembre 2022 pour l’Espagne où il aurait vécu dans différents endroits pendant presque deux ans sans pour autant y déposer une demande de protection internationale. Le ministre en conclut que Monsieur (A) n’aurait pas introduit une demande de protection internationale dans les plus brefs délais, tel que l’aurait fait une personne obligée de fuir son pays d’origine alors que sa vie y aurait été en danger et qu’il aurait, au contraire, préféré séjourner de manière irrégulière dans des Etats européens pendant plus de deux ans avant de déposer une demande de protection internationale au Luxembourg fin janvier 2025, Etat qu’il aurait spécifiquement choisi à cette fin.
En ce qui concerne l’application de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre renvoya à ses développements par rapport à l’examen des motifs à la base de la demande de protection internationale de Monsieur (A) pour conclure que ce dernier n’aurait soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplissait les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.
Concernant, en premier lieu, le statut de réfugié, le ministre remit d’abord en doute la crédibilité du récit de l’intéressé en ce qui concerne sa crainte relative aux agissements des frères de son ex-épouse, alors qu’ils se dégageraient de son récit trois dates différentes auxquelles il aurait subi une agression de leur part. Ainsi, il aurait déclaré avoir été agressé en juin 2022, tandis qu’il ressortirait des certificats médicaux versés à l’appui de sa demande de protection internationale qu’il aurait été hospitalisé dans ce contexte en mars 2022. L’intéressé aurait, par ailleurs, déclaré avoir quitté l’Algérie en décembre 2022 et, ce, quatre mois après son agression, de sorte que logiquement il aurait donc été agressé en août 2022. Le ministre releva encore que les photos remises par l’intéressé ne montreraient qu’une partie d’un visage, de sorte qu’il ne serait pas établi qu’il s’agirait de photos de sa personne.
Il releva ensuite que même à admettre que Monsieur (A) aurait été victime d’une agression physique, il ne serait pas établi que les frères de son ex-épouse en auraient été les auteurs, constat qui serait, d’après le ministre, conforté par le fait que ni sur sa fiche manuscrite remplie le jour de l’introduction de sa demande de protection internationale, ni lors de son entretien par la police grand-ducale l’intéressé aurait mentionné d’avoir subi de tels actes des frères de son épouse, alors qu’il n’y aurait fait état que de menaces verbales de leur part.
Le ministre estima ensuite que même si la crédibilité du récit de Monsieur (A) devrait être établie, les faits d’avoir été menacé de mort verbalement entre 2020 et 2022 et une fois frappé en 2022 par les frères de son ex-épouse, relèveraient, d’une part, de problèmes familiaux sans être liés à l’un quelconque des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 ou à la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, désignée ci-
après par « la Convention de Genève » et ne revêtiraient, d’autre part, pas un degré de gravité suffisant pour pouvoir être qualifiés d’actes de persécution, constat qui serait conforté par le fait que l’intéressé ne ferait état d’aucun autre incident pendant le laps de temps de quatre mois écoulé entre l’agression physique qu’il aurait subie et son départ de l’Algérie.
Le ministre releva encore qu’en tout état de cause les actes dont se prévaudrait Monsieur (A) émaneraient de personnes privées, de sorte que lesdits actes ne sauraient fonder l’octroi d’un des statuts conférés par la protection internationale qu’en cas de défaut de protection de la part des autorités algériennes, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, alors que l’intéressé n’aurait pas jugé opportun de porter plainte devant les autorités de son pays d’origine contre ses agresseurs.
A cet égard, le ministre releva, source internationale à l’appui, que, contrairement à l’argumentation du concerné suivant laquelle il n’aurait pas eu les moyens financiers pour ce faire, l’Algérie disposerait d’un système d’assistance judiciaire pour les personnes démunies de ressources économiques, de sorte que sa situation financière ne saurait justifier l’absence de dépôt d’une plainte de sa part devant les autorités algériennes. Or, à défaut d’avoir déposé une telle plainte, Monsieur (A) ne saurait reprocher aux autorités algériennes de ne pas être capables ou disposées de lui fournir une protection contre ses agresseurs, le ministre précisant encore que s’il était d’avis que la police ne traiterait pas ses doléances avec le sérieux nécessaire, il aurait toujours la possibilité de s’adresser à un autre commissariat de police, à des instances supérieures, sinon au médiateur algérien auprès duquel il pourrait même déposer une requête en ligne.
