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18/10/2024 | LUXEMBOURG | N°51454R

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 octobre 2024, 51454R


Tribunal administratif N° 51454R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51454R Inscrit le 7 octobre 2024 Audience publique du 18 octobre 2024 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Madame (A), …, contre des décisions du bourgmestre de la commune de Junglinster en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 51454 du rôle et déposée le 7 octobre 2024 au greffe du tribunal administratif par la société an

onyme KRIEGER ASSOCIATES SA, inscrite sur la liste V du Tableau de l’Ordre des Avocats ...

Tribunal administratif N° 51454R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51454R Inscrit le 7 octobre 2024 Audience publique du 18 octobre 2024 Requête en institution d’un sursis à exécution introduite par Madame (A), …, contre des décisions du bourgmestre de la commune de Junglinster en matière de permis de construire

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 51454 du rôle et déposée le 7 octobre 2024 au greffe du tribunal administratif par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, inscrite sur la liste V du Tableau de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à …, tendant à voir ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de 1) la décision du bourgmestre de la commune de Junglinster, du 30 octobre 2023, ayant accordé à la société (AA), une autorisation de bâtir, référencée n° 360/2022, pour la construction d’une maison unifamiliale isolée sur un terrain situé à …, inscrit au cadastre sous le numéro (P1), et de 2) la décision implicite du bourgmestre de la commune de Junglinster, confirmant la décision précitée, suite à un recours gracieux introduit par la requérante en date du 29 janvier 2024, ces décisions étant encore attaquées au fond par une requête en annulation introduite le 26 juillet 2024, portant le numéro 50809 du rôle ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Laura GEIGER, demeurant à Luxembourg, du 2 octobre 2024 portant signification de la prédite requête au fond à l’administration communale de Junglinster ainsi qu’à la société (AA), établie et ayant son siège social domiciliée à …, et à la société (BB), établie et ayant son siège social domiciliée à … ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Junglinster, du 4 octobre 2024 ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Lydie LORANG, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom des sociétés (AA) et (BB), du 14 octobre 2024 ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Maître Sébastien COUVREUR et Maître Jean-Claude KIRPACH, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, pour la partie requérante, ainsi que Maître Steve HELMINGER, pour l’administration communale de Junglinster, et Maître Anne-Sophie 1 BOUL, en remplacement de Maître Lydie LORANG, pour les sociétés (AA) et (BB), entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 octobre 2024.

Madame (A) expose être propriétaire d’un terrain situé à …, inscrit au cadastre de la commune de Junglinster sous les numéros (P2) et (P3), sur lequel se trouve un ancien moulin transformé en maison d’habitation qui lui sert de résidence, ledit terrain étant encore riverain du cours d’eau « Roudemerbaach ».

Par un avis au public n° 360/2022, daté du 19 juin 2023, l’administration communale de Junglinster informa le public de l’introduction d’une demande d’autorisation pour la « construction d’une maison uni-familiale isolée» sur un terrain situé à …, inscrit au cadastre de la commune de Junglinster sous le numéro (P1), à savoir le terrain voisin de celui de Madame (A).

Par courrier de son mandataire du 18 juillet 2023, Madame (A) fit introduire une réclamation contre l’octroi projeté par le bourgmestre de la commune de Junglinster, ci-après « le bourgmestre », de l’autorisation sollicitée. Par courrier du 2 novembre 2023, le bourgmestre rejeta toutefois la réclamation, tout en communiquant à Madame (A) une copie de l’autorisation accordée le 30 octobre 2023 à la société (AA), la société (BB) étant le propriétaire de la parcelle n° (P1) destinée à accueillir la construction autorisée.

Par courrier du 29 janvier 2024, Madame (A) fit introduire un recours gracieux contre l’autorisation de construire du bourgmestre délivrée en date du 30 octobre 2023.

Par requête déposée le 26 juillet 2024 et inscrite sous le numéro 50809 du rôle, Madame (A) a fait introduire un recours en annulation contre la prédite autorisation de construire du 30 octobre 2023 telle qu’implicitement confirmée par l’absence de réponse du bourgmestre au recours gracieux du 29 janvier 2024, et par requête séparée déposée postérieurement le 7 octobre 2024, inscrite sous le numéro 51454, du rôle, elle a demandé à voir prononcer un sursis à exécution de ladite autorisation de construire déférée en attendant la solution de son recours au fond.

Madame (A) estime que l’exécution de l’autorisation déférée l’exposerait à un risque de préjudice grave et définitif.

A ce titre, elle soutient qu’au vu des délais de procédure jusqu’à obtention d’un jugement au fond de la part du tribunal administratif, et étant donné que le chantier de construction a été démarré, la maison litigieuse pourrait être achevée avant que le recours en annulation ne soit toisé, s’il n’était pas prononcé un sursis à exécution de la décision litigieuse.

Son préjudice serait partant définitif, étant donné qu’elle ne pourrait plus exiger la démolition de la construction querellée en cas d’annulation de l’autorisation de bâtir.

Le préjudice ainsi visé serait encore grave dans la mesure où si elle avait bénéficié jusqu’à présent d’une vue directe depuis sa maison d’habitation sur un terrain non bâti et couvert de végétation naturelle, la réalisation du projet de construction aurait toutefois pour conséquence la destruction de la couverture naturelle du terrain, de sorte que la requérante estime subir une importante diminution de sa qualité de vie et une moins-value importante pour sa propriété.

2 Elle donne encore à considérer qu’elle subirait une atteinte à sa vie privée et à son intimité du fait que la terrasse de la maison d’habitation à construire se rapprocherait jusqu’à la limite même de son propre terrain, ladite terrasse surplombant de surcroît son propre terrain.

Elle affirme que l’ensemble de son terrain, comportant des vestiges des anciennes structures du moulin, à savoir tant les éléments bâtis, dont certains dateraient du 16e siècle, que les éléments végétaux et les biotopes, subira des dommages du fait de la diminution de la nappe phréatique, due notamment à la réalisation des excavations pour le projet litigieux.

Elle craindrait de même que l’écoulement des eaux du terrain voisin vers son terrain serait modifié, Madame (A) affirmant que le terrain devant accueillir la construction litigieuse accueillerait une zone humide et aurait une fonction de rétention de l’eau, qui serait altérée par le projet de construction.

Elle craindrait encore du fait d’un abaissement de la nappe phréatique que des dommages ne soient causés à une ferme classée, située en amont du terrain en question, ou encore à d’autres maisons voisines.

Enfin, après la diminution du niveau de la nappe phréatique, les possibilités de revalorisation écologique du terrain de la requérante seraient fortement réduites.

Madame (A) donne partant à considérer que tous ces dommages auraient pour conséquence une diminution de sa qualité de vie, de sa quiétude et une diminution de la valeur économique de sa propriété, ce qui constituerait un préjudice grave.

Elle se prévaut ensuite devant les juges du fond des moyens d’annulation suivants, qui peuvent être très sommairement résumés comme suit :

1. Violation des articles 25 et 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain (ci-après « la loi du 19 juillet 2004 ») et de l’article 1.49. du Plan d’Aménagement Particulier « Quartiers existants » (ci-après « PAP QE ») de la commune de Junglinster, la requérante soutenant que le morcellement du terrain requis ne pourrait pas se faire étant donné que l’ancienne ferme aurait été classée suivant la législation concernant les sites et monuments, tandis que le terrain ne serait pas viabilisé, de sorte qu’il aurait nécessité l’élaboration d’un Plan d’Aménagement Particulier « Nouveaux Quartiers », ce qui nécessiterait au préalable une modification du Plan d’Aménagement Général.

L’article 1.49. du PAP QE concernant le lotissement de terrains exigerait par ailleurs lui-aussi que les futurs terrains à bâtir soient entièrement viabilisés conformément à l’article 23 de la loi du 19 juillet 2004, à moins que la viabilisation ne soit prévue dans le cadre d’une convention avec la commune, tandis que l’article 37 de la loi du 19 juillet 2004 prévoirait de même que le bourgmestre ne peut accorder une autorisation tant que la viabilisation n’est pas terminée en prévoyant lui aussi l’exception se référant à la convention avec la commune prévue à l’article 36 de cette même loi à conclure dans le cadre d’un Plan d’Aménagement Particulier « Nouveaux Quartiers » inexistant en l’espèce, de sorte que le bourgmestre n’aurait pas pu délivrer l’autorisation litigieuse.

