Tribunal administratif N° 51444R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51444R Inscrit le 4 octobre 2024 Audience publique du 8 octobre 2024 Requête en institution d’une mesure provisoire introduite par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires Intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (3), L. 18.12.2015)
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ORDONNANCE
Vu la requête inscrite sous le numéro 51444 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 octobre 2024 par Maître Karima HAMMOUCHE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Maroc), de nationalité marocaine, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à voir ordonner une mesure provisoire, consistant en l’institution d’un sursis à exécution et d’une mesure de sauvegarde par rapport à 1) une décision du ministre des Affaires intérieures du 17 septembre 2024, lequel a déclaré irrecevable sa seconde demande de protection internationale, et à 2) une décision du ministre des Affaires intérieures du 17 septembre 2024 portant ordre de quitter le territoire à son encontre, un recours en annulation dirigé contre les prédites décisions ministérielles du 17 septembre 2024, inscrit sous le numéro 51439, introduit le 3 octobre 2024, étant pendant devant le tribunal administratif ;
Vu les articles 11 et 12 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée au fond du 17 septembre 2024 ayant déclaré irrecevable la seconde demande de protection internationale ;
Maître Karima HAMMOUCHE ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.
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Le 3 janvier 2023, Monsieur (A), de nationalité marocaine, introduisit auprès du service compétent du ministre de l’Immigration et de l’Asile, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », qui fut refusée dans le cadre d’une procédure accélérée par décision ministérielle du 30 août 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile lui ayant encore ordonné de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de trente jours.
Cette décision ne fit pas l’objet d’un recours contentieux.
Cette décision fut remplacée par un arrêté du 30 octobre 2023, par lequel le ministre en question constata le séjour irrégulier de Monsieur (A) au Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir le Maroc, ou à destination d’un pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, et lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans.
Cette décision ne fit pas l’objet d’un recours contentieux.
Le 6 septembre 2024, Monsieur (A) introduisit auprès du ministre des Affaires intérieures, entre-temps en charge de son dossier, ci-après « le ministre », une nouvelle demande de protection internationale au sens de la loi du 18 décembre 2015, laquelle fut à son tour rejetée par décision ministérielle du 17 septembre 2024 pour être irrecevable en application de l’article 28, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, libellée comme suit :
« […] En date du 6 septembre 2024, vous avez introduit une deuxième demande de protection internationale au Luxembourg sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je tiens à vous informer qu’en vertu des dispositions de l’article 28 (2) d) de la Loi de 2015, votre demande de protection internationale ultérieure est irrecevable.
1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Monsieur, il ressort de votre dossier administratif qu’en 2017, vous auriez quitté le Maroc moyennant des faux papiers en gagnant d’abord la Libye en avion, puis l’Italie à bord d’un bateau. Vous n’auriez pas attendu la réponse des autorités italiennes à votre demande de protection internationale et auriez pris le bus pour aller vous installer en Espagne, où vous auriez alors clandestinement séjourné de juillet 2018 à février 2020. Vous n’y avez pas introduit de demande de protection internationale alors que vous auriez vécu chez la famille.
Après le décès de votre père, vous auriez dû quitter l’Espagne puisque vous n’auriez pas réussi à régulariser votre situation.
Vous auriez alors passé quelques mois en France et en Belgique, à nouveau sans y introduire de demande de protection internationale, avant d’aller introduire une telle demande en Suisse. Comme cette demande aurait été refusée, vous auriez décidé d’en introduire une nouvelle en Allemagne. Or, étant donné qu’en Allemagne, les autorités seraient « très sévères », vous auriez décidé de partir aux Pays-Bas, où vous seriez resté pendant deux mois où vous auriez introduit une demande de protection internationale en date du 31 août 2021. Comme on ne s’y serait toutefois pas occupé de vous, vous auriez décidé de retourner vivre clandestinement en Espagne, où vous auriez du coup passé onze mois auprès de membres de famille. Ensuite, vous seriez pendant un mois allé rendre visite à votre frère à Marseille, avant de prendre le train pour la Belgique et finalement venir introduire une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 3 janvier 2023.
Le 25 avril 2023, vous avez été interpellé par la police française en Haute-Marne.
Le 26 avril 2023, vous avez réintégré votre foyer d’accueil au Luxembourg.
Le 8 août 2023, vous avez été informé que le Luxembourg est devenu responsable de l’examen de votre demande de protection internationale alors que votre transfert vers l’Italie n’a pas pu se faire dans les délais prévus par la loi.
Votre demande de protection internationale a par la suite été refusée par décision ministérielle du 30 août 2023 dans le cadre d’une procédure accélérée.
Vous aviez invoqué à la base de cette demande être de nationalité « berbère, amazigh, non marocain » alors que vous ne reconnaitriez pas le Maroc, être divorcé et originaire de ….
