Tribunal administratif N° 52670R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52670R Inscrit le 8 avril 2025 Audience publique du 15 avril 2025 Requête en sursis à exécution introduite par Monsieur (A), …, contre des décisions du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat et du ministre de la Défense en matière de discipline
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 52670 du rôle et déposée le 8 avril 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, tendant à voir ordonner le sursis à exécution 1) d’une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 8 janvier 2025 ayant prononcé à son égard la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office prévue à l’article 47 sub 9 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ainsi que 2) d’un arrêté du Ministre de la Défense du 28 janvier 2025 ayant entériné la prédite décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, jusqu’à ce qu’une décision au fond soit intervenue concernant le recours en réformation, sinon en annulation, déposé le 8 avril 2025, inscrit sous le numéro 52669 du rôle ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Tessy SIEDLER, demeurant à Luxembourg, du 8 avril 2025 portant signification de la prédite requête en sursis à exécution au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, établi à L-2080 Luxembourg, Cité judiciaire, Bâtiment CR ;
Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées et notamment les décisions déférées ;
Maître Daniel BAULISCH ainsi que Madame le délégué du gouvernement Anne-
Catherine LORRANG entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 avril 2025.
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Par courrier du 27 mai 2024, le Chef d’Etat-Major de l’Armée s’adressa au ministre de la Défense, désigné ci-après par « le ministre », en le priant de saisir le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, désigné ci-après par « le commissaire du gouvernement » en vue d’une instruction disciplinaire à l'encontre de Monsieur (A), expéditionnaire technique, carrière C1, auprès de l’Armée luxembourgeoise, classé au grade 06, échelon 09, alors que ce dernier aurait envoyé un courriel à son supérieur hiérarchique le 21 février 2024 en l’accusant de harcèlement à son égard, tout en mettant le chef du 1département des ressources humaines en copie, tandis qu’il se serait révélé, après une enquête interne en ce sens, que cette accusation serait gratuite.
Par courrier du 11 juillet 2024, le ministre saisit le commissaire du gouvernement conformément à l’article 56 paragraphe (2) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, dénommée ci-après « le statut général », afin de procéder à une instruction disciplinaire à l'encontre de Monsieur (A).
Par courrier du 22 juillet 2024, le commissaire du gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire, désigné ci-après par « le commissaire du gouvernement adjoint », informa Monsieur (A) qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre, lui fit parvenir une copie du dossier et l’invita à se présenter au commissariat du gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire pour une audition le 31 juillet 2024, afin de prendre position par rapport aux faits lui reprochés, date à laquelle Monsieur (A) a été auditionné à cette fin.
En date du 13 août 2024, le commissaire du gouvernement adjoint clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction.
Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Monsieur (A) qu’il envisagea de transmettre le dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe (5) du statut général, sans préjudice du droit de Monsieur (A) de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, possibilité non saisie par celui-ci.
Par courrier du 30 août 2024, le commissaire du gouvernement adjoint transmit son rapport d’instruction pour attribution au Conseil de discipline et en informa par courrier du même jour le ministre.
En date du 8 janvier 2025, le Conseil de discipline prit la décision qui suit :
« […] Vu l'instruction disciplinaire diligentée à l'encontre de (A) par le commissaire du gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire, ci-après le commissaire du gouvernement, saisi en application de l'article 56.2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après le statut général.
Vu le rapport d'instruction du 13 août 2024.
A l'audience publique du Conseil du mercredi 4 décembre 2024, après rapport oral du président du Conseil conformément à l'article 65, alinéa 2 du statut général, (A) a été entendu en ses explications et moyens de défense et la déléguée du Gouvernement, ci-après la déléguée, en ses conclusions.
Le Conseil est régulièrement saisi de l'affaire, conformément aux dispositions de l'article 56, paragraphe 5, du statut général.
Dans la lettre de saisine du Ministre de la Défense du 11 juillet 2024, il est reproché à (A) d'avoir :
2« en date du 21 février 2024, sans préjudice quant à une date exacte, accusé son supérieur hiérarchique de harcèlement moral par un courriel lui adressé, tout en mettant le chef de département des ressources humaines en copie. En effet, une enquête envers le supérieur de M. (A) a été lancée pour donner suite à cette accusation. L'enquête a révélé que les accusations de M. (A) étaient infondées.
Ces reproches sont soutenus sur base de l'enquête à l'encontre du sergent-chef (B), daté au 29 mars 2024.
Ces reproches sont susceptibles de constituer un manquement à l'article 10 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat.
Ces faits sont graves parce qu'il ressort de l'interrogatoire de M. (A), suite à l'enquête menée à la suite de son accusation, que M. (A) savait que son accusation d'harcèlement moral à l'égard de son supérieur était infondée. » Sans contester être l'auteur du courriel ayant engendré à l’encontre de son supérieur hiérarchique, l'adjudant (B), une enquête du chef des reproches y consignés de harcèlement moral et de diffamation, (A) réitère, à l'audience du Conseil, qu'il ne voit pas en quoi ce contenu puisse être considéré comme portant des accusations contre son supérieur. Las d'être en attente de prises de position écrites de la part de son supérieur au lieu et place d'échanges oraux, le mail ne ferait que refléter son état émotionnel. Il considère qu'il est de son droit de revendiquer un horaire mobile et qu'il avait postulé en 2019 pour un emploi dans la fonction publique en toute connaissance du contenu du statut général lui applicable. A la suite d'une réorganisation interne, (A) explique avoir été affecté un an après son entrée en fonction au service … sans demander son accord. Il aurait été mis devant le fait accompli. Même s'il fait une journée de télétravail en semaine et ne doit en principe assurer qu'une fois par semaine une permanence jusqu'à 17 heures, il arriverait néanmoins que son supérieur modifierait le plan de service en sa défaveur en cas de congés de maladie, parental ou de maternité de collègues de travail, alors qu'il aurait « e Privatliewen an wär net de Sklave vun der Arbecht ». Par ailleurs, exiger de lui d'assurer une fois par semaine, voire davantage, une présence jusqu'à 17 heures ne serait pas conforme au statut général et dans ce contexte uniquement s'expliquerait la fin de son courriel :
« Du gess menger Meenung no Uerderen déi keng legal Basis hunn a setz mech, als däi Mataarbechter, matt villen Aussoen déis du mess a Ligen déis du verbreets ënner Drock.
Ech fille mech vun dir psychesch harceléiert an diffaméiert.
Ech setzen de Personalbüro a Kopie a wäert mir weider Schrëtt virbehalen wann dëst net ophält." Il conclut que l'accusation d'avoir reproché un comportement harcelant à l'égard de son supérieur ne serait pas donnée, partant aucune sanction ne serait à retenir à son encontre et, par ailleurs, muté dans un autre service où il pourrait tirer pleinement profit de l'horaire mobile, son travail ne donnerait pas sujet à critique.
