Tribunal administratif N° 52535R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52535R Inscrit le 17 mars 2025 Audience publique du 28 mars 2025 Requête en instauration de mesures de sauvegarde introduite par Monsieur (A) et Madame (B), …, contre des actes de l’Office National de l’Accueil en matière d’accueil des bénéficiaires d’une protection temporaire
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 52535 du rôle et déposée le 17 mars 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Catherine WARIN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Monsieur (A) et de Madame (B), demeurant ensemble à L-…, tendant à l’instauration de mesures de sauvegarde par rapport à une « décision de l’Office national de l’Accueil sinon du Ministre de l’Accueil restreignant à leur encontre le bénéfice des conditions matérielles d’accueil – décision de date difficile à déterminer mais ressortant notamment d’emails de l’Office national de l’accueil du 21 février et du 7 mars 2025 » consistant à « enjoindre à l’ONA, sinon au Ministre, d’organiser, le cas échéant en collaboration avec la Croix-Rouge ou tout autre organisme pertinent, le maintien dans l’hébergement actuel, sinon l’installation des requérants dans un hébergement équivalent et approprié à leur besoins spécifiques et assurant des conditions de vie digne (avec une chambre, correctement chauffé et avec accès à des sanitaires fonctionnels et à une cuisine), ceci aux frais de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, sinon de leur procurer les moyens pour se loger dignement, jusqu’au jour où le Tribunal administratif aura statué sur les mérites du recours au fond », un recours en réformation sinon en annulation contre les mêmes actes, inscrit sous le numéro 52534 du rôle ayant été introduit le même jour, étant pendant devant le tribunal administratif ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Marc THEWES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat, du 21 mars 2025 ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les actes déférés ;
Maître Catherine WARIN pour les requérants, et Maître Marc THEWES ainsi que Maître Pierre DURAND, pour l’Etat, entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 mars 2025.
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Il ressort du dossier administratif que Monsieur (A) et Madame (B), ci-après désignés les « époux (AB) », sont bénéficiaires d’une protection temporaire leur accordée en vertu de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
1 En date du 8 septembre 2022, les époux (AB) demandèrent l’obtention des conditions matérielles d’accueil pour bénéficiaires de protection temporaire auprès de l’Office National de l’Accueil du ministère des Affaires étrangères et européennes, ci-après désigné par « l’ONA ».
Les époux (AB) furent ensuite logés par l’ONA dans une structure d’accueil pour bénéficiaires d’une protection temporaire sise à L-….
En date du 1er décembre 2023, les époux (AB) signèrent une convention de mise à disposition d’un logement sis à L-…, avec la Croix Rouge Luxembourgeoise, ci-après désignée la « Croix-Rouge ».
Le 21 décembre 2023, les époux (AB) déclarèrent leur changement de résidence à la ville de ….
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 janvier 2025, la Croix-Rouge dénonça la convention de mise à disposition du logement sis à L-… conclue avec les époux (AB) pour le 4 mars 2025.
Par courrier daté au 18 février 2025, le mandataire des époux (AB) s’adressa à l’ONA dans les termes suivants :
« […] Monsieur (A) et Madame (B) m’ont mandatée pour faire valoir leurs droits en tant que bénéficiaires de la protection temporaire, et en particulier leur droit à bénéficier des conditions matérielles d’accueil telles que prévues par la Loi du 18 décembre 2015 relative à l’accueil des demandeurs de protection internationale et de protection temporaire.
Je vous prie de bien vouloir me faire parvenir leur dossier administratif conformément à l’article 11 du Règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.
En outre, mes mandants m’ont chargée de vous soumettre formellement une demande aux fins de faire respecter leur droit aux conditions matérielles d’accueil et de se voir attribuer un hébergement adapté à leurs besoins.
Monsieur (A) et Madame (B) ont respectivement 59 et 67 ans. Un logement privé était mis à leur disposition par la Croix-Rouge par convention du 1er décembre 2023 et ils se sont vus notifier la fin de cette mise à disposition par courrier daté du 25 janvier 2025 (pièce 1).