2. Violation de l’article 2 du Plan d’Aménagement Général (« PAG ») de la commune de Junglinster et de l’article 1.2. du PAP QE, dans la mesure l’article 1.2. du PAP QE 3 imposerait le respect d’une bande de construction le long de la rue, profonde de 25 m, réservée aux habitations ou bâtiments servant à certaines activités, de sorte à exclure la construction d’un chemin dans cette bande.

La requérante estime encore que le chemin privé, projeté en tant que desserte de la construction litigieuse prévue en seconde position, ne pourrait pas servir de base de référence pour le calcul de la bande de construction, laquelle devant exclusivement se calculer à partir de la rue ….

3. Violation de l’article 22 du PAG concernant les secteurs et éléments protégés d’intérêt communal, et plus particulièrement les règles régissant l’alignement d’une construction existante.

En effet, selon la requérante, le PAP QE imposerait la préservation de l’alignement des maisons longeant la rue …, et ce également en ce qui concerne la parcelle où le projet prévoit le chemin d’accès, de sorte qu’il aurait convenu d’y prévoir la construction d’une maison, la requérante soutenant que le PAP QE présupposerait de la sorte qu’une maison complétant l’alignement des constructions existantes devrait être implantée dans la lacune dans le tissu urbain, de sorte que le projet d’une construction en deuxième position serait en contradiction avec cette disposition du PAG et du PAP QE.

4. Violation de l’article 1.12 du PAP QE concernant les constructions en deuxième position et de l’article 4 du Règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la commune de Junglinster (« Rb ») concernant les voies desservantes, la requérante faisant plaider que si certes l’article 1.12 du PAP QE permettrait exceptionnellement de déroger à la bande de construction de 25 mètres et partant d’ériger une construction en seconde position, les conditions permettant une telle dérogation ne seraient en l’espèce pas respectées, alors que si selon le PAP QE une telle construction doit servir au logement, les plans du projet prévoiraient plusieurs ateliers en sous-sol, ce qui témoignerait « d’une activité artisanale dans les lieux ».

Par ailleurs, si l’article 4 du Rb prévoirait qu’en cas de construction en seconde position, la desserte devrait être assurée par une voie privée, la requérante estime que cette disposition serait à comprendre dans le sens que les parcelles sur lesquelles peuvent être implantées des constructions en deuxième file devraient disposer d’ores et déjà d’une desserte privée, c’est-à-dire d’une desserte préexistante au projet de construction, ce qui en l’espèce ne serait pas le cas.

Si l’article 12.50 du PAP QE définirait la « voie desservante » comme « toute voie carrossable publique ou privée, qui donne accès à une parcelle ou un lot », en l’espèce, la voirie privée à créer ne permettrait pas de donner accès à une parcelle ou à un lot, mais elle serait située sur une parcelle ou un lot.

La requérante s’empare ensuite de l’article 4 du Rb, pour soutenir, en substance, que le chemin privé ne serait pas pourvu des infrastructures y prévues, telles que réseaux d’évacuation des eaux ou dispositifs d’éclairage ou encore dispositifs nécessaires à la lutte contre l’incendie.

5. Violation de l’article 1.4, de l’article 1.7 et de l’article 1.12 du PAP QE concernant les reculs, dans la mesure où ni le recul de 9 m ni celui de 6 m ne seraient respectés par 4 rapport à la limite de la propriété de la requérante, puisque la construction d’une terrasse serait prévue dans la zone des reculs en contrariété avec la réglementation mentionnée.

6. Violation de l’article 67 du Rb concernant les mesures de prévention incendie, dans la mesure où la voie privée telle qu’autorisée ne permettrait pas l’accès des pompiers, puisque la pente du chemin d’accès et sa largeur constitueraient un obstacle à un accès aisé des services d’incendie.

7. Non-respect de l’article 25 du Rb concernant les travaux de terrassement dans les eaux souterraines.

Madame (A) affirme que le terrain faisant l’objet de l’autorisation de bâtir serait caractérisé par une nappe phréatique proche de la surface et par une intense circulation de l’eau souterraine, tous ces filets d’eau souterraine s’écoulant vers son propre terrain, de sorte que le terrain devant accueillir la construction constituerait une véritable zone humide faisant partie de la plaine alluviale du ruisseau, alimentée en eau, non seulement par les eaux souterraines de pente et les eaux de pluie, mais aussi par les eaux souterraines venant du ruisseau, de sorte qu’il aurait appartenu au bourgmestre de veiller aux risques précités en vertu de son pouvoir de police, mais également de solliciter les études requises sur le fondement de l’article 25 du Rb, notamment une étude géotechnique qui prendrait en compte non seulement le projet immobilier, mais aussi ses incidences sur les terrains avoisinants, avant de statuer sur la faisabilité du projet.

8. Violation de l’article 23 du Rb concernant l’interdiction de construire au-dessus des conduites souterraines, la requérante prétendant que le terrain où sera construite la maison projetée abriterait des tuyaux de captation d’eau, certes non indiqués sur les plans, ainsi qu’un collecteur d’une envergure particulièrement importante, existant depuis longtemps, qui passerait en-dessous de la maison projetée, et qui, sur sa propre propriété, se déverserait dans le ruisseau.

9. Violation de l’article 92 du Rb concernant la protection de la propriété voisine contre des dégâts pouvant résulter des travaux.

10. Violation de l’article 39 du Rb concernant les fondations, dans la mesure où le terrain visé serait gorgé d’eau souterraine, dont l’état s’aggraverait lors de chaque pluie, de sorte qu’il ne constituerait pas un terrain naturellement solide et qu’il faudrait prévoir des mesures de consolidation importantes.

11. Violation de l’article 30 du Rb concernant les pièces destinées au séjour prolongé de personnes, dans la mesure où le projet de construction prévoirait l’aménagement de plusieurs surfaces destinées à des ateliers dans la cave, qui ne bénéficieraient pas de la hauteur règlementaire sous plafond de 2,50 mètres.

12. Violation de l’article 1.16 du PAP QE concernant les dépendances, la requérante faisant plaider que le chemin d’accès serait implanté directement le long de la clôture de la propriété voisine, qui se trouverait sur la limite parcellaire, ce qui serait contraire à la règlementation interdisant l’implantation de dépendances le long des limites parcellaires séparatives.

5 13. Violation de l’article 22 (1) de la partie écrite du PAG concernant la protection de l’environnement construit, la requérante considérant que si la construction projetée serait conçue dans un style adapté à un lotissement moderne, elle ne l’aurait pas été dans un style adapté à celui des maisons historiques subsistant le long de la rue, et certainement pas au style des constructions érigées dans un paysage alluvial.

14. Violation du principe de l’égalité devant la loi, puisqu’en vertu du principe de l’égalité devant la loi, les autres propriétaires de terrains situés dans la même rue devraient également être habilités à demander eux-aussi une autorisation de bâtir en deuxième ligne, de sorte que les problèmes relatifs à la construction en deuxième file sur ce terrain hautement sensible concernant la circulation de l’eau et ses répercussions sur la stabilité des constructions en amont iraient en s’aggravant.

L’administration communale de Junglinster conclut d’abord au rejet du recours au fond pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la requérante et, partant, en ce qui concerne le recours en obtention d’un sursis à exécution, pour défaut de tout préjudice grave et définitif dans son chef.

Elle relève à cet égard, en substance, que la requérante chercherait par tous les moyens à éviter toute construction à proximité de sa propriété, en persistant dans une argumentation erronée, alors pourtant que la commune aurait rencontré toutes ses réclamations. La commune relève encore que le projet litigieux consisterait en la construction d’une seule maison unifamiliale en conformité avec le PAP QE, mais que Madame (A) insisterait sur l’établissement d’un PAP Nouveaux Quartiers, lequel permettrait une construction plus dense, ce qui serait incohérent.