La déléguée du Gouvernement considère que la démarche de (A) violerait les articles 9 et 10 du statut général alors que l'instruction disciplinaire aurait clairement mis en évidence que les reproches portés par le concerné contre son supérieur hiérarchique, l'adjudant (B), 3étaient sans aucun fondement et il serait d'une gravité toute particulière que (A) en avait parfaitement conscience. (A) aurait, au cours des dernières années, tenté de forcer le bras à ses supérieurs afin de pouvoir imposer sa vision de l'horaire du travail d'un fonctionnaire. Il serait évident que le service de l'… exige un service en temps voulu à organiser dans un souci d'efficience, mais (A) aurait tout mis en oeuvre, même jusqu'à porter des accusations gratuites contre son supérieur, pour faire primer sa vision de l'horaire mobile qu'il revendiquerait comme un droit acquis dès son entrée dans la fonction publique en 2019. Sa nomination définitive n'est intervenue que le 1er mars 2020 et pourtant (A) aurait déjà un antécédent disciplinaire spécifique pour des faits similaires de contestation des heures d'ouverture du service … et de l'horaire à assurer par ses soins. La décision de confirmation du Conseil du 20 décembre 2023 de la sanction retenue par un arrêté ministériel du 15 septembre 2023 serait parfaitement révélatrice du caractère chicanier de (A). L'absence d'esprit d'équipe, pourtant une qualité fondamentale au sein de l'Armée, serait patente dans son chef. (A) ne se serait pas non plus livré à une quelconque autocritique après avoir été sanctionné une première fois, mais il aurait continué sa vendetta personnelle sans égard au vécu de celui qui doit se défendre contre des accusations gratuites d'une gravité certaine. Sous cet aspect, il serait particulièrement décevant que (A) n'ait même pas encore cru nécessaire de faire profil bas et de présenter ses excuses à l'adjudant (B) lequel a clairement laissé sous-entendre, dans le cadre de l’enquête dont il faisait l’objet, à quel point cette accusation gratuite de harcèlement moral l'a affecté. La déléguée du gouvernement conclut que la Ministre de la Défense est ouverte à toute sanction dépassant l'amende de 3/4 du traitement mensuel brut de (A).
Appréciation du Conseil de discipline (A), dans son courriel adressé le 21 février 2024 à son supérieur hiérarchique; avec copie au département des ressources humaines, s'est exprimé comme suit : «(…) Ech well bemierken datt des verbleiwend Beamten, zu deenen ech gehéieren, och e Privatliewen ze géréiren hunn an net de Sklave vun hirer Aarbecht sinn. Et kann net sinn datts du oder en anere Superieur all 2 Wochen en neie Schaffplang opstells an erwaarts datt mir dann no ärer Päif danzen. Wenn et Problemer am Service wéint Manktem u Personal ginn, da muss daat op der richteget Plaaz geklärt ginn. Et kann net sinn datt mir vun dir oder engem anere Superieur schrëftlech den Uerder kréien datt wa mir Congé hunn oder wëllen, oder mol eng Kéier net kenne bis 17:00 bleiwen, da mussen een Ersatz fannen. Et kann och net sinn, dass mir wärend eiser Mëttegpaus mussen telefonesch erreechbar sinn. Dëst si Conditiounen déi een op engem Travail posté huet oder eventuell nach als Chef deen e PRP huet (d.h. wann ee Schichte schafft oder eng Garde meescht). Ech hu mech definitiv net op souee Posten gemellt e sinn och net op soueen Posten nominéiert ginn: Ech sinn es midd dir (als méi Superieur hiérarchique) emmer nees Mailen ze schreiwe wourop ech ni eng Stellungsnahm kréien.
Du gess menger Meenung no Uerderen déi keng legal Basis hunn a setz mech, als däi Mataarbechter, matt villen Aussoen déis du mëss a Ligen déis du verbreets ënner Drock.
Ech fille mech vun dir psychesch harceléiert an diffaméiert.
Ech setzen de Personalbüro a Kopie a wäert mir weider Schrëtt virbehalen wann dëst net ophält " Le Conseil, à la lecture du contenu de ce courriel et la terminologie employée, rejoint l’appréciation du commissaire que (A) entend reprocher à l’adjudant (B) de donner des ordres 4illégaux, de recourir à des mensonges dans le cadre des échanges avec ses subordonnés et de le mettre sous pression.
(A) qualifie, dans ce courriel, le comportement de son supérieur de diffamatoire ainsi que de harcèlement psychique.
Il tombe sous le sens que le harcèlement psychologique ou moral sur le lieu de travail ne doit pas être banalisé et que toute conduite abusive, que ce soit dans les gestes, les paroles, les écrits, les comportements ou les attitudes, de nature à dégrader les conditions de travail et à mettre en danger la santé de celui victime de tels agissements, doit être énergiquement combattue. (A) n'a pas pu se méprendre que, par le fait de mettre le département ressources humaines de l'Armée en copie avec l'indication qu'il se réserve, à l'encontre de l'adjudant (B), d'autres actions, son courriel ne peut pas laisser indifférent son employeur qui a une obligation de lui fournir un milieu de travail serein, exempt d'une conduite déviante de la part d'un supérieur envers ses subordonnés. Le Chef d'Etat-major de l'Armée a ainsi donné instruction au Commandant des Forces d'entamer les investigations nécessaires afin de vérifier le bien-
fondé des graves critiques émises par (A) à rencontre de son supérieur.
Les faits mis ainsi en avant par (A) dans son courriel, et ayant trait aussi bien aux ordres de service, au fonctionnement proprement dit du service, au changement fréquent des plans de service, au sous-effectif présumé de la section informatique, à la méthode de communication et au régime de travail, ont été minitieusement analysés dans le cadre d'une enquête interne.
Il s'est avéré, après audition de toutes les parties concernées, y compris les autres collègues du service de l'…, que la toile de fond de l'initiative prise par (A) est, à l'instar de l'affaire disciplinaire s'étant soldée par une décision du Conseil du 20 décembre 2023, son obstination à vouloir imposer la primauté de l'horaire mobile tel qu'interprété par lui.
Le Conseil, à l'issue de l'instruction disciplinaire et après avoir entendu (A) dans ses explications, doit relever que ce dernier, avant même de rédiger son courriel, savait pertinemment qu'il n'était pas victime d'actes de harcèlement au travail de la part de l'adjudant (B), étant précisé que ce dernier était par ailleurs en incapacité de travail de juillet 2022 à janvier 2023 à la suite d'une intervention chirurgicale. Le Conseil ne peut se défaire de l'idée que les reproches de diffamation de même que de harcèlement ne servaient que de prétextes à (A) pour imposer son point de vue. (A) a par ailleurs déclaré lors de son entretien du 24 mars 2024 « « ech weess dass « harceléiert » e riesegrousst Wuert ass. Et war net meng Intentioun fir den SgtCh (B) ze neelen, ech wollt op t'Organisatioun vun der Aarbecht an op t'Personalproblematik hiweisen an dass all puer Wochen e neien Schaffplang kënnt ».
