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04/04/2025 | LUXEMBOURG | N°48006

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 avril 2025, 48006


Tribunal administratif N°48006 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48006 5e chambre Inscrit le 4 octobre 2022 Audience publique du 4 avril 2025 Recours formé par la société à responsabilité limitée (AA), …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48006 du rôle et déposée en date du 4 octobre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Sandra (A), avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg,

pour compte de la société à responsabilité limitée (AA), établie et ayant son siège so...

Tribunal administratif N°48006 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48006 5e chambre Inscrit le 4 octobre 2022 Audience publique du 4 avril 2025 Recours formé par la société à responsabilité limitée (AA), …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48006 du rôle et déposée en date du 4 octobre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Sandra (A), avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, pour compte de la société à responsabilité limitée (AA), établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son ou ses gérants actuellement en fonction, tendant principalement à la réformation sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 12 juillet 2022 ayant déclaré irrecevable la réclamation introduite au nom de la société à responsabilité limitée (AA), préqualifiée, contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial de l’année 2017, ainsi que contre les bulletins d’établissement de la valeur unitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018, tous émis le 27 octobre 2021 ;

Vu le mémoire en réponse déposé le 30 décembre 2022 au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique, intitulé « mémoire en réponse pour l’Etat sur le recours en réformation sinon en annulation de la société à responsabilité limitée (AA) devant le Tribunal administratif en date du 4 octobre 2022 contre une décision du directeur de l’administration des contributions directes du 12 juillet 2022 (…) », déposé le 27 janvier 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Sandra (A) pour le compte de leur mandante, préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 février 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Dogan DEMIRCAN, en remplacement de Maître Sandra (A), et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 septembre 2024.

___________________________________________________________________________

Le 27 octobre 2021, le bureau d’imposition Sociétés …, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit à l’égard de la société à responsabilité limitée (AA), ci-après désignée par « la société (AA) », les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial de l’année 2017, ainsi que les bulletins d’établissement de la valeurunitaire et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018, tous émis le 27 octobre 2021, ci-après désignés par « les bulletins d’imposition ».

Par courrier du 24 janvier 2022, réceptionné le 25 janvier 2022, Monsieur (A) déclarant agir au nom de la société (AA) introduisit une réclamation auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné « le directeur », contre les bulletins d’imposition précités.

Par courrier du 26 janvier 2022, le secrétaire de la division Contentieux de l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par « l’administration », invita la société (AA), sur base des §§ 107, 238 et 254 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégée « AO », de justifier pour le 28 février 2022 au plus tard, de « [son] pouvoir d’agir en versant au dossier la procuration établissant [son] mandat exprès et spécial » pour ladite réclamation, et annexa à la demande de régularisation un formulaire intitulé « CONFIRMATION DE MANDAT ».

Par courrier daté du 1er février 2022, réceptionné le « 8 février 2021 », la société (AA) répondit dans les termes suivants : « […] Afin de régulariser la procédure suivant la demande du 26 janvier 2022, vous trouverez également le dernier Extrait RCS prouvant le pouvoir de signature de Monsieur (A). […] ».

Pour courrier réceptionné par l’administration le 7 mars 2022, Madame (B) renvoya à l’administration un formulaire intitulé « CONFIRMATION DE MANDAT » signée le 28 février 2022, par laquelle elle confirma avoir donné, en sa qualité de gérante de la société (AA), « mandat à […] Monsieur (A) afin d’introduire, en [son] nom, réclamation devant le Directeur des contributions directes contre le(s) bulletin(s) d’impôt suivant(s) :

Type de bulletin Année d’imposition Revenu des collectivités 2017 Impôt commercial 2017 Impôt/ la fortune au 01.01.18 Valeur unitaire au 01.01.18 […] ».

Par décision du 12 juillet 2022, référencée sous le numéro … du rôle, le directeur déclara la réclamation introduite le 25 janvier 2022 par Monsieur (A) irrecevable « faute de qualité ». Cette décision est libellée comme suit :

« […] Vu la requête introduite le 25 janvier 2022 par le sieur (A), agissant au nom de la société à responsabilité limitée (AA), avec siège social à L-…, pour réclamer contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial de l’année 2017, ainsi que contre les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018, tous émis en date du 27 octobre 2021 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 de la loi générale des impôts (AO) ;

2 Considérant qu’en vertu des statuts publiés sur le Registre de Commerce et des Sociétés (RCS), la réclamante ne pourra être engagée que par la seule signature du gérant unique, en l’espèce la dame (B) ;

Considérant que le § 254, alinéa 2 AO autorise le directeur des Contributions à exiger d’un mandataire une preuve écrite de son mandat (« Bevollmächtigte und gesetzliche Vertreter haben sich auf Verlangen als solche auszuweisen. ») ;

Considérant qu’en droit luxembourgeois, pour pouvoir exercer l’action d’autrui, il faut justifier en toutes matières d’un mandat ad litem exprès et spécial aux fins de l’instance ;

Considérant que « l’acte d’introduire une réclamation devant le directeur, eu égard plus particulièrement au risque y inhérent de voir l’imposition revue le cas échéant in pejus, présente un risque de voir modifier de manière permanente et irrévocable la situation de l’intéressé ; qu’une procuration afférente doit dès lors être non seulement expresse, mais encore de nature à renseigner clairement l’intention du mandant d’investir le mandataire du pouvoir d’agir par la voie d’une réclamation à l’encontre d’une décision déterminée avec toute la précision requise » ;

