Tribunal administratif N° 52286 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52286 2e chambre Inscrit le 27 janvier 2025 Audience publique du 27 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52286 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 27 janvier 2025 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Cameroun) et être de nationalité camerounaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 14 janvier 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus d’octroi d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 3 février 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
La soussignée entendue en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en sa plaidoirie à l’audience publique du 10 février 2025.
Le 13 février 2024, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service criminalité organisée, dans un rapport du même jour. Une recherche effectuée à la même date par les autorités luxembourgeoises dans la base de données EURODAC révéla que l’intéressé avait irrégulièrement franchi la frontière italienne le 27 décembre 2023.
En date des 5 et 19 novembre 2024, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 14 janvier 2025, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par le « ministre », informa 1Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :
« […] En date du 13 février 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1.
Quant aux faits et rétroactes procéduraux Le 13 février 2024, vous vous êtes présenté auprès de la Direction générale de l'immigration en tant qu'(A), de nationalité camerounaise et en déclarant faussement être mineur d'âge à savoir être né le … à …. Suite aux doutes évidents exprimés par le Service de Police Judiciaire par rapport à votre minorité, vous avez finalement admis que vous seriez en effet né le …, ayant ainsi l'âge de … ans alors que votre frère aurait payé un fonctionnaire pour qu'il vous fabrique un acte de naissance falsifié dans le but d'avoir plus de chances dans votre demande de protection internationale.
Monsieur, il résulte aussi des recherches effectuées dans la base de données « EURODAC » le jour de l'introduction de votre demande de protection internationale, le 13 février 2024, que vous avez franchi irrégulièrement la frontière italienne en date du 27 décembre 2023.
Dans la même lignée, vous avez quitté le territoire italien sans prévenir les autorités italiennes, raison pour laquelle celles-ci ont émis un signalement de recherche dans la base de données SIS à votre encontre au motif que vous étiez un mineur disparu. En effet, à votre arrivée en Italie, vous avez déclaré être né le …, vous présentant de manière trompeuse comme un mineur non accompagné.
Monsieur, vous avez été convié à réaliser un entretien individuel sur les motifs sous-
tendant votre demande de protection internationale en date des 5 et 19 novembre 2024.
2.
Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Monsieur, vous déclarez vous nommer (A), être né le … à … au Cameroun, être de nationalité camerounaise, d'ethnie Bamiléké, de confession chrétienne et avoir dernièrement vécu dans le quartier de … à … au Cameroun jusqu'en juillet 2023.
D'une part, vous expliquez qu'en cas de retour dans votre pays d'origine, vous ne pourriez pas poursuivre vos études car vous feriez partie d'une famille de six enfants et votre père, qui n'aurait plus d'emploi, ne pourrait pas subvenir à vos besoins académiques. Ainsi, vous aimeriez pouvoir poursuivre vos études au Luxembourg et obtenir votre baccalauréat, ce qui vous permettrait de soutenir économiquement votre famille au Cameroun.
2D'autre part, vous expliquez qu'en cas de retour dans votre pays d'origine, vous craindriez d'être persécuté par vos anciens camarades du gang des « Microbes », groupe au sein duquel vous auriez été actif depuis avril 2023 après avoir fait la connaissance d'un certain (B), lequel vous aurait forcé à rejoindre ses rangs, puisque vous auriez une importante dette financière envers lui. Vous soulignez qu'il ne vous aurait pas laissé d'autre choix que de vous acquitter de votre dette envers lui que de rejoindre le groupe des « microbes » et de participer à leurs délits, y compris les vols et les cambriolages organisés.
Lors d'une de vos missions, vous auriez dépouillé une femme qui aurait été en train de faire un transfert d'argent. Des passants présents auraient remarqué la situation et seraient intervenus pour la défendre. Dans l'agitation, l'un de vos camarades aurait été tué par la foule.
Tenant compte des conséquences, vous auriez pensé que vous finiriez « comme lui, ou en prison » (p.14/19 du rapport d'entretien). Cette peur de se retrouver en prison résulte du fait que vous auriez participé à des vols et que la police pourrait vous arrêter lors d'une de vos sorties, dans la mesure où elle ne saurait pas que vous auriez été contraint de commettre ces actes.
Lors d'une mission ultérieure, vous auriez volé une grosse somme d'argent - 300 000 CFA -, (B) vous ordonnant de ramener l'argent le lendemain. Au lieu de le retrouver comme convenu, vous seriez rentré chez vous après le cambriolage, auriez pris quelques affaires et seriez « parti vers une ou deux heures du matin à l'auberge […] c'était vers … […] c'était loin, c'est la sortie de … » (p.15/19 du rapport d'entretien).