Elle conclut encore à l’absence de tout moyen sérieux susceptible d’entrainer l’annulation de la décision déférée devant les juges du fond, en relevant, notamment, que certains moyens seraient sans lien aucun avec le préjudice allégué, tandis que d’autres moyens relèveraient non pas de questions de légalité, mais de questions d’exécution technique pour lesquelles le bourgmestre ne serait pas compétent.

Le mandataire des sociétés (AA) et (BB) se rallie en substance aux développements de la commune de Junglinster, tout en relevant également l’attitude d’obstruction de la requérante, laquelle ferait feu de tout bois pour empêcher la construction.

Il conteste également tout risque de préjudice grave et définitif dans le chef de la requérante, et il estime que la plupart de ses moyens, dont le sérieux est également contesté, ne seraient aucunement en lien avec le préjudice allégué.

En vertu de l’article 11 (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après « la loi du 21 juin 1999 », un sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au demandeur un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux. Le sursis est rejeté si l’affaire est en état d’être plaidée et décidée à brève échéance.

L’affaire au fond ayant été introduite le 26 juillet 2024 et compte tenu des délais légaux d’instruction fixés par la loi du 21 juin 1999, elle ne saurait être considérée comme pouvant être plaidée à brève échéance.

6 Concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, il convient de rappeler le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.

L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.

Ainsi, le juge des référés est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le requérant apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.

La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui. Au niveau de l’examen des moyens d’annulation invoqués à l’appui du recours au fond, l’examen de ses chances de succès appelle le juge administratif saisi de conclusions à des fins de sursis à exécution, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et à vérifier si un des moyens soulevés par la partie requérante apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation voire la réformation de la décision critiquée.

Il doit pour cela prendre en considération les solutions jurisprudentielles bien établies, étant donné que lorsque de telles solutions existent, l’issue du litige - que ce soit dans le sens du succès du recours ou de son échec - n’est plus affectée d’un aléa.

1.

En ce qui concerne l’argumentation de la partie requérante basée sur une violation des articles 25 et 37 de la loi du 19 juillet 2004 et de l’article 1.49. du PAP QE, il est constant en cause que la parcelle n° (P1) devant accueillir le projet de construction litigieux est classé en zone « HAB 1 » ainsi que dans le secteur protégé « Environnement construit », et en zone « PAP QE ».

7 Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 37, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004, « L’autorisation n’est accordée que si les travaux sont conformes au plan ou au projet d’aménagement général et, le cas échéant, au plan d’aménagement particulier «nouveau quartier», respectivement au plan ou projet d’aménagement particulier « quartier existant » et au règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites », disposition interprétée de manière constante par la jurisprudence comme limitant le pouvoir du bourgmestre à l’occasion de la délivrance d’une autorisation de construire à la vérification de la conformité du projet aux dispositions règlementaires communales, à l’exclusion de toute considération étrangère.

L’invocation d’une décision du conseil communal de Junglinster du 20 novembre 2020 relative au lotissement « des parcelles inscrites au cadastre de la commune de Junglinster, section … de …, lieu-dit « rue …. » sous les numéros (P4) et (P5) » sous certaines conditions, décision qui s’opposerait à un morcellement de ces parcelles et qui aurait imposé la viabilisation de ces mêmes parcelles, ne parait dès lors pas pertinente, alors que la parcelle n° (P1) devant accueillir le projet de construction litigieux n’est a priori pas concernée par ce « morcellement » et que les conditions ayant dû être respectées en vue d’un tel morcellement ne semblent pas avoir été inscrites au niveau des dispositions règlementaires applicables (PAG, PAP ou Rb).

De même, la ou les décisions litigieuses, soumises aux juges du fond, et délimitant l’office du juge du provisoire, concernent un projet de construction et non un morcellement.

Enfin, factuellement, il appert que le morcellement ainsi vraisemblablement critiqué -

sans que la requérante n’ait pour ce faire indiqué le raisonnement juridique ou la base légale l’habilitant à procéder de telle façon dans le cadre d’un recours dirigé exclusivement contre une autorisation de construire - a d’ores et déjà été réalisé, la parcelle n° (P1) devant accueillir le projet de construction litigieux résultant à première vue du réagencement des parcelles (P4) et (P5) qui n’existent plus à l’heure actuelle.

L’invocation explicite de l’article 1.49. du PAP QE, relatif aux « murets à conserver » ne paraît non plus pertinente, ledit article étant étranger à la question et au moyen sous analyse.

Quant à l’article 1.50 du PAP QE, intitulé « Lotissement de terrains (morcellement et/ou fusion des parcelles) », relatif à « un lotissement de terrains au sens de la « loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain », donc la répartition d’une ou de plusieurs parcelles en un ou plusieurs lots en vue de leur affectation à la construction est décidé par le conseil communal » semble également étranger à la question sous analyse, à savoir celle de la légalité d’une autorisation de construire.

Il en va de même de l’argumentation relative aux conditions préalables à la soumission d’un terrain à un PAP QE, tirée de la loi du 19 juillet 2004, étant constant en cause que la parcelle n° (P1) se trouve actuellement d’ores et déjà soumise au régime du PAP QE, ladite parcelle touchant par ailleurs directement la rue …., la partie requérante admettant d’ailleurs dans son second moyen que « la seule voie desservante existante était la rue …. », de sorte que la discussion relative à sa viabilisation ou non parait nébuleuse.

En ce qui concerne par ailleurs plus particulièrement la référence à l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004, il échet de constater que cet article définit une zone urbanisée comme étant constituée « des terrains ou ensembles de terrains qui sont entièrement viabilisés conformément à l’article 23 alinéa 2, sans préjudice de la nécessité de procéder à d’éventuels 8 travaux accessoires de voirie appliqués aux accotements et trottoirs ou impliquant une réaffectation partielle de l’espace routier », ledit article 23 alinéa 2, pour sa part, visant l’exécution des travaux de voirie et d’équipements publics , à savoir « la réalisation des voies publiques, l’installation des réseaux de télécommunication, ainsi que des réseaux d’approvisionnement en eau potable et en énergie, des réseaux d’évacuation des eaux résiduaires et pluviales, de l’éclairage, de l’aménagement des espaces collectifs, des aires de jeux et de verdure ainsi que des plantations », », de sorte qu’il n’appert pas que ces dispositions soient de nature à trouver application en l’espèce, à savoir à la construction d’une maison unifamiliale reliée par un chemin privé à la voirie et aux infrastructures publiques.

Il n’appert dès lors pas non plus en quoi l’article 37, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel «Le bourgmestre n’accorde aucune autorisation tant que les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité de la construction projetée ne sont pas achevés » aurait été violé, ladite disposition visant à première vue les infrastructures publiques, dont la présence, assurée par la rue …., à laquelle touche directement la parcelle n° (P1), n’est pas sérieusement contestable., Le moyen en question n’est dès lors en l’état actuel pas suffisamment sérieux pour justifier le sursis à exécution sollicité.

2.

En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 2 du PAG et de l’article 1.2. du PAP QE, il échet de constater qu’aux termes de l’article 2 du PAG « Les zones d’habitation englobent les terrains réservés à titre principal aux habitations. Y sont également admis des activités de commerce, des activités artisanales et de loisirs, des services administratifs ou professionnels, des activités culturelles, des activités de culte, ainsi que des équipements de service public. De manière générale, y sont interdits les constructions et les établissements qui par leur nature et leur importance seraient incompatibles avec la sécurité, la salubrité, la commodité et la tranquillité d’un quartier d’habitation. Les zones d’habitation sont subdivisées en fonction du type d’habitation en : 1. zones d’habitation 1 [HAB-1]; 2. zones d’habitation 2 [HAB-2] ».

Il n’appert pas dans quelle mesure cette disposition aurait été violée par l’autorisation de bâtir, cette disposition, si elle règle diverses activités admissibles en zone d’habitation, ne semblant pas exclure la construction de chemins d’accès privés, accessoires le cas échéant de constructions destinées à l’habitation.