Au Maroc, vous auriez travaillé dans l’agriculture et comme vous n’auriez pas pu payer les allocations suite à votre divorce, vous vous seriez tourné vers le commerce de haschisch, en transportant cette marchandise pour un groupe vers l’Espagne. Vous craindriez désormais « la mort. La prison. La prison, on peut la supporter ». Vous auriez par le passé travaillé avec les dénommés (B) et (C) dans le transport de haschisch vers l’Espagne, mais en 2016, votre marchandise aurait été confisquée par la marine espagnole. Vous auriez alors été placé en prison en Espagne et votre père aurait payé votre caution pour vous faire libérer après un mois de détention. Après votre libération, en 2016, vous seriez retourné au Maroc. Vous auriez alors dû vous déplacer d’un endroit à l’autre alors que vos anciens partenaires seraient désormais à votre recherche étant donné qu’ils seraient d’avis que vous auriez volé leur marchandise confisquée. Dans ce contexte, vous vous seriez une fois promené à …, lorsqu’une voiture se serait arrêtée et que trois personnes, selon vous trois hommes de main d’(B) et d’(C), seraient sortis. Vous auriez immédiatement commencé à courir et un des hommes en question aurait tiré plusieurs fois en votre direction en vous touchant une fois au tibia. La police serait intervenue et aurait pris des photos. Vous auriez été soigné à l’hôpital et auriez porté plainte.
Vous n’auriez toutefois pas raconté la vérité aux policiers pour ne pas vous retrouver en prison vous-même. Après cet incident, vous n’auriez plus connu de problèmes au Maroc, où vous seriez encore resté pendant trois mois.
Vous aviez ajouté que votre deuxième problème au Maroc concernerait votre ex-épouse alors que cela ferait désormais six ou sept ans que vous n’auriez pas versé d’allocations et que vous risqueriez par conséquent une peine de prison de quatre à cinq ans. Vous n’auriez pas les moyens de verser ces allocations.
Vous aviez ajouté que vous ne feriez pas confiance aux autorités et que vous ne croiriez, ni au gouvernement, ni au roi. Convié à préciser votre problème avec les autorités, vous parlez de disputes entre les berbères et la police, respectivement, de manifestations qui auraient lieu dans le Rif depuis 2007, voire, depuis les années 1970, organisées par des tribus locales pour « montrer qu’on était les premiers habitants du Maroc » et qui auraient été suivies par des interventions de la police. Vous vous plaignez dans ce contexte de bagarres avec la police et du fait que vous auriez été fouillé par la police en marchant tranquillement dans la rue. En 2011, vous auriez une fois été arrêté avant d’être libéré. Depuis, vous n’auriez plus connu de tels soucis. Néanmoins, à cause de ces manifestations et de la condamnation à vingt ans de prison du dénommé (D) pour avoir réclamé ses droits, vous craindriez également d’être condamné à une peine de prison. Dans ce contexte, vous ajoutez avoir déjà été condamné à une peine de prison de huit mois en 2015, parce qu’un informateur vous aurait faussement dénoncé comme étant impliqué dans le trafic de drogues.
Vous n’avez pas introduit de recours contre cette décision ministérielle, de sorte que la décision est passée en force de chose décidée.
Le 20 octobre 2023, vous avez reçu en mains propres votre convocation afin de vous présenter auprès de la Direction générale de l’immigration en vue de préparer votre retour volontaire au Maroc.
Le 29 octobre 2023, vous étiez impliqué dans une bagarre avec d’autres habitants de votre foyer d’accueil (rapport de police …), altercation qui a rendu nécessaire l’intervention de la police.
Le 24 janvier 2024, vous avez été placé au Centre pénitentiaire pour une affaire de vol.
Le 20 août 2024, vous avez été libéré de prison et avez alors réintégré le Centre de rétention en vue de préparer votre mesure d’éloignement.
Le 6 septembre 2024, vous avez introduit une nouvelle demande de protection internationale.
Enfin, il convient encore de noter que vous êtes connu sous les trois identités suivantes : ….
2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale ultérieure Monsieur, vous déclarez être de nationalité marocaine, célibataire et originaire de ….
Vous avez introduit une nouvelle demande de protection internationale parce que vous craindriez d’être arrêté par la police au Maroc. « il y a deux semaines » (p. 4 du rapport d’entretien), donc fin août 2024, elle serait passée chez votre mère pour la demander où vous vous trouveriez. Vous prétendez par la suite que la police serait passée « plusieurs fois, toujours » (p. 4 du rapport d’entretien) chez votre mère, voire, « c’était plus d’une dizaine de fois » (p. 4 du rapport d’entretien), voire, « tous les jours » (p. 4 du rapport d’entretien). Vous prétendez que la police serait à votre recherche u pour l’affaire de pension alimentaire » (p. 4 du rapport d’entretien) et à cause de mes « activités en tant qu’amazigh contre l’état (sic) » (p. 4 du rapport d’entretien), respectivement, « mes mouvements AL Rif lors des manifestations » (p. 4 du rapport d’entretien) qui auraient commencé en 2000 et se seraient poursuivies jusqu’en 2017 ou 2019. Vous ne reconnaitriez toujours pas le drapeau marocain et vous seriez en outre menacé par l’Etat à cause de « mon tatouage et mes photos, que je transmettrai » (p.
