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03/04/2025 | LUXEMBOURG | N°52548

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 avril 2025, 52548


Tribunal administratif N° 52548 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52548 2e chambre Inscrit le 18 mars 2025 Audience publique du 3 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52548 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 mars 2025 par Maître Marcel MARIGO, avocat

à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi...

Tribunal administratif N° 52548 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52548 2e chambre Inscrit le 18 mars 2025 Audience publique du 3 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52548 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 18 mars 2025 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Sénégal) et être de nationalité sénégalaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 3 mars 2025 de recourir à la procédure accélérée, de celle portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 mars 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le vice-président, en remplacement du président de la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en sa plaidoirie à l’audience publique du 31 mars 2025.

Le 21 novembre 2024, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, désigné ci-après par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Les 13 et 27 décembre 2024 et 2 janvier 2025, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 3 mars 2025, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale 1dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire.

Le ministre releva tout d’abord que Monsieur (A) serait de nationalité sénégalaise et qu’il proviendrait partant d’un pays d’origine sûr où il n’existerait pas, généralement et de façon constante, de persécutions au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et de la loi du 18 décembre 2015. Il releva ensuite que la demande de protection internationale de Monsieur (A) serait à analyser par rapport au pays d’origine de l’intéressé, à savoir le Sénégal, de sorte que les faits qui se seraient déroulés en Italie, respectivement qui auraient un lien avec l’Italie ne seraient pas pertinents en l’espèce. Ensuite, quant au refus de lui accorder le statut de réfugié, le ministre reprocha tout d’abord à Monsieur (A) d’avoir manifestement essayé d’induire les autorités luxembourgeoises en erreur s’agissant de ses déclarations ayant trait à ses documents d’identité, à son trajet jusqu’en Europe, de même qu’à son séjour en Europe. Il reprocha encore à Monsieur (A) que certaines de ses déclarations ayant trait à son récit et qui constitueraient dès lors le pilier central de son motif de fuite du Sénégal ne seraient pas étayées, respectivement totalement vagues et générales. Quant à ses problèmes invoqués, à savoir le fait qu’il craindrait d’être tué par une bande de criminels qu’il aurait dénoncée auprès de la police sénégalaise en tant qu’informateur infiltré et plus précisément auprès de la division des investigations criminelles au sein de la police d’Etat à Dakar (« DIC ») sous le commandement du commissaire (B) et de l’inspecteur (C), le ministre retint que mis à part le manque de crédibilité accordé à son récit, aucun statut de réfugié ne pourrait être accordé à Monsieur (A) alors que les motifs de fuite invoqués ne relèveraient pas du champ d’application de la Convention de Genève. Le ministre estima encore que les doutes relevés par rapport à la sincérité de son récit, de même que le comportement qu’aurait adopté Monsieur (A) depuis son entrée dans l’espace Schengen remettraient en cause la gravité des faits dont celui-ci a fait état. Il ajouta, à titre subsidiaire, que dans la mesure où les différents problèmes liés à ladite bande criminelle constitueraient des actes émanant de personnes privées, ceux-ci ne pourraient être considérés comme fondant une crainte légitime uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités sénégalaises, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Le ministre conclut que la demande de protection internationale de Monsieur (A) serait avant tout basée sur des motifs purement personnels, voire économiques. Quant au refus de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, le ministre constata que Monsieur (A) invoquerait les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, tout en retenant qu’il resterait en défaut de faire état d’un risque réel de faire l’objet, en cas de retour dans son pays d’origine, d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, respectivement que les autorités sénégalaises ne seraient pas en mesure de lui accorder une protection.

Il résuma les déclarations de Monsieur (A) comme suit : […] Monsieur, vous déclarez vous nommer (A1), être né le … à … au Sénégal, être de nationalité sénégalaise et de confession musulmane.

Sur votre fiche de motifs manuscrite, remplie le jour de l’introduction de votre demande de protection internationale, vous notez que vous auriez quitté votre pays d’origine alors que vous auriez été un « informateur », que vous auriez « dénoncé des gangs » et que ceux-ci auraient ensuite découvert que vous auriez travaillé « avec la police ».

