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19/02/2025 | LUXEMBOURG | N°52362R

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 février 2025, 52362R


Tribunal administratif N° 52362R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52362R Inscrit le 12 février 2025 Audience publique du 19 février 2025 Requête en instauration d’un sursis à exécution introduite par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 52362R du rôle et déposée le 12 février 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Mar

cel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au no...

Tribunal administratif N° 52362R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52362R Inscrit le 12 février 2025 Audience publique du 19 février 2025 Requête en instauration d’un sursis à exécution introduite par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de police des étrangers

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 52362R du rôle et déposée le 12 février 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Sénégal), de nationalité sénégalaise, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à l’instauration d’un sursis à exécution par rapport à une décision de retour du ministre des Affaires intérieures du 9 janvier 2025, comportant une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans, un recours en annulation, sinon en réformation ayant été par ailleurs introduit au fond contre la décision ministérielle du 9 janvier 2025 par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 52361 du rôle ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées et notamment la décision déférée ;

Maître Magatte DIOP, en remplacement de Maître Marcel MARIGO, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 février 2025.

En date du 9 janvier 2025, Monsieur (A) fit l’objet d’un contrôle d’identité par des agents de la police grand-ducale lors duquel il présenta un passeport sénégalais sans visa valable.

Par arrêté du 9 janvier 2025, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par le « ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur (A) au Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir le Sénégal, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, et lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans à partir de la sortie de l’Espace Schengen.

Ledit arrêté est fondé sur les considérations et motifs suivants :

« […] Vu les articles 100 et 109 à 115 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu le rapport numéro … du 9 janvier 2025 établi par la Police grand-ducale ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un visa en cours de validité ;

Considérant que l’intéressé ne justifie pas l’objet et les conditions du séjour envisagé ;

Considérant que l’intéressé n’est ni en possession d’une autorisation de séjour valable, ni d’une autorisation de travail ;

Que par conséquent il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé ;

Arrête :

Art. 1er.- La personne nommé (A), née le … à … / Sénégal et de nationalité sénégalaise, est en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

Art. 2.- L’intéressé devra quitter le territoire, sans délai, à destination du pays dont il a la nationalité, le Sénégal, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité, ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner.

Art. 3.- Copie du présent arrêté est remise à l’intéressé.

Art. 4.- Une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de 3 ans est prononcée à l’égard de l’intéressé à partir de la sortie de l’espace Schengen. ».

Par arrêté séparé du 9 janvier 2025, notifié à l’intéressé en mains propres à la même date, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question.

Par courrier du 13 janvier 2025, les autorités luxembourgeoises demandèrent aux autorités espagnoles la réadmission de Monsieur (A) en application de l’article 6, paragraphe (2) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par la « directive 2008/115/CE », tout en indiquant que l’intéressé était en possession d’un courrier électronique confirmant que sa demande d’autorisation de séjour avait été déposée au service d’immigration espagnol, et en y joignant une photo de son « temporary residence permit for exceptional circumstances ».

Par courrier du 14 janvier 2025, transmis aux autorités luxembourgeoises par courrier électronique le lendemain, les autorités espagnoles refusèrent ladite demande de réadmission de Monsieur (A) au motif que l’intéressé ne disposait pas de titre de séjour espagnol.

Le recours contentieux introduit par Monsieur (A) en date du 17 janvier 2025 contre la décision ministérielle prémentionnée du 9 janvier 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 22 janvier 2025, inscrit sous le numéro 52247 du rôle.

Par arrêté ministériel du 6 février 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre prorogea ladite mesure de placement en rétention pour une durée d’un mois avec effet au 9 février 2025.

Le recours contentieux introduit par Monsieur (A) en date du 11 février 2025 contre la décision ministérielle prémentionnée du 6 février 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 19 février 2025, inscrit sous le numéro 52354 du rôle.

Par requête déposée le 12 février 2025, inscrite sous le numéro 52361 du rôle, Monsieur (A) a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation, à l’encontre de la prédite décision de retour, comportant une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois, datée du 9 janvier 2025.

Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 52362R du rôle, Monsieur (A) a encore fait introduire un recours tendant à voir instituer un sursis à exécution par rapport à cette même décision.