4 du rapport d’entretien).
A cela s’ajoute que vos ex-beaux-frères vous auraient menacé parce que vous auriez divorcé de leur sœur.
A l’appui de votre demande de protection internationale, vous présentez une copie d’une photo qui vous montrerait participer à une manifestation à un lieu et une date inconnus.
3. Quant à l’irrecevabilité de votre demande de protection internationale ultérieure En vertu des articles 28 (2), point d) et 32 de la Loi de 2015, le Ministre peut déclarer irrecevable une demande ultérieure sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans le cas où le demandeur n’invoque aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale. Saisi d’une telle demande ultérieure, le ministre effectue un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en question. L’examen de la demande n’est poursuivi que si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et à condition que le demandeur concerné ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. Dans le cas contraire, la demande est déclarée irrecevable.
Il s’ensuit que la recevabilité d’une demande ultérieure est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir, premièrement, que le demandeur invoque des éléments ou des faits nouveaux, deuxièmement, que les éléments ou les faits nouveaux présentés augmentent de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et, troisièmement, qu’il ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de se prévaloir de ces éléments ou de ces faits nouveaux au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.
Monsieur, malgré le fait que vos déclarations sont très confuses et qu’il est difficile de savoir de qui et pour quelles raisons vous avez effectivement peur, il semble que vous invoquez trois motifs de fuite à la base de votre deuxième demande de protection internationale à savoir, premièrement que vous risquez d’être emprisonné en raison du non-paiement de la pension alimentaire à votre ex-épouse, deuxièmement que vous risquez d’être emprisonné en raison de vos prétendues « activités en tant qu’amazigh contre l’état (sic) » (p. 4 du rapport d’entretien), respectivement, vos « mouvements Al Rif lors des manifestations » (p. 4 du rapport d’entretien) qui auraient commencé en 2000 et se seraient poursuivies jusqu’en 2017 ou 2019, et troisièmement que vous seriez tué par vos ex-beaux-frères alors que vous auriez divorcé.
Monsieur, quant aux deux premiers motifs de fuite, il y a lieu de soulever que vous les aviez déjà invoqués et qu’ils ont fait l’objet d’une analyse dans le cadre de votre première demande de protection internationale, de sorte qu’il ne s’agit pas de motifs de fuite nouveaux.
En effet, vous aviez déjà mentionné votre prétendue participation à des manifestations et le fait que vous auriez à l’époque été arrêté et frappé par la police, tout comme vous aviez déjà parlé de votre appartenance ethnique amazigh ou berbère, de votre prétendu rejet de l’État et du drapeau marocain et de façon générale de manifestations qui auraient eu lieu dans le Rif depuis 2007, voire, depuis les années 1970.
Il en est de même de vos prétendues problèmes ou craintes concernant le non-versement d’allocations familiales à votre ex-épouse. En effet, vous aviez déjà parlé dans le cadre de cette première demande du fait que cela ferait six ou sept ans que vous n’auriez pas versé d’allocations et que vous risqueriez par conséquent une peine de prison de quatre à cinq ans.
A part le constat qu’il vous avait été communiqué dans le cadre du refus de votre première demande de protection internationale que le fait de risquer une peine de prison pour ne pas verser d’allocations et ne pas se tenir à ses obligations ne constitue nullement une persécution mais bien une sanction légale également prévue au Luxembourg, vos peurs en lien avec ces allocations familiales ne sauraient donc clairement pas non plus être perçues comme des éléments nouveaux au sens dudit article 28.
Vous expliquez certes dans le cadre de la présente demande que l’élément nouveau serait le fait que la police serait à votre recherche et qu’elle serait passée à plusieurs reprises chez votre mère, or, il échet de soulever que la sincérité de vos propos sur ce point ne saurait être retenue alors que vous ne restez non seulement en défaut de corroborer vos déclarations par des preuves et pièces quelconques mais qu’en plus, vos déclarations sont vagues et incohérentes.
En effet, vous voulez d’abord faire croire que fin août 2024, des policiers se seraient présentés chez votre mère pour la demander où vous vous trouveriez, tandis que vous prétendez toutefois par la suite qu’en fait, ces policiers seraient « toujours » venus chez vous, ou tous les jours, voire, plus d’une dizaine de fois, tout en précisant que vous en auriez déjà été au courant lors de votre séjour en prison au Luxembourg. Or, étonnement, vous n’aviez pendant tout ce temps en prison pas éprouvé le besoin d’introduire une demande de protection internationale ultérieure, besoin qui n’est apparemment apparu que lorsque vous avez compris que votre éloignement vers le Maroc serait imminent après l’émission de votre laissez-passer par les autorités marocaines.
Dans ce même contexte, il convient de noter qu’il n’est manifestement pas plausible non plus que la police ne vous ait à aucun moment recherché au Maroc à cause de votre participation auxdites manifestations alors que vous précisez ne plus y avoir connu de soucis avec la police depuis 2011, mais que comme par hasard, suite au refus de votre première demande de protection internationale en 2023, et sept ans après votre départ du Maroc en 2017, elle se serait en 2024, mise à vous rechercher pour des faits vieux d’une dizaine d’années ou plus.