2Lors de votre entretien mené avec un agent du Service de Police Judiciaire vous précisez que vous auriez été « informat[eur] auprès de la police DIC sous la responsabilité du commissaire (B) à Dakar », que vous auriez dénoncé des « personnes appartenant à des gangs », que ces personnes auraient découvert que vous auriez été « à l’origine des dénonciations » et qu’en 2009, ces mêmes personnes dénoncées, sinon d’autres personnes appartenant à la même bande de criminels vous auraient « torturé et menacé de mort », suite à quoi vous auriez décidé de fuir votre pays d’origine en 2010 (p.2/3 du rapport de police).

Lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande, lequel s’est tenu en date des 13 et 7 décembre 2024 ainsi qu’en date du 2 janvier 2025, vous évoquez les mêmes raisons. En effet, vous auriez travaillé en tant qu’informateur à la « DIC » et auriez identifié et dénoncé plusieurs membres d’une bande criminelle après avoir été sollicité par un dénommé inspecteur (C) travaillant sous un dénommé commissaire (B) au sein de la DIC (p.13-14/24 et p.17/24 du rapport d’entretien).

Votre identité aurait ensuite été révélée, par erreur, par le commissaire et par le juge d’instruction aux criminels arrêtés (p.13/24 et p.19/24 du rapport d’entretien), de sorte que certains autres individus de la même bande vous auraient tendu un guet-apens, kidnappé et séquestré pendant une semaine. Lors de votre séquestration vous auriez été violenté avec un couteau : « ils m’ont déchiré sous le menton, à la nuque, à la poitrine et vers le tibia, pour me faire parler » (p.14/24 et p.19-20/24 du rapport d’entretien). Vous auriez finalement réussi à prendre la fuite sans que les personnes qui vous auraient séquestré ne s’en aperçoivent (p.20/24 du rapport d’entretien). Vous vous seriez fait soigner au sein d’un dispensaire, puis caché avant de finalement quitter votre pays d’origine en avion depuis l’aéroport international de Dakar (p.20-21/24 et p.9/24 du rapport d’entretien).

En cas de retour dans votre pays d’origine vous craindriez subir des représailles similaires de la part des membres du réseau criminel dénoncés, respectivement vous craindriez que cette fois-ci ils vous tuent (p.14/24 du rapport d’entretien). Vous n’auriez pas porté plainte, respectivement n’auriez pas sollicité de l’aide auprès des autorités de votre pays, sinon auprès de l’inspecteur (C) ou encore le commissaire (B), étant donné qu’il y aurait trop de « corruption » au sein du système (p.21/24 du rapport d’entretien).

Finalement, vous déclarez avoir collaboré en tant qu’informateur avec une policière italienne lors de votre séjour en Italie (p.14-15/24 du rapport d’entretien).

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous ne remettez, à part une photo de la première page de votre passeport, aucun document d’identité original, respectivement aucun autre document susceptible de soutenir vos dires. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 mars 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 3 mars 2025 d’opter pour la procédure accélérée, de celle du même jour ayant refusé de faire droit à sa demande de protection internationale, et de l’ordre de quitter le territoire prononcé à son encontre.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre 3l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 3 mars 2025, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique qu’il serait ressortissant sénégalais et qu’il aurait fui son pays d’origine après y avoir subi des actes de persécution au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015. Il donne à considérer qu’à l’appui de sa demande de protection internationale, il aurait fait valoir qu’il aurait été informateur au sein de la police sénégalaise et qu’il aurait travaillé pour la DIC, ce qui aurait permis le démantèlement de gangs criminels. Or, après que « les criminels » auraient découvert qu’il aurait travaillé comme informateur pour la police sénégalaise, il aurait été kidnappé et séquestré pendant une semaine durant laquelle il aurait été torturé. Il met en exergue qu’il n’aurait plus pu compter sur la protection des autorités sénégalaises, de sorte qu’il aurait décidé de quitter son pays d’origine après y avoir subi des actes de persécution mais aussi de menaces de mort.