Or, l’article 10(1) de la loi précitée prévoit que « Le demandeur est logé dans une des structures d’hébergement suivantes :
a) structures d’hébergement publiques;
b) structures d’hébergement privées. » Le même article 10, en son paragraphe 4, prévoit que le directeur veille « à ce que le demandeur ne soit transféré d’une structure à une autre que lorsque cela est nécessaire » et en son paragraphe 5, qu’« En toute hypothèse, le directeur accorde une attention particulière aux aspects liés au genre et à l’âge des demandeurs, ainsi qu’à ta situation des personnes vulnérables. » 2 L’article 8, paragraphe 2 prévoit encore que « Les conditions matérielles d’accueil assurent au demandeur un niveau de vie adéquat qui garantit sa subsistance et protège sa santé physique et mentale » et l’article 9, paragraphe 1 prévoit que les conditions matérielles d’accueil « tiennent compte des besoins particuliers des personnes vulnérables telles que définies à l’article 15, » En effet, l’article 15 prévoit que « Le directeur tient compte des besoins particuliers en matière d’accueil des personnes vulnérables telles que … les personnes âgées, les personnes ayant des maladies graves… ».
Or, Madame (B), âgée de 67 ans, souffre des suites d’une opération (ablation de la vésicule biliaire) et a besoin d’une alimentation adaptée et de pouvoir cuisiner ses repas elle-
même (cf. pièce 2 - ordonnance médicale). Elle est donc une personne vulnérable qui a des besoins particuliers en matière d’accueil au sens des dispositions précitées.
Je vous prie de bien vouloir confirmer ou infirmer que Monsieur et Madame (AB) doivent quitter leur logement actuel, le cas échéant d’indiquer les raisons pour lesquelles cela est nécessaire, et surtout de leur indiquer au plus vite la structure adaptée à leurs besoins dans laquelle ils pourront être hébergés s’ils doivent effectivement quitter ce logement. […] ».
Par courrier électronique du 21 février 2025, l’ONA répondit comme suit :
« […] Tout d’abord, je tiens à vous informer que Monsieur et Madame (AB) sont actuellement hébergés dans un logement mis à disposition par la Croix-Rouge. Ainsi, la gestion dudit logement ne relève pas de la compétence de l’ONA. Ce n’est que courant de cette semaine que l’ONA a été informé de la fin du contrat de mise à disposition conclu entre vos mandants et la Croix-Rouge.
Toutefois, compte tenu de la situation de vos mandants, ils seront convoqués la semaine prochaine auprès de l’ONA afin de trouver une solution appropriée.
Finalement, je vous joins via le lien ci-dessous le dossier administratif de vos mandants.
[…] ».
Par courrier électronique du 5 mars 2025, le mandataire des époux (AB) s’adressa de nouveau à l’ONA dans les termes suivants :
« […] Je vous remercie pour votre réponse et pour la communication du dossier administratif.
Malheureusement, l’entretien qu’a eu M. (A) avec vos services ne semble pas avoir apporté d’éclaircissements ou de solution. M. (A) m’informe qu’il a un autre rendez-vous le 10 mars avec vos services.
Mes mandants sont extrêmement angoissés par cette situation.
Je me dois d’insister à nouveau sur les éléments principaux déjà mentionnés dans mon courrier, à savoir :
- fin de la mise à disposition du logement par la Croix-Rouge, le 4 mars, ce qui veut dire qu’ils ont urgemment besoin d’un hébergement, conformément aux droits que leur confère leur statut de bénéficiaire de la protection temporaire - santé précaire de Madame (B).
3 Il me faut également réitérer les demandes de mon précédent courrier, à savoir que je vous prie de bien vouloir confirmer ou infirmer que Monsieur et Madame (AB) doivent quitter leur logement actuel, le cas échéant d’indiquer les raisons pour lesquelles c’est nécessaire, et surtout de leur indiquer au plus vite la structure adaptée à leurs besoins dans laquelle ils pourront être hébergés s’ils doivent effectivement quitter leur logement. […] ».
Par courrier électronique du 7 mars 2025, l’ONA répondit comme suit :
« […] Comme indiqué dans mon courriel du 21 février 2025, l’ONA ne gère pas les logements privés mis à disposition par la Cellule Logement et Encadrement social de la Croix-
Rouge (ci-après « CLES »), de sorte que nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer sur la question de savoir si vos mandants doivent quitter ou non ledit logement, ni de vous fournir les raisons de la résiliation de la convention de mise à disposition conclu avec la Croix-
Rouge. Je vous prie donc de prendre directement contact avec la CLES qui pourront répondre à vos questions.
En outre, je tiens à vous informer qu’en tant que bénéficiaires de la protection temporaire, vos mandants peuvent bénéficier d’un logement au sein des structures d’hébergement de l’ONA. Ainsi, lors de l’entretien du 24 février 2024, Monsieur (A) a été informé que son épouse et lui-même peuvent réintégrer le centre de primo-accueil « CPA Kirchberg » sis à L-2454 Luxembourg, rue Tony Rollman. Par la suite, ils seront relogés dans une structure d’hébergement temporaire selon leurs besoins et les places disponibles au sein du réseau de l’ONA.