En ce qui concerne votre décision de quitter le Cameroun après cet incident, vous précisez : « Le même jour, j'ai appelé mon ami en Tunisie, il m'a dit de prendre cet argent et de quitter le pays. Si je reste là-bas, je vais mourir, ils vont me tuer. Le lendemain, vendredi, je n'avais pas de bus pour partir […]. C'est le samedi que j'ai reçu le contact du passeur, lorsque j'étais dans le bus. » (p.9/19 du rapport d'entretien).
Par la suite, vous auriez financé votre voyage vers l'Algérie avec l'argent volé. Après avoir passé deux à trois semaines en Algérie, vous auriez séjourné illégalement pendant trois mois en Tunisie, avant de prendre un bateau pour l'Italie en date du 25 décembre 2023.
Vous ne vous seriez d'ailleurs jamais installé dans une autre ville, respectivement région de votre pays d'origine, bien que « la dernière fois, j'y ai pensé », étant donné qu'il « faut préparer un logement pour s'installer ailleurs, je n'aurais pas eu les moyens pour m'installer ailleurs. » (p.17/19 du rapport d'entretien).
A l'appui de votre demande de protection internationale, vous présentez une photo de votre acte de naissance.
3.
Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer, Monsieur, que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :
« a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les 3conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale; » Tel qu'il ressort de l'analyse de votre demande de protection internationale ci-dessous développée, il s'avère que le point a) de l'article 27 se trouve être d'application pour les raisons étayées ci-après.
4.
Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale A.
A. Quant à la crédibilité de vos déclarations Il y a lieu de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits ainsi que des craintes d'être victime de persécutions ou d'atteintes par lui alléguées, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre les autorités en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.
Or, la question de crédibilité se pose dans votre cas alors qu'il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la Loi de 2015.
Dès lors, la sincérité de vos propos et par conséquent la gravité de votre situation dans votre pays d'origine doit être réfutée pour les raisons suivantes.
Premièrement, il convient de constater que des doutes persistent quant à votre véritable identité alors que vous restez en défaut d'apporter un quelconque document authentique permettant d'établir votre identité et plus précisément votre date de naissance. En effet, le jour de l'introduction de votre demande de protection internationale vous avez affirmé être né le … en présentant une photo d'un acte de naissance. Lors d'un contrôle effectué dans le système d'information Schengen (SIS), il ressort également que vous avez indiqué en Italie être né le ….
Or, lors de votre entretien avec l'agent de police, vous avez ensuite reconnu avoir sciemment fourni une fausse date de naissance lors de l'introduction de votre demande de protection internationale pour vous faire passer pour un mineur non accompagné : « Quand je suis arrivé en Europe, des personnes m'ont dit que ce serait plus facile pour moi si je déclarais que je suis mineur. » (p.3/19 du rapport d'entretien). Cette stratégie, que vous avez admise, visait à obtenir des avantages procéduraux, tels vos dires « (…) ich hätte als Minderjähriger viele Vorteile ».
De plus, force est de constater que vous avez donc utilisé au total trois dates de naissance différentes, puisque vous avez déclaré aux autorités italiennes que vous étiez né le …, puis lors de l'introduction de votre demande au Luxembourg, vous avez faussement indiqué la date du …, avant d'admettre finalement que votre date de naissance serait en réalité le …. Une telle manipulation compromet la confiance dans l'ensemble de vos affirmations et démontre une volonté de tromper les autorités compétentes. Force est donc de conclure que vous ne jouez 4pas franc-jeu et que vous changez d'identité, respectivement de dates de naissance comme bon vous semble, ce qui ne saurait être un comportement acceptable et ce qui permet de valablement mettre en doute la crédibilité de vos dires à cet égard.