A l’appui de sa requête en institution d’un sursis à exécution, le requérant indique, d’abord, qu’il aurait vécu en Espagne depuis plus de treize ans avec son épouse et sa fille mineure, lesquelles auraient toutes les deux la nationalité espagnole. Il affirme qu’il aurait introduit une demande en obtention d’une « autorisation de séjour temporaire pour circonstances exceptionnelles, plus précisément pour des raisons familiales », pour laquelle il se serait déjà acquitté des frais afférents, et qu’il serait encore en attente de la délivrance de l’autorisation de séjour.

En droit, le requérant explique, après savoir énoncé les conditions légales relatives à l’obtention d’un sursis à exécution prévues à l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désigné par la « loi du 21 juin 1999 », que « la décision ministérielle litigieuse » comporterait un ordre de quitter le territoire du Grand-Duché de Luxembourg sans délai et que « son exécution a[urait] déjà donné lieu [à son] placement […] au Centre de rétention ».

Il ajoute que le ministre aurait décidé, sur base de « la décision litigieuse », d’organiser son éloignement vers le Sénégal et ce en violation de ses droits les plus élémentaires qui seraient garantis par l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après désignée par la « CEDH », par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-

après désignée par la « Charte », ainsi que par l’article 5 de la directive 2008/115/CE.

Après s’être référé plus particulièrement à cette dernière disposition, le requérant donne à considérer qu’il ressortirait des pièces versées en cause, et plus particulièrement du livret de famille, de l’acte de mariage, ainsi que des cartes d’identité de son épouse et de sa fille mineure, qu’il aurait une vie familiale en Espagne. Il ajoute que l’intérêt supérieur de sa fille mineure n’aurait pas été pris en considération lors de la prise de « la décision ministérielle querellée ».

Sur base de ces éléments, le requérant affirme que les conditions visant à obtenir un sursis à exécution seraient remplies en l’espèce.

Il conclut à l’existence d’un risque de préjudice grave et définitif dans son chef au motif que l’exécution de la décision ministérielle engendrerait des conséquences graves et irréversibles dans son chef. Il argumente à cet égard que ladite décision aboutirait inéluctablement à son éloignement vers le Sénégal, ce qui le priverait de la possibilité de rejoindre son épouse et sa fille mineure en Espagne, et ce en violation de son droit à la protection de la vie privée. Le ministre aurait ainsi commis une violation de la loi, sinon une erreur d’appréciation manifeste de sa situation individuelle et réelle.

Par rapport à la condition tenant à l’existence de moyens apparaissant comme sérieux, le requérant affirme qu’il serait « constant que les moyens soulevés en fait et en droit […] à l’appui » de son recours dirigé contre la décision ministérielle du 9 janvier 2025 seraient sérieux et de nature à donner lieu à l’annulation, sinon à la réformation de ladite décision quant au fond. La condition afférente serait ainsi remplie dans son chef.

Dans le cadre de son recours au fond, le requérant reproche, tout d’abord, au ministre d’avoir fait une erreur d’appréciation de sa situation individuelle réelle.

Il souligne que le ministre aurait déclaré son séjour irrégulier sur le territoire du Grand-

Duché de Luxembourg au motif qu’il ne disposerait pas d’un titre de séjour valable délivré par un État membre de l’Union européenne, respectivement par l’Espagne, pays dans lequel il aurait résidé avec sa famille, à savoir son épouse et sa fille mineure. Le ministre aurait motivé son défaut de titre de séjour par le refus des autorités espagnoles de le « reprendre » en vertu de l’article 5, paragraphe (2) de la directive 2008/115/CE, alors qu’il ressortirait pourtant à suffisance du dossier administratif qu’il aurait introduit une demande de titre de séjour auprès de l’Etat espagnol en vue de l’obtention d’un « titre de séjour pour vie privée » et qu’il serait constant que sa demande serait en cours de traitement auprès des autorités espagnoles. Le requérant donne à considérer qu’il serait ainsi impossible de conclure au défaut définitif d’une autorisation de séjour dans son chef avant la prise d’une décision finale par lesdites autorités espagnoles, d’autant plus que sa demande aurait été déclarée recevable et qu’il se serait acquitté du paiement des droits de timbre dus. Le requérant en conclut qu’il ne serait pas établi « à suffisance et objectivement » qu’il ne serait plus autorisé à retourner en Espagne. Il réitère qu’il aurait vécu en Espagne pendant plus de treize ans avec sa famille, à savoir son épouse et sa fille mineure avant son entrée sur le territoire luxembourgeois. Compte tenu de leur nationalité espagnole, rien ne l’empêcherait d’obtenir une réponse favorable à sa demande de « titre de séjour pour raison familiale » en Espagne. Tout en prenant acte du courrier électronique du 15 janvier 2025 des autorités espagnoles refusant sa réadmission au motif qu’il ne disposerait pas de titre de séjour en Espagne, le requérant donne à considérer qu’il ressortirait « sans doute et à suffisance des pièces versées en cause » qu’une demande de titre de séjour aurait été introduite auprès des autorités espagnoles, qu’un numéro de dépôt lui aurait été attribué et que les preuves afférentes auraient été rapportées par ses soins. Le requérant se prévaut, dans ce contexte, d’une violation du principe de minutie et du principe de la bonne administration.