Lors du précité entretien, un assistant social de l’ONA avait également demandé à Monsieur (A) de communiquer le dossier médical de son épouse à l’ONA. Ainsi, dès leur entrée au CPA Kirchberg, vos mandants pourront faire part de leurs besoins spécifiques au personnel encadrant. La situation de vos mandants sera évaluée par les services compétents en vue de leur relogement dans une structure d’hébergement temporaire.
À toutes fins utiles, je vous prie de noter que les repas qui sont servis au sein du CPA Kirchberg peuvent être adaptés au régime alimentaire de Madame (B). Pour cela, il appartient à vos mandants de faire une demande auprès du personnel encadrant au sein du CPA Kirchberg en fournissant les certificats médicaux attestant de la nécessité de bénéficier d’un régime alimentaire adapté.
Par conséquent, dans l’hypothèse où vos mandants doivent effectivement quitter le logement privé mis à disposition par la CLES, je vous prie de bien vouloir les informer qu’ils peuvent se présenter au centre de primo-accueil sis à L-2454 Luxembourg, rue Tony Rollman en vue d’intégrer les structures d’hébergement de l’ONA. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 mars 2025, inscrite sous le numéro 52534 du rôle, Monsieur (A) et Madame (B) ont fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la « décision de l’Office national de l’Accueil sinon du Ministre de l’Accueil restreignant à leur encontre le bénéfice des conditions matérielles d’accueil – décision de date difficile à déterminer mais ressortant notamment d’emails de l’Office national de l’accueil du 21 février et du 7 mars 2025 », et par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 52535 du rôle, ils ont encore introduit un recours tendant à l’institution de mesures de sauvegarde consistant à « enjoindre à l’ONA, sinon au Ministre, d’organiser, le cas échéant en collaboration avec la Croix-Rouge ou tout autre organisme 4 pertinent, le maintien dans l’hébergement actuel, sinon l’installation des requérants dans un hébergement équivalent et approprié à leur besoins spécifiques et assurant des conditions de vie digne (avec une chambre, correctement chauffé et avec accès à des sanitaires fonctionnels et à une cuisine), ceci aux frais de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, sinon de leur procurer les moyens pour se loger dignement, jusqu’au jour où le Tribunal administratif aura statué sur les mérites du recours au fond » par rapport au même acte.
A l’appui de leurs recours, les requérants expliquent qu’ils seraient arrivés au Luxembourg en date du 31 août 2022, auraient été hébergés pendant quatre semaines au centre de primo-accueil au Kirchberg, ci-après désigné par « CPA Kirchberg », auraient ensuite été logés dans un hôtel à … du 23 septembre 2022 au 21 décembre 2023 et se seraient ensuite installés dans un logement privé à … mis à leur disposition par la Croix-Rouge par une convention conclue le 1er décembre 2023 et valable jusqu’au 4 mars 2025.
Ils expliquent également que Madame (B), âgée de 67 ans, souffrirait des suites d’une opération, aurait besoin d’une alimentation adaptée et devrait pouvoir cuisines les repas elle-
même. Elle souffrirait encore d’hypertension, de douleurs dorsales et d’arthrose sévère, et serait dès lors à considérer comme personne âgée vulnérable.
Suite à la dénonciation de la convention de mise à disposition de leur logement actuel par la Croix-Rouge, ils se seraient adressés à l’ONA pour s’avoir s’ils devaient vraiment quitter leur logement ainsi que les raisons, et afin de leur indiquer la structure adaptée dans laquelle ils pourraient être hébergés.
Ils indiquent qu’à ce jour, l’ONA refuserait « de donner des explications » et se contenterait de les diriger vers le CPA Kirchberg.
Les requérants soulignent ensuite qu’ils auraient gardé « des souvenirs épouvantables » concernant le CPA Kirchberg et que d’autres bénéficiaires de la protection temporaire témoigneraient de la précarité des conditions matérielles d’accueil. En effet, les bénéficiaires d’une protection temporaire y seraient hébergés dans des tentes collectives ensemble avec des demandeurs de protection internationale, il y ferait froid, les sanitaires seraient en très mauvais état avec de nombreuses douches hors service, il n’y aurait pas de cuisine et pas d’endroit pour s’isoler.
Ce serait contre cette « restriction drastique, injuste et injustifiée de leurs conditions matérielles » que leur recours au fond serait dirigé.