Ce constat est corroboré par le fait que vous n'avez remis aucun document officiel - à part la photo de votre acte de naissance -, pour étayer vos propos. Vous avez à peine expliqué : « J'ai perdu mon récépissé quand j'ai voyagé pour venir ici » (p.2/19 du rapport d'entretien), mais vous n'avez pas pris d'initiatives concrètes pour fournir d'autres documents, malgré une demande explicite des autorités et que vous affirmez être encore en contact avec vos parents et votre famille, lesquels auraient pu vous envoyer un quelconque document corroborant votre identité. Par exemple, bien que vous ayez affirmé que l'original de votre acte de naissance se trouverait chez votre frère au Cameroun depuis le jour de l'introduction de votre demande, celui-ci n'a toujours pas été transmis : « J'ai demandé à mon frère de me l'envoyer, mais il cherche un moyen de l'envoyer » (p.3/19 du rapport d'entretien). Cette inaction traduit un manque de coopération qui affaiblit la crédibilité de vos déclarations. En outre, l'existence de votre acte de naissance au Cameroun est en contradiction avec votre déclaration sur la fiche de données personnelles déclarées, dans laquelle vous indiquez que vous ne possédez aucun document de quelque nature que ce soit (carte d'identité, acte de naissance, acte de mariage, certificat de résidence, etc.) Deuxièmement, il convient de relever que sur votre fiche des motifs et lors de votre entretien avec le Service de Police Judiciaire en date du 13 février 2024, vous avez affirmé que votre départ du Cameroun était motivé par des raisons économiques et éducatives. Vous avez notamment déclaré : « Ich habe den Kamerun verlassen, da mein Vater kein Geld mehr hatte, damit ich die Schule besuchen kann. Ich möchte meine Schule beenden, um dann meiner Familie zu helfen. » (p.3/3 du rapport du Service de Police Judiciaire). Pareil constat s'impose concernant vos déclarations que vous notez sur votre fiche des motifs : « mon père n'avait plus de moyens de me renvoyer à l'école (…) je suis entré dans la vie active mais je voulais continuer mes études pour pouvoir (…) ». Cependant, lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous avez indiqué que votre départ était dû à des menaces graves provenant d'un groupe criminel nommé « les microbes », élément dont vous n'avez perdu mot lors des différentes phases de procédure en amont de votre entretien. Or, ce revirement soulève des doutes considérables quant à la crédibilité de vos motifs de fuite. S'il est certes compréhensible que vous n'ayez pas pu détailler tous vos problèmes afférents à votre départ, force est cependant de constater que vous auriez néanmoins pu mentionner immédiatement un tel danger aussi grave. En effet, alors qu'il est évident qu'on n'attend que votre fiche de motifs soit exhaustive on peut néanmoins s'attendre à ce que vous restiez cohérent sur les éléments principaux de votre demande, respectivement que vous mentionnez dès le début les réelles raisons de votre départ, ce qui n'a pourtant pas été votre cas. Partant, ce constat jette une ombre sur la sincérité de vos affirmations.
Troisièmement, et dans la continuité de ce qui précède, force est de relever que vos déclarations en ce qui concerne votre prétendue crainte liée au groupe de criminels « les microbes » sont parsemées d'incohérences, rendant votre crainte d'autant plus peu crédible.
En effet, vous affirmez que le groupe « les microbes » vous aurait menacé de mort si vous ne participiez pas à leurs activités criminelles, déclarant : « Ils me disaient que s'ils me laissent partir, j'allais les trahir et que je devais continuer à travailler pour eux, sinon ils allaient me tuer » (p.9/19 du rapport d'entretien). Cependant, plusieurs éléments de votre récit contredisent cette assertion.
5D'une part, vous avez indiqué qu'après un de vos cambriolages en juillet 2023, il vous aurait été permis de prendre une importante somme d'argent - 300 000 francs CFA - chez vous, sans surveillance ni opposition, avant de prétendument devoir la remettre au groupe le lendemain (p.15/19 du rapport d'entretien). Il est surprenant que vous ayez été autorisé à emporter cette somme dans un contexte où vous affirmez être sous constante menace et accusé de risquer la trahison. Cela suggère un niveau de confiance de la part du groupe envers vous qui est difficilement compatible avec votre description d'une menace imminente.
De plus, vous avez précisé que, lors des sorties de vol, une partie de l'argent dérobé vous était remise, bien que (B) « gardait une partie pour lui » (p.13/19 du rapport d'entretien).
Un tel traitement, où un membre menacé et prétendument contraint reçoit un bénéfice direct des activités, est difficilement cohérent avec l'idée d'une menace sérieuse et d'une volonté de vous tuer à la moindre tentative de trahison.
En outre, vous avez affirmé que votre famille n'a jamais subi de représailles, bien que vous ayez quitté le groupe avec une somme d'argent importante et que vous ayez cessé tout contact avec eux. Vous avez déclaré : « ils me disaient que si j'allais à la police ou si j'essayais d'aller dans une autre ville, ils tueraient un membre de ma famille » (p.12/19 du rapport d'entretien). Pourtant, vous indiquez que votre famille est bien restée en sécurité, ce qui semble incompatible avec les menaces graves que vous dites avoir reçues et le fait d'avoir cessé tout contact avec eux, auquel cas vous ne seriez pas au courant du fait que votre famille serait désormais en sécurité.
Quatrièmement, votre raisonnement sur les causes pour lesquelles vous ne vous êtes pas installé dans une autre région afin de sortir pour de bon du groupe des « microbes » reste fortement douteux. Vous vous bornez en effet à affirmer que vous y auriez pensé, mais que cela aurait été économiquement trop difficile : « […] il faut préparer un logement pour s'installer ailleurs, je n'aurais pas eu les moyens de m'installer ailleurs » (p.17/19 du rapport d'entretien).
Cette approche n'est cependant pas celle d'une personne en danger imminent qui serait prête à partir le plus rapidement possible pour se mettre à l'abri avant d'entreprendre finalement des démarches pour abandonner son pays.