L'enquête interne exhaustive a mis en évidence qu' « entre octobre 2023 et février 2024, en cinq mois, M. (A) a été sollicité trois fois pour assurer une plage horaire d'un après-midi supplémentaire jusqu'à 17h00 à côté de sa plage habituelle du lundi. Ceci était nécessaire pour assurer le service dans des conditions où plusieurs collaborateurs étaient indisponibles (pour des CRS p. ex.). En fin de compte, M. (A) n'a été présent sur aucune des trois journées. Sans porter préjudice au bien-fondé d'un congé pour raisons de santé, je me dois de constater que pour sa présence planifiée au 29 Dec 23, M. (A) était en CRS du 27 au 29 Dec 23 ; pour sa présence planifiée au 15 Fev 24, M. (A) était en CRS du 15 au 16 Fev 24 ; et pour sa présence planifiée au 22 Fev 24, M. (A) était en CRS du 22 au 23 Fev 24. Ainsi M. (A) n'a été disponible à aucune des 3 occasions pour maintenir le service au client dans des situations « normales » 5de remplacement de collaborateurs. M. (A) a finalement lui-même constaté lors de son entretien du 11 Mar 24 que « dat ass net oft wou dat staffënt » tout en remarquant qu'il souhaitait que l'armée mette à disposition de la section plus de personnel pour amortir des absences de longue durée du personnel engagé. En effet, 3 journées en 5 mois peuvent être qualifiées de très peu. Au vu de ce constat, le ton agressif et intimidant que M. (A) a choisi dans son courriel « Reklamatioun » vis-à-vis du SgtCh (B) n'est pas un signe de camaraderie ou d'esprit d'équipe et est contraire à la charte des valeurs de l'armée ».
Infirmé, (A) n'a pu fournir un quelconque autre exemple concret à l'appui de son soutènement et ses déclarations n'ont pas pu être corroborées par l'enquête menée, au contraire : « Au niveau de la section, les statistiques prouvent bien qu'aucune surcharge de travail importante n'existe et que la « problématique » présumée d'un sous-effectif, que M. (A) cherche à mettre à tout prix en avant, est objectivement non fondée. J'estime qu'un renforcement immédiat de la … en personnel serait non-justifié par les missions actuelles et servirait principalement à agrandir la zone de confort du concerné ».
Il est, indéniable que de par son agissement, (A) a manqué aux articles 9, paragraphe 1, du statut général qui tient le fonctionnaire de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l'exercice de ses fonctions lui impose et en l'occurrence les prohibitions relatives aux atteintes portées à l'honneur et à la considération des personnes et 10, paragraphe 1er, du statut général qui dispose que le fonctionnaire doit, dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public. Il est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu'il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination.
L'article 53 du statut général définit les critères à appliquer pour prononcer une peine disciplinaire et dispose qu'il convient de tenir compte à cet effet notamment de la gravité de la faute commise, de la nature et du grade des fonctions du fonctionnaire inculpé et de ses antécédents.
(A) est fonctionnaire de l'État, expéditionnaire technique auprès de l'Armée luxembourgeoise, au groupe de traitement 1l, sous-groupe technique, il est classé au grade 06, échelon 09 et est entré en service le 1er mars 2019 avec une nomination définitive avec effet au 1er mars 2020.
Il importe au Conseil d'insister plus particulièrement sur plusieurs aspects justifiant le recours à une des sanctions les plus sévères du statut général :
1) Un antécédent spécifique nonobstant une faible ancienneté.
Par décision du 15 septembre 2023, le Ministre de la Défense avait prononcé la peine de l’amende d'un cinquième d'une mensualité brute du traitement à l'encontre de (A) pour abandon de poste suite à son refus de respecter le plan de travail lui assigné et, sur recours du concerné contre l'arrêté susmentionné, le Conseil de discipline a déclaré, par décision du 20 décembre 2023, le recours non fondé et a confirmé la décision du Ministre de la Défense.
6Le commissaire (page 54/62 du rapport) avait, à juste titre, relevé : « Monsieur (A) ne pouvait également pas ignorer l'autorité de chose décidée de la décision du Conseil de discipline infirmant son point de vue sur la prétendue illégalité de son horaire de travail dans le cadre de la précédente procédure disciplinaire (pièces 049-55-23 ; 055-55-23 ; 058-55-23).
Même s’il croit devoir continuer à exprimer son désaccord avec cette décision, il doit ce faire avec la plus grande réserve. Il ne peut en tout état de cause pas ce faire en dramatisant à outrance ses conditions de travail en parlant notamment de « Schichteplang obgedrummt », « Sklave vun hirer Aarbecht » ou encore « no ärerPäif danzen ».
2) La persévérance de (A), nonobstant une décision de condamnation antérieure, de ne pas vouloir accepter que le service de l'… doive primer et non l'horaire mobile.
Après la première procédure disciplinaire, (A) ne s'est pas amendé, n'a procédé à aucune auto-critique et n'a fait preuve d'aucune introspection, au contraire, sous le couvert d'un prétendu acharnement caractéristique d'un harcèlement de l'adjudant (B) contre sa personne, il s'est cru permis de continuer à manifester son désaccord avec l'organisation du service.
Aux termes de son recours dans l'affaire ayant mené à la décision du Conseil du 20 décembre 2023, (A), sans contester en substance les reproches de ne pas avoir assuré une présence jusqu'à 17 heures les 29 et 30 décembre 2022 au service « … » de l'Armée, en dépit des instructions préalables reçues, avait conclu principalement à l'annulation de la décision entreprise pour ne pas pouvoir vérifier, sinon contrôler sa légalité et de le renvoyer au vu d'une absence de motivation des faits des fins de sa poursuite disciplinaire, Subsidiairement il avait demandé l'annulation sinon le renvoi des fins de sa poursuite disciplinaire au motif qu'il se serait conformé aux règles instaurées par les dispositions relatives au fonctionnement de l'horaire mobile n'ayant jamais reçu aucun ordre hiérarchique valable alors que le 1er Sgt (C) ne serait qu'une collègue de travail lui ayant soumis une proposition de répartition du travail.
Faute d'une instruction formelle d'un supérieur hiérarchique de devoir être présent aux dates indiquées pour le créneau d'horaire de 8 à 17 heures, il n'aurait pas manqué aux articles 9, 10 et 12 du statut général. En dernier ordre de subsidiarité, (A) avait soutenu que la sanction prononcée serait disproportionnée et que les faits devraient tout au plus être sanctionnés par l'avertissement, sinon la réprimande.
Le Conseil, dans sa décision du 20 décembre 2023, avait précisé :
« figure au dossier disciplinaire une lettre de réponse datée au 25 octobre 2021, émanant du Colonel (D), commandant des forces, et adressée à (A) au sujet d'une discussion similaire à la présente, à savoir l'horaire d'ouverture du « … ». Dans ce courrier, le Colonel a rappelé à (A) « À défaut d'instructions contraires, les heures d'ouverture des bureaux et services sont fixées les jours ouvrables de 08.00-12.00 heures et de 13.00-17.00 heures. Les chefs de service et bureaux doivent veiller à ce que leurs bureaux, services, ateliers et dépôts sont ouverts et fonctionnent pendant les heures d'ouvertures fixées. Les activités de service priment sur l'horaire mobile. Les personnels se conforment aux directives de leur supérieur hiérarchique quant à leur présence sur le lieu du travail. En aucun cas l'horaire mobile ne peut constituer un motif de non-participation à des activités de service (..). Les supérieurs hiérarchiques peuvent, pour des besoins de service, étendre, ponctuellement ou pour des périodes limitées, les heures d'ouverture de leur bureau ou service respectif ».