Comme déjà mentionné dans la décision ministérielle de refus de votre première demande de protection internationale, contre laquelle vous n’avez d’ailleurs pas introduit de recours devant les juridictions administratives, il est d’autant plus permis de douter de votre sincérité, voire, de la gravité de votre situation au Maroc au vu de votre comportement adopté en Europe. Alors qu’on doit pouvoir attendre d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée qu’elle introduise une demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, il ressort pourtant de vos dires que vous auriez d’un côté préféré voyager clandestinement à travers l’Europe pendant des années et de l’autre côté, même pas voulu attendre la réponse des autorités à vos demandes de protection internationale.
En effet, après que vous seriez arrivé à bord d’un bateau en Italie et que vous y avez introduit une demande de protection internationale, vous avez après un moment décidé de quitter ce pays sans attendre la réponse des autorités à votre demande, pour voyager clandestinement à travers la France et puis vous installer pendant deux ans de manière irrégulière en Espagne. Vous n’avez en outre à aucun moment tenté de rechercher une forme quelconque de protection en Espagne sous prétexte que vous auriez vécu auprès de votre famille, même après que vous y auriez pourtant en vain tenté de régulariser votre situation suite à la mort de votre père.
Ensuite, vous auriez décidé de passer quelques mois clandestinement en France, à nouveau sans y rechercher de protection, pour par la suite faire pareil en Belgique. Ensuite, après le refus de votre demande de protection internationale en Suisse, vous auriez décidé d’aller introduire une nouvelle demande en Allemagne en ne jugeant toutefois pas opportun de rester dans ce pays alors que les autorités y seraient « très sévères », respectivement, parce qu’a li n’y a pas de travail au noir en Allemagne. On ne peut pas y vivre. Je n’avais presque rien à manger » (p. 8 du rapport d’entretien Dublin Ill). Ainsi, vous êtes parti introduire une nouvelle demande de protection internationale aux Pays-Bas mais vous n’auriez à nouveau pas voulu rester dans ce pays sous prétexte cette fois-ci qu’on ne se serait pas occupé de vous.
Vous auriez finalement décidé de retourner vivre clandestinement en Espagne pendant onze mois, suivi d’un séjour irrégulier d’un mois à Marseille avant de repartir pour la Belgique et venir introduire une nouvelle demande de protection internationale au Luxembourg. On peut d’ailleurs pareillement attendre d’une telle personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée qu’elle tente de s’intégrer dans son pays hôte qui lui offrirait toit et protection plutôt que de se faire remarquer pour son caractère délinquant ou agressif et une condamnation à une peine de prison.
Il faut déduire de ces constats qu’il paraît évident que vous n’avez introduit cette demande ultérieure que dans le seul but d’empêcher ou d’éviter la décision d’éloignement qui a été prise à votre encontre et nullement à cause d’une prétendue crainte d’être victime de persécutions ou d’une atteinte grave au Maroc.
Nonobstant la question de la crédibilité de vos déclarations sur ce point, il convient encore de noter que le seul fait que des policiers seraient passés chez votre mère et seraient à votre recherche ne saurait en aucun cas augmenter de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.
En effet, il ne ressort pas de vos déclarations que vous seriez recherché par la police en raison de votre race, de votre nationalité, de votre religion, de vos opinions politiques ou encore de votre appartenance à un groupe social. Ce constat est corroboré par le fait qu’il n’est manifestement pas possible de se faire une idée claire et détaillée de ce que la police serait vraiment venue faire chez vous, ni pourquoi elle voudrait savoir où vous vous trouveriez.
Vos déclarations sur ce sujet ne constituant en fait que des pures suppositions alors que vous avancez d’un côté la théorie des allocations non payées et de l’autre côté votre participation à des manifestations et vous n’êtes donc pas non plus en mesure de corroborer vos problèmes ou craintes par des preuves quelconques. Le seul versement de la copie d’une photo qui vous montre lors d’un agroupement de gens à une date inconnue, un lieu inconnu et pour un motif inconnu ne saura en tout cas nullement servir comme preuve à l’appui de vos dires et manifestement pas non plus comme preuve que la police vous rechercherait pour vos activités au cours des manifestations auxquelles vous auriez participé avant votre départ du Maroc en 2017.
D’ailleurs, au vu de votre passé criminel et de votre refus de payer la pension alimentaire à votre ex-épouse le passage des policiers chez votre mère peut avoir une raison tout à fait légitime. En tout cas, vous n’établissez pas le contraire et il y a lieu de conclure que le seul fait que des policiers soient passés chez votre mère et qu’ils soient à votre recherche ne saurait être considéré comme acte de persécution ou atteinte grave pouvant justifier l’octroi d’une protection internationale dans votre chef.