En droit, les époux (AB) proposent tout d’abord, et dans l’éventualité où naîtrait un doute sur l’étendue des pouvoirs du juge des référés d’ordonner les mesure demandées, de poser à la Cour de Justice de l’Union européenne, ci-après désignée la « CJUE », la question préjudicielle suivante : « Les articles 1er, 4, 25 et 47 de la Charte et l’article 13 de la directive Protection temporaire exigent-ils que le juge compétent en droit national pour statuer sur une demande de mesures de sauvegarde ait la possibilité d’ordonner l’octroi à des bénéficiaires de la protection temporaire d’un logement adapté à leurs besoins spécifiques, dans l’attente d’un jugement au fond sur un recours contestant leur changement d’hébergement ? ».
En se basant ensuite sur une ordonnance du président du tribunal administratif du 8 mars 2024, n° 50138R du rôle, les requérants estiment que la circonstance de ne pas pouvoir bénéficier des conditions d’accueil répondant à leurs besoins spécifiques constituerait un risque 5 de préjudice grave. Tout en admettant que leur situation diffère de celle ayant donné lieu à l’ordonnance précitée dans la mesure où ils ne seraient pas laissés à la rue, les requérants soulignent toutefois que la seule possibilité d’hébergement qui leur serait offerte ne correspondrait pas aux besoins spécifiques de Madame (B), de sorte qu’il existerait un risque, illimité dans le temps, d’atteinte à leurs droits fondamentaux, et notamment à leur dignité humaine.
Les requérants concluent ensuite au caractère sérieux des moyens invoqués au fond, lesquels seraient de nature à entraîner la réformation sinon l’annulation de l’acte litigieux.
Dans ce contexte, ils estiment tout d’abord que leur recours en réformation serait déclaré recevable par les juges du fond sur base de l’article 23, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, dans la mesure où la décision de l’ONA de les transférer de leur logement actuel vers le CPA Kirchberg serait à interpréter comme une restriction des mesures d’accueil.
A titre subsidiaire, leur recours en annulation serait déclaré recevable par les juges du fond sur base de l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », « en conformité avec l’article 47 de la Charte sur le droit à un recours juridictionnel effectif ».
Ensuite, les requérants soulèvent, en substance, les moyens suivants devant les juges du fond :
(i) un défaut de motivation et une violation du principe général du droit d’une bonne administration, en ce que l’ONA ne pourrait « se cacher derrière une délégation de tâches à certaines structures privées ou parapubliques comme la Croix-Rouge » ;
(ii) une violation de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015, en ce que la limitation aux conditions d’accueil ne serait pas fondée sur une des hypothèses prévues par ledit article ;
(iii) une violation des articles 10, paragraphe (4) et 11 de la loi du 18 décembre 2015 en ce que l’ONA serait resté en défaut de démontrer la nécessité de les transférer d’une structure d’hébergement à une autre ;
(iv) une violation des articles 2, 8, 9, 10, 14, paragraphe (9) et 15 de la loi du 18 décembre 2015, de l’article 13 de la Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil de la Constitution et du droit international, en ce que la contrainte de séjourner dans le CPA Kirchberg dans des conditions qui ne répondraient pas à leurs besoins porterait atteinte à leur dignité humaine, aux droits fondamentaux des personnes âgées, et « au droit à une décision dans un délai raisonnable en tant que composante du principe général du droit à une bonne administration ».
Finalement, les époux (AB) proposent aux juges du fond de poser à la CJUE, la question préjudicielle suivante : « une législation ou une pratique nationale imposant à une bénéficiaire de la protection temporaire, vulnérable du fait de son âge et de son état de santé, un changement d’hébergement dans le cadre duquel l’évaluation de ses besoins spécifiques est subordonnée à la réintégration d’un hébergement de premier accueil dont les conditions ne 6 correspondent pas à ces besoins, est-elle conforme à l’article 13 de la directive Protection temporaire, lu à la lumière des articles 1er, 4 et 25 de la Charte des droits fondamentaux et du principe général du droit à une bonne administration ? ».
Les mandataires de l’Etat, pour leur part, expliquent tout d’abord que par la signature de la convention de mise à disposition d’un logement sis à L-… avec la Croix-Rouge en date du 1er décembre 2023, les époux (AB) auraient décidé de quitter le réseau d’hébergement de l’ONA et que ce n’était que par courriel du 18 février 2024, que l’ONA aurait pris connaissance de la circonstance que les époux (AB) devraient être relogés. Etant donné que les requérants auraient quitté le réseau d’hébergement de l’ONA et que ce réseau aurait été plein, ils auraient été informés de s’adresser au CPA Kirchberg, destiné aux arrivants dans le réseau de l’ONA et dont le but serait d’accueillir et de redispatcher les intéressés dans des logements adéquats.
