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08/10/2024 | LUXEMBOURG | N°50764

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 octobre 2024, 50764


Tribunal administratif N° 50764 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50764 3e chambre Inscrit le 17 juillet 2024 Audience publique du 8 octobre 2024 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50764 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 juillet 2024 par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avo

cats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Tunisie) et...

Tribunal administratif N° 50764 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50764 3e chambre Inscrit le 17 juillet 2024 Audience publique du 8 octobre 2024 Recours formé par Monsieur …, connu sous différents alias, …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50764 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 17 juillet 2024 par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, connu sous différents alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 27 juin 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus d’octroi d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 19 août 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Pascale MILLIM en sa plaidoirie à l’audience publique du 1er octobre 2024.

Il ressort de six rapports de la police grand-ducale des 3 et 26 octobre, 28 novembre, 19, 28 et 29 décembre 2023, qu’à ces dates, Monsieur …, connu sous différents alias, ci-après désigné par « Monsieur … », fit l’objet de contrôles policiers lors desquels il ne put présenter de documents d’identité ou de voyage valables.

Par arrêté du 29 décembre 2023, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara le séjour de Monsieur … sur le territoire luxembourgeois irrégulier et lui ordonna de le quitter sans délai, tout en lui interdisant l’entrée sur ledit territoire pour une durée de trois ans.

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, mesure qui fut prorogée à 5 reprises en dates des 25 janvier, 28 février, 26 mars, 26 avril et 28 mai 2024, à chaque fois pour un mois supplémentaire.Les recours contentieux dirigés par Monsieur … contre les arrêtés de prorogation du placement en rétention des 25 janvier et 28 février 2024 furent rejetés par des jugements du tribunal administratif des 7 février et 20 mars 2024, inscrits sous les numéros de rôle 50018, respectivement 50184. Un jugement du président du tribunal administratif du 10 mai 2024, inscrit sous le numéro 50424 du rôle, confirma encore l’arrêté ministériel du 26 avril 2024 portant 4e prorogation de la mesure de rétention du demandeur.

Suite à l’accord, en date du 4 juin 2024, des autorités consulaires tunisiennes de délivrer un laissez-passer en faveur de Monsieur …, le ministre chargea, par un courrier du 6 juin 2024, une agence de voyage aux fins de la réservation de billets d’avion en vue de l’éloignement de Monsieur … vers la Tunisie, éloignement qui fut prévu, selon le plan de vol établi par la police grand-ducale du même jour, pour le 13 juin 2024.

Il ressort ensuite des éléments du dossier administratif qu’en date du 10 juin 2024, Monsieur … sollicita la possibilité d’introduire une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », demande qui fut formellement déposée en date du 11 juin 2024 auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’immigration, ci-après désigné par « le ministère ».

Par arrêté du 11 juin 2024, le ministre ordonna la mainlevée de l’arrêté de placement en rétention du 28 mai 2024 et ordonna le placement de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à partir de la notification de la décision en question sur base des dispositions de l’article 22, points b) et e) de la loi du 18 décembre 2015.

En date du 12 juin 2024, Monsieur … fut entendu par la police grand-ducale, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Le 17 juin 2024, Monsieur … passa un entretien auprès du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par une décision du 27 juin 2024, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé le 1er juillet 2024, le ministre informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), points a), g) et h) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire sans délai, pour les motifs suivants :

« […] J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 11 juin 2024 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-

après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux 2 Le 3 octobre 2023, vous trouvant illégalement sur le territoire luxembourgeois et démuni de toute pièce d'identité, vous avez été interrogé par la police dans le cadre d'un vol commis à Luxembourg-Gare. Il ressortait alors de la « dienstinterne Datenbank » de la police qu'une interdiction d'entrée sur le territoire a été émise contre vous par l'Italie en date du 17 juin 2021.

Le 26 octobre 2023, vous avez été intercepté en état alcoolisé par la police après une bagarre. Vous avez alors prétendu vous nommer …. Vous vous êtes en outre comporté de manière méprisante, insultante et agressive envers les forces de l'ordre. Après votre sortie de la cellule de dégrisement, vous avez prétendu vous nommer … et être né le … en Libye. Vous avez continué à ne pas donner la moindre réponse constructive aux questions de la police. Le 28 novembre 2023, vous avez à nouveau été intercepté par la police suite à une tentative de fuite dans le cadre d'une dispute avec une autre personne. Le 19 décembre 2023, vous avez été contrôlé par la police et vous avez alors expliqué ne plus avoir de famille et vivre dans un hôtel « pour les étrangers » près de l'aéroport. Vous voudriez construire votre vie au Luxembourg et travailler dans la logistique.