Enfin, en ce qui concerne votre troisième motif de fuite, à savoir les prétendues menaces proférées à votre encontre par vos ex-beaux-frères, force est de constater que vous ne les avez effectivement pas mentionnées dans le cadre de votre première demande de protection internationale mais que vous n’étiez manifestement pas dans l’incapacité de les mentionner dans le cadre de cette procédure. En effet, vous étiez déjà divorcé avant même de quitter le Maroc en 2017 et il ne ressort pas de vos dires que vous y seriez à un moment donné retourné depuis. Les menaces reçues auraient donc forcément été proférées avant votre départ du pays de sorte que vous auriez dû en faire part dans le cadre de cette première demande de protection internationale.
Enfin, et à toutes fins utiles, il s’avère que les menaces n’auraient pas été proférées à votre encontre en raison d’un des cinq motifs de fond définis dans la Convention de Genève et la Loi de 2015, mais s’inscrivent dans le cadre d’un simple conflit familial. Par ailleurs, de simples menaces, non suivies d’un acte concret, ne sauraient être considérées comme constituant un acte de persécution, voire une atteinte grave. Partant, ce troisième motif à la base de votre deuxième demande ne saurait pas non plus augmenter de manière significative la probabilité de vous remplissiez les conditions d’octroi d’une protection internationale, ceci d’autant plus qu’il ne ressort nullement de vos dires que vous auriez tenté de dénoncer vos ex-
beaux-frères ou de déposer plainte contre eux, ni que vous n’auriez pas pu compter sur l’aide ou la protection des autorités marocaines.
Partant votre demande en obtention d’une protection internationale ultérieure est déclarée irrecevable. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2024, inscrite sous le numéro 51439 du rôle, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant, aux termes de son dispositif à l’annulation de « la décision ministérielle datée du 17 septembre 2024 notifiée le 19 septembre 2024 portant refus de réouverture de la procédure de demande de protection internationale et dérogation au droit de rester sur le territoire […] la décision ministérielle entreprise du 17 septembre 2024 notifiée le 19 septembre 2019 portant ordre de quitter le territoire à l’encontre de la partie requérante ».
Par requête déposée en date 4 octobre 2024 à 16:03 heures, inscrite sous le numéro 51444 du rôle, il a encore introduit un recours tendant à voir ordonner le sursis à exécution, sinon à avoir instaurer une mesure de sauvegarde par rapport à la décision en question jusqu’au jour où le tribunal administratif aura statué sur le mérite de son recours au fond, le dispositif de cette requête étant libellé comme suit : « dire qu’il y a lieu à suspendre l’exécution de la décision du 17 septembre 2024 lui notifiée le 19 septembre 2024 et autoriser provisoirement Monsieur (A) à séjourner temporairement sur le territoire du Grand-Duché ; Dire que cette mesure ne conservera ses effets que jusqu’à ce que le Tribunal Administratif ait définitivement statué sur le recours au fond qu’il a interjeté à l’égard de la décision du 17 septembre 2024 lui notifiée en date du 19 septembre 2024 ».
Le requérant soutient qu’il subira du fait de la décision attaquée par le recours au fond un dommage grave et définitif.
A cet égard il soutient avoir été informé par sa mère, restée dans son pays d’origine, qu’il serait activement recherché par la police marocaine du fait de son activisme au sein d’une association indépendantiste ainsi que par ses anciens beaux-frères, et ce en relation avec des pensions alimentaires non acquittées, de même qu’il serait activement recherché par certains de ses anciens compagnons qu’il avait fréquentés dans le milieu de la drogue.
Il affirme que du fait de son passé de membre très actif dans une association antigouvernementale qui lui avait déjà valu de nombreuses persécutions et de l’existence d’une vendetta à son encontre par une milice criminelle active dans le milieu de la drogue, il serait exposé à un risque pour sa vie ainsi qu’au risque d’un emprisonnement en cas de retour dans son pays d’origine à défaut d’obtenir la mesure de sauvegarde sollicitée.
Le requérant estime encore que ses moyens produits à l’appui de son recours au fond seraient sérieux ; dans ce contexte et en substance il invoque d’abord sur base d’une jurisprudence un vice de procédure lié à son absence d’information de la date de son audition au Centre de rétention dans un délai raisonnable lui permettant d’assurer efficacement sa défense en mandatant un avocat, Monsieur (A) soutenant que comme son audition se serait déroulée sans l’assistance d’un avocat, la défense de ses intérêts n’aurait pas été adéquatement assurée. En effet, comme il n’aurait pas été informé préalablement et en temps utile de la date de son audition, il n’aurait pas été en mesure de mandater un avocat qui aurait pu le préparer à cette audition et qui lui aurait permis aussi de soumettre par l’intermédiaire de son mandataire et sur conseil de son mandataire des documents pertinents dans le cadre de l’instruction de sa demande.
Il considère ensuite que contrairement à l’appréciation ministérielle, il aurait invoqué lors de sa nouvelle audition du 9 septembre 2024 plusieurs éléments susceptibles de donner lieu à réouverture de sa demande de protection internationale, Monsieur (A) résumant dans sa requête ces nouveaux éléments comme suit : i) sa mère aurait reçu à plusieurs reprises la visite inopportune de la police en lien avec des pensions alimentaires non acquittées et avec son accointance avec le mouvement AL RIF ; ii) son passé d’activiste du mouvement contestataire contre l’autorité marocaine l’empêcherait de retourner dans son pays d’origine et l’exposerait à des formes de persécutions politiques ; iii) son passé de membre d’une milice mafieuse dans le milieu de la drogue.