En ce qui concerne le récit du demandeur ayant trait à sa situation économique en Algérie, le ministre constata qu’il s’agirait de motifs de pure convenance personnelle qui ne seraient pas susceptibles de fonder l’octroi du statut de réfugié faute d’être empreints d’un des motifs de fond prévus par la Convention de Genève, le ministre précisant encore qu’en tout état de cause le coût de vie serait, de manière générale, élevé au Luxembourg.
Le ministre conclut dès lors au rejet de sa demande d’octroi du statut de réfugié.
Quant au refus de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, le ministre releva d’abord que la demande du concerné à cet égard serait fondée sur les mêmes motifs et estima ensuite qu’il resterait en défaut d’établir un risque de subir l’une des atteintes graves prévues à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, le ministre renvoyant également à ses développements concernant l’absence de preuve d’un défaut de protection des autorités algériennes.
Il précisa finalement qu’il n’existerait également pas de motifs sérieux et avérés de croire qu’il courrait, en cas de retour en Algérie, un risque réel de subir de menaces graves et individuelles contre sa vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international et conclut au rejet de sa demande d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.
Le ministre en conclut au rejet de la demande de protection internationale de Monsieur (A) et lui ordonna de quitter le territoire dans un délai de trente jours.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 mars 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 10 mars 2025 d’opter pour la procédure accélérée, de celle ayant refusé de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire.
Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé à titre principal contre les décisions du ministre du 10 mars 2025, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, tout en précisant qu’il serait divorcé et originaire de … en Algérie. Il explique avoir quitté son pays d’origine en décembre 2022 à destination de l’Espagne, où il se serait d’abord rendu à …, puis pour une semaine à … et ensuite à … où il serait resté pendant plusieurs mois. Il aurait ensuite résidé à … pendant environ cinq ou six mois, ensuite à … durant sept à dix mois avant de partir à …. Vers le 15 janvier 2025, il aurait pris un bus en direction de … en France, ensuite un train vers … et il serait arrivé au Luxembourg en date du 20 janvier 2025 où il aurait introduit sa demande de protection internationale.
Concernant les motifs à la base de sa demande de protection internationale, le demandeur fait valoir que sa situation économique et familiale en Algérie aurait conduit à son divorce, lequel aurait engendré des problèmes familiaux avec les frères de son ex-épouse qui l’auraient menacé de mort à plusieurs reprises et l’auraient frappé en juin 2022 ce qui aurait conduit à son hospitalisation à l’hôpital de … et à un « arrêt de travail » de 21 jours. Le demandeur précise à cet égard qu’il aurait fourni à l’appui de sa demande de protection internationale des photos de son état physique ainsi que des certificats médicaux qui prouveraient ces éléments. Il fait ensuite plaider qu’il n’aurait pas porté plainte auprès des autorités de son pays d’origine, alors qu’indépendamment du fait de ne pas avoir eu les moyens financiers pour ce faire, le système judiciaire algérien serait défaillant et il aurait eu peur d’ainsi aggraver sa situation. En se référant à son rapport d’entretien, le demandeur conclut qu’il risquerait, en cas de retour en Algérie, de se faire tuer par les frères de son ex-épouse.
En droit, le demandeur reproche au ministre d’avoir tiré des conclusions « hâtives » concernant sa situation, sans prendre en considération son récit et la réalité des conditions de vie et de coutume en Algérie. Ainsi, le ministre aurait pris la décision d’appliquer la procédure accélérée à sa demande de protection internationale sans tenir compte de son état de faiblesse et de dépression, qui serait la conséquence des persécutions et menaces subies dans son pays d’origine, dans lequel il n’aurait pu solliciter la moindre protection aux autorités. Il conteste ainsi la conclusion du ministre de statuer dans le cadre de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, et lui reproche d’avoir commis une fausse application de la loi, sinon une erreur manifeste d’appréciation des faits, alors que le départ de son pays d’origine serait motivé par la crainte pour sa vie, alors qu’il craindrait d’être tué par les frères de son ex-épouse à l’instar des violences déjà subies par lui.