Finalement, vous avez traversé plusieurs pays sûrs - notamment l'Italie, la Suisse et la France - sans y demander une protection internationale. Vous avez justifié ce comportement par des considérations de confort, déclarant : « A cause des conditions de vie. Nous étions mal logés et mal nourris » (p.8/19 du rapport d'entretien). Cependant, cette justification n'est pas compatible avec le comportement attendu d'une personne réellement en danger. En règle générale, une personne fuyant un danger grave introduit une demande de protection dans le premier pays sûr où elle arrive et ce dans les délais les plus brefs, ce que vous manquez de faire. Votre choix de rejoindre le Luxembourg semble par conséquent davantage motivé par des considérations personnelles, respectivement économiques, que par une urgence à échapper à un danger imminent. Compte tenu de tous les points susmentionnés, les raisons de votre fuite et votre récit dans son ensemble ne sont donc pas jugés crédibles.
A titre subsidiaire, et quand, bien même à accorder un brin de crédibilité à vos dires et votre motif de fuite lié aux « microbes », quod non, il échet de constater que vous ne remplissez, ni les conditions pour l'octroi du statut de réfugié, ni celles pour l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire pour les raisons ci-après développées.
6B. Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».
L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.
Premièrement, il convient de rappeler qu'il ressort de votre dossier administratif qu'en cas de retour dans votre pays d'origine, vous craindriez de ne pas pouvoir poursuivre votre éducation, étant donné que votre famille ne serait pas en mesure de vous soutenir financièrement afin que vous puissiez obtenir votre baccalauréat.
En ce qui concerne ce premier motif de fuite, force est de constater qu'il ressort de manière claire et inéquivoque que cette première raison qui vous aurait motivé à introduire une demande de protection internationale au Luxembourg est de nature purement personnelle, dans la mesure où vous souhaiteriez avoir la possibilité d'évoluer dans un environnement meilleur, où les conditions de vie sont plus avantageuses, avec un accès à une éducation structurée.
Or, il convient de noter que les faits dont vous faites état ne relèvent pas du champ d'application de la Convention de Genève, étant donné qu'il n'existe aucune crainte de persécution en raison de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de vos opinions politiques, ou de votre appartenance à un groupe social. Le fait que les chances d'éducation au Cameroun seraient moindres et moins abordables ne sauraient suffire pour que vous vous voyez accorder le statut de réfugié tenant compte que lesdites craintes ne sont pas en lien avec l'un des cinq motifs de fond de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
Force est alors également de constater que ces faits respectivement que cette volonté que vous décrivez ne revêt manifestement pas un degré de gravité suffisant tels qu'ils puissent être assimilés à un acte de persécution ou à une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
Deuxièmement, il convient de noter que vous craindriez également subir des représailles de la part de vos anciens camarades du groupe des « microbes ». Or, ce motif de fuite ne relève pas non plus du champ d'application de la Convention de Genève, alors que 7votre crainte n'est aucunement liée à vos opinions politiques, votre race, votre religion, votre nationalité ou votre appartenance à un groupe social.
Dans ce contexte, force est de constater que les problèmes respectivement les faits que vous décrivez ne revêtent pas non plus un degré de gravité suffisant tels qu'ils puissent être assimilés à des actes de persécution ou à une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
En effet, vos affirmations à cet égard sont non-corroborées, vagues et imprécises, de sorte qu'il s'agit plutôt d'une crainte hypothétique, voire non-réelle alors qu'il est totalement dérisoire que vos anciens camarades de gang s'en prennent à vous. En effet, il convient de souligner que pendant des mois, vous avez continué à fréquenter votre groupe de « microbes » sans qu'ils n'agissent et ce alors même que vous évoquez avoir subi de nombreuses menaces de leur part. Il ressort également de votre récit qu'ils vous ont fait confiance, puisqu'ils vous ont laissé partir avec une forte somme d'argent. En outre, après votre départ précipité, nul n'a troublé votre famille qui, d'après vous, se porte bien : « Pour le moment ça va, grâce à Dieu.
Mon père a retrouvé un travail. Mon grand frère, qui est sorti de prison, travaille et gagne un peu d'argent. » (p.15/19 du rapport d'entretien) Ainsi, force est de relever que les menaces, respectivement les actes d'intimidations que vous auriez subis ne revêtent pas un degré de gravité tel à pouvoir être considérées comme des actes de persécutions puisque lesdites menaces verbales n'ont pas été suivies d'une action concrète quelconque. Votre crainte de subir des représailles futures constitue tout au plus un sentiment général d'insécurité, qui ne saurait pas justifier dans votre chef l'octroi du statut de réfugié.
En outre, même à supposer que vos différents problèmes avec votre groupe des « microbes » seraient à qualifier d'actes de persécution motivés par un des cinq motifs de fond de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, quod non, il convient de constater que s'agissant d'actes émanant de personnes privées, ceux-ci peuvent être considérés comme fondant une crainte légitime uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités camerounaises.