Le requérant conclut, ensuite, à l’annulation, sinon à la réformation de la décision ministérielle déférée pour violation de la loi.

Dans ce contexte, le requérant souligne que la décision déférée aurait été prise sur base des articles 100 et 109 à 115 de la modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », et qu’il aurait été placé au Centre de rétention en vue de son éloignement au Sénégal qui serait, selon le ministre, le seul pays à pouvoir l’accueillir. Il fait valoir que cette conclusion ministérielle serait erronée au motif qu’il ne résulterait d’aucun élément du dossier que les autorités espagnoles auraient pris une décision négative définitive à l’égard de sa demande en obtention d’une « autorisation de séjour temporaire pour motifs exceptionnels, respectivement pour motifs familiaux. ». Il conteste le motif de refus des autorités espagnoles tenant au fait qu’il ne serait pas enregistré dans leurs bases de données, alors qu’il aurait rapporté la preuve de l’introduction d’une demande de titre de séjour, ainsi que la preuve des frais de dossier. Il réitère que le ministre aurait violé les articles 8 de la CEDH, 7 de la Charte et 3 et 5 de la directive 2008/115/CE en ne prenant en compte ni son droit à la vie privée et familiale, ni l’intérêt supérieur de sa fille mineure.

En dernier lieu, le requérant conclut à une violation de l’article 112 de la loi du 29 août 2008 au motif que le ministre n’aurait pas prouvé que les conditions prévues audit article seraient remplies. Tout en citant un extrait de ladite disposition, il insiste sur le fait qu’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée maximale de cinq ans « peut être prononcée » par le ministre, en donnant à considérer qu’il aurait immédiatement collaboré avec les agents de la police grand-ducale en leur remettant son passeport et la preuve de l’introduction de sa demande de titre de séjour auprès des autorités espagnoles. Le requérant en déduit que l’interdiction d’entrée sur le territoire de trois ans prononcée à son encontre résulterait d’une appréciation erronée de sa situation personnelle et d’une application disproportionnée, sinon arbitraire de la loi du 29 août 2008.

Le délégué du gouvernement conclut pour sa part au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales justifiant l’octroi d’un sursis à exécution de la décision ministérielle du 9 janvier 2025 ne serait remplie en cause.

L’absence de moyens sérieux serait caractérisée au motif que le requérant n’aurait pas contesté le caractère irrégulier de son séjour au Luxembourg, mais qu’il se serait borné à contester l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois à destination du Sénégal, lequel ne serait pourtant qu’une conséquence automatique du séjour irrégulier du requérant sur le territoire luxembourgeois. Le ministre aurait, dès lors, été fondé à lui ordonner de quitter le territoire luxembourgeois, non pas à destination de l’Espagne où le requérant ne disposerait pas de titre de séjour, mais vers le pays dont il a la nationalité, le Sénégal.