Quant au moyen de la requérante basés sur un non-respect de la bande de construction par la construction d’une maison en seconde position, ce moyen, basé exclusivement sur l’article 1.2. du PAP QE, aux seuls termes duquel « La bande de construction est de max. 25,00 m », semble faire fi de l’article 1.12 du PAP QE, intitulé « Construction en seconde position », prévoyant « Sur les terrains ou parties de terrain situés en seconde position par rapport à une construction principale en première position et par rapport à la même voie desservante, une seule construction principale est autorisée » sous certaines conditions et qui précise explicitement « la bande de construction n’est pas applicable ».

Le moyen en question ne présente dès lors au terme d’un examen superficiel pas le sérieux nécessaire.

3.

En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 22 du PAG concernant les secteurs et éléments protégés d’intérêt communal, et plus particulièrement les règles régissant 9 l’alignement d’une construction existante, la disposition invoquée, à savoir le paragraphe 5 de l’article 22 du PAG - et non pas tel qu’erronément indiqué par la partie requérante son paragraphe 2 - vise sous l’intitulé « servitudes spéciales pour la préservation d’une construction existante à conserver », de manière manifeste, à conserver l’alignement d’une construction existante dans le cadre d’une autorisation de construire ou de démolition afin de sauvegarder l’alignement existant en front de rue et l’implantation existante de certaines constructions « de par leur rôle dans la définition de l’environnement construit et de la préservation du tissu urbain des localités », de sorte que « Toute demande d’autorisation de construire ou de démolition doit être accompagnée d’un relevé de « l’alignement d’une construction existante à préserver » ».

Il appert dès lors que cette disposition vise à préserver, pour certaines constructions existantes, destinées à être démolies, leur implantation le long de la rue …., mais non, à première vue, d’imposer à une future construction projetée sur un terrain n’ayant pas accueilli de construction (pré)existante, le respect d’un alignement, et encore moins de prévoir, tel que soutenu par la partie requérante, une obligation de construire sur un terrain vierge.

4.

En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 1.12 du PAP QE et de l’article 4 du Rb, dans la mesure où le projet litigieux ne répondrait pas aux conditions figurant à l’article 1.12 précité permettant de déroger au respect de la bande de construction, si la partie requérante soutient que les plans du projet prévoiraient plusieurs ateliers en sous-sol , ce qui témoignerait « d’une activité artisanale dans les lieux » contraire à l’affectation au logement, force est de constater que les plans tels qu’approuvés prévoient au sous-sol des « caves », le terme initialement y adjoint d’« atelier ayant été biffé, tandis que l’autorisation de construire ne porte, formellement et explicitement, que sur la construction d’une maison unifamiliale, partant sur une unité de logement, et non sur un immeuble à usage mixte. Le fait que les plans aient initialement indiqué que le futur occupant de cette maison unifamiliale ait destiné l’une ou l’autre cave à une quelconque activité de loisir exercée à titre privé et nécessitant un « atelier » n’est pas, à première vue, de nature à conférer à la maison unifamiliale une affectation artisanale exercée à titre commercial.

La requérante donne ensuite à considérer que si, conformément à l’article 1.12 du PAP QE, la desserte à la construction projetée devrait être assurée par une voie privée répondant à certaines conditions, une telle voie privée devrait être préexistante, la partie requérante entendant tirer à cet égard avantage de l’article 4 du Rb.

L’article 1.12 du PAP QE précise qu’en cas de construction en seconde position « la desserte doit être assurée par une voie privée - d’une largeur de min. 3,00 m, desservant uniquement la construction principale en seconde position, et - faisant partie de la parcelle sur laquelle la construction principale en question doit être érigée ». Il n’appert pas que cette disposition impose l’existence d’une desserte préexistante à la construction, mais uniquement que la construction soit desservie par une voie privée, ce qui, a priori, sera le cas, les plans tels qu’approuvés prévoyant la réalisation d’une voie privée.

Quant à l’invocation de l’article 4 du Rb par la partie requérante, qui soutient que la voie projetée ne répondrait pas aux critères y figurant, il est constant en cause, la partie requérante l’admettant elle-même dans sa requête, que la construction projetée sera desservie par une voie privée. Or, une lecture superficielle de l’article 4 du Rb tel qu’invoqué révèle que cette disposition s’insère dans un chapitre 1 intitulé « Voies publiques », comportant un article 10 3 concernant les « aménagements publics », un article 4 concernant les voies desservantes et un article 5 concernant les « pistes cyclables », de sorte qu’il paraît que l’article 4 relatif aux « voies desservantes » s’applique aux seules voies desservantes publiques et non, comme en l’espèce, aux voies de dessertes privées, de sorte que cet article 4 du Rb ne parait pas applicable en l’espèce.

Ce moyen ne présente dès lors pas non plus le caractère de sérieux requis.

5.

Madame (A) argue ensuite d’une violation de l’article 1.4, de l’article 1.7 et de l’article 1.12 du PAP QE concernant les reculs, dans la mesure où ni le recul de 9 m ni celui de 6 m ne seraient respectés par rapport à la limite de sa propriété, la requérante affirmant que la terrasse projetée empiéterait dans la marge de reculement non constructible.

L’article 1.4 du PAP QE prévoit, notamment, un recul arrière minimal de 9 m ; l’article 1.7, relatif aux avant-corps, précise quant à lui « Les avant-corps ne sont autorisés que sur les constructions principales hors-sols. Les avant-corps fermés ou ouverts peuvent être réalisés dans l’enveloppe admise pour une construction principale sous respect des dimensions maximales autorisées pour les constructions principales ainsi que des reculs et de la bande de construction imposés ». Enfin, l’article 1.12 du PAP QE impose aux constructions en seconde position de respecter un recul minimum de 6 m « sur toutes les limites parcellaires ».

Il s’ensuit que la construction projetée doit, a priori, se conformer aux dispositions dérogatoires de l’article 1.12 du PAP QE et partant respecter la norme plus sévère imposant un recul minimum de 6 m « sur toutes les limites parcellaires ».

Il appert au vu des plans de construction tels qu’approuvés que la maison projetée respectera ce recul de 6 m, mais qu’une surface intitulée « terrasse » empiétera effectivement largement dans cette marge.

La partie requérante semble, sans autre argumentation ou indication de base règlementaire, hormis la référence à une disposition relative aux « avant-corps », considérer que la réalisation d’une terrasse serait interdite dans les marges de reculement.

Un tel moyen, constitué essentiellement en une pétition de principe, ne saurait être considéré comme moyen sérieux à défaut d’indication d’une quelconque disposition interdisant toute construction dans une marge de reculement.

Au-delà de cette première conclusion, il convient encore de constater que la terrasse telle que projetée ne semble pas constituer un « avant-corps » au sens du PAP QE, l’article 12.5 définissant un tel « avant-corps » comme « un élément architectural ou une partie d’une construction se trouvant en saillie par rapport à la façade. Un avant-corps est subordonné à la façade à laquelle il se rapporte. Il présente une surface inférieure à un tiers de la surface de la façade, toiture non comprise, et une saillie inférieure à 2 mètres », la disposition distinguant « les avant-corps fermés, tels que notamment les encorbellements, les jardins d’hiver, les oriels, et les avant-corps ouverts, tels que notamment les balcons », alors qu’une terrasse est définie à l’article 12.48 du PAQ QE comme « une surface stabilisée à l’air libre, non close, communiquant avec les pièces d’habitation adjacentes par une ou plusieurs portes ou portes-

fenêtres » : s’agissant d’une surface, elle ne saurait être à première vue considérée comme constituant un corps en saillie par rapport à la façade.

11 Enfin, il appert encore que l’interdiction de construire dans un recul ne vise que les constructions principales, l’article 1.4 du PAP QE précisant que « Les constructions principales hors-sols ne peuvent pas empiéter sur les reculs imposés », sauf certaines exceptions déterminées.

Ce moyen ne présente dès lors pas non plus le sérieux requis.

6.