7Dans le même courrier, le Colonel a également cru utile de rappeler à (A) que la mise en place de l'horaire d'ouverture du « … », lequel peut différer d'autres bureaux, tire sa légitimité de la volonté d'améliorer la disponibilité de ce service crucial au bon fonctionnement de l'Armée et il relève « Vous n'êtes pas sans savoir que la Lt. (E) transmet et exécute les ordres et règles fixés par son ComdCie, le Lt.Col. (F), respectivement par le Capt. (G), chef du pilier soutien ».
Suite à la réclamation de (A) adressée au Ministre de la Défense le 26 novembre 2021 sur base de l'article 33 du statut général, le Ministre, par retour recommandé, a confirmé que la mise en place d'un « … » avec une disponibilité. fixe n'est aucunement contraire aux dispositions du statut général et n'entrave pas l'horaire mobile. Par ailleurs, le Ministre a fait valoir que le statut général confère certains droits et protections au fonctionnaire mais lui impose aussi certaines obligations, dont l'obligation d'agir dans l'intérêt du service.
S'il est exact que le SgtCh (B) est le supérieur hiérarchique direct de (A), ce dernier ne pouvait et n'a pas pu ignorer qu'en raison d'une intervention médicale engendrant une incapacité de travail prolongée de juillet 2022 à janvier 2023, le sous-officier le plus ancien en rang, le 1er Sgt (C) a été chargé de coordonner un certain nombre d'activités de service lui confiées par le Lt (E) qui transmet et exécute les ordres fixés par le LtCol (F), conformément d'ailleurs au contenu du courrier adressé à (A) par le Colonel (D) le 25 octobre 2021. Dans sa prise de position du 31 juillet 2023 adressée au commissaire du gouvernement, le LtCol (F) indique « le Lt. (E) m'avait demandé le 22 novembre 2022 l'autorisation de pouvoir organiser le service de manière à couvrir seulement la période entre 08.00 et 17.00 heures pour le service « … » pendant les vacances scolaires de fin d'année. J'ai autorisé en tant que ComdUAB cette mesure temporaire qui était à mes yeux dans l'intérêt du personnel affecté au support informatique et ne donnait lieu à aucune critique préalable ».
L'objectif de cette organisation était partant d'assurer une présence de 8.00 à 17.00 heures aux jours indiqués et l'argument de (A) que le courriel lui adressé le 24 novembre 2022 par le 1er Sgt (C) ne ferait que état d'une proposition d'une collègue de travail est infirmé à la lecture du contenu de ce courriel qui est sans équivoque en ce que la répartition de travail effectuée par le 1er Sgt (C), regroupée dans un tableau parfaitement lisible et claire, a été approuvée par le Lt. (E) après avoir obtenu l'accord du LtCol (F) « Hei ass meng propose wou ech der Madame Leutnant gemaach hun fier den Chreschtcongé vu que dass mier den Accord vum Col (F) kruuten ». Il y est renseigné que (A), durant la période du 27 décembre 2022 au 6 janvier 2023, est en télétravail le 27 et le 28 décembre 2022, doit assurer la présence au « …» le 29 et le 30 décembre 2022 et est en congé les autres jours.
Il ne saurait être raisonnablement contesté par (A) que l'adaptation de l'horaire du service avec une présence obligatoire se faisait avec l'accord des supérieurs hiérarchiques de (A), à savoir le Lt Col (F) et le Lt (E), et que la répartition communiquée par le 1er Sgt (C) était retenue par le Lt (E) pour exécution. Il importe aussi de souligner que (A) ne s'est jamais opposé à cette répartition et n'a jamais contesté l'autorité à l'origine de cette instruction.
Afin d'être complet, il y a également lieu de relever que contrairement encore au soutènement de (A) qu'aucun horaire ne lui aurait été communiqué, l'ordre journalier n°239/22 diffusé le 20 décembre 2022 par le Colonel (H) reprend bien sous « Communications » :
« Adaptation de l'horaire d'ouverture du … durant la période de congé du 27 décembre 2022 au 6 janvier 2023, le … informatique de l'Armée sera occupé de 8.00-17.00 heures» partant l'horaire précis et, par courriel du vendredi 23 décembre 2022 intitulé « Chreschtcongé » , 8envoyé à 13.08 heures à (A), l'horaire de travail de 8.00-17.00 heures lui était rappelé et nonobstant encore un rappel effectué par le 1er Sgt (C) le 29 décembre 2022, (A) a persévéré dans son obstination de passer outre l'instruction formelle reçue émanant de ses supérieurs hiérarchiques et lui transmise par le 1er Sgt (C).
Il est partant évident à la lecture de l'ensemble du dossier disciplinaire que (A) n'a pas pu se méprendre sur l'ordre de service clair et précis émanant de ses supérieurs hiérarchiques lui imposant d'assurer une présence physique de 8.00 heures à 17.00 heures au « … » le 29 et le 30 décembre 2022. ».
Le Conseil ne peut que souscrire à la conclusion du rapport d'enquête interne dressé par l'Armée au sujet du prétendu harcèlement :
« Cette affaire, construite et provoquée par M. (A) lui-même, semble constituer une rupture complète de confiance, aussi bien avec son supérieur hiérarchique direct le SgtCh (B), qu'avec la majorité de ses collaborateurs au sein de la …. D'après les déclarations qui m'ont été faites, les actions ou inactions quotidiennes de M. (A) constituent une charge émotionnelle non négligeable pour la majorité de ses collaborateurs dont certains ont annoncé vouloir quitter la … ou l'armée s'ils étaient contraints de continuer à travailler avec M. (A) ».
Particulièrement révélateur est également le transmis effectué le 30 avril 2024 par le Commandant des Forces au Chef Etat-Major de l'Armée :
« Brm.- Transmis à Monsieur le Général, Chef d'État-Major de l'Armée, en me ralliant aux conclusions du LtCol (F) quant à l'enquête menée et avec les remarques suivantes :
- Je demande de lancer une affaire disciplinaire à l'encontre de M. (A).
Accuser son chef hiérarchique d'harcèlement, en mettant le chef du département RH en copie, n'a rien d'anodin. Cela a entraîné une enquête en présence d'une personne neutre (M.
(I) du service psychologie organisationnelle), coûtent un certain nombres d'heures, a mis en cause l'honneur et l'intégrité du SgtCh (B), pour en fin de compte montrer qu'il n'y a même pas l'ombre d'un doute. Le SgtCh a en effet été attaqué gratuitement.
Il ressort au contraire de l'enquête que les problèmes se trouvent du côté de M. (A), qui se voit critiqué par tous les autres membres (civils et militaires) de la section.
- Comme le montre le courriel ci-dessous, la description ressortant des entretiens menés lors de l'enquête, est confirmée par un ancien membre du département …. D'ailleurs, deux responsables actuels du Dept …, avec qui j'ai eu un bref entretien, m'ont clairement fait comprendre qu'ils ne voulaient sous aucun prétexte reprendre M. (A) dans leur équipe. La gestion administrative de. M. (A) dépasse en coûts le, travail qu'il accomplit. Si tout le personnel demandait autant de travail, l’Armée ne ferait que s'administrer elle-même. L'esprit d'équipe et la capacité à s'intégrer dans une structure existante; fonctionnant selon les règles fixées par la hiérarchie, sont essentiels dans toute organisation et encore plus dans un système militaire. (…). » 3) Le fait de formuler par écrit le reproche d'être harcelé par son supérieur en toute connaissance que le comportement adopté par l'adjudant (B) n'est en rien constitutif d'un harcèlement au sens de la loi.