Le représentant étatique conclut à l’absence de préjudice grave et définitif, en substance, au motif que rien n’empêcherait le requérant de régulariser sa situation administrative en Espagne en vue d’y retourner, voire au Luxembourg après l’expiration du délai de trois ans suivant la sortie de l’Espace Schengen. Il rejette, dans ce contexte, une violation de l’article 8 de la CEDH en renvoyant aux déclarations du requérant, relatées dans le rapport de la police grand-ducale du 9 janvier 2025, suivant lesquelles il aurait justifié son séjour au Luxembourg par le fait de vouloir y « tenter [s]a chance et pour trouver un travail », pour mettre en doute l’existence d’une vie familiale du requérant en Espagne, d’autant plus que son « épouse » ne l’aurait pas accompagné au Luxembourg et qu’il ressortirait des pièces versées par le requérant – par ailleurs non traduites de l’espagnol – qu’il n’aurait pas été marié avec elle. Le délégué du gouvernement se réfère au même rapport du 9 janvier 2025 pour souligner que le requérant aurait encore d’autres enfants au Sénégal dont l’intérêt supérieur devrait, en substance, également être pris en considération.

En vertu de l’article 11 du 21 juin 1999, un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, tandis que le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 12 février 2025 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, elle ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

Concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision litigieuse, il y a, tout d’abord, lieu de rappeler la requête en effet suspensif, en ce qu’elle sollicite le sursis à l’exécution de la décision déférée au fond, s’appuie directement sur les moyens invoqués au fond, sans que ceux-ci ne doivent être repris dans la requête au provisoire1.

Le juge du provisoire est appelé à se référer aux moyens invoqués au fond, même si ceux-ci ne sont pas explicitement développés dans la requête en obtention d’une mesure provisoire2.

En conséquence, le soussigné est appelé à apprécier le caractère sérieux des moyens invoqués par le requérant dans son recours au fond inscrit sous le numéro 52361 du rôle, encore qu’ils n’aient pas été intégralement développés dans la requête en obtention d’un sursis à exécution sous examen.

Ensuite, il convient de rappeler que le juge appelé à apprécier le caractère sérieux des moyens d’un requérant ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Il s’ensuit que, face à une situation où le caractère sérieux des moyens soulevés au fond n’apparaît pas comme étant évident à première lecture, le juge du référé ne peut pas admettre que les moyens en question sont suffisamment sérieux pour justifier une mesure provisoire :

en d’autres termes, les moyens doivent offrir une apparence de droit suffisante ou un degré de vraisemblance tel que l’on peut nourrir des doutes importants quant à la légalité de l’acte3, dans le sens que l’on peut pressentir une possible, voire probable annulation ou réformation.

Ainsi, un moyen est sérieux lorsqu’il laisse présager, aux termes d’une analyse sommaire, une probable réformation ou annulation : un moyen sérieux fait pressentir une annulation ou réformation, tandis que l’examen du caractère sérieux d’un tel moyen se caractérise par son caractère prima facie.

1 Trib. adm. Prés., 11 juin 2004, n° 18140 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 645 (1er volet) et l’autre référence y citée.

2 Trib. adm. Prés., 11 juin 2021, n° 45913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 645 (2e volet) et l’autre référence y citée.

3 Trib. adm. Prés., 14 avril 2016, n° 37733 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 677, et les autres références y citées.

Ce caractère de sérieux peut résulter d’une situation de fait ou de droit manifeste (un élément matériel important a été ignoré, une disposition légale n’a été manifestement pas appliquée) ou encore d’une jurisprudence à tout le moins solidement établie ; le caractère sérieux dépend dès lors également fondamentalement de la qualité de la démonstration des droits menacés : le simple fait de transcrire l’argumentation développée devant les juges du fond, respectivement de s’y référer peut, face à des matières ou questions complexes, s’avérer de ce point de vue insuffisant.

C’est pourquoi le juge du provisoire doit prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

Ne présente en revanche pas un caractère sérieux suffisant, un moyen soulevant un simple doute quant à l’issue du recours, un moyen basé sur une jurisprudence fluctuante ou minoritaire ou lorsqu’il n’existe pas de jurisprudence qui permettrait de répondre aisément aux questions devant être tranchées en l’espèce par le jugement à rendre ultérieurement sur le fond, surtout lorsqu’il s’agit de questions de principe inédites qui ne sauraient être tranchées, pour la première fois, par le juge des référés, mais requièrent un examen approfondi dans le cadre de la procédure principale : le juge du référé est réellement le juge de l’évidence car il est cantonné à une position, sur ce problème, d’archiviste se contentant de reprendre à son compte une position adoptée par une autre juridiction4.