La partie requérante se prévaut ensuite d’une violation de l’article 67 du Rb concernant les mesures de prévention incendie, dans la mesure où la voie privée telle qu’autorisée ne permettrait pas l’accès des pompiers, dans la mesure où la pente du chemin d’accès et sa largeur, ainsi que la présence de places de parking, éventuellement occupées en cas d’incident, constitueraient un obstacle à un accès aisé des services d’incendie.

Selon les paragraphes pertinents de l’article 67 du Rb, tels qu’invoqués, « (2) Implantation : Tout bâtiment, logement, ouvrage et installation doit être implanté de manière à ce que le service incendie et sauvetage dispose d’un accès aisé et libre de tout obstacle à au moins une façade principale. L’implantation et les aménagements extérieurs doivent être conçus de manière à permettre une évacuation rapide de toute personne vers une voie desservante, publique ou privée. […] (6) Voies d’évacuation : Toute voie d’évacuation et d’accès doit être disposée, dimensionnée et réalisée de manière à pouvoir être empruntée à tout moment, rapidement et en toute sécurité. Les voies d’évacuation et d’accès doivent être libres de tout obstacle. Dans les bâtiments comprenant des cours intérieures couvertes, les voies d’évacuation et d’accès ne doivent pas passer par celles-ci ; dans les bâtiments à façades double-peau, elles ne doivent pas passer par les zones intérieures des façades ».

En l’espèce, il appert à l’étude des plans approuvés que la maison telle que projetée sera desservie par une voie d’une largeur d’environ 3 mètres, présentent à son extrémité un accès direct vers la gauche à la maison et, à sa droite, deux emplacements de parking qui n’empiètent pas sur la voie d’accès, de sorte à, à première vue, ne pas faire obstacle à l’accès à la maison.

Si la partie requérante affirme de manière péremptoire que « Pour des camions il est prévu normalement une largeur de 3,50 m », elle n’étaye cette affirmation par aucune norme ou autre élément justificatif. L’affirmation selon laquelle la pente de la voie d’accès, pente non autrement précisée, constituerait une difficulté, doit de même, à défaut de toute précision ou d’élément susceptible d’étayer cette affirmation, être considérée comme non sérieuse en l’état.

La partie requérante affirme encore qu’il ne serait pas possible aux pompiers de contourner la maison projetée, alors que le recul vers sa propre propriété ne serait pas suffisant pour permettre le passage d’un gros engin ; il échet toutefois de constater que l’article 67, point 2, du Rb, n’exige qu’« un accès aisé et libre de tout obstacle à au moins une façade principale », et non pas, manifestement, qu’un engin de lutte contre l’incendie doive pouvoir contourner une maison.

Quant à l’absence d’un plan d’urgence et d’intervention, il résulte de l’article 67, point 9, du Rb que « Le « Corps grand-ducal d’incendie et de secours (CGDIS) » peut exiger en fonction notamment des risques d’incendie, du nombre d’occupants, du type ou de la grandeur des bâtiments, ouvrages, installations ou exploitations que soit établi un plan d’urgence et d’intervention pour les services de secours », de sorte qu’il s’agit, à première vue, d’un droit ou d’une possibilité ouverts au CGDIS mais, manifestement, pas d’une obligation à charge du bourgmestre ou du maître de l’ouvrage, dont l’absence justifierait le refus de l’autorisation de 12 bâtir sollicitée, sinon, en phase contentieuse, l’annulation de l’autorisation de construire litigieuse.

Enfin, en sus des conclusions retenues ci-avant au provisoire, il convient de rappeler que dans le cadre strict et exceptionnel des demandes en obtention de mesures provisoires devant le juge administratif, ce dernier n’est pas tenu d’examiner tous les moyens du requérant, en ce compris des moyens dépourvus de toute incidence sur la situation concrète de celui-ci, mais peut se limiter à analyser sommairement les seuls moyens du requérant en relation directe avec le préjudice grave et irréversible allégué, le propre du référé administratif étant, comme relevé ci-avant, précisément d’éviter à un administré la survenance d’un préjudice grave et irréparable. En d’autres termes, le juge du provisoire n’est pas tenu d’examiner des moyens qui éventuellement pourraient aboutir à l’annulation de la décision déférée, mais qui, s’agissant de moyens sans incidence de fait ou de droit sur la situation de l’administré, ne présentent aucun lien avec le préjudice allégué qu’il conviendrait d’éviter d’urgence, lequel est à apprécier par rapport aux travaux envisagés, en ce que ceux-ci sont de nature à nuire au requérant. En effet, dans ce contexte, il importe de vérifier en quoi la situation de voisin se trouve aggravée par un quelconque élément de l’autorisation de construire critiquée, de sorte qu’un requérant n’est pas recevable à faire contrôler sommairement la légalité de moyens tirés d’éléments qui n’ont pas d’impact direct sur sa situation personnelle.

Or, même à admettre l’existence d’illégalités affectant la question des mesures de prévention incendie, - illégalités comme retenu ci-dessus non établies en l’état - elles ne sauraient être considérées comme provoquant une quelconque aggravation de la situation de la partie requérante et partant comme entrainant un préjudice grave et définitif justifiant le sursis à exécution de l’autorisation de construire en question, de sorte que tel que soulevé par l’administration communale et les parties tiers-intéressées, ce moyen ne saurait être admis dans le cadre de l’examen incombant au juge du provisoire.

7.

Madame (A) entend encore se prévaloir du non-respect de l’article 25 du Rb concernant les travaux de terrassement dans les eaux souterraines, dans la mesure où le terrain devant accueillir la construction litigieuse abriterait une nappe phréatique proche de la surface, de sorte que le terrain en question constituerait une véritable zone humide dont le bourgmestre aurait dû tenir compte dans le cadre de son pouvoir de police et dans le cadre de l’article 25 du Rb, et qu’il aurait partant dû solliciter les études requises sur le fondement de cette disposition.

Il convient en premier lieu de constater que contrairement à l’affirmation de la partie requérante, le bourgmestre ne semble pas disposer d’un pouvoir général de police lui permettant de, ou l’obligeant à refuser une autorisation de construire indépendamment des dispositions urbanistiques règlementaires spécifiquement applicables.

En effet il résulte de la jurisprudence1 que s’il incombe de façon générale au bourgmestre dans le cadre de sa mission d’exécution des lois de police de faire jouir les habitants de la commune des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques, et qu’il est par ailleurs tenu de respecter le principe de précaution, il n’empêche que selon la jurisprudence constante que le bourgmestre doit lors de la délivrance d’une autorisation de construire, vérifier la conformité de la demande d’autorisation uniquement par rapport au plan d’aménagement général et au règlement sur les 1 Trib. adm., 13 juillet 2005, n° 19000, confirmé par Cour adm. 27 avril 2006, n° 20250C ; trib. adm. 30 septembre 2013, n° 30678 ; trib. adm. 18 mars 2015, n° 33705, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 1002.

13 bâtisses de la commune2, la jurisprudence, comme rappelé ci-avant, ne permettant pas au bourgmestre, en dehors de toute disposition règlementaire expresse, de mettre en échec la réglementation urbanistique communale sur base de considérations générales tenant notamment à la sécurité ou à la qualité de vie des riverains le bourgmestre n’ayant ès-qualité pas compétence pour définir de manière générale l’aménagement local.

Ensuite, en second lieu, aux termes des dispositions spécifiquement invoquées par la requérante de l’article 25 du Rb, intitulé « Travaux de remblai et de déblai et murs de soutènement le long des limites parcellaires », « a) Les travaux de soutènement, de remblai, de déblai, de fixation de talus et de drainage doivent être conçus de sorte à éviter tout éboulement et tout tassement des constructions, des aménagements et des terrains sur les fonds propres et limitrophes. […] d) Les travaux de remblai et de déblai ne peuvent en aucun cas remettre en cause la viabilisation, l’aménagement et l’urbanisation des terrains voisins. […] f) Les travaux de remblai et de déblai qui portent préjudice à la sécurité, notamment en matière de circulation, ainsi qu’à la salubrité sont interdits. Sont également proscrits les travaux qui modifient de manière substantielle le niveau de la nappe phréatique ou l’écoulement des eaux de surface. g) En cas de travaux de remblai et de déblai effectués à proximité immédiate d’une construction sise sur un fond voisin ou en cas de travaux de déblai dans la nappe phréatique, le maître d’ouvrage doit procéder à l’établissement d’un état des lieux des constructions et aménagements menacés de dommages lors du chantier, avant le commencement des travaux.