Considérant qu’en l’espèce, faute de procuration jointe, le déposant a dû être invité par lettre du 26 janvier 2022 à justifier de son pouvoir d’agir en versant au dossier une procuration qui établit son mandat exprès et spécial pour l’instance introduite, formulaire appelé « Confirmation de mandat » et envoyé à toute personne ayant introduit une réclamation au nom et pour le compte d’autrui, toutes les fois qu’il n’est pas apparent que cette personne a la qualité de représentant au sens du § 103 AO de la personne représentée ;

Considérant qu’il est de jurisprudence constante qu’une procuration expresse et spéciale doit avoir existé antérieurement à l’introduction d’une réclamation ; qu’il a notamment été retenu « que le mandataire d’un contribuable doit prouver l’existence d’un mandat spécial et exprès au moment de l’introduction de la réclamation pour le compte de son mandant, le tribunal, statuant dans le cadre d’un recours en réformation, peut prendre en compte des pièces qui n’étaient pas à la disposition du directeur au moment où ce dernier a pris sa décision, sous condition que le mandat versé pendant la phase contentieuse ait été antérieur à l’introduction de la réclamation litigieuse » ;

Considérant qu’ « en effet que si le paragraphe 254 alinéa 2 de la loi générale des impôts (AO) porte que « Bevollmächtigte und gesetzliche Vertreter haben sich auf Verlangen als solche auszuweisen », disposition muette sur la date à laquelle devrait exister le pouvoir visé, il n’en est pas moins que l’invitation à verser une procuration doit être entendue en ce sens qu’il s’agit de communiquer à l’administration la procuration existante qui aura pu manquer au dossier, rendant ainsi incertaine l’existence de la qualité d’agir du mandataire et non pas de faire rédiger a posteriori une procuration, un mandataire n’ayant pu introduire la réclamation pour compte d’autrui qu’au cas où il était muni d’une procuration spéciale et expresse à cette fin » ;

Considérant que la « CONFIRMATION DE MANDAT » versée en date du 7 mars 2022 est signée et datée au 28 février 2022 ; que force est de constater que cette procuration fut rédigée postérieurement à l’introduction de la requête du 25 janvier 2022, date à laquelle la procuration n’existait pas encore ; que le mandataire n’était forcément pas en possession « d’une procuration spéciale et expresse » lors de l’introduction de la présente requête ;

3 Considérant qu’il découle de ce qui précède que l’existence d’un mandat ad litem répondant aux conditions légales lors de l’introduction d’une réclamation n’est pas établie et que, partant, les réclamations contre les bulletins de l’impôt sur le revenu des collectivités et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2017, tout comme les réclamations contre les bulletins de l’établissement séparé de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation et de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2018, sont irrecevables faute de qualité ;

PAR CES MOTIFS dit les réclamations irrecevables faute de qualité. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 octobre 2022, la société (AA) a fait introduire un recours en réformation sinon en annulation à l’encontre de la décision directoriale, précitée, du 12 juillet 2022.

1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Il résulte de la lecture combinée des dispositions du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », que seul un recours au fond est ouvert contre la décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation, de sorte que le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par la société (AA), recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

2) Quant au fond Moyens et arguments des parties À l’appui de son recours, la société demanderesse reprend, en substance, les faits et rétroactes précédemment exposés. En se référant à ses statuts, elle précise, qu’elle ne pourrait être valablement engagée que par la seule signature de sa gérante, Madame (B). Dans ce cadre, elle affirme que Madame (B), en sa qualité de gérante, aurait établi en date du 12 janvier 2022 un « mandat exprès et spécial » autorisant Monsieur (A) à introduire, au nom de la société (AA), une réclamation contre le « bulletin de l’impôt sur le revenu des collectivités 2017 », le « bulletin d’impôt commercial 2017 », le « bulletin d’impôt / la fortune au 01.01.2018 », ainsi que contre le « bulletin de valeur unitaire au 01.01.2018 ».

En droit, la société demanderesse reproche au directeur, d’une part, d’avoir déclaré irrecevable la réclamation datée du 24 janvier 2022 introduite en son nom et, d’autre part, de ne pas avoir reconnu une perte de … euros au titre de son résultat pour l’année 2017.

En premier lieu, s’agissant de la recevabilité de ladite réclamation, la société demanderesse se réfère à un jugement du tribunal administratif du 18 juin 2021, inscrit sous le numéro 43678 du rôle, ayant retenu, selon elle, en substance, d’une part, que la procuration pour l’introduction d’une réclamation devant le directeur devrait être expresse et spéciale etdevrait indiquer clairement l’intention du mandant de conférer au mandataire le pouvoir d’agir avec toute la précision requise, et, d’autre part, que le tribunal, statuant dans le cadre d’un recours en réformation, pourrait prendre en considération des pièces qui n’étaient pas à la disposition du directeur au moment où ce dernier aurait pris sa décision, à condition que le mandat produit en phase contentieuse aurait été antérieur à l’introduction de la réclamation litigieuse.

La société demanderesse explique ensuite que le document intitulé « CONFIRMATON DE MANDAT » constituerait un document-type qui lui aurait été transmis par l’administration par un courrier daté du 26 janvier 2022, aux fins de régularisation de la procédure. Ainsi, elle fait valoir que ledit document aurait nécessairement été établi postérieurement à l’introduction de la réclamation datée du 25 janvier 2022.

Elle donne encore à considérer qu’elle n’aurait pas signé ledit document intitulé « CONFIRMATION DE MANDAT » si elle n’avait pas préalablement donné mandat à Monsieur (A) pour introduire une réclamation contre les bulletins litigieux.