9 (A) aurait pu choisir une administration qui convienne plus à ses préférences personnelles, mais au lieu de ce faire il expose une personne à des reproches à connotation pénale impliquant que celle-ci fera l'objet d'une enquête interne durant laquelle elle doit se défendre contre de pareilles accusations.
L'adjudant (B) a ainsi, lors de son audition du 7 août 2024, notamment indiqué « (…) Je suis particulièrement déçu que Monsieur (A) ait adressé une réclamation me reprochant de le harceler. Si l'instruction devait conclure à un comportement fautif de ma part, je suis décidé à accepter toute critique et à amender mon comportement. Mais j'estime avoir toujours eu des comportements très corrects avec Monsieur (A). Je veux comme preuve un rapport que j'ai émis sur le travail de Monsieur (A) où j'ai également relevé ses mérites. Le fait d'avoir adressé cette réclamation sape d'une façon inacceptable mon autorité et affecte gravement mon honneur professionnel.
Il faut encore savoir que Monsieur (A) a entretemps été muté. Sa façon de servir a suscité l'incompréhension de tous les membres du service et je suis venu à un moment à dire qu'il fallait ou bien muter Monsieur (A) ou bien me muter moi parce que je ne supporte plus la pression que Monsieur (A) exerce en permanence pour arriver à ses fins.
Pour ce qui me concerne Monsieur (A) s'est disqualifié professionnellement et la confiance nécessaire au maintien en service de Monsieur (A) n'est plus donnée ».
4) L'absence de la moindre excuse de (A) envers l'adjudant (B).
Lors de son audition par le commissaire, l'adjudant (B) a déclaré :
Sur votre question : Monsieur (A) ne s'est jamais excusé. Le mail de Monsieur (A) est un point de non-retour Depuis le départ de Monsieur (A) l'ambiance de travail s'est considérablement améliorée. Je témoigne beaucoup de respect à mon équipe pour le professionnalisme qu'ils ont toujours eu malgré les provocations de Monsieur (A). C'était très fatigant de devoir régulièrement mener des discussions de principe sur l'interprétation à donner aux dispositions statutaires relatives à l'organisation du travail. Mais en adressant le mail m'accusant de le harceler, de mentir et de le diffamer il a passé une limite ».
À l'audience du Conseil du 4 décembre 2024, sur question afférente, (A) a confirmé qu'il n'a toujours pas cru utile de présenter des excuses à l'adjudant (B).
Tous ces aspects doivent influer sur la sanction à retenir à l'encontre de (A) et compte tenu de tous les développements qui précèdent, le Conseil estime que la violation par (A) des obligations statutaires est d'une gravité telle que les manquements retenus justifient la sanction prévue à l'article 47.9 du statut général, à savoir la mise à la retraite d'office de (A).
PAR CES MOTIFS le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, statuant contradictoirement, sur le rapport oral de son président, (A) entendu en ses explications et moyens de défense et la déléguée du Gouvernement en ses conclusions, 10prononce à l'égard de (A) du chef des manquements retenus ci-dessus la sanction disciplinaire prévue à l'article 47.9 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, à savoir la mise à la retraite d'office, […] ».
Par arrêté du 28 janvier 2025 du ministre la sanction de la mise à la retraite d’office fut entérinée, ledit arrêté étant libellé comme suit :
« […] Vu la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat et notamment ses articles 51, 52, 54, 58 et 70 ;
Considérant que Monsieur (A), expéditionnaire technique auprès de l'Armée luxembourgeoise à Diekirch, a fait l'objet d'une instruction disciplinaire conformément à l'article 56 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat ;
Vu le dossier relatif à l'instruction disciplinaire établi en date du 13 août 2024 par Monsieur le Commissaire du Gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire ;
Vu la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l'Etat du 8 janvier 2025 ;
Arrête:
Art. 1er.- La sanction disciplinaire de la mise à la retraite d'office, prévue à l'article 47, point 9, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, est appliquée à l'encontre de Monsieur (A) (N° d'id. nat. …), expéditionnaire technique auprès de l'Armée luxembourgeoise à Diekirch. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 avril 2025, inscrite sous le numéro 52669 du rôle, Monsieur (A) a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la susdite décision du Conseil de discipline du 8 janvier 2025 et contre l’arrêté ministériel du 28 janvier 2025 ayant arrêté sa mise à la retraite d’office, et par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 52670 du rôle, il sollicite le sursis à exécution par rapport à ces deux décisions.
A l’appui de son recours et en fait, le requérant précise d’abord qu’il serait entré au service auprès de l’Armée luxembourgeoise le 1er mars 2019 et tiendrait sa nomination définitive avec effet au 1er mars 2020. Concernant les faits lui reprochés, il explique qu’il aurait « en partie » été dépassé par les responsabilités lui confiées par ses supérieurs et estime, tout en insistant qu’il ne souhaiterait pas minimiser les faits lui reprochés, qu’il aurait dû gérer « autrement » les problèmes auxquels il aurait été confronté à son lieu de travail et qu’il regretterait d’avois mis ses collègues de travail dans un situation délicate. Il fait, par ailleurs, valoir qu’il ne verrait aucun inconvénient de s’excuser auprès de l’ensemble des personnes impliquées dans la procédure disciplinaire diligentée à son encontre.
Concernant sa situation personnelle, le requérant explique être père de trois enfants, nés en …, … et … et qu’il se trouverait dans une situation financière difficile depuis l’exécution de la sanction disciplinaire à son encontre, alors que du jour au lendemain il se retrouverait privé de son traitement mensuel sur lequel il aurait compté afin de subvenir à ses besoins personnels ainsi que ceux de sa famille. Le requérant précise plus particulièrement que le salaire que toucherait son épouse serait insuffisant pour couvrir les charges courantes du 11ménage, telles que (i) le remboursement d’un prêt immobilier, (ii) le paiement des factures courantes relatives notamment à l’électricité, l’eau, les assurances, ainsi les frais liés à l’entretien et l’éducation des enfants et (iii) la perte de cotisations dans le régime des pensions.
De même, cette perte de revenus influerait également sa santé mentale ainsi que celle de ses membres de famille, l’incertitude pesant, suivant le requérant, sur la paix familiale, alors que les tensions dans ce contexte auraient des répercussions au moins sur le mode de vie de sa famille. Il fait encore plaider que vue son âge ainsi que la situation actuelle sur le marché de travail, une reconversion professionnelle s’annoncerait d’ores et déjà comme très difficile.
En droit, le demandeur se réfère d’abord à l’article 11, paragraphe (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après par la « loi du 21 juin 1999 », et fait valoir que le sursis à exécution y prévu ne saurait être accordé qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution des décisions attaquées risque de causer au requérant un préjudice grave et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre les décisions apparaissent comme sérieux.