En droit, ils concluent d’abord à l’incompétence du juge des référés pour ordonner les mesures de sauvegarde telles que sollicitées par les requérants, et ce, d’une part, parce que la demande telle que formulée viserait des droits civils, à savoir de leur accorder le droit de jouissance de leur hébergement actuel, sinon d’un hébergement équivalent ou débourser une somme en vue de leur logement, échappant à la compétence du juge administratif, de seconde part, parce qu’en accédant à la demande telle que libellée dans la requête sous analyse, le juge des référés, dont l’office se limiterait à des mesures provisoires, créerait une situation de fait définitive et irréversible, de sorte à vider le litige au fond de tout objet.
La partie étatique conteste ensuite l’existence de moyens sérieux.
A cet égard, et après avoir contesté tout intérêt à agir des requérants, elle estime tout d’abord que les juges du fond seraient incompétents pour connaître du recours en réformation basé sur l’article 23, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, en ce que cet article ferait référence aux décisions portant limitation et retrait du bénéfice des conditions matérielles d’accueil énumérées par l’article 22 de la même loi, et que dans l’espèce, aucune telle décision ne serait intervenue.
Elle estime également que les juges du fond seraient incompétents pour connaître du recours en annulation basé sur l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996 dans la mesure où la limitation de leur droit d’hébergement résulterait de leur propre choix d’avoir quitté le réseau de l’ONA.
Les actes attaqués ne constitueraient pas non plus des décisions administratives, mais des simples courriels d’information, dans la mesure où, (i) ils n’affecteraient pas les droits des requérants en ce qui concerne leur logement auprès de la Croix-Rouge, (ii) la réponse à leur question aurait été positive étant donné qu’ils peuvent bénéficier d’un logement au sein de ses structures d’hébergement de l’ONA et (iii) ils leur rappelleraient uniquement la procédure à suivre.
Même à admettre que les actes litigieux constitueraient des décisions administratives, elles seraient encore légales, dans la mesure où l’article 11 de la loi du 18 décembre 2015 prévoirait expressément la possibilité d’héberger les requérants dans une structure d’accueil d’urgence, telle que le CPA Kirchberg, structure qui remplirait le standard minimal, de sorte qu’un hébergement temporaire dans une telle structure ne saurait être considéré comme un traitement inhumain ou dégradant. Si l’article 15 de la loi du 18 décembre 2015 obligerait l’ONA de prendre en considération les besoins spécifiques des personnes vulnérables, aucune 7 disposition légale n’interdirait cependant d’héberger temporairement des personnes vulnérables dans une structure d’accueil d’urgence et aucune disposition légale n’octroierait aux requérants un choix concernant la structure d’hébergement, la partie étatique contestant encore les allégations des requérants que le CPA Kirchberg serait froid et humide et ne serait pas adéquat en raison de l’état de santé de Madame (B), tout en soulignant qu’un hébergement au CPA Kirchberg s’imposerait uniquement pour quelques jours jusqu’à ce qu’un logement serait trouvé pour les requérants.
L’Etat conteste également l’existence d’un préjudice grave et définitif dans le chef des requérants en soulignant que leur angoisse de devoir quitter leur logement actuel mis en avant, serait causée par la dénonciation de la convention de mise à disposition d’un logement conclue avec la Croix-Rouge et liée à l’exécution de cette dénonciation.
L’aggravation de l’état de santé de Madame (B) mis en avant par les requérants en cas d’hébergement temporaire au CPA Kirchberg, ne serait encore pas suffisamment documenté par des certificats médicaux.
Enfin, la partie étatique conclut encore à l’irrecevabilité de la question préjudicielle formulée dans le dispositif de la requête en obtention d’une mesure provisoire au motif qu’aucun moyen n’aurait été développé par les requérants à cet égard, de sorte qu’elle ne serait pas soutenue mais viserait à affranchir le juge des conditions de l’exercice de son rôle.
En vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.
Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.
Or, en vertu de l’article 11, paragraphe (2) de la loi du 21 juin 1999, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.
En l’espèce, il appert toutefois que se pose directement la question de la recevabilité même de la requête telle que libellée, respectivement de la question de compétence du juge du provisoire, question soulevée par la partie étatique et débattue contradictoirement lors de l’audience publique du 24 mars 2025.