La société demanderesse se réfère par ailleurs au « mandat express et spécial » qu’elle aurait établi en date du 12 janvier 2022 en faveur de Monsieur (A) pour faire valoir que Monsieur (A) aurait eu qualité pour agir au jour de la réclamation. La société demanderesse estime, par conséquent, que la décision de rejet de ladite réclamation pour défaut de qualité serait « manifestement non fondée » et conclut qu’elle devrait être réformée.

En second lieu, la société demanderesse affirme que le tribunal en sa qualité de « juge du fond et de la réformation » aurait vocation à suppléer à l’administration tant dans la détermination des bases d’imposition que dans le quantum de l’imposition à définir. Elle soutient, par ailleurs, que le tribunal serait en mesure, au jour où il statue, de s’assurer que les éléments mentionnés dans sa déclaration fiscale seraient exacts.

Dans ce contexte, la société demanderesse reproche au bureau d’imposition d’avoir retenu un bénéfice commercial de … euros à son égard au titre de l’année 2017, alors qu’elle estime avoir dégagé une perte fiscale d’un montant de … euros au titre de la même année. Elle explique qu’elle aurait été constituée sous la forme d’une société anonyme, initialement sous la dénomination « (BB)», et que suite au changement de sa forme juridique en une société à responsabilité limitée ainsi que sa dénomination sociale lors d’une assemblée générale extraordinaire du 3 mai 2017, elle aurait, conformément à la demande de l’administration, introduit deux déclarations fiscales dont une pour la période où elle était constituée sous la forme d’une société anonyme, faisant état d’une perte de … euros pour l’année 2017, et une pour la période suivant sa transformation en société à responsabilité limitée, établissant une perte d’un montant de … euros. La société demanderesse estime, par conséquent, que la détermination de l’impôt à régler devrait refléter le bénéfice réel généré pour l’année 2017, soit une perte de … euros. Elle conclut que les bénéfices retenus par le bureau d’imposition devraient être rectifiés en conséquence.

Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours sous analyse pour ne pas être fondé.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement rappelle de prime abord les faits et rétroactes tels que retranscrits ci-avant. A cet égard, il fait tout d’abord valoir alors qu’il aurait été impossible d’identifier le signataire effectif de ladite réclamation, d’une part, enraison de l’absence de nom précédant la signature et, d’autre part, du fait que celle-ci ne préciserait pas les qualités du signataire, la division contentieux de l’administration aurait sollicité la preuve du « pouvoir d’agir » par la production d’un mandat ad litem.

Par courrier du 1er février 2022, la société demanderesse aurait envoyé à l’administration un extrait RCS afin de prouver le pouvoir de signature de Monsieur (A). Or, il résulterait, au contraire, dudit extrait que celui-ci n’aurait aucun pouvoir d’engager la société demanderesse pour ne pas être le gérant, mais l’associé de celle-ci.

Par la suite, le 7 mars 2022, Madame (B) aurait encore envoyé une « CONFIRMATION DE MANDAT » datée du 28 février 2022, par laquelle elle confirmerait avoir donné, en sa qualité de gérante de la société demanderesse, mandat à Monsieur (A) afin d’introduire une réclamation contre les bulletins d’imposition litigieux au nom de la société demanderesse.

Le délégué du gouvernement souligne dans ce contexte que l’objet du litige se limiterait à la question d’apprécier si, au jour de l’introduction « du recours », « le signataire » de la réclamation disposait du pouvoir d’engager la société demanderesse.

A cet égard, il fait tout d’abord valoir que même si la société demanderesse affirmait que Monsieur (A) disposerait d’un tel pouvoir, force serait toutefois de constater que la société demanderesse n’aurait toujours pas établi que celui-ci aurait effectivement signé la réclamation, alors que la signature n’aurait été précédé d’aucun nom, d’une part, et que le courrier de réclamation ne renseignerait pas les qualités du signataire, d’autre part.

En renvoyant ensuite au § 254, alinéa 2 AO, qui, selon lui, en substance, permettrait au directeur de requérir la preuve écrite du mandat, ainsi qu’à un arrêt de la Cour administrative du 21 octobre 2021, inscrit sous le numéro 45977C du rôle, la partie étatique soutient que la confirmation du mandat ne serait pas recevable, étant donné qu’elle aurait été établie postérieurement à l’introduction de la réclamation et qu’elle ne permettrait, par conséquent, pas d’établir l’existence d’un mandat ad litem au jour de ladite réclamation.

Se référant encore à un jugement du tribunal administratif du 18 juin 2021, inscrit sous le numéro 43678 du rôle et à un arrêt de la Cour administrative du 18 juillet 2007, inscrit sous le numéro 22680 du rôle, la partie étatique se prévaut d’une « jurisprudence constante en la matière » selon laquelle le mandat versé en cours de procédure devrait avoir été établi avant l’introduction de la réclamation et qu’il serait exclu de faire rédiger une « procuration a posteriori ».

A cet égard, elle allègue que le mandat spécial du « 12 janvier 2021 » aurait été « rétrodaté », le qualifiant ainsi de « procuration à postériori ». La partie étatique estime, en effet, que si la procuration écrite du 12 janvier 2022 avait réellement existé au jour de la réclamation, elle aurait été versée dès le début de la procédure.

En guise de conclusion, le délégué du gouvernement fait valoir qu’il ne serait pas établi que Monsieur (A) aurait signé la réclamation, tout en insistant sur le fait que suite à la demande en production d’un mandat ad litem par l’administration, la société demanderesse se serait limitée, dans une première étape, à renvoyer au RCS pour ensuite verser une « CONFIRMATION DE MANDAT » datée au 28 février 2022.

A cet égard, il s’interroge encore sur la raison pour laquelle, la société demanderesse aurait « rédigé » et signé une « CONFIRMATION DE MANDAT » le 28 février 2022, si une procuration écrite avait déjà été établie le 12 janvier 2022.