Factuellement, Monsieur (A) entend étayer ces faits par les pièces suivantes : i) un courrier de sa mère, Madame (E), sollicitant la protection de son fils qui serait recherché par la police et qui serait selon ses termes « menacé de mort » ; ii) un document établi par l’association LIBERTE DE RIF qui confirmerait le fait qu’il aurait été un activiste de cette association.
Le délégué du gouvernement, pour sa part, conclut au rejet du recours au motif qu’aucune des conditions légales ne serait remplie en cause.
En vertu de l’article 12 modifiée de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le président du tribunal administratif ou le magistrat le remplaçant peut au provisoire ordonner toutes les mesures nécessaires afin de sauvegarder les intérêts des parties ou des personnes qui ont intérêt à la solution de l’affaire, à l’exclusion des mesures ayant pour objet des droits civils.
Sous peine de vider de sa substance l’article 11 de la même loi, qui prévoit que le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux, il y a lieu d’admettre que l’institution d’une mesure de sauvegarde est soumise aux mêmes conditions concernant les caractères du préjudice et des moyens invoqués à l’appui du recours. Admettre le contraire reviendrait en effet à autoriser le sursis à exécution d’une décision administrative alors même que les conditions posées par l’article 11 ne seraient pas remplies, le libellé de l’article 12 n’excluant pas, a priori, un tel sursis qui peut à son tour être compris comme mesure de sauvegarde.
Or, en vertu de l’article 11, (2) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le sursis à exécution ne peut être décrété qu’à la double condition que, d’une part, l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif et que, d’autre part, les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la décision apparaissent comme sérieux.
Concernant les moyens invoqués à l’appui du recours dirigé contre la demande, le juge appelé à en apprécier le caractère sérieux ne saurait les analyser et discuter à fond, sous peine de porter préjudice au principal et de se retrouver, à tort, dans le rôle du juge du fond. Il doit se borner à se livrer à un examen sommaire du mérite des moyens présentés, et accorder le sursis, respectivement la mesure de sauvegarde lorsqu’il paraît, en l’état de l’instruction, de nature à pouvoir entraîner l’annulation ou la réformation de la décision critiquée, étant rappelé que comme le sursis d’exécution, respectivement l’institution d’une mesure de sauvegarde doit rester une procédure exceptionnelle, puisque qu’ils constituent une dérogation apportée aux privilèges du préalable et de l’exécution d’office des décisions administratives, les conditions permettant d’y accéder doivent être appliquées de manière sévère.
L’exigence tirée du caractère sérieux des moyens invoqués appelle le juge administratif à examiner et à apprécier, au vu des pièces du dossier et compte tenu du stade de l’instruction, les chances de succès du recours au fond. Pour que la condition soit respectée, le juge doit arriver à la conclusion que le recours au fond présente de sérieuses chances de succès.
Ainsi, le juge du référé est appelé, d’une part, à procéder à une appréciation de l’instant au vu des éléments qui lui ont été soumis par les parties à l’instance, cette appréciation étant susceptible de changer par la suite en fonction de l’instruction de l’affaire et, d’autre part, non pas à se prononcer sur le bien-fondé des moyens, mais à vérifier, après une analyse nécessairement sommaire des moyens et des arguments présentés, si un des moyens soulevés par le demandeur apparaît comme étant de nature à justifier avec une probabilité suffisante l’annulation de la décision attaquée.
La compétence du président du tribunal est restreinte à des mesures essentiellement provisoires et ne saurait en aucun cas porter préjudice au principal. Il doit s’abstenir de préjuger les éléments soumis à l’appréciation ultérieure du tribunal statuant au fond, ce qui implique qu’il doit s’abstenir de prendre position de manière péremptoire, non seulement par rapport aux moyens invoqués au fond, mais même concernant les questions de recevabilité du recours au fond, comme l’intérêt à agir, étant donné que ces questions pourraient être appréciées différemment par le tribunal statuant au fond. Il doit donc se borner à apprécier si les chances de voir déclarer recevable le recours au fond paraissent sérieuses, au vu des éléments produits devant lui.
Or, en l’espèce, force est de constater que les moyens tels que présentés à l’appui du recours au fond ne présentent en l’état actuel du dossier et sur base d’un examen nécessairement sommaire, pas le sérieux nécessaire pour justifier la mesure sollicitée.
En ce qui concerne le premier moyen, tiré d’un prétendu vice de procédure qui résulterait du fait que le requérant n’aurait pas été préalablement informé, ou pas informé en temps utile, de la date de son audition, de sorte qu’il n’aurait pas pu se faire assister par un avocat - le requérant ayant été entendu 3 jours après sa nouvelle demande de protection internationale - il échet de retenir que la seule invocation d’une jurisprudence datant de 2013, prise sur base de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, abrogée depuis 2015, ne saurait être considérée comme sérieuse, à défaut d’indication d’une base légale actualisée comportant l’obligation implicitement invoquée par le biais de la jurisprudence désuète citée.