Quant à la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, en application de l’article 27, paragraphe (1), point b) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur fait valoir que le Sénégal ne serait pas un pays d’origine sûr au sens de la loi du 18 décembre 2015 alors que, contrairement aux conclusions ministérielles sur la situation sénégalaise, ledit pays violerait constamment les droits élémentaires de la population. En se référant à un rapport de l’organisation Amnesty International de 2023, il soutient que le fait que le Sénégal se serait doté d’institutions démocratiques et que ses dirigeants seraient désignés par des élections libres et pluralistes ne permettrait pas de conclure au respect par ces dirigeants de la Convention de Genève, respectivement d’autres instruments juridiques internationaux assurant la protection efficace des droits de l’Homme. A cela s’ajouterait que la corruption resterait un fléau au Sénégal, ce qui rendrait ce pays l’un des pays les plus corrompus au monde, le demandeur, en se référant à un article publié sur le site internet lemonde.fr le 20 septembre 2024, insistant plus particulièrement sur le fait que l’indépendance de la justice au Sénégal serait constamment mise en cause et se traduirait par des arrestations arbitraires.

Il conclut que l’examen de sa demande de protection suivant la procédure accélérée résulterait d’une interprétation erronée des éléments invoqués par lui à l’appui de sa demande de protection internationale et d’une appréciation inexacte de la situation des droits de l’Homme au Sénégal, tout en rappelant qu’il résulterait de ses déclarations auprès du ministère qu’il aurait été séquestré et battu par des criminels qui n’auraient jamais fait l’objet de poursuites judiciaires.

Quant au refus de lui accorder un statut de réfugié, il soutient que les conditions prévues aux articles 2, point f), 42, paragraphe (1), et 39 de la loi du 18 décembre 2015 seraient réunies dans son chef.

Tout en rappelant qu’il aurait été séquestré et torturé avant de subir des menaces de mort, le demandeur estime que l’autorité ministérielle aurait fait une interprétation erronée des faits de l’espèce en retenant le défaut des conditions d’octroi du statut de réfugié dans son chef.

4Il conteste l’interprétation qu’aurait fait le ministre de ses déclarations en soutenant que son récit serait basé sur des faits et des actes irréfutables, de sorte que ledit ministre ne pourrait objectivement se prévaloir d’une quelconque incohérence de son récit ni remettre en cause la crédibilité de celui-ci.

Il reproche au ministre d’avoir effectué une analyse simpliste et superficielle de sa situation personnelle et individuelle, tout en mettant en exergue que les autorités ministérielles devraient procéder à une recherche et à un examen attentifs des faits, récolter les renseignements nécessaires à la prise de décision et prendre en considération tous les éléments du dossier, afin de décider en pleine connaissance de cause et après avoir raisonnablement apprécié tous les éléments utiles à la résolution du cas d’espèce.

Il met en exergue que même en tant qu’agent informateur, il n’aurait eu aucune possibilité de s’échapper à ses persécuteurs, de sorte qu’il n’aurait pas eu d’autres choix que de quitter son pays d’origine.

Il conclut que les violences à son encontre seraient des persécutions au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015, alors qu’il craindrait avec raison de subir à nouveau ces violences en cas de retour dans son pays d’origine, alors « qu’il [ne serait] pas impossible que ces violences revêt[iraient] une gravité suffisante et abouti[raient] à une situation irrémédiable pour [lui] ».

En ce qui concerne le refus de lui accorder une protection subsidiaire, il soutient que sa situation personnelle telle qu’exposée par lui lors de son audition tomberait dans le champ d’application de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 dès lors que les actes de persécutions subis par lui cadreraient avec les hypothèses retenues aux points a), b) et c) de ladite loi.

Au vu de ce qui précède, la décision ministérielle déférée portant refus de lui accorder une protection internationale serait à réformer.

Quant à l’ordre de quitter le territoire, il avance qu’au vu de ce qui précède, il serait impossible de procéder à son éloignement forcé vers son pays d’origine, de sorte que la décision ministérielle déférée serait à réformer.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours en ses trois volets.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

5Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il ressort de cette disposition qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

La soussignée constate de prime abord que ni le texte légal ni d’ailleurs les travaux parlementaires afférents ne contiennent de définition de ce qu’il convient d’entendre par « recours manifestement infondé ».