En cas d’impossibilité pour le maître d’ouvrage de procéder à l’état des lieux, le Bourgmestre peut dispenser de cette obligation. h) En cas d’une configuration géologique spécifique du site qui risque de nécessiter des mesures géotechniques ou hydrogéologiques spécifiques, le Bourgmestre peut exiger du maître d’ouvrage de compléter le dossier de la demande d’autorisation de construire par une étude géotechnique ».

Une analyse prudente de cette disposition permet de conclure au vu de son texte et de l’application d’une logique systémique, que, d’une part, tous les travaux généralement quelconques ne sont pas visés par l’article 25, mais uniquement les « travaux de remblai et de déblai », ainsi que les « murs de soutènement le long le long des limites parcellaires », cette dernière hypothèse n’étant manifestement pertinente en l’espèce.

Or, si la requérante reproche concrètement à la future maison unifamiliale de modifier les eaux souterraines, il n’appert pas que la disposition ainsi invoquée s’applique de manière extensive également à de telles constructions, au-delà des « travaux de remblai et de déblai » y spécifiquement, à savoir, conformément à la définition du Rb, figurant en son Titre X « Annexe-définition », une « modification apportée au niveau d’un terrain, dépassant soit une différence de hauteur de 1,00 m, soit un mouvement de terrain supérieur à 10 m3 », les travaux étant plutôt à qualifier de travaux d’excavation, non pas destinés à remodeler un terrain existant, mais à permettre la réalisation de fondations et d’un étage en sous-sol. Ainsi, les travaux visés consistent à faire un « trou » dans le sol afin de l’aménager, extraire la terre et la stocker en remblai ou l’évacuer, partant essentiellement à creuser le sol, tandis que des travaux de déblais consistent à déblayer un terrain, dans le sens que des décombres (terre et gravats) sont enlevés de manière à niveler ou abaisser le sol.

L’article 25 du Rb ne semble dès lors, au terme d’une première analyse, pas applicable en l’espèce.

2 Voir également trib. adm. 31 mars 2014, n° 32152.

14 A titre tout à fait superfétatoire, il convient de retenir qu’il ne résulte au terme d’une analyse superficielle d’aucun élément du dossier que les travaux projetés et autorisés « modifient de manière substantielle le niveau de la nappe phréatique ou l’écoulement des eaux de surface », Ainsi, les rapports (B), réalisés suite à une étude sommaire des données disponibles sur GEOPORTAIL et suite à la lecture d’un autre rapport réalisé par un bureau d’études, ne reposent essentiellement que sur des suppositions (« La réalisation du projet impliquera très probablement un pompage continue des eaux de la fouille. Ceci peut induire des rabattements de nappe et affecter le substrat argileux tant en amont et qu’en aval du site ainsi qu’activer des circulations résiduelles dans la tranchée de l’ancienne canalisation descendant vers l’annexe du moulin. On peut admettre aussi qu’un dispositif de sécurité assurant un rabattement approprié des eaux souterraines sera utile et ou nécessaire et ce au-delà de la période de chantier et ce même en cas de mise en place de cuve étanche pour les caves ») ainsi que sur une affirmation (« Le risque pour les voisins est réel, tant pendant le chantier qu’au long terme ») sans qu’il n’y apparaisse de manière évidente une modification substantielle du niveau de la nappe phréatique.

Par ailleurs, qu’il n’apparait pas non plus de manière manifeste que la notion de « eaux de surface », qui jouissent d’un régime de protection extensif et sévère instauré par la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau, notamment afin de préserver leur qualité, et qui visent essentiellement les rivières et ruisseaux, trouve également à s’appliquer à des eaux de ruissellement.

En tout état de cause, il convient de rappeler que d’après la jurisprudence, la finalité première d’une autorisation de construire consiste à certifier qu’un projet est conforme aux règles d’urbanisme applicables et par principe le propriétaire peut faire tout ce qui lui n’est pas formellement interdit par une disposition légale ou réglementaire. Ainsi, la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions légales ou réglementaires existantes entraînerait en principe dans le chef de l’administration l’obligation de délivrer le permis sollicité, sous peine de commettre un abus respectivement un excès de pouvoir3.

Il résulte encore de cette jurisprudence que le bourgmestre, à l’occasion de la délivrance d’une autorisation de construire, ne doit prendre en considération que les prescriptions administratives et qu’il ne lui appartient pas de prendre en compte des considérations d’intérêt privé sans commettre un excès de pouvoir. Le bourgmestre, en délivrant l’autorisation de construire, se prononcerait donc uniquement du point de vue administratif, l’exécution concrète de l’installation, ainsi que les litiges sur le droit de propriété restant l’affaire des bénéficiaires de l’autorisation4.

Cette conclusion se dégagerait encore du fait que le permis de construire est délivré sous réserve des droits des tiers : les droits généralement quelconques des tiers étant réservés, il leur appartient de les faire valoir devant le juge compétent, à savoir les juridictions civiles.

Ainsi, le bourgmestre, en délivrant l’autorisation de bâtir, constate dans la forme passive d’une autorisation que la réalisation du projet est permise. Cet acte d’administration ne peut avoir pour l’administration aucune conséquence civile : si le bâtisseur construit sur le bien d’autrui, ou si le bien est grevé de servitudes civiles, la demande est néanmoins accueillie, parce que 3 Trib. adm. 21 octobre 2012, n° 27540 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme n° 939 et les autres références y citées.

4 Trib. adm. 8 novembre 2012, n° 28985 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 928.

15 l’administration ignore le point de droit civil et qu’elle ne prend aucune responsabilité technique5.

Il s’avère, dans cette optique, en l’espèce, que la disposition invoquée par la requérante, d’une part, ne constitue à première vue pas une disposition conditionnant la légalité de l’autorisation de construire, mais une obligation visant les « travaux », à savoir la réalisation de l’autorisation de bâtir, de sorte à s’inscrire dans la phase d’exécution, et, d’autre part, que cette disposition s’impose à première vue non pas au bourgmestre, mais au maître d’ouvrage et à l’entrepreneur.

Il appert dès lors que cette disposition ne conditionne partant, à première vue, pas la légalité de l’autorisation décernée par le bourgmestre, mais, éventuellement, la responsabilité civile du maître de l’ouvrage.

En effet, comme, tel que relevé ci-avant, il est de jurisprudence constante que la conformité de la demande d’autorisation par rapport aux dispositions d’urbanisme existantes entraîne en principe dans le chef du bourgmestre l’obligation de délivrer le permis sollicité sans prendre en considération d’autres considérations d’intérêt privé ou tenant à l’exécutabilité technique ou matérielle du projet, sous peine de commettre un abus respectivement un excès de pouvoir, et que l’autorisation de construire est délivrée sous réserve des droits des tiers, il ne paraît guère soutenable que le bourgmestre ait en l’espèce commis une quelconque illégalité pour ne pas avoir tenu compte d’éventuels risques résultants de la réalisation matérielle de la construction autorisée.

En troisième lieu, tel que relevé par l’administration communale, le bourgmestre disposait bien, au moment de la délivrance de l’autorisation de bâtir contestée, d’une étude géotechnique, à savoir l’étude réalisée par le bureau d’études GEOCONSEIL du 5 juillet 2022, intitulée « Etude d’infiltration et recommandations géotechniques » visant à « déterminer les paramètres géotechniques et la perméabilité du terrain et de donner les recommandations concernant la réalisation du terrassement, les fondations et la sécurisation de la fouille », étude préconisant diverses mesures techniques.