8 En effet, en ce qui concerne une demande de suspension, le président ou le juge qui le remplace, à l’instar du président du tribunal civil, ne peut pas prendre d’ordonnance qui porte atteinte au fond, c’est-à-dire qui établisse les droits et obligations des parties au litige : ce qui a été décidé, dans le cadre de la demande de suspension, doit, en théorie, pouvoir être défait ultérieurement, à l’occasion de l’examen du recours au fond, le juge des référés devant s’abstenir de prendre une quelconque décision s’analysant en mesure définitive qui serait de nature à interférer dans la décision du juge compétent au fond en ce qu’elle serait de nature à affecter la décision de celui-ci.
La même limite s’impose au juge des référés lorsqu’il est saisi d’une demande basée sur l’article 12 de la loi du 21 juin 1999, ledit article limitant explicitement la compétence dudit juge à des mesures provisoires qui, prononcées à titre conservatoire, ne doivent préjuger en rien la décision au fond.
La mesure provisoire est par définition celle qui présente un caractère réversible, celle qui peut être remise en cause par le juge du fond. Toutefois, pour que la mesure prononcée présente bel et bien un caractère réversible, il est nécessaire que la possibilité de remise en cause de la décision ne soit pas seulement virtuelle mais effective, ce qui suppose, par conséquent, que le litige ne s’éteigne pas par le seul prononcé de cette décision1.
En conséquence, le juge des référés administratif ne peut prononcer aucune mesure présentant un caractère définitif.
Or, la soussignée, à admettre, pour les besoins de la présente, que les courriers électroniques de l’ONA des 21 février et 7 mars 2025 constitueraient des décisions, ce qui est contesté par la partie étatique, et qu’elle puisse encore accorder la mesure de sauvegarde sollicitée consistant à impartir à l’Etat l’ordre de loger les requérants, ce qui est également contesté par la partie étatique, une telle mesure de sauvegarde permettrait aux requérants de créer une situation de droit et de fait définitive : le juge siégeant au provisoire aurait de la sorte épuisé le fond, en ce sens que le futur jugement au fond relatif aux décisions litigieuses de l’ONA aurait totalement perdu son objet à la date des plaidoiries devant les juges du fond, en ce sens qu’une éventuelle confirmation ex post de cette décision aurait perdu tout objet et toute utilité, puisque les requérants auraient, à cette date, pu bénéficier matériellement d’un standard d’accueil qui leur est actuellement temporairement refusé, sans aucune possibilité pour l’ONA, en cas de confirmation de cette décision, de revenir sur ledit hébergement et de voir celui-ci mis à néant.
En d’autres termes, l’octroi de la mesure de sauvegarde telle que sollicitée entraînerait l’impossibilité de recréer la situation initiale au cas où le recours engagé au fond serait rejeté par le tribunal, une éventuelle confirmation de la décision de l’ONA n’ayant plus aucune incidence matérielle et juridique sur la situation de fait entretemps créée. Ainsi, en l’espèce, l’octroi de la mesure de sauvegarde telle que sollicitée équivaudrait à son annulation par le juge des référés.
Partant la soussignée ne saurait accueillir une telle demande incompatible avec l’intervention du juge administratif statuant au provisoire2.
1 Trib. adm (prés.) 20 janvier 2017, n° 38954, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 587.
2 Voir en ce sens : trib. adm. (prés.) 20 janvier 2017, n° 38954 ; trib. adm. (prés.) 9 mars 2017, n° 39148 ; trib.
adm. (prés.) 24 août 2017, n° 40046 ; trib. adm. (prés.) 3 octobre 2017, n° 40218, ainsi que tout particulièrement 9 Dans ce contexte, il échet encore de rejeter la question que les requérants entendent voir poser à la CJUE concernant « l’étendue des pouvoirs du juge des référés », alors qu’il ne suffit pas de libeller une question préjudicielle, mais qu’une telle question doit encore être effectivement soutenue par des explications permettant à la soussignée de cerner en quoi les requérants estiment quelles dispositions légales seraient contraires à la législation de l’Union européenne. Or, force est de constater que les requérants se limitent à formuler une question préjudicielle dont le libellé a été retranscrit ci-avant, sans développer un quelconque moyen concret à cet égard.
Au-delà de cette conclusion au terme de laquelle la soussignée se doit de décliner en l’espèce sa compétence, il convient, à titre superfétatoire, de rappeler qu’en vertu de l’article 11, paragraphe (2) de la loi du 21 juin 1999, une mesure provisoire ne peut être décrétée qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours au fond dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.
En ce qui concerne cette deuxième condition, à savoir que les moyens présentés à l’appui du recours au fond soient suffisamment sérieux, il y a lieu de rappeler que concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.
L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.