Il s’ensuivrait que l’existence d’une procuration spéciale écrite au jour de l’introduction de la réclamation ne serait pas établie.

Dans son mémoire en réplique, concernant le signataire de la réclamation du 24 janvier 2022, la société demanderesse confirme que Monsieur (A) aurait effectivement apposé sa signature sur ladite réclamation en vertu de la procuration expresse et spéciale datée du 12 janvier 2022. Elle donne à considérer, en outre, qu’une simple comparaison entre la signature figurant sur la réclamation du 24 janvier 2022 et celle de Monsieur (A) apposée sur un courrier daté du 1er février 2022 permettrait d’identifier sans équivoque l’auteur de la signature. La demanderesse se réfère dans ce contexte à une attestation testimoniale émise par Monsieur (A), dans laquelle celui-ci confirme avoir signé la réclamation litigieuse.

Concernant l’existence d’une procuration ad litem expresse et spéciale, la société demanderesse renvoie au jugement du tribunal administration du 16 juin 1999, inscrit sous le numéro 10724 du rôle, confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 21 décembre 1999, inscrit sous le numéro 11382C du rôle.

Dans ce contexte, la société demanderesse réitère que ce serait à tort que la partie étatique soutiendrait que ladite procuration expresse et spéciale ne serait pas antérieure à l’introduction de la réclamation du 24 janvier 2022, au seul motif que le document intitulé « CONFIRMATION DE MANDAT » porterait la date du 28 février 2022.

A cet égard, elle souligne qu’elle aurait reçu ce « document standardisé » de l’administration elle-même en annexe à son courrier du 26 janvier 2022, soit après l’introduction de la réclamation le « 24 janvier 2022 ».

La société demanderesse rappelle que la « CONFIRMATION DE MANDAT » aurait expressément été libellée en ses termes : « (B) confirme AVOIR DONNE1 mandat à (A) (…) ».

Elle soutient que l’usage du « passé composé » dans cette formulation ne serait pas anodin, ce temps ayant pour vocation d’exprimer un évènement passé dans « un discours qui a des conséquences dans le passé », en l’occurrence le fait d’avoir donné mandat. Elle insiste sur le fait que cette mention devrait être interprétée comme l’affirmation de l’existence d’un mandat préalablement octroyé.

En outre, la société demanderesse affirme qu’« on ne confirme[rait] pas quelque chose qui n’existe[rait] pas au préalable », soutenant ainsi que le document intitulé « CONFIRMATION DE MANDAT » daté du 28 février 2022 ne ferait que confirmer l’existence d’un mandat antérieur.

Quant à l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle Monsieur (A) n’aurait pas disposé d’un mandat ad litem express au motif que le formulaire, intitulé « CONFIRMATION DE MANDAT », n’aurait été daté et signé qu’en date du 28 février 2022, la société demanderesse rétorque que ledit formulaire lui aurait été envoyé par l’administration 1 Souligné par la société demanderesse.à un moment où elle aurait déjà introduit la réclamation litigieuse, de sorte qu’il aurait nécessairement été signé après l’introduction de celle-ci.

A cet égard, elle donne encore à considérer qu’elle aurait signé et renvoyé ledit formulaire en date du 28 février 2022 alors qu’elle aurait été persuadée d’avoir d’ores et déjà envoyé à l’administration « la procuration expresse et spéciale ».

Quant au reproche formulé par la partie étatique, selon lequel, au vu du courrier de Monsieur (A) du 1er février 2022, le mandat spécial du 12 janvier 2022 aurait été rétrodaté et constituerait ainsi une procuration établie a posteriori, la société demanderesse insiste sur le fait qu’elle n’aurait découvert l’existence dudit courrier qu’à l’occasion de la consultation des pièces produites par la partie étatique.

Elle ajoute que Monsieur (A) n’aurait pas reçu de mandat pour adresser un tel courrier à la partie étatique, il n’aurait été mandaté que pour rédiger et introduire la réclamation du 24 janvier 2022 au nom de la société (AA) et non pas pour « échanger » avec l’administration à son propre nom.

La société demanderesse soutient que Monsieur (A) aurait, de sa propre initiative, sollicité Madame (C) afin qu’elle prépare le courrier du 1er février 2022, avant d’apposer lui-

même sa signature sur celui-ci.

Elle fait valoir que le simple fait que Madame (B) ait signé, en date du 28 février 2022, le document intitulé « CONFIRMATION DE MANDAT » démontrerait qu’elle aurait ignoré l’existence du courrier du 1er février 2022. A cet égard, elle donne encore à considérer que Madame (B) n’aurait pas signé et renvoyé ledit formulaire à l’administration si elle était d’avis que Monsieur (A) avait adressé des extraits à l’administration afin de le prouver.

La société demanderesse ajoute qu’elle n’aurait pas, de manière délibérée, omis de transmettre la procuration du 12 janvier 2022 à l’administration, mais qu’elle serait au contraire certaine de l’avoir jointe à la réclamation datée du 24 janvier 2022.

Elle fait encore valoir que par l’introduction du recours sous analyse, la société demanderesse aurait nécessairement et suffisamment appuyé son intention de « cautionner » l’introduction de la réclamation faite par Monsieur (A).

Enfin, en s’appuyant sur un arrêt de la Cour administrative du 3 avril 2014, inscrit sous le numéro « 312962C » du rôle, la société demanderesse insiste sur le fait que l’application d’un formalisme « excessif », tel que soutenu par la partie étatique, conduirait à ce que ce formalisme, censé la protéger, se retourne en définitive contre elle.