En ce qui concerne plus particulièrement le préjudice grave qu’il subirait en conséquence de la mise à la retraite d’office prononcée à son égard, le requérant se réfère d’abord à la jurisprudence administrative en la matière, pour conclure, qu’en l’espèce, force serait de constater qu’il aurait contracté deux prêts immobiliers, sont les mensualités à rembourser s’élèveraient actuellement à … euros, respectivement à … euros, ainsi qu’un prêt voiture à hauteur de … euros mensuels en termes de remboursement.
Il donne, par ailleurs, à considérer que la procédure au fond à l’encontre des décisions déférées risquerait de durer plusieurs mois, voire plus, et qu’il serait dans son intérêt autant que de celui de l’Armée luxembourgeoise, qu’il puisse au plus vite reprendre son travail.
Il en conclut qu’il se trouverait dans une situation délicate qui serait à qualifier de préjudice grave au sens de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999.
En ce qui concerne plus particulièrement le sérieux de ses moyens présentés à l’appui de sa requête introductive d’instance au fond dirigée contre les décisions déférées, le requérant fait valoir avoir invoqué principalement une violation de l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, désignée ci-après par « la CEDH », ainsi qu’une disproportion de la sanction lui appliquée par rapport aux faits lui reprochés.
En ce qui concerne, tout d’abord, son moyen tendant à une violation de l’article 10 de la CEDH, le requérant cite tant l’article 10 du statut général lequel mettrait à charge du fonctionnaire d’Etat un devoir de dignité et de probité, ainsi que l’article 10 de la CEDH, consacrant le droit à la liberté d’expression, le demandeur cite la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, désignée ci-après par « la CourEDH », y relative.
A cet égard, il fait plus particulièrement valoir que si certes, ledit droit pourrait faire l’objet de restrictions en vertu de dispositions légales, motivées par des considérations tenant à la défense de l’ordre et de la protection de la réputation ou de droits d’autrui, de même que ces restrictions pourraient consister à des sanctions postérieures à un exercice excessif de ce droit, la CourEDH aurait rappelé, dans son arrêt dans une affaire Aguilera Jimenez et autres c.
Espagne, du 8 décembre 2009, que la liberté d’expression constituerait une liberté fondamentales et que les restrictions y apportées devraient être interprétées de manière 12restrictive et que l’ingérence y apportée devrait être proportionnée au but poursuivi. Tout en admettant que la sauvegarde de la renommé de la fonction publique constituerait un but légitime, le requérant estime toutefois que la sanction disciplinaire lui infligée ne serait pas proportionnée par rapport audit but, alors que les fonctionnaires jouiraient du droit à la liberté d’expression, y compris le droit d’exprimer des opinions discordantes ou minoritaires par rapport à celles défendues par l’institution qui les emploie. Il fait plus particulièrement valoir que les obligations résultant de la l’article 10 du statut général, varieraient selon la nature des fonctions occupées par l’intéressé ou le rang qu’il occupe dans sa hiérarchie et qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir violé lesdites obligations par l’envoi d’un courriel à son supérieur hiérarchique, alors qu’il n’aurait jamais imaginé que celui-ci se heurte audit article du statut général. A cet égard, il fait valoir que la phrase « ech fille mech vun dir psychesch harceléiert an diffaméiert » reflèterait uniquement son état émotionnel, voire un « ressenti subjectif » et n’aurait pas eu pour finalité une accusation à connotation pénale, le requérant précisant à cet égard qu’il n’aurait pas saisi le Parquet dans ce contexte, alors que les conditions d’une infraction n’auraient pas été réunies.
Le requérant donne encore à considérer qu’il ne verrait aucun inconvénient de s’excuser auprès de son supérieur hiérarchique et que, contrairement aux allégations du commissaire adjoint, aucune infraction pénale ne saurait lui être reprochée, l’intéressé relevant qu’aucune plainte n’aurait d’ailleurs été déposée à son encontre.
Monsieur (A) en conclut que le courriel litigieux ferait partie de l’exercice de son droit à la liberté d’expression et ne serait pas contraire à ses obligations découlant de l’article 10 du statut général, et que tant le Conseil de discipline que le ministre resteraient en défaut d’indiquer une motivation précise, réelle et sérieuse.
Le requérant estime ensuite qu’en tout état de cause, la sanction de la mise à la retraite d’office prononcée à son encontre serait disproportionnée par rapport aux faits lui reprochés, en citant des jurisprudences du Conseil d’Etat belge, ainsi que des juridictions administratives relatives au principe de proportionnalité en matière disciplinaire des fonctionnaires d’Etat, ainsi que des pouvoirs du juge administratif dans ce contexte.
A titre subsidiaire, il donne à considérer qu’il n’aurait jamais eu l’intention de nuire à l’image de son employeur. Tout en rappelant ses états de services, le demandeur donne à considérer que pendant toute cette période il aurait exercé son métier avec passion et dévouement, élément qui devraient jouer en faveur d’un abaissement de la sanction disciplinaire à son encontre.
Le requérant conclut que l’ensemble de ses moyens ainsi exposés dans sa requête introductive d’instance à l’encontre des décisions déférées auraient un caractère sérieux et que ladite condition prévue à l’article 11, paragraphe (2) de la loi du 21 juin 1999 serait également remplie, de sorte qu’il y aurait lieu de lui accorder un sursis à exécution desdites décisions.
A l’audience des plaidoiries, le requérant fait encore plaider que le courriel litigieux qu’il aurait envoyé à son supérieur hiérarchique serait à remettre dans un contexte plus global de problèmes d’organisation du service du « … » auquel il aurait été affecté. Il explique dans ce contexte que s’il admettrait, certes, qu’une personne devrait être disponible audit service jusqu’à 17 heures tous les jours, six personnes seraient affectées audit service de sorte qu’il devrait être possible que ces personnes se partagent cette obligation à tour de rôle. Or, il aurait à plusieurs reprises été prié, de manière non planifiée, d’endosser cette obligation, ce qui aurait 13créé une frustration dans son chef, raison pour laquelle il aurait envoyé le courriel litigieux à son supérieur hiérarchique.
Il ajoute encore, en ce qui concerne la proportionnalité de la sanction lui infligée, que le délégué du gouvernement n’aurait pas demandé la mise à la retraite d’office devant le Conseil de discipline, de sorte que ce serait incohérent de sa part de conclure, durant la phase contentieuse devant le tribunal administratif, à la proportionnalité d’une telle sanction à son encontre.
Il donne finalement à considérer que si certes il aurait déjà fait l’objet d’une sanction disciplinaire par le ministre à travers un arrêté du 15 septembre 2023, confirmé par une décision du Conseil de discipline du 20 décembre 2023, ladite décision n’aurait pas pour autant force d’autorité décidée, alors qu’il aurait introduit un recours devant le tribunal administratif à l’encontre de celle-ci et que celui-ci serait actuellement encore pendant.
A l’audience des plaidoiries, le délégué du gouvernement, de son côté, rappelle tout d’abord que Monsieur (A) serait entré au service de l’Armée luxembourgeoise le 1er mars 2019, tiendrait sa nomination définitive au 1er mars 2020 et aurait fait l’objet d’une sanction disciplinaire par le ministre à travers un arrêté du 15 septembre 2023 lui infligeant la sanction d’une amende d’un cinquième de la mensualité brute de son traitement de base pour des faits qui seraient, suivant la partie étatique, similaires que les faits faisant l’objet des décisions déférées, en l’occurrence un abandon de poste de Monsieur (A), alors que ce dernier n’aurait pas été d’accord de se soumettre à l’horaire fixé dans son plan de travail, tout en précisant que ledit arrêté aurait été confirmé par une décision du Conseil de discipline du 20 décembre 2023.