Le 28 décembre 2023, vous avez à nouveau été interrogé par la police luxembourgeoise dans le cadre d'un contrôle préventif. Il ressortait alors de la base de données PIC que vous y êtes enregistré avec la date de naissance du …. Vous avez expliqué à la police être un ressortissant algérien et que votre famille vivrait dans une situation financière précaire. Vous seriez venu au Luxembourg parce qu'« Ich möchte meine Zeit hier verbringen ». Le 29 décembre 2023, vous avez été placé au Centre de rétention et une décision de retour ainsi qu'un ordre de quitter le territoire sans délai vous ont été notifiés. A noter que vous aviez jusque-là toujours communiqué en français avec la police luxembourgeoise et qu'il n'y a jamais eu un souci de compréhension. Or, une fois informé de votre transfert au Centre de rétention, vous avez soudainement fait semblant de ne plus comprendre la langue française.

Le 4 juin 2024, après plusieurs prolongations de votre placement au Centre de rétention et des jugements rejetant vos recours y afférents, les autorités tunisiennes ont délivré un laissez-

passer vous concernant et confirmé aux autorités luxembourgeoises que votre véritable identité est …, né le …. Votre rapatriement à destination de la Tunisie était prévu pour le 13 juin 2024.

Le 10 juin 2024, vous avez alors informé les autorités luxembourgeoises de votre souhait d'introduire une demande de protection internationale.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez être de nationalité tunisienne, célibataire et avoir dernièrement vécu en Tunisie à Sousse. Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que « J'ai vu que c'était un pays sûr. Il y a les conditions nécessaires pour vive une vie digne sans injustice, ni manquements de liberté » (p. 3 du rapport d'entretien). En cas de retour en Tunisie, vous craindriez un dénommé …, qui vous aurait une fois menacé en 2019, voire, donné un coup sur la poitrine, lorsque vous auriez aidé à distribuer des aides pour une association caritative à …. Vous ne sauriez pas pourquoi vous auriez été menacé mais on vous aurait dit que … serait un extrémiste religieux et qu'il refuserait la présence de toute association dans la région. Vous précisez d'abord ne pas avoir déposé plainte en prétendant toutefois à la phrase suivante « (Pour quelles raisons ?) Parce qu'il n'était pas dans la région. J'ai déposé plainte » (p. 4 du rapport d'entretien).

3 En 2022, vous auriez quitté la Tunisie vers la Libye, où vous auriez travaillé comme ouvrier. En juin 2022, vous auriez quitté la Libye à bord d'un bateau à destination de l'Italie.

Après deux jours, vous auriez pris le train pour aller à Marseille, où vous seriez resté pendant neuf mois chez votre copine, une dénommée …. Vous ne seriez pas resté chez elle et auriez pris le choix de venir au Luxembourg « Pour essayer d'avoir du travail au Luxembourg » (p. 5 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

− une photocopie du passeport d'… ;

− une attestation d'hébergement qui aurait été rédigée par …, datée au 2 janvier 2024.

Elle vous aurait rédigé cette lettre pour la « protection en cas de contrôle par la police » (p. 5 du rapport d'entretien) ;

− une demande d'AME (Aide médicale de l'Etat) en France, datée au 3 octobre 2023.

3. Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que vous tombez sous trois des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

g) « le demandeur ne présente une demande qu'afin de retarder ou d'empêcher l'exécution d'une décision antérieure ou imminente qui entraînerait son éloignement ; » En effet, comme susmentionné, vous vous trouviez au Centre de rétention en vue de préparer votre retour en Tunisie après qu'une décision de départ a été prise à votre encontre en décembre 2023, que les autorités tunisiennes ont émis un laissez-passer et que votre vol de retour avait été prévu pour le 13 juin 2024. Il est dès lors évident que vous avez introduit cette demande de protection internationale dans le but de retarder ou d'empêcher l'exécution de votre décision de départ.

h) « le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire et, sans motif valable, ne s'est pas présenté aux autorités ou n'a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée ; » En effet, vous vous trouvez illégalement au Luxembourg au moins depuis le 3 octobre 2023, jour de votre premier interrogatoire par la police. Vous avez par la suite continué à séjourner clandestinement au Luxembourg pendant des mois en ne vous présentant à aucun moment auprès des autorités et en n'exprimant à aucun moment un quelconque souhait d'introduire une demande de protection internationale, ni même après votre placement au Centre de rétention. Ce n'est qu'après l'émission dudit laisser-passer par les autorités tunisiennes et au vu de votre éloignement imminent du territoire que vous avez eu le réflexe d'avoir recours à la procédure de protection internationale. Vous n'avez donc manifestement pas introduit votre demande de protection internationale dans les plus brefs délais.