Le demandeur ajoute, dans ce contexte, en ce qui concerne les actes perpétrés par des personnes privées, qu’une persécution commise par des tiers pourrait être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités du pays d’origine. Il s’avèrerait cependant qu’il ne pourrait pas se rapprocher desdites autorités pour leur demander une protection alors que celles-ci pratiqueraient une répression de plus en plus croissante envers la population, la société civile et même envers les défenseurs des droits de l’Homme en Algérie. Le demandeur se réfère, à cet égard, à un article publié sur le site internet du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’Homme en date du 5 décembre 2023, intitulé « Algérie : Les restrictions constantes imposées aux défenseurs des droits de l’homme compromettent les réformes sociales, selon une experte de l’ONU », qui serait relatif à un communiqué de Mary Lawlor, rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme, rendu à l’issue d’une visite officielle dans ledit pays.
Monsieur (A) soutient que les faits à l’origine de sa demande de protection internationale soulèveraient des questions pertinentes, de sorte que l’article 27, paragraphe (1), a) de la loi du 18 décembre 2015 ne serait pas applicable.
Le demandeur conteste ensuite encore l’application de l’article 27, paragraphe (1), point h) à son égard, tout en expliquant qu’il n’aurait pas introduit de demande de protection internationale durant son séjour d’environ deux ans en Espagne, alors qu’il s’y serait senti en sécurité en raison du fait que les frères de son ex-épouse ne pourraient pas savoir dans quel pays il se trouvait. Ce n’aurait été que suite à une prise de conscience qu’il pourrait faire objet d’une mesure d’éloignement vers l’Algérie qu’il aurait pris la décision d’introduire une demande de protection internationale dans un pays qui n’aurait « pas de relation proche et directe avec son pays d’origine » Il estime ainsi avoir établi une « crainte fondée d’être « persécuté » » dans son pays d’origine au sens de l’article 1er, section 1, (2) de la Convention de Genève ainsi que des articles 41 et 42 de la loi du 18 décembre 2015, respectivement une crainte d’être victime de traitements inhumains et dégradants, qui l’aurait amené à prendre la fuite afin de préserver son état de santé et sa survie sans qu’il ne puisse se prévaloir d’une protection auprès des autorités algériennes qui ne cesseraient de poursuivre la population « pour des raisons de terrorisme ». La situation en Algérie serait, en effet, loin de celle d’un pays sûr et pourrait être considérée « comme en situation de guerre civile », le demandeur se référant à cet égard au site internet du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) de la Confédération suisse. Il en conclut que le ministre aurait violé l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », et les droits garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après dénommée « la CEDH ». Ainsi, si l’Etat luxembourgeois procédait à son éloignement vers son pays d’origine, il l’exposerait à des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 alors qu’il y risquerait sa vie et son intégrité physique.
Le demandeur reproche également au ministre de ne pas avoir procédé à une évaluation individuelle, telle qu’exigée par l’article 37, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015, pour motiver sa décision. En effet, l’efficacité du système judiciaire resterait préoccupante en Algérie et le « temps des jugements » resterait une source de préoccupation, alors qu’ils seraient globalement trop longs et inefficaces, raison pour laquelle il n’aurait pas déposé de plainte contre les frères de son ex-épouse. En outre, l’instauration d’un cadre institutionnel pour la promotion et la protection des droits de l’Homme et des droits fondamentaux, aurait été vaine.
Les actes d’intimidation, de réduction au silence et de répression contre les défenseurs des droits de l’Homme d’avril 2023 et la décision conséquente de dissoudre « deux associations des droits 6 humains », démontreraient une répression alarmante des organisations de la société civile et porteraient gravement atteinte à l’espace dont disposeraient les défenseurs des droits de l’Homme pour s’associer, s’exprimer librement et mener à bien leurs activités en matière de droits humains.
Il ajoute, dans ce contexte, qu’il ne lui aurait pas été possible de défendre ses droits et de solliciter « justice et protection » en Algérie, en soutenant que l’administration judiciaire ne fonctionnerait pas et que la protection des autorités algériennes serait défaillante.
Le demandeur conclut finalement encore à la réformation de l’ordre de quitter le territoire à son encontre comme conséquence de la réformation du refus de protection internationale.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.
Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé.
Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.
Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».
Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé et, dans la négative de renvoyer le recours devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par leprésident de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
1) Quant à la légalité externe S’agissant de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement du moyen tiré de la violation de l’article 37, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015, la soussignée précise que cette disposition prévoit ce qui suit : « Le ministre procède à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants : […] tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués […] ».