Enfin, tel que relevé par l’administration communale, le ministre de l’Environnement, du Climat et de la Biodiversité a par arrêté du 5 septembre 2024 autorisé la construction du projet litigieux en exécution de la loi modifiée du 19 décembre 2008 relative à l’eau, arrêté ministériel portant sur « la gestion des eaux souterraines » dans le cadre de la construction de la maison unifamiliale litigieuse.

Le moyen en question n’est dès lors en l’état actuel pas suffisamment sérieux pour justifier le sursis à exécution sollicité 8.

La partie requérante soutient également que l’autorisation de construire aurait violé l’article 23 du Rb concernant l’interdiction de construire au-dessus des conduites souterraines, la requérante prétendant que le terrain où sera construite la maison projetée abriterait des tuyaux de captation, ainsi qu’un collecteur d’une envergure particulièrement importante, existant depuis longtemps, qui passerait en dessous de la maison projetée, et qui, sur sa propre propriété, se déverserait dans le ruisseau.

5 Trib. adm 6 octobre 201, n° 25782 ; 25786 à 25788, confirmé par Cour adm. 22 mars 2011, 27480C à 27483C, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 947 et les autres références y citées.

16 Force est de constater que la partie requérante, d’une part, admet explicitement que les tuyaux de captation allégués ne seraient pas indiqués sur un quelconque plan, tandis qu’elle n’a pas remédié à ce défaut en produisant une quelconque autre preuve.

Il en va de même en ce qui concerne la présence, sous la maison projetée, d’un collecteur d’eau.

Le moyen est dès lors à considérer comme factuellement non sérieux.

L’article 23 du Rb, tel qu’invoqué, ne concerne par ailleurs pas une interdiction de construire au-dessus de conduites souterraines, mais uniquement au-dessus de conduites souterraines d’utilité publique : or, il appert que les canalisations dont la présence est alléguée serviraient ou auraient servi à recueillir et à drainer des eaux souterraines au bénéfice du terrain devant accueillir le projet litigieux : il n’appert dès lors pas que de telles conduites, à première vue destinées à drainer un terrain privé, puissent être considérées comme « conduites souterraines d’utilité publique ».

Le moyen est dès lors encore à considérer comme juridiquement non sérieux.

9.

La partie requérante reproche ensuite au bourgmestre d’avoir violé l’article 92 du Rb concernant la protection de la propriété voisine contre des dégâts pouvant résulter des travaux en accordant l’autorisation de construire actuellement déférée.

L’article 92 du Rb, intitulé « Protection des terrains voisin », dispose que :

« Pour tous travaux, y compris les travaux de construction, de réfection, de démolition, de terrassement et les travaux modifiant la configuration du terrain, le maître d’ouvrage et l’entrepreneur sont tenus de prendre toutes les dispositions nécessaires pour protéger les personnes et les biens, aussi bien sur les terrains ou immeubles concernés que sur les terrains voisins, contre tous les dégâts pouvant résulter de l’exécution des travaux. A cet effet, ils devront faire appel à des bureaux spécialisés si la situation, le caractère ou la configuration des terrains ou immeubles concernés l’exigent.

De même, ils devront procéder notamment à tous les travaux de stabilisation, de consolidation et de renforcement requis.

Un état des lieux relatif au voisinage et, si possible, contradictoire doit être dressé par un bureau spécialisé.

Il est à réaliser, le cas échéant, aux frais du maître de l’ouvrage, avant et après le chantier :

- pour tout chantier relatif à des constructions mitoyennes, - pour tout chantier en bordure de constructions voisines lorsque celui-ci est susceptible de provoquer une dégradation de leur état. Si le maître d’ouvrage renonce à l’établissement d’un état des lieux, le voisinage est présumé non dégradé avant toute activité de chantier et de son installation ».

17 A l’instar de ce qui a été retenu ci-avant, il apparaît que cette disposition, d’une part, ne constitue à première vue pas une disposition conditionnant la légalité de l’autorisation de construire, mais une obligation visant les « travaux », à savoir la réalisation de l’autorisation de bâtir, de sorte à s’inscrire dans la phase d’exécution, et, d’autre part, que cette disposition s’impose à première vue non pas au bourgmestre, mais au maître d’ouvrage et à l’entrepreneur.

Il appert dès lors que cette disposition ne conditionne partant, à première vue, pas la légalité de l’autorisation décernée par le bourgmestre, mais, éventuellement, la responsabilité civile du maître de l’ouvrage.

Il résulte par ailleurs des explications du mandataire des sociétés (AA) et (BB), étayées par un état des lieux unilatéral daté du 21 juin 2024, que Madame (A) n’a pas autorisé la réalisation d’un état des lieux avant travaux de l’intérieur de sa propriété, tout comme elle a refusé de signer l’état des lieux réalisé des extérieurs de sa propriété, de sorte qu’elle est particulièrement malvenue à se prévaloir d’une violation de l’article 92 du Rb, pour rechercher l’annulation, respectivement la suspension de l’autorisation de bâtir querellée.

Ce moyen ne présente dès lors pas non plus le caractère de sérieux requis.

10.

Madame (A) oppose également à l’autorisation de bâtir d’avoir été accordée en violation de l’article 39 du Rb concernant les fondations, dans la mesure où le terrain visé serait gorgé d’eau souterraine, dont l’état s’aggraverait lors de chaque pluie, de sorte qu’il ne constituerait pas un terrain naturellement solide et qu’il faudrait prévoir des mesures de consolidation importantes.

Aux termes de l’article 39 du Rb, intitulé « Fondations », précise que « Les fondations des murs et des piliers porteurs doivent être assises sur un terrain naturellement solide ou artificiellement consolidé, à une profondeur à l’abri du gel (0,80 m par rapport au terrain naturel ou le cas échéant, par rapport au terrain remanié) ».

Si la partie requérante affirme qu’il résulterait de l’étude GEOCONSEIL que le terrain, gorgé d’eau souterraine, dont l’état s’aggraverait lors de chaque pluie, ne constituerait pas un terrain naturellement solide, elle reste en défaut de préciser le passage pertinent de l’étude en question étayant cette affirmation.

Une analyse sommaire de cette même étude ne paraît par ailleurs pas de nature à confirmer l’affirmation de la requérante. En effet, il appert de cette étude que le terrain en question, essentiellement argileux, n’est pas impropre à la construction, mais que « à cause de leur contenu en matériaux fins, les sols rencontrés (remblais, limons d’altération et marnes) peuvent être sensibles aux conditions climatiques avec un risque de diminution des caractéristiques mécaniques. Par conséquent, les fondations doivent être bétonnées directement après le terrassement si elles ne se trouvent pas partout sur le grès ou, comme alternative, une protection du fond de fouille au béton maigre (C1,2/1,5) est à prévoir »6, le bureau d’études indiquant encore les pressions admissibles pour les différentes couches rencontrées pour le dimensionnement de fondations7, ce qui implique à première vue la constructibilité du terrain sous condition de respecter ces limites de pression, le bureau d’étude 6 P.11 et 12 du rapport.

7 P.13 du rapport.

18 préconisant encore « Aux vues du contexte géologique, une solution de fondations superficielle de type radier pourrait être envisagée afin de limiter les tassements différentiels ».

Il appert dès lors que les fondations de la construction litigieuse pourront être réalisées à tout le moins sur un terrain ainsi artificiellement consolidé.

Le moyen d’une violation de l’article 39 du Rb concernant les fondations ne présente dès lors pas non plus le sérieux requis au terme d’un examen nécessairement sommaire.

11.

Le moyen tiré d’une violation de l’article 30 du Rb concernant les pièces destinées au séjour prolongé de personnes, dans la mesure où le projet de construction prévoirait l’aménagement de plusieurs surfaces destinées à des ateliers dans la cave, qui ne bénéficieraient pas de la hauteur règlementaire sous plafond de 2,50 mètres, ne paraît de même pas suffisamment sérieux.