Or, vous n'avez pas porté plainte contre les agissements du groupe parce qu'ils vous auraient menacé : « Ils me disaient que si j'allais à la police ou si j'essayais d'aller dans une autre ville, ils tueraient un membre de ma famille » (p.12/19 de votre rapport d'entretien). Ainsi, vous n'avez pas jugé opportun de solliciter la protection des autorités de votre pays, affirmant que : « J'avais peur que quelque chose arrive à ma famille et à moi-même » (p. 16/19).
Pourtant, vous avez également reconnu que la police camerounaise avait déjà auparavant arrêté de nombreux membres de ce groupe, affirmant : « J'ai demandé à mon frère s'il avait des nouvelles, il m'a dit que la police avait arrêté beaucoup de personnes et on entendait moins parler des microbes » (p. 16/19). Or, force est de constater que si les autorités de votre pays prennent des mesures contre ce groupe, il aurait été attendu que vous cherchiez d'abord à vous protéger en sollicitant leur aide ou en vous installant dans une autre région. Ainsi, vous avez vous-même choisi de ne rien entreprendre à ce sujet et votre justification n'emportant aucune conviction alors que vous ne sauriez-vous retrancher derrière votre propre inaction pour reprocher une quelconque défaillance, respectivement absence d'action et de protection aux autorités camerounaises compétentes, qui œuvrent activement pour essayer d'endiguer le phénomène criminel du groupe surnommé « les microbes ».
8Par conséquent, si jamais, après votre retour au Cameroun, vous deviez être à nouveau confronté à des menaces proférées par le groupe des « microbes », il vous appartiendrait désormais de vous adresser aux autorités camerounaises, notamment policières, ou à une autre autorité aux fins de trouver une protection, une aide ou une solution à vos problèmes.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.
L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous fondez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié.
Or, et tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité ou encore que les autorités camerounaises seraient dans l'impossibilité de vous offrir, respectivement accorder une quelconque protection.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d'une procédure accélérée. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 janvier 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation (i) de la décision du ministre du 14 janvier 2025 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, (ii) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et (iii) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
9Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 14 janvier 2025, telles que déférées. Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.
A l’appui de son recours et quant à la décision du ministre de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur, après avoir cité les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, fait valoir que le recours à la procédure accélérée résulterait d’une interprétation erronée des éléments qu’il a invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale. Il ajoute avoir quitté son pays d’origine contre son gré pour les raisons qu’il avait plus amplement exposées lors de son audition par l’agent du ministère et dont il estime qu’elles auraient toute leur pertinence de sorte à échapper à l’application de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015-
En ce qui concerne le refus ministériel de faire droit à sa demande de protection internationale, le demandeur conteste tout d’abord l’évaluation faite de la crédibilité de ses déclarations telle que se dégageant de la décision ministérielle déférée. Il estime que l’analyse ministérielle reposerait sur des éléments qui ne prendraient pas suffisamment en compte sa situation personnelle et individuelle ni les contextes spécifiques dans lesquels ses déclarations auraient été effectuées.
Pour ce qui est plus particulièrement du reproche ministériel suivant lequel il ne justifierait d’aucun document prouvant son identité, le demandeur donne à considérer qu’il aurait volontairement admis ne pas être un mineur sans n’avoir jamais tenté de dissimuler des informations concernant son âge ou son identité. Il estime qu’en tout état de cause l’absence de documents d’identité ne constituerait pas en soi la preuve d’un manque de crédibilité ce d’autant plus en tenant compte des circonstances dans lesquelles il aurait dû quitter son pays d’origine.
Le demandeur conteste ensuite qu’il y aurait des contradictions entre ses déclarations initiales devant la police grand-ducale et celles faites lors de son audition par un agent du ministère, tout en précisant que ses déclarations initiales n’auraient été qu’un résumé sommaire des faits, tandis que l’audition lui aurait permis de fournir des explications plus détaillées et contextualisées.
Il continue en soulignant avoir expliqué avoir été contraint, par manque de moyens et de perspectives, de rejoindre un gang de criminels et que ce serait cette situation qui lui aurait valu des menaces constantes pour le forcer à coopérer avec ledit gang. Le demandeur estime que ce serait à tort que le ministre aurait jugé que son récit manquerait de crédibilité en raison des quelques avantages qu’il avait déclaré avoir reçus de la part de ce groupe. Il est, en effet, d’avis que cette analyse ignorerait la dynamique propre aux organisations criminelles qui serait empreinte d’intimidations et de menaces lesquelles coexisteraient avec des avantages stratégiques, le tout dans le but de renforcer la situation de vulnérabilité et de dépendance des membres faisant partie dudit groupe.