Il n’appartient en effet pas au soussigné, juge de l’évident et du manifeste, de procéder de sa propre initiative à une instruction juridique du dossier en procédant à une confrontation et à une comparaison des textes invoqués mais abrogés avec les textes effectivement applicables, et le cas échéant, de reformuler les moyens juridiques de la requérante afin de les mettre au diapason de la législation actuellement applicable, le juge du provisoire n’étant pas compétent pour procéder à une analyse poussée aux seules fins de comprendre la finalité et l’argumentation de la requête, étant par ailleurs souligné qu’un tel argumentaire adapté ne se trouve, en tout cas pour l’heure, pas libellé dans l’affaire au fond, étant rappelé que le magistrat appelé à prendre une mesure provisoire ne peut avoir égard, au niveau de l’analyse du sérieux des moyens présentés, qu’aux seuls moyens présentés par le requérant en question dans l’instance au fond au jour où le juge du provisoire est appelé à statuer.
Enfin, factuellement, s’il est constant en cause, pour ne pas être énervé, que Monsieur (A) a été informé de ses droits et obligations conformément à l’article 11 de la loi du 18 décembre 2015 en date du 6 septembre 2024, et en particulier de son droit de se faire assister par un avocat, mais qu’il lui « incombe de faire les démarches nécessaires pour qu’un avocat soit présent lors de l’entretien fixé », tel que résultant de la fiche d’introduction d’une demande de protection internationale signée par l’intéressé, il appert qu’il n’a pas demandé, à un quelconque moment, soit antérieurement à l’entretien, soit durant l’entretien soit postérieurement à l’entretien, que celui-ci soit reporté ou qu’il puisse bénéficier d’un entretien complémentaire, le requérant ayant par ailleurs affirmé disposer d’un avocat, puisqu’il a affirmé transmettre des documents à celui-ci.
En ce qui concerne ensuite les nouveaux éléments invoqués par le requérant à l’appui de sa demande ultérieure, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 28 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « […] le ministre peut prendre une décision d’irrecevabilité, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans les cas suivants:
[…] d) la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale […] ».
Aux termes de l’article 32 de la même loi, « (1) Constitue une demande ultérieure une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel le ministre a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 23, paragraphes (2) et (3).
(2) Lorsqu’une personne qui a demandé à bénéficier d’une protection internationale fait de nouvelles déclarations ou présente une demande ultérieure, ces nouvelles déclarations ou les éléments de la demande ultérieure sont examinés dans le cadre de l’examen de la demande antérieure par le ministre ou, si la décision du ministre fait l’objet d’un recours juridictionnel en réformation, par la juridiction saisie.
(3) Le ministre procède à un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en vertu de l’article 28, paragraphe (2), point d). Le ministre peut procéder à l’examen préliminaire en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien.
(4) Si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale, l’examen de la demande est poursuivi, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. […] ».
Selon la jurisprudence1, il ressort de ces dispositions que le ministre peut déclarer irrecevable une demande ultérieure - c’est-à-dire une demande de protection internationale introduite après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure émanant de la même personne, y compris, notamment, le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande -, sans vérifier si les conditions d’octroi de la protection internationale sont réunies, dans le cas où le demandeur n’invoque aucun élément ou fait nouveau relatif à l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale.
Saisi d’une telle demande ultérieure, le ministre effectue un examen préliminaire des éléments ou des faits nouveaux qui ont été présentés par le demandeur, afin de prendre une décision sur la recevabilité de la demande en question. L’examen de la demande n’est poursuivi que si les éléments ou faits nouveaux indiqués augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et à condition que le demandeur concerné ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir, au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse. Dans le cas contraire, la demande est déclarée irrecevable.
La jurisprudence en a déduit que la recevabilité d’une demande ultérieure est soumise à trois conditions cumulatives, à savoir (i) que le demandeur invoque des éléments ou des faits nouveaux, (ii) que les éléments ou les faits nouveaux présentés augmentent de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et (iii) qu’il ait été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de se prévaloir de ces éléments ou de ces faits nouveaux au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse, de sorte que le tribunal est seulement tenu de vérifier, dans le cadre d’un recours dirigé contre une décision d’irrecevabilité de la demande de protection internationale présentée après un rejet définitif d’une première demande de protection internationale, si le ministre a valablement pu conclure que les éléments ou les faits nouveaux présentés par le requérant n’augmentaient pas de manière significative la probabilité qu’il remplisse les conditions requises pour prétendre à une protection internationale et, dans la négative, d’annuler la décision querellée et de la renvoyer pour examen devant le ministre.