Il explique encore que ce serait à tort que le requérant ferait plaider avoir systématiquement été prié de rester au travail jusqu’à 17 heures, alors que sur une durée de cinq mois, tel aurait été le cas seulement trois fois, élément que Monsieur (A) aurait également admis dans le cadre de l’enquête menée à l’encontre de son supérieur hiérarchique suites à ses accusations de harcèlement.
Il fait ensuite valoir que les conditions légalement prévues pour ordonner un sursis à exécution ne seraient pas remplies en l’espèce, le délégué du gouvernement contestant tant l’existence d’un préjudice grave et définitif que le sérieux des moyens invoqués.
En ce qui concerne plus particulièrement le préjudice grave et définitif mis en avant par le requérant, le délégué du gouvernement fait plaider que celui-ci ne serait pas prouvé à suffisance, alors que le concerné ne verserait pas de détail sur sa situation financière, notamment en ce qui concerne les dépenses auxquelles il devrait, outre deux prêts immobiliers, faire face et les ressources financières éventuelles dont il disposerait en sus de son traitement.
Il précise encore que le document versé en cause par Monsieur (A) comportant un tableau avec une liste de dépenses n’aurait aucune valeur probante, alors qu’elle serait établie par le requérant lui-même. Il met encore en exergue que le requérant ne remettrait aucune pièce relative au revenu que toucherait son épouse, de sorte que sa situation financière globale ne serait pas établie et qu’il n'aurait, ainsi, pas établi l’existence d’un préjudice grave et définitif dans son chef.
Il conteste encore le caractère définitif dudit préjudice, en faisant plaider que si le requérant devait obtenir gain de cause au fond, il serait replacé dans sa situation initiale et pourrait, sans perte de traitement, retrouver son poste.
14Toujours dans ce même contexte, le délégué du gouvernement met encore en exergue que le requérant ne verserait aucune pièce établissant qu’il serait, depuis les décisions déférées, à la recherche d’un travail.
Il conteste ensuite le caractère sérieux des moyens du requérant.
Quant au moyen du demandeur tendant à une violation de l’article 10 de la CEDH, le délégué du gouvernement fait valoir que, tel que relevé par le requérant lui-même, la liberté d’expression ne serait pas un droit absolu et connaîtrait des restrictions. Or, en l’espèce, il serait établi, tel qu’il se serait avéré suite à une enquête interne, que le requérant aurait, en pleine connaissance du caractère infondé de ses accusations, reproché à son supérieur hiérarchique de le harceler et de le diffamer, en mettant le service de ressources humaines en copie et en engendrant ainsi une enquête à l’encontre de son supérieur hiérarchique. Le délégué du gouvernement en conclut que lesdites accusations ne seraient pas couvertes par la liberté d’expression et que le requérant aurait, en envoyant ledit courriel litigieux, violé l’article 10 du statut général.
Quant au reproche du demandeur qu’en tout état de cause la sanction de la mise à la retraite serait disproportionnée par rapport aux faits lui reprochés, le délégué du gouvernement réitère ses développements par rapports aux antécédents disciplinaires de Monsieur (A), tout en mettant en exergue que ce dernier semblerait faire prévaloir son temps privé ainsi que son horaire mobile sur l’intérêt du service, et que son comportement chicanier aurait dès lors influé sur la sanction disciplinaire lui infligée. Il rajoute que le Conseil de discipline aurait dûment motivé la sanction disciplinaire prononcée à l’encontre du requérant, (i) par l’absence d’esprit d’équipe de celui-ci, esprit qui serait pourtant d’une importance fondamentale au sein de l’Armée, (ii) par l’absence d’introspection de ce dernier, (iii) par l’absence de toute excuse présentée à ce jour à son supérieur hiérarchique, ainsi que (iv) par sa faible ancienneté, de sorte que la sanction de la mise à la retraite d’office serait proportionnée.
Il conclut partant au rejet de la demande en obtention d’un sursis à exécution.
Il convient d’abord de rappeler qu’en vertu de l’article 11 de la loi du 21 juin 1999, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, tandis que le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.
Si, en principe, et tel que relevé par la parte étatique, une affaire est en état d’être plaidée à brève échéance dès lors que la partie défenderesse a déposé son mémoire en réponse, il convient toutefois, au-delà de ce principe tout théorique, de tenir compte des délais effectifs de fixation de la juridiction, alors que le pouvoir du président du tribunal, respectivement de son remplaçant d’ordonner une mesure provisoire ne s’épuise pas toujours dès lors que l’affaire au fond est en état théorique d’être plaidée. En effet, la disposition faisant interdiction au président du tribunal, respectivement à son remplaçant, d’ordonner une mesure provisoire au cas où l’affaire est en état d’être plaidée s’inscrit étroitement dans le contexte du risque d’un préjudice grave et définitif, dans ce sens qu’en général, un tel préjudice ne risque pas de se produire au cas où l’affaire peut être plaidée au fond dans un délai rapproché. Il en découle cependant qu’il y a lieu d’excepter l’hypothèse dans laquelle un préjudice grave et définitif risque de se réaliser 15intégralement avant le jugement au fond1, hypothèse perdurant d’autant plus que les délais de fixation et de prononcé devant les juges du fond sont, tels qu’actuellement, importants.
Pour l’appréciation du caractère définitif du dommage, il n’y a toutefois a priori pas lieu de prendre en considération le dommage subi pendant l’application de l’acte illégal et avant son annulation ou sa réformation, puisqu’admettre le contraire reviendrait à remettre en question le principe du caractère immédiatement exécutoire des actes administratifs, car avant l’intervention du juge administratif, tout acte administratif illégal cause en principe un préjudice qui, en règle, peut être réparé ex post par l’allocation de dommages et intérêts. Ce n’est que si l’illégalité présumée cause un dommage irréversible dans le sens qu’une réparation en nature, pour l’avenir, ou qu’un rétablissement de la situation antérieure, ne seront pas possibles, que le préjudice revêt le caractère définitif tel que prévu par l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 19992. Un préjudice est ainsi définitif lorsque le succès de la demande présentée au fond ne permet pas ou ne permet que difficilement un rétablissement de la situation antérieure à la prise de l’acte illégal, la seule réparation par équivalent du dommage qui se manifeste postérieurement à son annulation ou sa réformation ne pouvant être considérée à cet égard comme empêchant la réalisation d’un préjudice définitif.
Il est grave lorsqu’il dépasse par sa nature ou son importance les gênes et les sacrifices courants qu’impose la vie en société et doit dès lors être considéré comme une violation intolérable de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.