Il appartient dès lors à la soussignée, saisie d’un recours basé sur la disposition légale citée ci-avant, de définir ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé » et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé. Comme le législateur s’est référé au « recours », c’est-à-dire au recours contentieux, en d’autres termes à la requête introductive d’instance, et non pas à la demande de protection internationale en tant que telle, la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier de manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente. En d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé. En effet, en application de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée A titre liminaire, la soussignée est amenée à rejeter le reproche formulé par le demandeur de manière vague et sans mise en relation concrète avec la situation de l’espèce suivant lequel l’examen de sa demande de protection internationale résulterait d’une interprétation erronée des éléments invoqués par lui à l’appui de sa demande de protection internationale, respectivement que le ministre aurait fait une analyse simpliste et superficielle de sa situation personnelle et individuelle. En effet, il ressort du rapport d’audition du demandeur qu’il a été invité à exposer les raisons pour lesquelles il avait sollicité une protection internationale au Luxembourg, ainsi que les raisons de son départ de son pays d’origine, l’agent ministériel chargé de son audition l’ayant plus particulièrement interrogé sur les problèmes qu’il aurait personnellement rencontrés au Sénégal, ainsi que sur les persécutions et atteintes 6graves qu’il y aurait subies. Le ministre a, quant à lui, ensuite procédé à un examen approprié en fait et en droit des déclarations faites par Monsieur (A) au cours de son audition en motivant tant sa décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de l’intéressé dans le cadre d’une procédure accélérée que celle portant refus d’une protection internationale dans son chef.

Quant au fond, la soussignée relève que la décision ministérielle est, en l’espèce, fondée sur les dispositions des points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquelles « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non point cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par lui ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27, paragraphe (1), points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

S’agissant plus particulièrement du point a) de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015 et afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il échet de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f), de la loi du 18 décembre 2015 comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a 7la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1)1 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 392 et 403 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes 1 « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent : a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

2 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être : a) l’Etat ; b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ; c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

3 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par : a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire. (2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».

8invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. L’article 2, point g), précité, définit également la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 ». Cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les persécutions ou les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas.

Par ailleurs, il y a lieu de préciser que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire relève de l’absence de protection dans le pays d’origine au sens des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015 et que le demandeur doit fournir à cet égard la preuve que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

En l’espèce, indépendamment de la qualification des faits invoqués ou encore de la crédibilité du récit, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène la soussignée à conclure qu’il reste manifestement en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015.

A titre liminaire, la soussignée constate que Monsieur (A) invoque des craintes de persécutions et d’atteintes graves tant par rapport à son pays d’origine, le Sénégal, que par rapport à l’Italie. Dans la mesure où la question de savoir si un étranger craint avec raison d’être persécuté ou de subir des atteintes graves doit être examinée par rapport au seul pays dont 9celui-ci a la nationalité4 et que Monsieur (A) a exclusivement la nationalité sénégalaise, c’est à bon droit que le ministre a limité l’analyse du bien-fondé de sa demande de protection internationale à sa situation en cas de retour au Sénégal sans prendre en considération les faits qui se seraient déroulés en Italie, respectivement qui auraient un lien avec l’Italie. Il s’ensuit que l’ensemble des faits invoqués par rapport à l’Italie sont d’ores et déjà à rejeter pour ne pas être pertinents.

Ensuite, en ce qui concerne les problèmes dont a fait état le demandeur en relation avec « des gangs de criminels » qui l’auraient torturé et menacé de mort5 après avoir découvert qu’il aurait été un « informateur » travaillant avec la DIC à Dakar sous la responsabilité du commissaire (B) et de l’inspecteur (C), force est de relever que les auteurs des agissements dont Monsieur (A) déclare avoir été victime au Sénégal, à savoir des personnes appartenant à deux bandes de criminels différentes6 et qui feraient « des braquages, des cambriolages et des agressions »7, sont des personnes privées, sans lien avec l’Etat. Le demandeur ne peut dès lors faire valoir une crainte fondée d’être persécuté, respectivement un risque réel de subir des atteintes graves que si les autorités sénégalaises ne veulent ou ne peuvent pas lui fournir une protection effective contre les agissements dont il fait état, en application de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, ou s’il a de bonnes raisons de ne pas vouloir se réclamer de la protection des autorités de son pays d’origine.

En effet, chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale. En toute hypothèse, il faut que l’intéressé ait tenté d’obtenir la protection des autorités de son pays pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut8.