4 a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale. » Tel qu'il ressort de l'analyse de votre demande de protection internationale, il s'avère que le point a) de l'article 27 se trouve également être d'application pour les raisons étayées ci-après.

4. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Il échet en premier lieu de soulever qu'il est évident que des motifs économiques et de convenance personnelle expliquent votre choix de venir vous installer au Luxembourg. En effet, dans le cadre de vos interrogatoires auprès de la police vous avez déjà signalé que vous seriez venu au Luxembourg pour y construire votre vie et travailler dans la logistique. Vous avez en outre prétendu que votre famille vivrait dans des conditions financières précaires et que vous seriez venu au Luxembourg parce qu'« Ich möchte meine Zeit hier verbringen », voire, « Pour essayer d'avoir du travail au Luxembourg » (p. 5 du rapport d'entretien). Vous auriez finalement introduit une demande de protection internationale parce que « J'ai vu que c'était un pays sûr. Il y a les conditions nécessaires pour vive une vie digne sans injustice, ni manquements de liberté ».

Que des motifs économiques ou de convenance personnelle fondent votre demande de protection internationale vaut d'autant plus au vu de votre parcours en Europe. Alors qu'on 5 peut attendre d'une personne réellement persécutée et vraiment en besoin de protection qu'elle introduise sa demande de protection internationale dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais, vous avez toutefois préféré séjourner clandestinement en Italie, puis pendant à peu près neuf mois en France, avant de vous décider de venir au Luxembourg pour trouver un travail et continuer à y vivre de manière clandestine pour finalement introduire une demande de protection internationale après que vous avez été mis au courant de votre éloignement vers la Tunisie.

Indépendamment de la véracité de vos dires concernant votre vécu alors que vous étiez déjà signalé en Italie en 2021 tandis que vous prétendez avoir quitté votre pays d'origine en 2022, il y a en tout cas lieu de retenir que des motifs économiques ou de convenance personnelle ne sauraient pas justifier l'octroi du statut de réfugié alors qu'ils ne rentrent nullement dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d'être persécutée à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

Quant à votre prétendue crainte en relation avec un dénommé … qui vous aurait une fois, en 2019, menacé ou donné un coup sur la poitrine, il s'agit tout d'abord de noter que vous restez manifestement beaucoup trop vague et superficiel pour pouvoir se faire une idée claire et nette de votre prétendu vécu et de vos prétendues craintes concernant ce personnage.

Par ailleurs, les faits dont vous vous dites victime, à savoir cette menace unique qui aurait été proférée à votre encontre, voire, le coup isolé sur la poitrine, ne sont pareillement pas liés à l'un des cinq critères précités, de sorte qu'ils ne sauraient pas non plus justifier l'octroi du statut de réfugié. En effet, vous vous contentez de dire que vous ne sauriez pas pourquoi ledit … vous aurait ciblé tout en ajoutant qu'il serait contre la présence de toute association dans sa région. Bien que vous précisiez à un moment donné que ce … serait un extrémiste religieux, il ne ressort en tout cas pas de vos dires que vous lieriez cet incident unique à l'un des cinq critères prévus par la Convention de Genève.

De toute façon, il s'agirait aussi de soulever que la seule menace subie, voire, le coup isolé reçu, ne sauraient suffire pour justifier dans votre chef une crainte fondée d'être victime d'actes de persécution au sens des textes précités. Force est en effet de constater qu'il ne vous serait jamais rien arrivé de grave en Tunisie, alors qu'hormis cet incident unique datant de 2019, vous ne mentionnez pas le moindre souci. Vous confirmez par ailleurs avoir encore vécu en Tunisie jusqu'en 2022, tout en ne faisant plus part du moindre incident qui se serait produit endéans ces trois années. Votre prétendu conflit avec le dénommé … ne revêt par conséquent clairement pas un degré de gravité tel à pouvoir être défini comme acte de persécution au sens desdits textes. Vos prétendues craintes envers cette personne doivent dès lors manifestement être définies comme étant totalement hypothétiques, voire, non-fondées et ne justifiant pas l'octroi du statut de réfugié.