Pour le surplus, la société demanderesse réitère et maintient son argumentation exposée dans sa requête introductive d’instance.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que l’attestation testimoniale de Monsieur (A) devrait être écartée au motif (i) que ce dernier serait l’associé unique de la société demanderesse, ce qui lui conférerait un intérêt « manifeste » quant à l’issue du litige, (ii) qu’il aurait signé la réclamation et ne saurait, par conséquent, pas être autorisé à régulariser une procédure viciée dont il serait lui-même à l’origine, (iii) qu’entant que gérant de fait, il ne pourrait pas témoigner puisqu’il serait « de droit » qu’un dirigeant ne puisse pas témoigner dans un litige dans lequel la société qu’il représente serait impliquée.

Il estime, en outre, que la société demanderesse aurait sorti « soudainement, comme d’un chapeau magique, une procuration surprise datée au 12 janvier 2022 ».

Le délégué du gouvernement fait encore valoir que la réclamation datée du 24 janvier 2022 ne mentionnerait pas le nom de Monsieur (A) et aurait été rédigée sur du papier en-tête de la société (AA).

La partie étatique souligne que, selon ses propres écrits, Monsieur (A) n’aurait pas agi en exécution d’un mandat ad litem spécial lui délivré, mais en vertu des statuts de la société (AA), qui ne lui donnerait pour le surplus pas un tel pouvoir. Elle estime qu’il s’agirait d’un aveu extrajudiciaire.

Se prévalant de la théorie du mandat apparent, la partie étatique soutient que le courrier du 1er février 2022 émanant de la société (AA) lui serait opposable et que si une personne introduit une réclamation à l’égard d’un bulletin et qu’une preuve de sa qualité à agir est sollicitée, il serait admis que cette personne pourrait se justifier. D’autant plus que la demande de l’administration n’aurait pas été adressée à Monsieur (A) en personne, mais à la société et que ce serait lui qui aurait pris l’initiative d’y répondre.

En dernier lieu, le délégué du gouvernement affirme que si Monsieur (A) fut l’associé unique de la société (AA) et non son « représentant légal et statutaire », il se comporterait toutefois comme tel en agissant au nom de celle-ci et en l’engageant, de sorte qu’il agirait en tant que « gérant apparent » de la société demanderesse.

Au soutien de son argumentation, il fait valoir que la réclamation du 24 janvier 2022 émanerait de Monsieur (A) sur base du « dernier Extrait RCS prouvant le pouvoir de signature de Monsieur (A) » et que Monsieur (A) aurait répondu à la demande de l’administration de justifier le mandat sur du papier en-tête de la société demanderesse, et ce bien que la demande de régularisation ait été envoyée à la société demanderesse. Le délégué du gouvernement soutient également que Monsieur (A) aurait signé et réceptionné la correspondance de la société demanderesse, ainsi que donné des ordres à la comptable/ secrétaire de la société demanderesse qui l’aurait attesté dans sa déclaration « Monsieur (A) m’a demandé de communiquer (…) j’ai joint au courrier signé par Monsieur (A), comme à mon habitude, un extrait RCS (…) ». Enfin, il fait valoir que dans le cadre des litiges judiciaires impliquant la société demanderesse, les avocats s’adresseraient à Monsieur (A).

Le délégué du gouvernement en conclut que Monsieur (A) serait le dirigeant apparent et soutient qu’il aurait introduit la réclamation en sa qualité de dirigeant « illicite », avant de tenter de régulariser « sa faute » et la procédure « viciée » en versant une procuration « antidatée ». Il invoque à cet égard le principe selon lequel « nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

Appréciation du tribunal En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant.

i) Quant à la question de la recevabilité de la réclamation datée du 24 janvier 2022 introduite au nom de la société (AA) Le tribunal constate que les parties sont en premier lieu en désaccord sur la question de la recevabilité de la réclamation datée du 24 janvier 2022 introduite au nom de la société (AA).

La partie étatique conteste, en particulier, tant l’existence d’un mandat donné par la société (AA) en faveur de Monsieur (A) au jour de l’introduction de ladite réclamation que la signature de Monsieur (A) apposée sur celle-ci.

Quant à l’existence d’un mandat spécial et exprès au jour de la réclamation S’agissant de l’existence d’un mandat donné par la société (AA) en faveur de Monsieur (A) au jour de l’introduction de la réclamation, il échet de relever qu’aux termes du § 238 AO, « Befugt, ein Rechtsmittel einzulegen, ist der, gegen den der Bescheid oder die Verfügung ergangen ist. Für seine Vertretung gelten der §102 Absatz 2 und die §§103 bis 110. […] ». Il ressort de cette disposition que le destinataire d’un bulletin d’impôt désirant introduire une réclamation contre celui-ci peut se faire représenter conformément au § 102, alinéa (2) AO.

Ledit § 102 AO dispose comme suit : « (1) Für die Geschäftsfähigkeit von Privatpersonen gelten in Steuersachen die Vorschriften des bürgerlichen Rechts.

(2) Das gleiche gilt von der Vertretung und Vollmacht, soweit in den §103 bis 111 nichts anderes vorgeschrieben ist. ».

Cette disposition prévoit que les règles du droit civil sont applicables quant à la capacité d’agir des personnes privées et que ce même renvoi s’applique également en matière de mandat, sauf les dérogations établies aux §§ 103 à 111 AO.

A cet égard, l’article 1987 du Code civil distingue entre le mandat spécial pour une affaire ou certaines affaires seulement et le mandat général pour toutes les affaires du mandant, tandis que l’article 1988 du même Code spécifie que le mandat conçu en termes généraux n’embrasse que les actes d’administration et que s’il s’agit d’aliéner ou d’hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès. L’article 1989 précise, en outre, que le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat.