Or, force est de constater que le demandeur n’a jamais dénoncé ses agresseurs auprès de la police sénégalaise, respectivement auprès d’une autre autorité de son pays d’origine. En effet, à la question de l’agent ministériel de savoir si le demandeur a déposé une plainte auprès d’une autorité, celui-ci a répondu sans équivoque par la négative9. La soussignée relève, à cet égard, que si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a pas tenté lui-même formellement d’obtenir une telle protection. Or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence d’actes physiques ou mentaux, communément la forme d’une plainte. Ainsi, à défaut d’avoir déposé une plainte, le demandeur ne saurait reprocher aux autorités sénégalaises compétentes une absence de protection contre les agissements des membres de ces « gangs ».

Ce constat est d’autant plus vrai alors qu’en tant qu’informateur ayant travaillé pour la police sénégalaise et plus précisément pour le compte de la DIC, il aurait manifestement été possible au demandeur de solliciter une protection ou une aide auprès de ladite police 4 Trib. adm., 15 décembre 2004, n° 18573 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 129 et les autres références y citées.

5 Pages 13 et 14/24 du rapport d’entretien.

6 Page 13/24 du rapport d’entretien.

7 Idem.

8 Jean-Yves Carlier, Qu’est-ce qu’un réfugié ?, Bruylant, 1998, p. 754.

9 Page 21/24 du rapport d’entretien.

10sénégalaise contre les agissements de la bande de criminels qu’il aurait dénoncée, étant encore relevé, à l’instar du ministre, qu’il paraît étonnant qu’en tant qu’informateur, respectivement de témoin-clé dans une affaire, Monsieur (A) n’ait à aucun moment porté plainte ou encore sollicité de l’aide auprès des autorités et plus particulièrement auprès du commissaire (B) ou de l’inspecteur (C), pour lesquels il aurait travaillé. Force est, à cet égard, de constater que le demandeur n’explique pas les raisons pour lesquelles il n’a pas contacté l’inspecteur (C), alors même que celui-ci lui aurait promis de toujours le protéger10. Il convient encore de relever que sur question afférente de l’agent ministériel en charge de son entretien pour quelles raisons il ne serait pas allé voir ledit inspecteur, le demandeur s’est limité à répondre « Je ne sais pas.

J’étais furieux, je ne savais pas à qui parler »11. Or, cette affirmation floue ne permet en tout état de cause pas de retenir une quelconque défaillance, respectivement une absence d’action des autorités sénégalaises.

Il en est de même des affirmations vagues du demandeur lors de son entretien ministériel selon lesquelles il n’aurait pas déposé plainte auprès d’une autorité sénégalaise parce qu’« [i]l y a trop de corruption, cela ne fonctionne pas de porter plainte »12 ou encore parce que « [l]a police n’a pas les moyens. En Europe ou en Amérique, quand il y a des informateurs en danger, ils peuvent les protéger, ils reçoivent une autre identité, ils changent d’adresse. Au Sénégal, ça ne marche pas comme ça. Je connais tout le système, l’Afrique est un autre monde. C’est pour cela que les africains viennent en Europe. Si tout fonctionnait bien, ils ne viendraient pas ici. »13.

A cet égard, la soussignée relève qu’il se dégage des explications de la partie étatique, pièces internationales à l’appui, que le Parlement européen ainsi que l’Agence des Etats-Unis pour le développement international considèrent le Sénégal comme étant l’une des rares démocraties stables d’Afrique de l’Ouest, faisant preuve d’un pluralisme politique, d’une presse libre et d’une société civile dynamique. La partie étatique a encore fait état du fait que, d’une part, le Sénégal est doté d’institutions démocratiques et que, d’autre part, la désignation de ses dirigeants se fait sur le fondement d’élections libres et pluralistes. Elle a expliqué que la protection des droits de l’Homme est prévue à l’article 7 de la Constitution sénégalaise, tout en soulignant que le Sénégal a également approuvé les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme, y compris la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. Elle a encore mis en avant que le Parlement européen a affirmé qu’en tant que membre du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies (2018-2020), ancien membre du Conseil de sécurité des Nations unies et partisan de l’universalité du mandat de la Cour pénale internationale, le Sénégal joue un rôle de premier plan dans la promotion et la protection des droits de l’Homme dans le monde entier. Par ailleurs, plusieurs systèmes de recours contre les violations des droits de l’Homme et libertés des citoyens existent au Sénégal y compris les autorités policières, le bureau de l’Ombudsman, ou encore les diverses instances permettant de déposer une plainte contre d’éventuels abus de pouvoir des forces de l’ordre. A cet égard, la partie étatique a relevé que la Constitution prévoit que tous les accusés ont le droit à un procès équitable et public, ce qui a généralement été respecté par le pouvoir judiciaire. En soutenant encore que le Comité national des droits de l’Homme du gouvernement comprend des représentants du gouvernement, des groupes de la société civile et des organisations indépendantes des droits de l’Homme, la partie étatique a finalement mis en exergue que le Sénégal est également membre de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de 10 Page 19/24 du rapport d’entretien.