10Le demandeur reproche encore au ministre d’avoir évoqué la possibilité pour lui de s’installer dans une autre région du Cameroun et ce alors même qu’eu égard aux conditions sociales existant dans ledit pays, toute réinstallation serait impossible sans aide extérieure.
Enfin, le demandeur insiste sur le fait que comme il n’aurait été que peu informé des règles relatives aux demandes de protection internationale il ne saurait lui être valablement reproché d’avoir traversé plusieurs pays sûrs avant de demander une protection internationale au Luxembourg. Il aurait, en effet, simplement cherché à se trouver dans une situation géographique et administrative qu’il estimait favorable pour déposer une demande de protection internationale sans que cette circonstance ne puisse être interprétée comme entachant son récit d’un manque de crédibilité.
Au vu de ces considérations, le demandeur est d’avis que l’analyse ministérielle reposerait sur des préjugés et une lecture partielle des faits mais pas sur une évaluation approfondie et individualisée de sa situation, de sorte qu’il y aurait lieu de réformer la décision ministérielle sous analyse et de procéder à une réévaluation complète et impartiale de ses déclarations et de sa situation.
En ce qui concerne concrètement le refus ministériel de lui accorder le statut de réfugié, le demandeur, après avoir cité l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, reproche au ministre d’avoir fait une interprétation erronée des faits l’espèce en retenant qu’il ne remplirait pas les conditions imposées par ladite disposition légale. Il estime, en effet, que les agissements dont il déclare avoir été victime de la part d’un groupe mafieux dans son pays d’origine et qui auraient pris la forme notamment de pressions physiques, de menaces et d’actes d’intimidation ayant visé à l’obliger à coopérer avec ledit groupe criminel auraient atteint un seuil de gravité suffisant pour être qualifiés de persécutions au sens de la loi. Tout en admettant avoir déclaré vouloir vivre dans de meilleures conditions, le demandeur insiste sur le fait que ces déclarations devraient être analysées dans leur contexte et être considérées comme secondaires par rapport à sa volonté première de fuir des persécutions. Il ajoute qu’il ne faudrait pas perdre de vue que son pays d’origine serait marqué par une quasi-absence de l’Etat de droit et par l’incapacité des autorités à assurer une protection des citoyens face aux groupes criminels, situation qui serait aggravée par des luttes de pouvoir internes et l’affaiblissement du chef de l’Etat. A cela s’ajouterait le climat général régnant dans son pays d’origine lequel serait caractérisé par des violations massives et constantes des droits fondamentaux qui l’empêcheraient d’y vivre en sécurité ou de trouver une solution alternative dans une autre région de son pays.
Pour ce qui est du refus ministériel de lui accorder le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur fait valoir que sa situation personnelle telle qu’exposée lors de son audition par un agent du ministère tomberait dans le champ d’application de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015, ce d’autant plus que « les groupes criminels de microbes », à l’origine des agissements qu’il déclare avoir subis, seraient à considérer « comme des acteurs » au sens de la loi.
A l’appui de son recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, le demandeur affirme qu’au vu des considérations qui précèdent, il serait impossible de procéder à son éloignement forcé vers son pays d’origine.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours en ses trois volets.
11Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.
Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer. », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.
A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.
Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.
Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.
1) Quant à la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant d’abord de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, la soussignée relève que cette dernière décision a été prise sur base des dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :
a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; […] ».
Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.
Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, 12paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.
Afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
En outre, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
13 (2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f), à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 précité ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
En l’espèce, indépendamment de la question de la crédibilité de son récit, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène la soussignée à conclure qu’il reste manifestement en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécutions du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015.
En effet, la soussignée rejoint tout d’abord le ministre dans son constat que les motifs avancés par le demandeur aussi bien devant l’agent du service de police judiciaire, à savoir qu’il aurait quitté le Cameroun pour pouvoir terminer ses études1, ainsi que dans sa fiche de motifs manuscrite, où il a indiqué que son père n’aurait plus eu les moyens financiers pour l’envoyer à l’école, mais qu’il aurait voulu continuer ses études et obtenir le baccalauréat afin de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, sont à l’évidence de nature économique et de convenance personnelle. Or, des motifs d’ordre économique ou de convenance personnelle ne sauraient manifestement justifier l’octroi du statut de réfugié pour ne pas être fondés sur un des critères visés par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-
après désignée par la « Convention de Genève », respectivement par la loi du 18 décembre 2015.
S’agissant ensuite de la crainte du demandeur liée au groupe de délinquants appelés « microbes », la soussignée se doit de constater qu’il n’a aucunement avancé que ses craintes en relation avec ledit groupe seraient liées à l’un des critères prévus par la Convention de 1 Rapport de police grand-ducale du 13 février 2024 : « Ich habe den Kamerun verlassen, da mein Vater kein Geld mehr hatte, damit ich die Schule besuchen kann. Ich möchte meine Schule beenden um dann meiner Familie zu helfen. ».