Or, le moyen de légalité externe sous analyse encourt le rejet pour être manifestement infondé, étant donné, d’une part, qu’il ressort de la décision ministérielle déférée, qui contient un résumé des déclarations du demandeur et indique de manière détaillée les raisons ayant amené le ministre à refuser la demande de l’intéressé dans le cadre d’une procédure accélérée, que le ministre a bien procédé à une évaluation individuelle de la demande de Monsieur (A) et, d’autre part, qu’il ne se dégage d’aucun élément soumis à l’appréciation de la soussignée qu’en menant cette évaluation, le ministre n’aurait pas tenu compte de tous les faits pertinents concernant le pays d’origine du demandeur au moment de la prise de sa décision.
En ce qui concerne son état de faiblesse et de dépression dont il souffrirait comme conséquence des menaces subies de la part des frères de son ex-épouse et dont le ministre n’aurait pas tenu compte en décidant de soumettre l’examen de sa demande de protection internationale à la procédure accélérée, la soussignée constate que le demandeur reste en défaut de verser une quelconque pièce quant à son état de santé mentale, invoqué, par ailleurs, pour la première fois dans le cadre du recours sous analyse, de sorte que cette affirmation reste à l’état de pure allégation.
2) Quant à la légalité interne A) Quant à la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Quant à la légalité interne et s’agissant, d’abord, de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, la soussignée relève que cette dernière décision a été prise sur base des dispositions des point a) et h) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquels « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ;
[…] h) le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire et, sans motif valable, ne s’est pas présenté aux autorités ou n’a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée ;».
Il s’ensuit que le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, si, aux termes de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande et si, aux termes du point h) du même article, le concerné a, sans motif valable, prolongé son séjour illégalement sur le territoire sans se présenter aux autorités ou sans présenter de demande de protection internationale dans les plus brefs délai compte tenu des circonstances de son entrée.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par lui ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.
Afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Aux termes de l’article 2, point g) de la loi 18 décembre 2015 est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ». L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution;
ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».
En outre, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être:
a) l’Etat;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.
Il y a ensuite lieu de préciser que dans la présente matière, le juge administratif doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance.
Or, la soussignée partage en l’espèce l’analyse du ministre que le demandeur n’a, en déposant sa demande de protection internationale et en exposant les faits, soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.
Il se dégage en effet du dossier administratif, ainsi que de la requête introductive du demandeur que celui-ci base sa demande de protection internationale sur (i) sa situation économique en Algérie, (ii) sur sa crainte d’être tué par les frères de son ex-époux, alors que ces derniers l’auraient menacé de mort depuis 2020 et agressé physiquement en 2022, ainsi que sur (iii) la crainte de subir de actes de persécution de la part des autorités algériennes, étant relevé que ladite crainte a été invoquée une première fois par le demandeur dans le cadre de sa requête introductive d’instance.
En ce qui concerne tout d’abord les conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, et indépendamment de la question de la crédibilité du récit du demandeur, c’est d’abord manifestement à bon droit que le ministre a relevé que l’ensemble des faits soulevés par le demandeur lors de son entretien sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale ne sont pas motivés par un des critères de fond prévus par la Convention de Genève et l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir sa race, sa religion, sa nationalité, ses opinions politiques ou son appartenance à un groupe social.
En effet, en ce qui concerne d’abord la situation économique précaire du demandeur, de tels motifs de convenance personnelle ne sauraient manifestement justifier l’octroi du statut de réfugié pour ne pas répondre aux critères prévus par la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015 en matière de protection internationale.
En ce qui concerne ensuite les craintes du demandeur liées aux agissements des frères de son ex-épouse, le demandeur reste tant dans le cadre de son entretien sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale, que dans le cadre de sa requête introductive d’instance en défaut d’alléguer et a fortiori d’établir que lesdits agissements seraient liés à l’un des motifs sus visés, ledit conflit étant manifestement un conflit familial d’ordre privé.