En effet, comme retenu ci-avant, les locaux en question constituent vraisemblablement des caves aménagées en sous-sol, et n’ont d’ailleurs été autorisés qu’en tant que telles, de sorte à ne pas pouvoir être considérées comme « pièces destinées au séjour prolongé de personnes », énumérées limitativement au point 24 du Titre X du Rb, comme « les pièces de séjour, de jeux et de travail, les chambres à coucher et salles d’eau » ainsi que « les bureaux, les surfaces de vente et les ateliers », tandis que constituent des « pièces destinées au séjour temporaire de personnes » « Tous les locaux non visés à la définition précédente »8, lesquelles doivent seulement présenter une hauteur au plafond d’au moins 2,20 m selon l’article 31 du Rb, hauteur respectée au vu du plan intitulé « coupe AA » approuvé par le bourgmestre.

12.

Le moyen tiré d’une violation alléguée de l’article 1.16 du PAP QE concernant les dépendances est également à rejeter pour ne pas être suffisamment sérieux. En effet, si la requérante fait plaider que le chemin d’accès serait implanté directement le long de la clôture de la propriété voisine, qui se trouverait sur la limite parcellaire, ce qui serait contraire à la règlementation interdisant l’implantation de dépendances le long des limites parcellaires séparatives, il résulte toutefois de l’article 12.18 du PAP QE, intitulé « Dépendance », que « On entend par dépendance tout volume accolé ou isolé, ni destiné au séjour prolongé de personnes, ni à une activité professionnelle comme notamment les abris de jardin, les garages et les car-ports ».

Il ne saurait être sérieusement soutenu qu’un chemin d’accès constitue un « volume » accolé ou isolé.

Par ailleurs, aux termes de l’article 12.19 « Dépendance autre que les garages hors-

sols et car-ports », « Au sens de la partie écrite du présent PAP QE, on entend par dépendances autres que les garages hors-sols et car-ports, notamment les abris de jardins, les serres, les abris pour animaux, les barbecues, les kitchenettes, les fours extérieurs, les saunas et autres éléments semblables », partant là encore des éléments tri-dimensionnels présentant un volume, de sorte qu’une voie d’accès, dépourvue de toute hauteur, ne saurait non plus sérieusement être considérée comme une « dépendance autre que les garages hors-sols et car-ports ».

13.

Madame (A) entend encore s’opposer à l’autorisation de construire en lui reprochant d’avoir été accordée en violation de l’article 22 (1) de la partie écrite du PAG concernant la 8 Point 25 du Titre X du Rb.

19 protection de l’environnement construit, la requérante considérant que si la construction projetée serait conçue dans un style adapté à un lotissement moderne, elle ne l’aurait pas été dans un style adapté à celui des maisons historiques subsistant le long de la rue, et certainement pas à celui des constructions érigées « autrefois » dans un paysage alluvial.

Il résulte de l’article 22 (1) du PAG, intitulé « Servitudes spéciales dans les secteurs protégés de type « environnement construit » », tel qu’invoqué, que « Tout projet, telles les constructions nouvelles, les transformations, les rénovations et les travaux d’amélioration énergétiques de constructions existantes, doit s’intégrer par son langage architectural au bâti existant et adopter le caractère particulier du secteur protégé de type « environnement construit » », tout projet devant ainsi respecter des prescriptions y définies relatives aux volumes, aux matériaux en façade, aux teintes, aux formes de toitures et aux avant-toit.

Il résulte d’un examen sommaire de ces dispositions que celles-ci, qui visent à assurer la protection des parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs critères déterminés, imposent en substance l’intégration de tout nouveau projet au bâti existant, dans le sens que le projet doit respecter certains aspects des bâtiments existants dans un tel secteur dont il s’agit d’adopter « le caractère particulier ».

Or, l’essentiel de l’argumentation de la partie requérante ne semble pas s’orienter par rapport à des constructions effectivement existantes dans le secteur protégé de type « environnement construit » de la localité de … - la partie requérante restant d’ailleurs en défaut, à ce stade, tel que lui opposé par la commune et les tiers-intéressés, d’identifier un seul bâtiment existant qui devrait servir d’étalon à l’intégration du projet litigieux, la partie requérante ayant par ailleurs omis de fournir la moindre précision quant au contexte bâti existant du projet litigieux - mais elle semble reposer sur une architecture qui existait autrefois prétendument dans un paysage alluvial, la requérante faisant ainsi référence au fait que « L’implantation des constructions dans un paysage alluvial se faisait autrefois de manière à s’adapter à la présence de l’eau. Elle était caractérisée par un style de construction spécifique », le moyen de la requérante n’étant de la sorte pas à considérer comme s’inscrivant dans la défense d’un bâti existant, mais dans la volonté d’imposer un pastiche architectural d’un style « alluvial » qui, à première vue et à défaut de toute précision de la part de la requérante, a disparu de la localité de ….

Le moyen en question n’est dès lors en l’état actuel pas suffisamment sérieux pour justifier le sursis à exécution sollicité.

13.

Madame (A) argue finalement d’une violation du principe de l’égalité devant la loi, en « signalant » qu’en vertu du principe de l’égalité devant la loi, les autres propriétaires de terrains situés dans la même rue devraient également être habilités à demander eux-aussi une autorisation de bâtir en deuxième ligne, de sorte que les problèmes relatifs à la construction en deuxième file sur ce terrain hautement sensible concernant la circulation de l’eau et ses répercussions sur la stabilité des constructions en amont iraient en s’aggravant.

Force est d’abord de relever que le fait qu’une partie « signale » une circonstance ne constitue pas un moyen d’annulation, puisque l’exposé d’un moyen requiert non seulement de désigner la règle de droit qui serait violée, mais également la manière dont celle-ci aurait été violée par l’acte attaqué, un moyen ne pouvant se réduire à une motivation abstraite, sans la 20 moindre indication de base légale ni indication d’éléments concrets, spécifiques à la situation particulière du demandeur ou à la décision déférée.

Ensuite, dans la mesure de l’intelligibilité de ce « moyen », il appert que la requérante semble vouloir signifier que si l’autorisation de construire et les illégalités que la requérante lui impute ne devaient pas être sanctionnées, d’autres propriétaires devraient être également autorisés à construire en seconde position : or, ce faisant, la requérante ne dénonce pas une violation du principe d’égalité devant la loi, mais au contraire elle entend dénoncer les risques qu’elle pressent qui résulteraient précisément du respect de l’égalité de la loi, à savoir une application égalitaire à d’autres propriétaires de l’interprétation actuelle par le bourgmestre des dispositions contestées.

Le « moyen » d’une « violation du principe de l’égalité devant la loi » n’est dès lors pas sérieux.

Le soussigné, sur base d’un examen nécessairement sommaire, arrive dès lors à la conclusion provisoire que les différents moyens d’annulation tels qu’avancés par la partie requérante ne présentent pas le sérieux nécessaire pour justifier la mesure sollicitée : la partie requérante est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire, sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.

La partie requérante est partant à débouter de sa demande en institution d’un sursis à exécution.

La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.- euros tel que formulée par la partie requérante laisse également d’être fondée, les conditions légales afférentes n’étant pas remplies en cause.

Les sociétés (AA) et (BB) ont formulé une demande reconventionnelle en obtention d’une indemnité de procédure d’un montant de 5000.- euros.

Au vu des circonstances particulières du présent litige et notamment en raison de son issue et du fait que les sociétés (AA) et (BB) ont été obligées de se pourvoir en justice sous l’assistance d’un avocat, il serait inéquitable de laisser à leur charge l’intégralité des frais et honoraires non compris dans les dépens.

Compte tenu des éléments d’appréciation en possession du soussigné, des devoirs et degré de difficulté de l’affaire ainsi que des montants respectivement réclamés, et au vu de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, il y a lieu d’évaluer ex æquo et bono l’indemnité à payer par Madame (A) aux sociétés (AA) et (BB) à un montant de 1.500.- euros.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique ;

rejette la demande en obtention d’un sursis à exécution ;

21 rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la partie requérante ;

condamne Madame (A) à payer aux sociétés (AA) et (BB) une indemnité de procédure d’un montant de 1.500.- euros ;

condamne la partie requérante aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 octobre 2024 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen 22


Synthèse
Numéro d'arrêt : 51454R
Date de la décision : 18/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-10-18;51454r ?

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