14Genève, respectivement par l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015. En effet, il se dégage de ses déclarations, ainsi que de sa requête introductive d’instance que le demandeur a affirmé avoir fait l’objet de violences et de menaces de la part de membres dudit groupe d’abord pour qu’il coopère avec eux, ce qu’il explique avoir fait à partir de fin avril 20232, et ensuite pour qu’il continue à coopérer avec eux, le demandeur craignant plus particulièrement de subir des représailles de la part de ce même groupe en cas de retour dans son pays d’origine pour avoir quitté ses rangs malgré ces menaces.
Au vu de ces considérations, la soussignée est amenée à conclure que le demandeur doit être considéré comme n’ayant manifestement soulevé que des faits sans pertinence dans le cadre de sa demande d’octroi du statut de réfugié.
En ce qui concerne l’analyse du ministre selon laquelle le demandeur n’aurait présenté que des faits sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante dans le cadre de sa demande de protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 précités de la même loi, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.
Les conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut conféré par la protection subsidiaire.
Force est de constater qu’en l’espèce, le demandeur n’allègue pas risquer de subir, dans son pays d’origine, le Cameroun, la peine de mort ou l’exécution au sens de l’article 48 point a) de la loi du 18 décembre 2015.
En ce qui concerne les motifs d’ordre économique et de convenance personnelle à la base de la demande de protection internationale du demandeur, il y a lieu de relever que l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 se réfère à des traitements ou des sanctions « infligés », tandis que l’article 39 de la même loi énumère les acteurs des persécutions et des atteintes graves, de 2 Page 12 du rapport d’entretien.
15sorte à nécessiter une intervention, une responsabilité humaine et à exclure de son champ d’application l’éventualité d’ « atteintes graves » lorsqu’aucun acteur ne peut en être tenu responsable. Il en résulte que l’état de précarité, en l’absence de toute circonstance permettant de déduire qu’il aurait été infligé ou qu’il résulterait d’une intervention directe ou indirecte humaine, ne constitue manifestement pas un motif valable d’obtention de la protection subsidiaire au sens de la loi du 18 décembre 2015.
Quant à la crainte du demandeur de retourner dans son pays d’origine en relation avec le groupe criminel appelé les « microbes », la soussignée se doit de relever qu’outre le fait que les déclarations de l’intéressé au sujet des menaces et coups qu’il affirme avoir reçus restent particulièrement vagues, l’intéressé n’étant même pas en mesure de donner les noms des membres du groupe à leur origine, la soussignée relève surtout que le demandeur a lui-même déclaré lors de son audition que depuis son départ de son pays d’origine en juillet 2023, il n’a plus eu aucune nouvelle dudit groupe et que sa famille n’avait, par ailleurs, jamais été importunée par des membres de celui-ci3. Or, il doit être admis que si les membres dudit groupe avaient effectivement eu l’intention de se venger après qu’il avait quitté leurs rangs, ils auraient à l’évidence cherché à approcher les membres de sa famille restés au Cameroun pour s’enquérir à son sujet, voire, face au constat de son absence, pour proférer des menaces à leur encontre. Il s’ensuit que la crainte du demandeur en relation avec le groupe criminel en cause doit à l’évidence s’analyser comme étant purement hypothétique, respectivement comme reflétant davantage un sentiment général d’insécurité.
Au vu de ce qui précède et à défaut pour le demandeur d’avoir apporté un quelconque élément concret et tangible à cet égard dans le cadre de sa requête introductive d’instance, force est de conclure que c’est manifestement à bon droit que le ministre a pu constater que l’intéressé n’a pas établi un risque réel et sérieux pour lui de subir dans son pays d’origine des actes d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiés d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015.
Par ailleurs, force est à la soussignée de constater que le demandeur n’a à l’évidence apporté aucune raison valable de penser que ses droits les plus élémentaires seraient bafoués en cas de retour dans son pays d’origine sans que les autorités de ce pays ne puissent, respectivement ne veuillent lui fournir une protection appropriée.
A cet égard, il y a lieu de préciser que l’une des conditions d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire est celle de la preuve, à fournir par le demandeur de protection internationale, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.
En l’espèce, dans la mesure où les membres de la bande criminelle des « microbes » doivent, de façon non contestée, être considérés comme étant des personnes privées, il appartient au demandeur de rapporter la preuve que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection contre les agissements desdites personnes.
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16La soussignée précise, dans ce contexte, qu’une protection n’est suffisante que si les autorités étatiques ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée. Cela inclut la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des atteintes graves, sans cependant que cette exigence n’impose pour autant un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux, la notion de protection de la part du pays d’origine n’impliquant en effet pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais supposant des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion4. Des atteintes graves ne sauraient être admises dès la commission matérielle d’un acte criminel mais seulement dans l’hypothèse où les actes de violence physique ou verbale commis par une personne seraient encouragés ou tolérés par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d’offrir une protection appropriée.