A cela s'ajoute que, s'agissant dans ce cas d'un acte perpétré par une personne privée, une persécution commise par un tiers ne peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités du pays d'origine. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, alors qu'il ne ressort pas de vos dires que les autorités tunisiennes n'auraient pas pu ou pas voulu vous venir en aide. Il n'est en effet pas possible de se faire une idée claire de vos démarches alors que vous vous contredisez de manière flagrante à ce sujet. Ainsi, vous confirmez initialement de manière 6 claire et nette que « Non, je n'ai pas déposé plainte » (p. 4 du rapport d'entretien) contre … seulement pour prétendre un moment plus tard de manière incompréhensible que vous auriez bien déposé plainte alors que « Parce qu'il n'était pas dans la région. J'ai déposé plainte » (p.

4 du rapport d'entretien). Vous prétendez finalement que la police n'aurait rien pu faire alors que … n'habiterait pas la région : « Ils m'ont dit que cette personne n'était pas dans la région, et que c'était une personne qui se déplaçait entre l'Algérie et la Tunisie » (p. 4 du rapport d'entretien). Hormis le caractère inintelligible de vos propos, il faut en tout cas déduire qu'il ne saurait nullement être retenu sur base de vos seules allégations que vous n'auriez pas pu compter sur l'aide ou la protection des autorités tunisiennes.

Partant, si après votre retour en Tunisie vous deviez à nouveau rencontrer un problème avec cette personne, il vous appartient de déposer une plainte en bonne et due forme auprès des autorités tunisiennes. Si, par ailleurs, vous deviez estimer que la police ne traiterait pas vos doléances avec le sérieux nécessaire, vous auriez toujours la possibilité de vous adresser à une instance supérieure, sinon au médiateur administratif tunisien.

Il suit des considérations ci-dessus que le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

En effet, il n'existe pas davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour en Tunisie, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015.

Vous omettez d'établir qu'en cas de retour vers votre pays d'origine, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

7 Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d'une procédure accélérée.

Votre séjour étant illégal et une décision de retour vous ayant déjà été notifiée en date du 29 décembre 2023 en vertu de l'article 111 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration, vous êtes, conformément à l'article 34 (2) de la Loi de 2015, dans l'obligation de quitter le territoire sans délai à compter du jour où la présente décision sera devenue définitive à destination de la Tunisie ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juillet 2024, inscrite sous le numéro 50764 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation (i) de la décision du ministre du 27 juin 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, (ii) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et (iii) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 27 juin 2024, telles que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur reprend d’abord quelques rétroactes passés en revue ci-avant, en expliquant qu’il aurait introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en raison de sa crainte de faire l’objet de menaces et d’agressions, respectivement de traitements inhumains et dégradants dans son pays d’origine par un extrémiste religieux, dénommé « … », pour avoir distribué des aides en faveur d’une association caritative à …. Il en conclut qu’il n’aurait pas eu d’autre solution que de fuir la Tunisie, tout en ajoutant encore qu’il risquerait d’être incarcéré et torturé en cas de retour dans son pays d’origine, alors qu’il y serait recherché par les forces de l’ordre tunisiennes.

En droit, le demandeur se prévaut en premier lieu d’une violation de l’article 1er, section 1, paragraphe (2) de la Convention de Genève et des articles 42, 43 et 46 de la loi du 18 décembre 2015, en faisant valoir que ce serait à tort que le ministre ne lui a pas accordé le bénéfice du statut de réfugié. Il conteste à cet égard que son récit ne serait pas crédible et que sa demande de protection internationale reposerait sur des motifs économiques et de convenance personnelle. Il conteste, par ailleurs, le reproche du ministre suivant lequel ses déclarations concernant la personne dénommée « … » seraient trop vagues et superficielles, en réitérant ses développements précédents dans ce contexte, tels qu’exposés ci-dessus, et en précisant avoir déjà fait l’objet de menaces et d’agressions de la part du dénommé « … ».