Si la solution du problème conduit le juge des référés à une appréciation juridique motivée qui fait la part entre la thèse de l’un et celle de l’autre, il excède ses pouvoirs dans la mesure où il est obligé de discuter juridiquement pour écarter l’une de ces thèses qui est donc forcément sérieuse. Lorsque le juge des référés, pour repousser une contestation, est obligé de bâtir un raisonnement juridique que ne dénierait pas un juge du fond, il va au-delà de ses pouvoirs5.

En l’espèce, force est, d’abord, au soussigné de constater que la décision sous examen constitue a priori une décision de retour au sens de l’article 100, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 comportant un triple volet, à savoir, (i) le constat du séjour irrégulier du requérant sur le territoire luxembourgeois, (ii) l’ordre de quitter ce même territoire sans délai et (iii) une interdiction d’entrée sur le même territoire d’une durée de trois ans à partir de la sortie de l’Espace Schengen.

Il appert plus particulièrement que la décision de retour du 9 janvier 2025 a été prise, tel que relevé par le requérant lui-même, sur le fondement des articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008, ainsi qu’au vu de l’absence de visa en cours de validité, du défaut pour le requérant de justifier l’objet et les conditions envisagées de son séjour et, finalement, du défaut d’autorisation de séjour valable et d’autorisation de travail.

Or, tel que relevé par le délégué du gouvernement à l’audience publique des plaidoiries, le soussigné se doit de constater, au stade actuel, nécessairement sommaire de l’instruction de l’affaire, que le requérant ne semble formuler aucun moyen de droit critiquant d’une manière ou d’une autre la décision déférée dans son volet constatant son séjour irrégulier sur le territoire 4 J. Piasecki, L’office du juge administratif des référés : Entre mutations et continuité jurisprudentielle. Droit, Université du Sud Toulon Var, 2008, n° 337, p.197.

5 Y. Strickler, Le juge des référés, juge du provisoire, thèse Strasbourg, 1993, p. 96 et 97.

luxembourgeois, le requérant ne s’étant d’ailleurs à aucun moment référé à l’article 1er de l’arrêté ministériel déféré portant justement sur ce volet.

Le soussigné constate6 plus particulièrement que le requérant fait complètement l’impasse en droit sur les conditions ayant ainsi amené le ministre à constater, à travers la décision de retour déférée, son séjour irrégulier. Par conséquent, le séjour irrégulier du requérant sur le territoire luxembourgeois doit être considéré en l’état actuel du dossier comme constant en cause, aucune discussion en particulier n’ayant lieu par rapport aux bases légales pourtant explicitement indiquées par le ministre, à savoir les articles 100 et 109 à 115 de la loi du 29 août 2008, et plus précisément l’article 100 de cette loi, aux termes duquel « (1) Est considéré comme séjour irrégulier sur le territoire donnant lieu à une décision de retour, la présence d’un ressortissant de pays tiers :

a) qui ne remplit pas ou plus les conditions fixées à l’article 34 ;

b) qui se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;

c) qui n’est pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail si cette dernière est requise […] ».

Aucune discussion n’a par ailleurs été faite par rapport à l’article 111, paragraphe (3), lettre c, points 1 et 6, aux termes duquel « (3) Le ressortissant de pays tiers est obligé de quitter le territoire sans délai : […] c) s’il existe un risque de fuite dans son chef. Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé dans les cas suivants :

1. s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 ; […] 6. si l’étranger ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité […] ».

Il convient encore de relever que conformément à l’article 34 de la loi du 29 août 2008 : « (1) Pour entrer sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et pour le quitter, le ressortissant de pays tiers doit être muni d’un document de voyage valable et le cas échéant du visa requis, tels que prévus par les conventions internationales et la réglementation de l’Union européenne. […].