A cet égard, s’il est incontestable que toute mise à la retraite d’office entraîne une perte de revenus, le demandeur n’a toutefois pas établi des conséquences irrémédiables alléguées d’une telle perte, puisqu’en cas de réformation ou d’annulation de la décision de révocation, respectivement de réformation de cette décision en faveur d’une sanction moindre, Monsieur (A) sera a priori rétroactivement remis dans une situation telle que toutes les conséquences de cette décision seront effacées. Aussi, s’il est certes concevable que la privation de revenus jusqu’à ce que les juges du fond aient tranché le litige engendre des dommages irrémédiables, une telle perte de revenu, le cas échéant provisoire, saurait toutefois être admise comme entraînant ipso facto des conséquences irrémédiables, mais exige la production de précisions, le cas échéant étayées, sur la situation d’(in)fortune concrète de l’administré visé, établissant par exemple l’absence de toute autre source de revenus, de tous actifs rapidement mobilisables ou encore de tout soutien financier d’un conjoint, lequel, pour rappel, ne constitue pas une simple commodité, mais un véritable droit découlant des droits et obligations du mariage3, la preuve de la gravité du préjudice impliquant en effet en principe que le demandeur donne concrètement des indications concernant la nature et l’ampleur du préjudice prévu, et qui démontrent le caractère difficilement réparable du préjudice, étant souligné toutefois qu’il incombe au requérant de démontrer concrètement non seulement l’envergure de la dépense, mais aussi les répercussions graves risquant de le placer dans une situation financière intenable, le requérant devant apporter des éléments concrets et précis propres au cas d’espèce4 et préciser ainsi sa situation financière, tandis que la seule allégation d’un préjudice, non autrement précisé et étayé, est insuffisante, l’exposé du préjudice grave et définitif ne pouvant se limiter à un exposé théorique, se cantonner à la seule évocation de précédents ou encore consister en des considérations générales, étant relevé que dans un souci de garantir le caractère contradictoire des débats, le juge du provisoire ne peut de surcroît avoir égard qu’aux arguments contenus 1 Voir trib. adm. (prés.) 5 novembre 2001, n° 14107 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 819.
2 Trib. adm. (prés.) 8 février 2006, n° 20973 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 706.
3 Trib. adm. prés. 8 février 2006, n° 20973, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 724.
4 Voir trib. adm. (prés.) 18 novembre 2022, n° 48148 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 708.
16dans la requête et doit écarter les éléments développés par le conseil de la partie requérante, pour la première fois, à l’audience5.
En l’espèce, force est toutefois de constater que dans sa requête en obtention d’un sursis à exécution, le requérant ne prend pas position de manière concrète par rapport au prétendu risque de préjudice grave et définitif que les décisions litigieuses entraîneraient dans son chef, et se borne à affirmer, que le salaire que toucherait son épouse, serait insuffisant pour couvrir les charges courantes du ménages, telles que le remboursement d’un prêt immobilier, d’un prêt voiture, le paiement des factures courantes, de frais liés à l’entretien et l’éducation des enfants et la perte de cotisations dans le régime des pensions, de sorte qu’il se trouverait dans une « situation financière délicate ». Or, une telle motivation stéréotypée, transposable indéfiniment à ce genre de litiges ne permet pas de cerner concrètement le caractère grave et définitif du préjudice allégué.
Tel que relevé ci-avant, il aurait en effet appartenu au requérant de documenter clairement sa situation financière, pièces à l’appui, et de procéder à une mise en perspective de ses dettes par rapport à sa situation patrimoniale. En l’espèce, le requérant s’est toutefois contenté de verser deux avis de débit d’un établissement bancaire datés au 10 avril 2025 renseignant, certes, le paiement de sa part, ainsi que de son épouse, d’une mensualité de … euros, respectivement de … euros, à titre d’un prêt immobilier, sans pour autant établir les autres charges invoquées dans le cadre de sa requête. Outre le constat que la soussignée ne dispose pas d’autres informations relatives auxdits prêts immobiliers, et notamment la date de leur terme, les pièces versées en cause par Monsieur (A), ne permettent pas de renseigner la soussignée à suffisance sur les dépenses mensuelles récurrentes auxquelles il devrait effectivement faire face. Il échet, d’ailleurs, à cet égard, de relever que le document versé en cause comportant une référence à deux prêts d’un solde de … euros et … euros ne comportent aucun entête, de sorte que leur auteur est inconnu et que la soussignée ne saurait les prendre en compte en tant que preuve établissant des dettes auxquelles le requérant devrait faire face. Il en va de même du document versé en cause par le requérant comportant une tabelle indiquant des sommes derrière les points « Prêt immo » « Auto » et « Total Prêt », Monsieur (A) ayant, par ailleurs, confirmé à l’audience des plaidoiries qu’il s’agirait d’un document établi de manière unilatérale par ses propres soins, de sorte qu’aucune force probante n’est attachée audit document.
La soussignée constate, par ailleurs, que le requérant reste également en défaut d’établir qu’il ne disposerait, suite à la perte de son traitement, pas de moyens financiers suffisants pour faire face à ses dépenses, ce dernier omettant plus particulièrement d’établir, tel qu’il l’allègue, que ses chances de trouver un nouvel emploi seraient minimisées par son âge ou encore la situation actuelle du marché de travail, alors qu’il ne verse aucun élément relatif à des démarches de sa part de retrouver un nouvel emploi, ni même qu’il se serait inscrit comme demandeur d’emploi à l’Agence pour le développement de l’emploi, étant relevé qu’au contraire, le requérant a confirmé à l’audience des plaidoiries du 14 avril 2025 ne pas être à la recherche d’un travail depuis sa mise à la retraite d’office. Il reste pareillement en défaut d’établir que le revenu que touche son épouse serait insuffisant pour faire face à ses dépenses et celles de sa famille, alors qu’il ne verse aucun document renseignant lesdits revenus, étant relevé que l’affirmation du requérant à l’audience des plaidoiries que ledit salaire mensuel s’élèverait à environ … euros reste à l’état de pure allégation.
5 Trib. adm. (prés.) 5 mars 2021, n° 45711 du rôle, disponible sur www.ja.etat.lu.
17Quant au préjudice moral mis en avant, un tel préjudice, outre d’être éminemment subjectif, la soussignée constate que le requérant omet, dans le cadre de sa requête de mettre en avant en quelle mesure le fait d’être « sérieusement bouleversé » serait constitutif d’un préjudice grave et définitif, l’affirmation, par ailleurs, selon laquelle l’incertitude sur son avenir professionnel pèserait sur la paix familiale et que les tensions créées dans ce contexte auraient inévitablement des répercussions immédiates, ne serait-ce que sur le mode vie de tous les jours de ses membres de famille, étant également trop généralisée et vague pour permettre à la soussignée de déceler à cet égard un préjudice grave et définitif au sens de l’article 11, paragraphe (2) de la loi 21 juin 1999.
Faute dès lors de toute information détaillée y relative, le risque d’un préjudice grave et définitif n’est par conséquent pas justifié à suffisance de droit.
Le requérant est partant resté en défaut de démontrer l’existence d’une circonstance particulière rendant le préjudice pécuniaire ou moral grave ou difficilement réparable qui aurait, selon lui, été entraîné par les décisions litigieuses et est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle de moyens sérieux avancés devant les juges du fond, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, la soussignée, premier juge du tribunal administratif, agissant en remplacement du président du tribunal administratif légitimement empêché, statuant contradictoirement et en audience publique ;
rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution ;
condamne le requérant aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 avril 2024 par Laura Urbany, premier juge du tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Laura Urbany Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 18