En ce qui concerne finalement la crainte du demandeur lié à des prétendues persécutions de la part des autorités algériennes, la soussignée constate que l’intéressé reste en défaut, outre de soutenir que la population algérienne serait persécutée pour « terrorisme », d’expliquer de manière circonstanciée, ni les actes concrets de persécutions qu’il risquerait de subir de la part desdits autorités, ni sur base de quel motif il serait ainsi visé par de tels actes, de sorte qu’il reste manifestement en défaut d’établir un risque dans son chef de faire l’objet d’actes de persécution de la part des autorités algériennes sur base d’un des motifs sus visés.
Ce constat n’est manifestement pas contredit par le demandeur dans le cadre du recours sous analyse, dans la mesure où celui-ci reste en défaut de prendre position à cet égard dans sarequête introductive d’instance, en se bornant, en substance, à affirmer de manière non autrement circonstanciée qu’il remplirait les conditions pour pouvoir prétendre au statut de réfugié.
Il s’ensuit que c’est manifestement à bon droit que le ministre a estimé qu’au regard des conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut de réfugié le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence à l’égard de l’examen visant les conditions dudit statut.
En ce qui concerne ensuite les conditions à remplir pour pouvoir prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire, la soussignée constate, à l’instar de la partie étatique, que le demandeur fonde sa demande y relative sur les mêmes motifs qu’à la base de sa demande du statut de réfugié.
En ce qui concerne tout d’abord les craintes du demandeur liées à sa situation économique, c’est manifestement à bon droit que le ministre a retenu qu’un tel motif de pure convenance personnelle ne rentre pas non plus dans les prévisions du statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur ne faisant notamment état d’aucune atteinte grave au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 dans ce contexte.
En ce qui concerne ensuite les craintes du demandeur liées aux agissements de la part des frères de son ex-épouse et indépendamment de la crédibilité de son récit, force est à la soussignée de relever que les auteurs des agissements dont le demandeur craint être victime en cas de retour en Algérie sont des personnes privées, sans lien avec l’Etat¸ Monsieur (A) déclarant, en effet, craindre des violences de la part des frères de son ex-épouse en raison de son divorce, alors que ces derniers considéreraient qu’il aurait ainsi abandonné leur sœur.
Le demandeur ne peut dès lors faire valoir une crainte fondée d’être persécuté ou d’être victime d’atteintes graves de leur part que si les autorités algériennes ne veulent ou ne peuvent pas lui fournir une protection effective contre les agissements dont il fait état, en application de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, ou s’il a de bonnes raisons de ne pas vouloir se réclamer de la protection des autorités de son pays d’origine.
En effet, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut1.
L’essentiel est en effet d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution.
Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays 1 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.
En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.
Or, il ressort du rapport d’entretien du 27 février 2025 que Monsieur (A) ne s’est jamais adressé aux autorités de son pays d’origine pour dénoncer les frères de son ex-épouse et pour requérir une protection à leur encontre2, alors qu’il aurait eu peur que s’il portait plainte « [l]es frères de [s]on ex-femme [l]’auraient peut-être frappé à nouveau. »3, ainsi qu’en raison d’un manque de moyens financiers de sa part pour ce faire4.
Si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a pas tenté lui-même formellement d’obtenir une telle protection. Or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces et d’actes d’intimidation, communément la forme d’une plainte.
Le demandeur reste à cet égard manifestement en défaut d’établir qu’il n’aurait en raison de sa situation économique précaire pas eu accès à la procédure de dépôt de plainte en Algérie, ses développements à cet égard restant non seulement à l’état de pure allégation pour n’être soutenus par aucun élément probant, mais se trouvant encore contredits par les développements de la partie étatique selon lesquels, source internationale à l’appui, le système judiciaire algérien prévoit une assistance judiciaire pour les personnes sans ressources financières suffisantes. A défaut pour le demandeur d’avoir utilement contesté ce constat, son argumentation y afférente est manifestement non fondée.