Or, à cet égard, la recevabilité même du recours au fond, sinon la compétence du juge administratif, eu égard au caractère décisionnel des courriels déférés de l’ONA, est sujette à de forts doutes, cette question ayant été discutée contradictoirement à l’audience après avoir été plus soulevée par l’Etat.
Les requérants estiment à cet égard que les courriers électroniques de l’ONA des 21 février et 7 mars 2015 décideraient de les transférer de leur logement actuel vers le CPA Kirchberg et constitueraient dès lors une restriction des mesures d’accueil, de sorte que leur recours serait recevable sur base de l’article 23, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, sinon sur base de l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996.
trib. adm. (prés.) 14 novembre 2017, n° 40323, trib. adm. (prés.) 17 janvier 2022, n° 46876 ou encore trib. adm.
(prés.) 8 février 2023, n° 48470.
10 En ce qui concerne tout d’abord l’article 23, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, lequel dispose que : « Contre les décisions portant limitation ou retrait des conditions matérielles d’accueil, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. », force est à la soussignée de constater que le chapitre 5 de la même loi, intitulé « Limitation et retrait du bénéfice des conditions matérielles d’accueil » dans le cadre duquel l’article 23 précité s’inscrit, énumère, dans son article 22, les motifs à la base d’une telle décision, ledit article étant libellé comme suit :
« (1) Le directeur peut limiter ou retirer le bénéfice des conditions matérielles d’accueil lorsque le demandeur :
a) dissimule ses ressources financières et bénéficie indûment des conditions matérielles d’accueil. Les aides indûment touchées, suite à une fausse déclaration ou suite à l’omission par le demandeur de déclarer le changement intervenu dans la composition de son ménage, respectivement suite à l’allégation de faits inexacts, seront récupérées à charge du demandeur ;
b) se comporte de manière violente ou menaçante envers les personnes assurant l’encadrement des demandeurs ou bien envers des personnes exerçant des activités de gestion ou de surveillance dans une structure d’hébergement ou envers d’autres personnes hébergées dans les structures ;
c) abandonne la structure d’hébergement sans en avoir informé l’autorité compétente ou si une autorisation est nécessaire à cet effet, sans l’avoir obtenue ;
d) ne respecte pas l’obligation de se présenter aux entretiens et convocations fixés par les autorités ;
e) a déjà introduit une demande de protection internationale au Grand-Duché de Luxembourg ;
f) commet un manquement grave au règlement d’ordre intérieur des structures d’hébergement établi par le directeur qui en détermine les modalités d’exercice. Le règlement d’ordre intérieur est expliqué au demandeur dans une langue qu’il comprend, où dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend.
(2) Lorsque le demandeur est retrouvé ou se présente volontairement aux autorités compétentes, une décision motivée fondée sur des raisons de sa disparition est prise quant au rétablissement du bénéfice d’une partie ou de l’ensemble de l’accueil. ».
En l’espèce, il ressort à l’évidence des éléments versés en cause qu’aucune décision, émanant du directeur de l’ONA, et portant limitation ou retrait des conditions matérielles d’accueil sur base de l’article 22 précité de la loi du 18 décembre 2015, n’est intervenue en l’espèce, de sorte qu’il est peu probable que les juges du fond se déclareront compétent pour connaître du recours en réformation sur base de l’article 23, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015.
Concernant ensuite le recours en annulation basé sur l’article 2 de la loi du 7 novembre 1996, ledit article dispose en son paragraphe (1) que : « Le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements. ».
A cet égard, il ressort de la jurisprudence constante des juges du fond, basée sur ledit article 2, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996 que cette disposition limite l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que 11 l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et qu’il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste3.
L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit dès lors constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame4.
Plus particulièrement n’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision5 qui ne font que préparer la décision finale et qui constituent des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci6.
En l’espèce, la soussignée constate de prime abord qu’il résulte d’une lecture sommaire des courriers électroniques des requérants des 18 février et 5 mars 2025 précités, qu’ils ont concrètement demandé à l’ONA (i) des renseignements sur leur obligation de quitter leur logement actuel et (ii) l’indication de la structure adaptée à leurs besoins dans laquelle ils pourront loger.
Il résulte ensuite d’une lecture sommaire du courrier électronique de réponse d’un agent de l’ONA du 21 février 2025 précité, que les requérants ont été informés (i) de la circonstance que l’ONA ne dispose pas d’informations sur le logement actuel des requérants étant donné que la gestion relève de la Croix-Rouge et (i) qu’ils seront convoqués auprès de l’ONA afin de trouver une solution.