Dans la mesure où l’introduction d’une réclamation contre un bulletin de l’impôt sur le revenu déclenche un réexamen de l’imposition par les soins du directeur et que ce réexamen peut le cas échéant aboutir, par application du § 243 AO, à une décision qui est au détriment de celui qui a introduit la réclamation (« Sie können die Entscheidung auch zum Nachteil dessen, der das Rechtsmittel eingelegt hat, ändern.»), l’introduction d’une réclamation est à considérer comme excédant un simple acte d’administration, de sorte à requérir l’établissement d’un mandat exprès2.

Dès lors, l’acte d’introduire une réclamation devant le directeur, eu égard plus particulièrement au risque y inhérent de voir l’imposition revue, le cas échéant, in pejus, présentant un risque de voir modifier de manière permanente et irrévocable la situation de l’intéressé, une procuration afférente doit être expresse et spéciale et renseigner clairement 2 Trib. adm., 20 juillet 2009, n°25156 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n°1141 et autres références y citées.l’intention du mandant d’investir le mandataire du pouvoir d’agir par la voie d’une réclamation à l’encontre d’une décision déterminée avec toute la précision requise3.

Le tribunal relève, ensuite, qu’une réclamation n’est pas ipso facto irrecevable lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’un tel mandat exprès et spécial au moment de son dépôt.

En revanche, un mandataire désigné par le contribuable a l’obligation de justifier de son mandat sur demande afférente de l’administration, sous peine d’irrecevabilité de la réclamation, tel que cela se dégage du § 254 AO qui dispose que « (1) Der Steuerpflichtige, oder wer sonst das Rechtsmittel eingelegt hat, kann sich im Rechtsmittelverfahren durch Bevollmächtigte vertreten lassen. Geschäftsmäßige Vertreter können zurückgewiesen werden;

dies gilt nicht für die im §107 Absatz 3 genannten Personen. Die Vorschriften des §107 Absätze 6 und 7 finden Anwendung.

(2) Bevollmächtigte und gesetzliche Vertreter haben sich auf Verlangen als solche auszuweisen. ».

Le contribuable est d’ailleurs admis à rapporter la preuve de l’existence d’un mandat exprès et spécial conféré à son présumé mandataire en cours de phase contentieuse, alors que la finalité du mandat est de permettre aux instances saisies de contrôler que la décision d’introduire une réclamation en matière fiscale a été cautionnée par le contribuable, l’exigence de la justification d’un mandat par le mandataire étant une mesure destinée à protéger le contribuable envers les agissements d’un mandataire qui dépasserait, le cas échéant, ses pouvoirs en déposant une réclamation à son insu4.

Par ailleurs, le tribunal siégeant en tant que juge de la réformation peut prendre en compte des pièces qui n’étaient pas à la disposition du directeur au moment où ce dernier a pris sa décision, sous condition que le mandat versé pendant la phase contentieuse ait été antérieur à l’introduction de la réclamation litigieuse5 et que cette antériorité ressorte clairement du libellé de la procuration émanant du contribuable concerné.

En l’espèce, il ressort des éléments soumis à l’appréciation du tribunal qu’au cours de la phase contentieuse la société demanderesse a versé en cause, à l’appui de sa requête introductive d’instance, un courrier daté du 12 janvier 2022 émanant de sa gérante.

Ledit courrier est libellé comme suit : « […] Je soussignée (B), née le … à … demeurant à … agissant en ma qualité de gérante de la société (AA) établie et ayant son siège social à L-…, constitue par la présente comme mandataire spécial, Monsieur (A), né le … à …, demeurant à …, 3 Cour adm., 5 novembre 2002, n°15043C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n°1142 (1er volet) et autres références y citées.

4 Trib. adm., 13 novembre 2013, n° 31962 du rôle, confirmé par Cour adm., 3 avril 2014, n° 33764C du rôle.

Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1139 (1er volet) et l’autre référence y citée.

5 Trib. adm., 12 juillet 2021, n° 43979 du rôle. Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1139 (2e volet) ; voir également Trib. adm., 18 juin 2021, n° 43678 du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.afin d’introduire la réclamation devant le directeur des contributions directes contre les bulletins d’impôts :

1) Bulletin des Revenu des collectivités 2017 2) Bulletin d’impôt commercial 2017 3) Bulletin d’impôt/la fortune au 01.01.2018 4) Bulletin de valeur unitaire au 01.01.2018 […] ».

Force est au tribunal de constater que ledit courrier est daté du 12 janvier 2022, soit à une date antérieure à l’introduction de la réclamation introduite par la société (AA), et de relever que ni la qualité du signataire dudit courrier, ni sa capacité, ni encore les termes précis du mandat ad litem exprès et spécial conféré par ce courrier en faveur de Monsieur (A) n’ont été contestés, à juste titre, par le délégué du gouvernement. En effet, il y a lieu de souligner que le mandat contenu dans ledit courrier daté du 12 janvier 2022, étant strictement limité à l’introduction d’une réclamation auprès du directeur et portant exclusivement sur les bulletins d’impôt expressément et limitativement mentionnés, est à considérer comme spécial au sens de l’article 1987 du Code civil, dès lors qu’il se rapporte exclusivement au recours fiscal, et comme expresse au sens de l’article 1988 du Code civil, dans la mesure où il définit avec précision les actes que le mandataire est habilité à accomplir.

Il s’ensuit qu’au jour où le tribunal statue, cette procuration établit à suffisance l’existence d’un mandat ad litem exprès et spécial valable conférant à Monsieur (A) le pouvoir pour introduire une réclamation devant le directeur à l’encontre des bulletins d’imposition litigieux.