Ce même constat s’impose en ce qui concerne l’affirmation du demandeur faite pour la première fois dans son recours sous analyse selon laquelle il ne lui aurait pas été possible de défendre ses droits et de solliciter « justice et protection » en Algérie alors (i) que l’administration judiciaire ne fonctionnerait pas, en expliquant uniquement dans ce contexte que le « temps des jugements » resterait une source de préoccupation, et (ii) que la protection des autorités policières serait défaillante, ces dernières pratiquant une répression de plus en plus croissante envers la population, la société civile et même envers les défenseurs des droits de l’Homme et ne cessant pas de poursuivre la population « pour des raisons de terrorisme », de sorte que la situation en Algérie serait loin de celle d’un pays sûr et pourrait être considéré « comme en situation de guerre civile ». Il s’avère en effet, tel que relevé ci-avant, que le demandeur reste en défaut de mettre en relation la situation en Algérie, telle qu’il la décrit, avec sa situation personnelle, ce d’autant plus que les références à la situation des défenseurs des droits de l’Homme sont sans pertinence en l’espèce, Monsieur (A) restant en défaut d’alléguer et a fortiori d’établir qu’il serait à considérer comme un tel défenseur des droits de l’Homme.
2 Page 6 du rapport d’entretien : « Je n’ai pas voulu aller chez la police. […] » 3 Page 6 du rapport d’entretien.
4 Page 6 du rapport d’entretien : « J’en ai réfléchi. Si je dépose plainte, il me faut un avocat. Il faut avancer l’équivalent de … Euros à ce dernier. J’ai été découragé à cause des coûts. J’ai alors décidé de ne pas porter plainte. »Ainsi, à défaut d’avoir déposé une plainte, le demandeur ne saurait reprocher aux autorités algériennes compétentes une absence de protection contre les agissements des frères de son ex-
épouse.
Au vu de ce qui précède, force est de constater que le demandeur n’apporte aucun élément concret qui pourrait établir qu’il aurait été en vain pour lui de se présenter aux forces de l’ordre de son pays d’origine pour rechercher une protection.
Dès lors, la soussignée est amenée à conclure que le demandeur n’a manifestement pas établi un défaut de protection de la part des autorités étatiques algériennes, de sorte qu’au moins l’une des conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire ne se trouve manifestement pas remplie dans son chef en ce qui concerne le motif lié aux agissements des frères de son ex-épouse.
En ce qui concerne finalement la crainte du demandeur liée à des prétendues atteintes graves de la part des autorités algériennes, la soussignée ne saurait se départir de son constat fait ci-avant que l’intéressé reste en défaut d’expliquer de manière circonstanciée les actes concrets qu’il risquerait de subir de la part desdits autorités, de sorte à mettre la soussignée dans l’impossibilité de vérifier si de tels actes seraient constitutifs d’atteintes graves au sens de l’article 48, points a) et b).
Dans la mesure où le demandeur reste, par ailleurs, en défaut d’établir que la situation générale en Algérie serait assimilable à une violence aveugle au sens de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, comme le demandeur semble suggérer, le moyen relatif à une violation de l’article 4 de la Charte et des droits garantis par la CEDH, non autrement définis par le demandeur, est à rejeter pour être manifestement non fondé.
Il s’ensuit que c’est encore à bon droit que le ministre a estimé que lesdits faits sont sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire.
Partant, au vu de l’ensemble de ces considérations, la soussignée est amenée à retenir que Monsieur (A) n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte que les conditions pour l’application de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 sont remplies en l’espèce.
Il s’ensuit, sans qu’il n’y ait besoin de statuer plus en avant et notamment en ce qui concerne l’application de l’article 27, paragraphe (1), point h) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen étant devenu surabondant, que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter pour être manifestement infondé.
B) Quant à la décision du ministre portant refus d’une protection internationale En ce qui concerne le volet du recours dirigé contre le refus d’octroi d’une protection internationale, la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse du recours dirigé à l’encontre de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que le demandeur n’a soulevé que des faits sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale et que, dès lors, ledit récit ne saurait, de toute évidence, justifier l’octroi d’un desdits statuts. Etant donné que dans le cadre du présentrecours dirigé à l’encontre du refus d’octroi d’un des statuts conférés par la protection internationale, la soussignée ne s’est pas vue soumettre d’éléments lui permettant de se départir de cette conclusion, le recours en question est, lui aussi, à rejeter pour être manifestement infondé et le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.
C) Quant à l’ordre de quitter le territoire Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, la soussignée relève qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.
Par ces motifs, Le premier juge siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la cinquième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à titre principal contre la décision ministérielle du 10 mars 2025 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale, ainsi que contre celle portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 avril 2025, par la soussignée, Laura Urbany, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Lejila Adrovic.
s. Lejila Adrovic s. Laura Urbany Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 15