(2) Il a le droit d’entrer sur le territoire et d’y séjourner pour une période n’excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, s’il remplit les conditions suivantes :

1. être en possession d’un passeport en cours de validité et d’un visa en cours de validité ou d’une autorisation de voyage en cours de validité ; le ressortissant de pays tiers titulaire d’un titre de séjour en cours de validité est admis sur le territoire au seul vu de ce titre et d’un document de voyage […] 3. ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire […] 5. justifier l’objet et les conditions du séjour envisagé, et justifier de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie, ou justifier de la possibilité d’acquérir légalement ces moyens et disposer d’une assurance maladie couvrant tous les risques sur le territoire. Un règlement grand-ducal définit les ressources exigées et précise les conditions et les modalités selon lesquelles la preuve peut être rapportée 6 Déjà en ce sens : Trib. adm. Prés., 17 décembre 2024, n° 52103R du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

[…] ».

La conclusion, nécessairement sommaire, qui s’impose à ce stade est celle que le constat du séjour irrégulier du requérant n’est nullement énervé.

Dès lors, la question du maintien régulier du requérant sur le territoire luxembourgeois ne se pose pas actuellement dans le cadre du présent recours, Monsieur (A) ne formulant d’ailleurs aucun moyen quelconque en ce qui concerne son séjour au Grand-Duché de Luxembourg, mais semblant se focaliser uniquement sur l’ordre de quitter le territoire, les plaidoiries de son litismandataire à l’audience publique du 18 février 2025 étant de nature à corroborer ce constat provisoire.

Or, force est au soussigné de constater – tel que plaidé en substance par le délégué du gouvernement à l’audience publique des plaidoiries – que l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois ne constitue selon la jurisprudence des juridictions du fond qu’une conséquence légale de plein droit d’un séjour irrégulier7. Le ministre ne dispose à cet égard pas d’un pouvoir d’appréciation, mais est, au contraire, investi d’une compétence liée8.

Dès lors, dans la mesure où le requérant semble ne pas formuler de contestation visant à remettre en cause la décision ministérielle déclarant irrégulier son séjour sur le territoire luxembourgeois, une annulation ou réformation de la décision ministérielle dans son volet portant ordre de quitter le territoire luxembourgeois semble peu probable.

En tout état de cause, le soussigné constate que les moyens du requérant ne semblent pas tant se focaliser sur l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois en tant que tel, mais sur le lieu de destination déterminé par le ministre consécutivement à son ordre de quitter le territoire, à savoir le Sénégal, pays dont il a la nationalité, le requérant semblant soutenir, en substance, qu’il aurait dû faire l’objet d’un ordre de quitter le territoire à destination de l’Espagne.

A cet égard, le soussigné relève que la jurisprudence des juges du fond retient qu’il incombe à l’étranger faisant l’objet d’un ordre de quitter le territoire et d’une mesure d’éloignement et qui se prévaut d’un droit de séjour dans un pays autre que celui dont il provient en vue d’être éloigné dans cet autre pays, de prouver la réalité de son droit de séjour toutes les fois que l’existence de ce droit ne découle pas des éléments du dossier administratif sur lequel le ministre a fondé ses décisions ou dont il a dû tenir compte9.

Or, en l’espèce, si le requérant se prévaut certes d’une demande d’autorisation de séjour qu’il aurait introduite auprès des autorités compétentes espagnoles – à supposer que les pièces versées au dossier par le requérant en langue espagnole corroborent le dépôt auprès de celles-

ci, tel qu’il le revendique –, le soussigné se doit de constater que la décision de refus de réadmission exprimée par les autorités compétentes espagnoles à travers leur courrier du 14 janvier 2025 semble, à première vue et en tout cas en l’état actuel du dossier, exclure la réalité d’un fondement d’un droit de séjour du requérant en Espagne. L’affirmation du requérant suivant laquelle il ne serait pas « à suffisance et objectivement » établi qu’il ne serait pas autorisé à retourner en Espagne semble, dès lors, contredite par les pièces du dossier administratif.

7 Cour adm., 19 novembre 2009, n° 25759C, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 788 et l’autre référence y citée.

8 En ce sens : Trib. adm., 26 juin 2023, n° 46633 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

9 Cour adm., 15 mars 2016, n° 37615C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 989 et l’autre référence y citée.