Cette conclusion ne saurait être énervée par les contestations du délégué du gouvernement, fondées sur l’affirmation selon laquelle ledit courrier du 12 janvier 2022 serait « rétrodaté », qui sont, en l’absence d’une inscription en faux du mandat litigieux, à rejeter.

Les arguments avancés par la partie étatique, non autrement circonstanciés, selon lesquels Monsieur (A) aurait agi en qualité de « gérant apparent » ou encore qu’il aurait fait un « aveu extrajudiciare » d’avoir agi sur base des statuts de la société (AA) ne sauraient pas non plus remettre en cause cette conclusion, étant donné que le seul fait que Monsieur (A) ait, dans un premier temps, déclaré avoir agi en vertu « du dernier extrait RCS », sans mentionner la procuration du 12 janvier 2022, ne saurait permettre de conclure à l’inexistence de ladite procuration.

Il s’ensuit qu’il est établi que Monsieur (A) disposait d’un mandat spécial et exprès lui permettant d’introduire valablement la réclamation litigieuse au nom de la société (AA).

Enfin, le tribunal donne à considérer que la finalité du mandat est de permettre aux instances saisies de contrôler que la décision d’introduire la réclamation en matière fiscale a été cautionnée par le contribuable et que l’exigence de la justification d’un mandat par le mandataire est une mesure destinée à protéger le contribuable envers les agissements d’un mandataire qui dépasserait, le cas échéant, ses pouvoirs en déposant une réclamation à son insu.

En l’espèce, le tribunal vient justement de retenir qu’il était établi à suffisance que la société (AA) avait conféré mandat à Monsieur (A) pour introduire une réclamation auprès du directeur contre le bulletin de la retenue d’impôt litigieux au moment de l’introduction de laditeréclamation. Admettre le contraire serait sans doute faire preuve d’un formalisme excessif qui aurait pour effet que la mesure qui est censée protéger le contribuable se retourne contre lui6.

D’autant plus que le tribunal constate qu’aucun doute ne subsiste en l’espèce quant à l’intention de la société (AA) en relation avec le mandat conféré à Monsieur (A). En effet, il ressort des éléments du dossier que, outre avoir versé sur demande de l’administration un document intitulé « CONFIRMATION DE MANDAT » daté du 28 février 2022 et signé Madame (B), tout au long de la procédure, tant en phase précontentieuse que contentieuse, la société demanderesse a adopté une position constante et cohérente, réaffirmant à plusieurs reprises l’existence dudit mandat. Par ailleurs, il sied de relever que la société demanderesse a maintenu sa position, bien qu’elle ait été expressément avertie des risques inhérents à une réformation in pejus dans le cadre de la procédure menée. Dès lors, cette attitude démontre sans équivoque la volonté claire et délibérée de la société demanderesse de conférer à Monsieur (A) un mandat spécial et exprès, excluant ainsi toute incertitude quant à son existence et à sa portée7.

Quant à l’identité du signataire de la réclamation datée du 24 janvier 2022 S’agissant du moyen soulevé par la partie étatique, selon lequel il serait impossible d’identifier le signataire de la réclamation datée du 24 janvier 2022, la partie étatique entend contester, de l’entendement du tribunal, l’identification du signataire de ladite réclamation agissant en qualité de représentant de la société (AA).

A cet égard, force est au tribunal de constater que, bien que ladite réclamation ne mentionne ni le nom ni la qualité de son signataire – tout en étant rédigée sur du papier en-tête de la société demanderesse-, comme l’a justement souligné la partie étatique, il ressort néanmoins des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que, tout d’abord, à la suite de la réception de ladite réclamation le 25 janvier 2022, l’administration a émis un courrier daté du 26 janvier 2022 à l’attention de la société demanderesse, visant à régulariser la procédure en cours et l’invitant à verser son mandat exprès et spécial pour l’instance introduite avant le 28 février 2022. La société demanderesse a répondu promptement à cette demande par un courrier daté du 1er février 2022, confirmant en substance que l’identité du signataire de la réclamation était Monsieur (A). Ensuite, force est au tribunal de relever que dans le formulaire pré-imprimé intitulé « CONFIRMATION DE MANDAT », daté du 28 février 2022, dûment rempli et signé par Madame (B) en sa qualité de gérante de la société (AA), celle-ci confirme avoir donné mandat à Monsieur (A) pour introduire une réclamation auprès du directeur à l’encontre des bulletins d’imposition litigieux. Par ailleurs, dans son mémoire en réplique, la société demanderesse confirme encore avoir « cautionn[é] » l’introduction de la réclamation faite par Monsieur (A).

Enfin, en ce qui concerne l’attestation testimoniale de Monsieur (A), datée du 25 janvier 2023, si le délégué du gouvernement affirme certes que ladite attestation testimoniale serait à écarter au motif que Monsieur (A) serait associé unique de la société demanderesse et aurait par conséquent un intérêt « manifeste » quant à l’issue du litige, il y a cependant lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 405 du Nouveau code de procédure civile, chacun peut être entendu comme témoin, à l’exception des personnes qui sont frappées d’une incapacité de témoigner en justice. La règle que « nul ne peut être entendu comme témoin dans sa propre cause » est 6 trib. adm., 13 novembre 2013, n° 31962 du rôle, confirmé par 3 avril 2014, n° 33764C du rôle, Pas.

adm. 2023, V° Impôts, n° 1139 (1er volet) ainsi que l’autre référence y cités.

7 En ce sens : Cour adm., 6 mars 2025, n° 51780C du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.un principe fondamental. La notion de partie en cause est à interpréter restrictivement comme ne visant en principe que les personnes directement engagées dans l’instance judiciaire8.