Il est constant en cause que le requérant actuellement, aux termes de sa requête au fond, se prévaut en tant qu’élément nouveau du fait que sa mère aurait reçu à plusieurs reprises la visite de la police en lien avec des pensions alimentaires non acquittées et avec son activisme dans le mouvement Al Rif, son passé d’activiste au sein de ce même mouvement et son passé de membre d’une milice mafieuse active dans le milieu de la drogue, ces nouvelles circonstances devant être étayées factuellement par un courrier de sa mère ainsi que par des courriers de l’association Al Rif en question.
Il résulte à première vue de la décision ministérielle du 30 août 2023, ayant rejeté la première demande de protection internationale, respectivement la décision ministérielle de retour du 30 octobre 2023, non attaquées, de sorte à être coulées en autorité de chose décidée, 1 Voir notamment trib. adm. 13 juillet 2023, n° 49601.
que le requérant avait, dans le cadre de sa première demande de protection internationale, fait valoir ses ennuis avec des criminels du fait de sa participation antérieure à un trafic de drogues, ses problèmes résultant du fait qu’il n’aurait pas payé la pension alimentaire qu’il redevrait à son ex-épouse et finalement, des problèmes plus généraux entre Berbères, habitants du Rif, et les autorités marocaines, ainsi que de problèmes personnels avec la police du fait de son ethnie berbère et sa participation à quelques manifestations.
Force est de constater qu’à première vue, les deux nouveaux éléments, résumés dans la requête comme « la mère de Monsieur (A) a reçu à plusieurs reprises la visite inopportune de la police en lien avec des pensions alimentaires non acquittées et son accointance avec le mouvement AL RIF » ainsi que « son passé de membre d’une milice mafieuse dans le milieu de la drogue » ne constituent pas de nouveaux éléments en ce sens qu’ils ont manifestement été analysés par le ministre dans le cadre de la première décision ministérielle et ont été rejetés comme n’étant pas de nature à justifier l’octroi de la protection internationale, le prétendu courrier de la mère du requérant, daté du 27 septembre 2024, étant à cet égard manifestement dépourvu de toute pertinence.
En effet, les juges du fond, statuant en tant que juges de l’annulation, ne sauront vraisemblablement même pas tenir compte de cette pièce, produite postérieurement à la décision ministérielle du 17 septembre 2024, et pour la première fois au cours de la procédure contentieuse, alors que la légalité d’une décision administrative s’apprécie, dans le cadre d’un recours en annulation, en considération de la situation de droit et de fait au jour où elle a été prise, la vérification de la matérialité des faits s’effectue, en principe, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, respectivement en fonction des éléments dont l’autorité a connaissance ou aurait dû avoir connaissance au moment où elle statue : en effet, il ne saurait être reproché à l’autorité administrative de ne pas avoir tenu compte d’éléments qui ne lui ont pas été présentés en temps utile, le juge de l’annulation ne pouvant en effet prendre en considération ni des éléments de fait, ni des changements législatifs ou réglementaires s’étant produits postérieurement à la prise de la décision.
En ce qui concerne ensuite la prétendue implication du requérant dans un mouvement indépendantiste ou d’activistes berbères, si celle-ci constitue chronologiquement un nouvel élément - encore se situant sur la toile de fond d’ores et déjà examinée par le ministre d’activités pro-berbères - il ne s’agit manifestement pas d’une circonstance dont le requérant aurait été « sans faute de sa part, dans l’incapacité de se prévaloir » au cours de la précédente procédure, ce prétendu militantisme ayant pu et dû être invoqué par le requérant au cours de la procédure précédente, le requérant ayant été prétendument membre de l’association « Liberté de Rif » depuis le 2 octobre 2016.
Quant aux deux courriers, datés prétendument des 2 octobre 2016 et 11 février 2017, prétendument émis par l’association « Liberté de Rif », le soussigné se doit à nouveau de relever que les juges du fond seront, conformément à l’article 35 (3) de la loi du 18 décembre 2015, appelés à statuer en tant que juges de l’annulation par rapport à la décision ministérielle déférée. Comme il est constant en cause que ces deux courriers n’ont été communiqués au ministre que dans le cadre du recours en annulation introduit en date du 3 octobre 2024, soit postérieurement à la décision du 17 septembre 2024, il ne saurait partant a priori être reproché au ministre de ne pas avoir tenu compte en date du 17 septembre 2024 de courriers dont il ignorait nécessairement tout.
Ce moyen, basé sur la prétendue existence de nouveaux éléments au sens de la loi du 18 décembre 2015, n’est par conséquent pas non plus suffisamment sérieux.
Le requérant est partant à débouter de sa demande en institution d’une mesure provisoire, sans qu’il y ait lieu d’examiner davantage la question de l’existence éventuelle d’un risque de préjudice grave et définitif dans son chef, notamment au vu de l’absence manifeste d’une quelconque décision datée du 17 septembre 2024 contenant explicitement sinon implicitement, un ordre de quitter le territoire, les conditions afférentes devant être cumulativement remplies, de sorte que la défaillance de l’une de ces conditions entraîne à elle seule l’échec de la demande.
Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, rejette le recours en obtention d’une mesure provisoire, condamne le requérant aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 octobre 2024 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence de Xavier Drebenstedt, greffier en chef.
s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen 14