Dans ces conditions, le soussigné ne décèle pas, sur base d’un examen nécessairement sommaire auquel il est tenu, sur quel fondement le requérant semble vouloir reprocher au ministre de ne pas lui avoir ordonné de quitter le territoire luxembourgeois à destination de l’Espagne, alors que les autorités espagnoles ont expressément indiqué qu’il n’était pas autorisé à y séjourner, faute de titre de séjour. C’est, dès lors, a priori à bon droit que le ministre n’a pas donné au requérant la possibilité de se rendre en Espagne. Le fait que sa demande serait encore pendante auprès des autorités espagnoles ne lui garantit pas un titre de séjour en Espagne, de sorte à ne pas remettre en cause le constat, nécessairement provisoirement tiré par le soussigné, que le requérant ne dispose pas de titre de séjour valable espagnol. Dans le même ordre d’idée, l’argumentation du requérant, réitérée par son litismandataire à l’audience publique des plaidoiries, suivant laquelle l’absence de décision définitive de refus des autorités espagnoles devrait être prise en considération dans le cadre de la détermination du pays de destination à retenir par le ministre dans le cadre de l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois, ne semble pas revêtir un degré de sérieux suffisant susceptible d’entraîner l’annulation ou la réformation du volet de la décision attaquée sous examen, alors que le fait est que le requérant ne dispose a priori, en l’état actuel, pas de titre de séjour espagnol.

Par voie de conséquence, le soussigné n’est, à première vue, pas en mesure de constater que le ministre aurait fait une appréciation erronée de la situation de requérant, laquelle serait par ailleurs constitutive d’une violation du principe de minutie et du principe de la bonne administration.

Quant au moyen formulé par le requérant dans ce contexte quant à une violation alléguée de sa vie privée et familiale et d’un défaut allégué de prise en compte de l’intérêt supérieur de sa fille mineure, fondée sur les articles 8 de la CEDH, 7 de la Charte et 3 et 5 de la directive 2008/115/CE, le soussigné constate, indépendamment de la question de la preuve de l’existence d’une vie privée familiale du requérant en Espagne, que la violation de la CEDH doit de toute façon être la conséquence ou le résultat direct de l’acte attaqué et non pas résulter d’actes ou de faits étrangers ne relevant pas de la compétence des autorités luxembourgeoises10.

Or, le fait que le requérant ne puisse pas séjourner en Espagne pour continuer à y mener une vie privée et familiale – à la supposer établie – ne semble pas résulter pas de la décision de retour actuellement litigieuse, mais du fait que le requérant ne dispose pas d’un titre de séjour valable en Espagne. Dès lors, dans la mesure où l’article 111, paragraphe (4) de la loi du 29 août 2008 énumère de manière limitative les pays vers lesquels un ressortissant de pays tiers qui est obligé de quitter le territoire luxembourgeois est renvoyé et que le requérant n’est ni en possession d’un document de voyage en cours de validité émis par les autorités espagnoles, ni autorisé à séjourner dans ce pays, c’est a priori à bon droit que le ministre lui a ordonné de quitter le territoire luxembourgeois à destination du Sénégal, pays dont il a la nationalité11, faute pour le requérant d’avoir prouvé à la réalité d’un droit de séjour dans un autre pays, et notamment en Espagne.

Le soussigné constate, en dernier lieu, que le requérant se borne à reprocher au ministre de ne pas avoir prouvé que les conditions justifiant l’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans seraient remplies et qu’il aurait collaboré avec les 10 Trib. adm., 23 janvier 2019, n° 40826 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

11 Ibidem.

autorités luxembourgeoises en leur remettant son passeport et la preuve de l’introduction de sa demande de titre de séjour en Espagne.

Au-delà du constat qu’il appert peu probable qu’une affirmation péremptoire, dépourvue de la moindre argumentation circonstanciée, soit accueillie par les juges du fond pour annuler ou réformer le volet de la décision déférée sous analyse, alors que le tribunal n’a pas à répondre à des moyens simplement suggérés12, force est au soussigné de constater qu’il ressort de la jurisprudence constante des juges du fond qu’un acte administratif individuel, et plus particulièrement celui qui est de nature à faire grief soit à son destinataire soit à de tierces personnes, bénéficie de la présomption de légalité ainsi que de conformité par rapport aux objectifs de la loi sur base de laquelle il a été pris, de sorte qu’il appartient à celui qui prétend subir un préjudice ou des inconvénients non justifiés du fait de l’acte administratif en question, et qui partant souhaite le voir réformer ou annuler en vue d’obtenir une situation de fait qui lui est plus favorable, d’établir concrètement en quoi l’acte administratif en question viole une règle fixée par une loi ou un règlement grand-ducal d’application13. Il s’ensuit que c’est a priori le requérant qui a la charge de prouver l’illégalité alléguée de l’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois prononcée à son encontre par le ministre, et non pas l’inverse.