A cet égard, il convient encore de souligner l’importance de rechercher la protection des autorités du pays d’origine puisqu’à défaut d’avoir au moins tenté de solliciter une forme quelconque d’aide, un demandeur de protection internationale ne saurait reprocher aux autorités étatiques une inaction volontaire ou un refus de l’aider.
En effet, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a lui-même pas tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence de menaces et d’agressions physiques, communément la forme d’une plainte.
En l’espèce, la soussignée constate qu’il n’est manifestement pas établi que, dans son pays d’origine, le demandeur ne pourrait pas obtenir une protection étatique appropriée contre les agissements dont il craint d’être victime de la part des « microbes ».
En effet, il se dégage des propres déclarations du demandeur que la police camerounaise n’est pas inactive face aux agissements des « microbes », mais qu’au contraire son frère l’a informé que pendant son absence de nombreux membres de ce gang avaient été arrêtés et « qu’on entendait moins parler des microbes »5. Comme les autorités camerounaises prennent dès lors des mesures contre ce groupe de criminels, le demandeur ne fournissant d’ailleurs pas un quelconque élément tangible permettant de retenir le contraire, l’intéressé ne saurait à l’évidence se retrancher derrière le seul fait qu’il craindrait que lui-même et sa famille fassent l’objet de représailles pour justifier son inaction à rechercher une protection contre ceux-ci. Ce constat s’impose d’autant plus que, tel que relevé ci-avant, les membres de sa famille n’ont jamais été importunés par les membres dudit groupe depuis son départ de son pays d’origine.
La soussignée relève également que la crainte du demandeur de faire lui-même l’objet de 4 Trib. adm., 13 juillet 2009, n° 25558 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 157 et les autres références y citées.
5 Page 16 du rapport d’entretien.
17poursuites de la part de la police pour avoir participé à des vols avec les « microbes » n’est à l’évidence pas non plus de nature à justifier son inaction.
Dans ces conditions, le demandeur n’est manifestement pas fondé à soutenir péremptoirement que les autorités camerounaises ne seraient pas disposées ou ne pourraient pas lui accorder une protection adéquate s’il devait être confronté à de nouvelles menaces ou violences de la part des « microbes » en cas de retour dans son pays d’origine.
S’agissant finalement de la crainte non autrement corroborée mise en avant par le demandeur pour la première fois dans le cadre du recours sous analyse par rapport à la situation générale régnant dans son pays d’origine6, celle-ci doit à l’évidence s’analyser en un sentiment général d’insécurité insuffisant pour établir l’existence, dans son chef, d’une crainte fondée de subir des atteintes graves, le demandeur ne faisant, dans ce contexte, état d’aucun élément personnel permettant de retenir le contraire, étant encore relevé que l’intéressé n’allègue pas que la situation dans son pays d’origine serait telle qu’elle serait de nature à tomber dans le champ d’application de l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’il risquerait d’être victime de menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence aveugle du fait d’un conflit armé régnant dans son pays d’origine.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le demandeur ne fait manifestement pas non plus état d’une crainte fondée d’être victime d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 en cas de retour au Cameroun.
Dans ces circonstances, la soussignée conclut que c’est manifestement à bon droit que le ministre a estimé que les faits invoqués par le demandeur à la base de sa demande de protection internationale sont sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale.
Il s’ensuit que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée sur base de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 est à déclarer manifestement infondé.
2) Quant à la décision du ministre portant refus d’une protection internationale S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur une protection internationale, la soussignée retient, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre du volet du recours visant la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée, que les faits invoqués par ce dernier ne justifient manifestement pas l’octroi d’un statut de protection internationale, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé de faire droit à la demande afférente du demandeur.
6 Page 4/6 du recours : « Le climat général est également caractérisé par des violations massives et constantes des droits fondamentaux, ce qui le place dans l’impossibilité de vivre en sécurité ou de trouver une solution alternative dans une autre région de son pays. ».
18Dès lors, le recours dirigé contre la décision du ministre portant refus d’accorder au demandeur une protection internationale est à rejeter pour être manifestement infondé.
Il s’ensuit que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.
3) Quant à la décision du ministre portant ordre de quitter le territoire Finalement, quant à la décision portant ordre de quitter le territoire, il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, et que c’est partant à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, impliquant qu’il a, à bon droit, pu retenir que le retour de celui-ci dans son pays d’origine ne l’expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est, à son tour, à rejeter comme étant manifestement infondé.
Par ces motifs, le vice-président, présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 14 janvier 2025 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre celle portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;
déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 27 février 2025 par la soussignée Alexandra Castegnaro, vice-président au tribunal administratif, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 19