11 Page 21/24 du rapport d’entretien.

12 Idem.

13 Idem.

11l’Ouest et entretient ainsi des liens avec des conventions internationales de protection des droits de l’Homme, de sorte que des procédures existent dans le cadre des normes policières et judiciaires régionales pour protéger le demandeur.

Au vu de ces considérations, l’allégation vague non autrement développée du demandeur lors de son entretien ministériel selon laquelle au Sénégal « cela ne fonctionne pas de porter plainte » est à rejeter pour être contredite par les informations pertinentes de la partie étatique. En tout état de cause, si jamais après son retour au Sénégal après plus de quinze ans d’absence, le demandeur devait à nouveau être confronté à des représailles de la part des membres de ces « gangs », il lui appartiendrait de s’adresser aux autorités sénégalaises afin que celles-ci engagent des poursuites par rapport à ses doléances.

Il s’ensuit que Monsieur (A) ne démontre pas qu’il n’aurait pas pu rechercher une protection au Sénégal contre les agissements de la part des membres des bandes criminelles.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’invocation par le demandeur dans son recours du rapport de l’organisation Amnesty International de 2023 duquel il se dégagerait que le Sénégal ne respecterait pas les droits de l’Homme ou de l’article de presse publié sur le site lemonde.fr sur la corruption au Sénégal. En effet, mis à part le constat que ces publications ne sont aucunement mises en relation avec la situation individuelle et personnelle du demandeur, force est de constater qu’elles ne sont pas pertinentes en l’espèce alors qu’elles traitent de l’intervention de la police sénégalaise lors de manifestations, d’une part, et d’une affaire de « mise à mal des finances de l’Etat » par plusieurs cadres de l’ancien régime sénégalais, d’autre part. Or, à défaut d’explications concrètes en quoi ces publications pourraient affecter la situation personnelle du demandeur, celles-ci sont à rejeter.

Dès lors, la soussignée est amenée à conclure que le demandeur n’a manifestement pas établi un défaut de protection de la part des autorités étatiques sénégalaises, de sorte qu’au moins l’une des conditions d’octroi du statut de réfugié et du statut conféré par la protection subsidiaire ne se trouve manifestement pas remplie dans son chef.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours du demandeur dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que les faits soulevés à la base de sa demande de protection internationale ne seraient pas dépourvus de pertinence, sont visiblement dénués de tout fondement, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27, paragraphe (1), point b) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé.

2) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Force est de rappeler que la soussignée vient ci-avant de retenir, dans le cadre de l’analyse de la décision de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, que le demandeur est resté en défaut de présenter des faits suffisamment pertinents pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, que ce soit au statut de réfugié ou à celui conféré par la protection subsidiaire.

12Or, la soussignée, au niveau de la décision au fond du ministre de refuser la protection internationale, ne saurait que réitérer son analyse précédente en ce sens que c’est pour les mêmes motifs qu’il y a lieu de conclure, au vu des faits et moyens invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale, dans le cadre de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, que le demandeur ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à déclarer comme manifestement infondé et le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

3) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le vice-président, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 3 mars 2025 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours dirigé contre ces décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

13Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 avril 2025 par la soussignée, Alexandra Bochet, vice-président au tribunal administratif, en remplacement du président de la deuxième chambre du tribunal administratif, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Bochet 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52548
Date de la décision : 03/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-03;52548 ?

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