Ensuite, le soussigné constate14 que le reproche du requérant repose sur une version de l’article 112 qui n’existe plus depuis 2011, suite aux modifications apportées par la loi du 1er juillet 2011 modifiant la loi du 29 août 2008 et la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, la version actuelle de cette disposition, outre de ne pas soumettre l’interdiction du territoire à une condition d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique, prévoit à première vue dans le cas d’espèce une interdiction non pas facultative (« peut »), mais obligatoire (« […] Une interdiction d’entrée sur le territoire est prononcée par le ministre à l’encontre du ressortissant de pays tiers auquel aucun délai n’a été accordé pour le retour volontaire […] »). A cet égard, il y a lieu de préciser qu’il résulte plus particulièrement de la jurisprudence des juges du fond que l’article 112 de la loi du 29 août 2008 est à interpréter en ce sens que le ministre est obligé d’assortir automatiquement une décision de retour ne comportant pour l’intéressé aucun délai de départ d’une décision d’interdiction d’entrée15, étant rappelé que l’arrêté ministériel litigieux du 9 janvier 2025 comporte justement un ordre de quitter le territoire « sans délai ». Dès lors, le fait que le requérant aurait coopéré avec les autorités luxembourgeoises ne semble pas être de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation du volet de la décision ministérielle déférée sous analyse.

A ces constats s’ajoute que la décision d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois n’est a priori pas de nature à faire actuellement grief au requérant, alors qu’elle ne sort pas immédiatement ses effets, mais uniquement, aux termes de son libellé même, « à partir de la sortie de l’Espace Schengen » du requérant. Ainsi, la Cour de Justice de l’Union Européenne (« CJUE ») a retenu16 que comme la prise d’effet d’une telle interdiction suppose que l’intéressé a, au préalable, quitté ledit territoire, elle ne produit ses effets qu’à partir du 12 Trib. adm., 14 octobre 2002, n° 14825 du rôle, confirmé par Cour adm., 6 février 2003, n° 15650C du rôle, Pas.

adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 526 et les autres références y citées.

13 Trib. adm., 16 juillet 2003, n° 15207 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 169 et les autres références y citées.

14 Trib. adm. Prés., 2 mai 2024, n° 50375R du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

15 Cour adm., 11 octobre 2018, n° 40795C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 760 et les autres références y citées.

16 CJUE, 26 juillet 2016, Mossa Ouhrami, C-225/16, points 45 et 49.

moment de l’exécution volontaire ou forcée de l’obligation de retour et, par conséquent, du retour effectif de l’intéressé dans son pays d’origine17.

En conséquence, le soussigné ne saurait, au terme d’un examen nécessairement sommaire, déceler une quelconque disproportion dans l’ordre de quitter le territoire opposé au requérant ou dans l’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois prononcée à son encontre, ni d’ailleurs que le ministre aurait procédé à une appréciation erronée de sa situation ou que ledit ministre aurait fait une application arbitraire de la loi du 29 août 2008.

Dès lors, les contestations du requérant ne semblent, à première vue, pas revêtir le degré de sérieux nécessaire susceptible d’aboutir à une annulation ou la réformation de la décision ministérielle du 9 janvier 2025.

Il est, dès lors, patent que la requête en obtention d’un sursis à exécution est à rejeter, sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

Par ces motifs, le soussigné, premier juge du tribunal administratif, siégeant en remplacement des président et magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette le recours en obtention d’un sursis à exécution ;

condamne le requérant aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 février 2025 par Benoît HUPPERICH, premier juge du tribunal administratif, en présence de Xavier DREBENSTEDT, greffier en chef.

s. Xavier DREBENSTEDT s. Benoît HUPPERICH Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 février 2025 Le greffier du tribunal administratif 17 Trib. adm. Prés., 15 mars 2021, n° 45756 du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu 12


Synthèse
Numéro d'arrêt : 52362R
Date de la décision : 19/02/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-02-19;52362r ?

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