Or, au regard du libellé du courrier de réponse de l’ONA du 21 février 2025, il appert probable que les juges du fond, en vertu de leur jurisprudence constante précitée, arriveront à conclusion que ledit courrier électronique est à considérer comme une simple information donnée par une administration, voire comme une déclaration d’intention, pour ne comporter aucun élément décisionnel concret.
Cette même conclusion provisoire s’impose en ce qui concerne le courrier électronique du 7 mars 2025, par lequel l’agent de l’ONA se limite à (i) réitérer que l’ONA ne dispose pas d’informations sur un logement géré par la Croix-Rouge, (ii) informer les requérants qu’ils peuvent bénéficier d’un nouvel logement au sein des structures d’hébergement de l’ONA et (iii) informer les requérants de la procédure à suivre au sein du CPA Kirchberg en vue d’intégrer les structures d’hébergement de l’ONA.
3 F. Schockweiler, Le contentieux administratif et la procédure administrative non contentieuse en droit luxembourgeois, n° 46, p. 28.
4 Trib. adm., 18 juin 1998, n° 10617 et 10618, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 51, et les autres références y citées.
5 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658, confirmé sur ce point par arrêt du 19 février 1998, n° 10263C, Pas. adm.
2024, V° Actes administratifs, n° 80 (1er volet) et les autres références y citées.
6 Cour adm., 22 janvier 1998, nos 9647C, 9759C, 10080C et 10276C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 79 et les autres références y citées.
12 En effet, au regard du libellé du courriel de réponse de l’ONA du 7 mars 2025, il semble également probable que les juges du fond qualifieront ledit courrier électronique comme un simple courrier d’information dépourvu de tout caractère décisionnel.
Par ailleurs, aucune décision de « transférer » les requérants de leur logement actuel vers le CPA Kirchberg et portant ainsi une « restriction » des mesures d’accueil, n’est à première vue intervenue en l’espèce, tel que soutenu par les requérants. En effet, il échet à la soussignée de constater que les requérants semblent se baser sur la prémisse erronée qu’ils sont actuellement hébergés dans une structure d’accueil de l’ONA conformément à l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015, alors qu’il ressort cependant à l’évidence du dossier administratif que les requérants ont signé une convention de mise à disposition d’un logement avec la Croix-Rouge et sont actuellement hébergés dans un immeuble géré par celle-ci. Dans la mesure où les requérants ne sont, à l’heure actuelle, pas logés dans une des structures d’hébergement de l’ONA prévues par l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015, aucune décision de les « transférer » vers une autre structure, voire aucune décision de « restriction » des mesures d’accueil, n’était susceptible d’être prise à leur égard.
Au contraire, il ressort à l’évidence du courrier électronique de l’ONA du 7 mars 2025 que suite à la demande des requérants d’être logés, celui-ci a répondu de manière positive, en les informant qu’ils peuvent bénéficier d’un logement au sein des structures d’hébergement de l’ONA. La circonstance que les requérants doivent, pour être logés dans une des structures d’hébergement prévues par l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015, intégrer temporairement le CPA Kirchberg ainsi que le grief essentiellement mis en avant par les requérants dans ce contexte, ne saurait cependant à première vue conférer un caractère décisionnel aux courriers électroniques de l’ONA des 21 février et 7 mars 2025 pour ne pas avoir son origine dans lesdits courriels, mais dans leur changement de résidence en décembre 2023 d’une structure d’hébergement de l’ONA vers un logement mis à disposition par la Croix-Rouge et a fortiori dans la dénonciation de la mise à disposition de leur habitation actuelle par la Croix-Rouge, et semble partant être étrange aux actes déférés aux juges du fond.
Il résulte des considérations qui précèdent que compte tenu des doutes sérieux relatifs au caractère décisionnel des courriers électroniques de l’ONA des 21 février et 7 mars 2025, le recours tendant à l’instauration de mesures de sauvegarde manque au stade actuel du dossier globalement du sérieux nécessaire pour justifier la mesure provisoire sollicitée.
Les requérants sont partant à débouter de leur demande en instauration de mesures de sauvegarde sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, la soussignée, vice-président du tribunal administratif, agissant en remplacement du président du tribunal administratif légitimement empêché, statuant contradictoirement et en audience publique ;
rejette le recours tendant à l’instauration de mesures de sauvegarde ;
13 condamne les requérants aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 mars 2025 par Géraldine Anelli, vice-président du tribunal administratif, en présence du greffier Yannick Maquet.
s. Yannick Maquet s. Géraldine Anelli Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 28 mars 2025 Le greffier du tribunal administratif 14