En l’espèce, force est au tribunal de constater, dans un premier temps, que Monsieur (A), en sa qualité d’associé de la société demanderesse, ne peut être considéré formellement comme étant partie à l’instance et qu’il peut en conséquence être entendu comme témoin dans cette affaire où seule la société (AA) est partie en cause.

Cette conclusion n’est pas énervée par la circonstance contradictoire, relevée par le délégué du gouvernement, selon laquelle Monsieur (A) aurait signé la réclamation datée du 25 janvier 2022, dès lors qu’il n’a fait que représenter la société (AA) sur base d’un mandat ad litem exprès et spécial lui valablement octroyé, comme cela a été établi dans les développements qui précèdent.

Dans un second temps, la simple allégation, soulevée par la partie étatique, selon laquelle Monsieur (A) aurait un intérêt direct dans l’issue du procès, est également à écarter à défaut d’être appuyée par des éléments susceptibles d’emporter la conviction du tribunal quant à l’existence d’un doute sur l’objectivité de sa déposition. En effet, il convient, tout d’abord, de rappeler, que le simple fait qu’un témoin ait un lien avec l’une des parties ne saurait, en soi, suffire à remettre en cause la crédibilité de son témoignage, sous réserve des personnes frappées d’une incapacité légale de témoigner en justice. Or, en l’espèce, la partie étatique ne démontre pas en quoi Monsieur (A) aurait un intérêt personnel à l’issue de la présente procédure, en se bornant à formuler une allégation dénouée de tout fondement objectif. Ensuite, s’il est exact que Monsieur (A) a signé la réclamation datée du 25 janvier 2022, il l’a fait exclusivement en sa qualité de représentant de la société (AA), sur base d’un mandat ad litem exprès et spécial lui valablement octroyé. Il en résulte que son intervention ne relevait pas d’un intérêt personnel, mais s’inscrivait strictement dans le cadre d’une mission de représentation de ladite société strictement limitée. Enfin, il y a lieu de relever que l’attestation testimoniale sous analyse a été émise en son nom personnel, établissant ainsi une distinction claire entre ses fonctions exercées en vertu du mandat de représentation et son intervention en qualité de témoin. Il s’ensuit qu’aucun élément concret ne permet de considérer que cette déclaration serait entachée d’un quelconque manque d’objectivité ou d’impartialité. Partant, en l’absence d’éléments suffisants de nature à établir un doute sérieux quant à l’objectivité de Monsieur (A), l’argument soulevé par la partie étatique doit être écarté.

Finalement, il en va de même des développements du délégué du gouvernement, selon lesquels Monsieur (A) serait « gérant apparent ». Les affirmations de la partie étatique, non autrement étayées, ne sauraient être suffisantes pour emporter la conviction du tribunal.

Il s’ensuit que l’attestation testimoniale de Monsieur (A) est à admettre.

A cet égard, il ressort de l’attestation testimoniale de Monsieur (A), datée du 25 janvier 2023, que ce dernier certifie avoir apposé sa signature sur la réclamation datée du 24 janvier 2022.

Au regard de ce faisceau d’indices concordants, le tribunal est amené à conclure que Monsieur (A) est le signataire de la réclamation, de sorte que le moyen soulevé par le délégué 8 En ce sens : Cour adm., 28 juin 2018, n° 40794C du rôle, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.du gouvernement tiré de l’impossibilité d’identifier le signataire agissant en qualité de représentant de la société réclamante est à écarter pour ne pas être fondé.

Il résulte des développements qui précèdent qu’il est établi que Monsieur (A) disposait d’un mandat ad litem spécial et exprès lui permettant d’introduire valablement la réclamation litigieuse datée du 24 janvier 2022 de la part de la société (AA), de sorte que la décision directoriale déférée du 12 juillet 2022, référencée sous le numéro … du rôle est à réformer en ce sens que la réclamation datée du 24 janvier 2022 introduite auprès du directeur par Monsieur (A) n’est pas irrecevable faute de qualité et qu’il y a lieu de renvoyer le dossier en prosécution de cause devant le directeur.

ii) Quant à la question du calcul des pertes et du résultat pour l’année 2017 En ce qui concerne les développements de la société demanderesse au regard de la détermination des pertes et du calcul du résultat pour l’année 2017, force est au tribunal de relever qu’il est exclusivement saisi d’un recours dirigé contre la décision directoriale du 12 juillet 2022, référencée sous le numéro … du rôle, laquelle s’est limitée à déclarer la réclamation irrecevable faute de qualité à agir sans prendre position par rapport au fond de ladite réclamation. Dès lors, le moyen relatif au calcul des pertes et du résultat pour l’année 2017 dépasse l’objet du recours et est à rejeter.

3) Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure La demande en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de … euros telle que formulée par la société demanderesse sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives est à rejeter, alors que la société demanderesse n’établit pas en quoi il serait inéquitable de laisser à sa seule charge les frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation en ce qu’il est dirigé contre la décision directoriale du 12 juillet 2022, référencée sous le numéro … du rôle ;

au fond, le déclare justifié, partant, par réformation de la décision du directeur du 12 juillet 2022, référencée sous le numéro … du rôle, dit que la réclamation datée du 24 janvier 2022 introduite auprès du directeur par Monsieur (A) au nom de la société (AA) n’est pas irrecevable faute de qualité ;

renvoie le dossier devant le directeur en prosécution de cause;

rejette le recours pour le surplus ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la société demanderesse;

condamne la partie étatique aux frais et dépens.

Ainsi jugé par et prononcé à l’audience publique du 4 avril 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 48006
Date de la décision : 04/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-04;48006 ?

Source

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