En second lieu, le demandeur invoque une violation des articles 48 et 51 de la loi du 18 décembre 2015, en ce que le ministre aurait à tort refusé de lui accorder une protection subsidiaire, le demandeur se référant à cet égard à ses développements au sujet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié.

Enfin, quant à l’ordre de quitter le territoire, le demandeur fait valoir que dans la mesure où il aurait dû bénéficier d’une protection internationale, son séjour ne serait pas irrégulier au Luxembourg, de sorte que l’ordre de quitter ne serait pas fondé.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours en ses trois volets.

Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer. », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

1) Quant à la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée Il échet de relever que la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a), g) et h) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquels :

« Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

9 a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou […] g) le demandeur ne présente une demande qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision antérieure ou imminente qui entraînerait son éloignement ; ou h) le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire et, sans motif valable, ne s’est pas présenté aux autorités ou n’a pas présenté une demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée ; […] ».

La soussignée relève que si, suivant le dispositif de la requête introductive d’instance auquel elle est en principe seul liée, le demandeur demande en l’occurrence à voir « réformer les décisions prises par le Ministre des Affaires intérieures en date du 27 juin 2024 », force est néanmoins de constater que ce dernier n’avance aucun moyen spécifique par rapport à la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée.

Or, à défaut pour le demandeur d’avoir présenté un quelconque moyen par rapport à ce volet de la décision, le recours, en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est à rejeter.

2) Quant à la décision du ministre portant refus d’une protection internationale S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur une protection internationale, la soussignée relève qu’aux termes de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteursaux termes des articles 391 et 402 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précités, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » 2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. »En l’espèce, il se dégage des déclarations faites par le demandeur au cours de son audition auprès du ministère, ainsi que de ses développements contenus dans sa requête introductive d’instance, que les motifs mis en avant par lui à l’appui de sa demande de protection internationale se résument, en substance, (i) à sa crainte de faire l’objet de menaces et d’agressions de la part d’une personne dénommée « … » en cas de retour en Tunisie et (ii) d’y être incarcéré et torturé par les forces de l’ordre tunisiennes qui seraient à sa recherche.

Or, indépendamment de la crédibilité du récit du demandeur, l’examen des déclarations faites par celui-ci lors de son audition, ainsi que des moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse, amène la soussignée à conclure que l’intéressé reste manifestement en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécution au sens des articles 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 et 1A, paragraphe (2) de la Convention de Genève.

Force est, en effet, de constater que le demandeur reste en défaut de relier les craintes dont il fait état à l’un des motifs de persécution énoncés auxdits articles, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, la simple affirmation suivant laquelle le dénommé « … » serait un extrémiste religieux qui refuserait « toute présence d’associations dans la région » n’énervant pas ce constat. A cela s’ajoute que le demandeur a lui-même déclaré dans le cadre de son audition qu’il ne sait pas pourquoi il aurait reçu un coup de la personne lui inconnue, dénommée « … »3.

Le même constat s’impose en ce qui concerne l’affirmation, faite de manière péremptoire dans le cadre de sa requête introductive, suivant laquelle le demandeur risquerait d’être incarcéré et torturé au motif qu’il serait recherché par les forces de l’ordre tunisiennes, le demandeur ne soumettant à la soussignée aucun élément concret permettant de sous-tendre cette crainte.

Au vu des considérations qui précèdent, la soussignée est amenée à conclure que le demandeur ne remplit manifestement pas les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié.

En ce qui concerne la demande de protection subsidiaire, la soussignée constate que le demandeur entend invoquer les mêmes motifs factuels que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, en ce qui concerne la crainte de subir des atteintes graves de la part du dénommé « … », la soussignée se doit de relever que le seul incident mis en avant par le demandeur, à savoir le fait d’avoir reçu des menaces, ainsi qu’un coup sur la poitrine par ledit « … » en 2019, ne permet à l’évidence pas de retenir à lui seul que le demandeur a pu subir des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine ni qu’il courrait un risque réel et sérieux d’en subir en cas de retour dans ce pays, étant relevé que le demandeur n’a fait état d’aucun autre incident dont il aurait personnellement été victime avant son départ de la Tunisie en 2022.

Cette conclusion est d’ailleurs corroborée par le fait que le demandeur ne semble lui-

même pas avoir ressenti cet incident comme ayant été grave au point de rendre sa vie intolérable 3 Page 4 du rapport d’entretien : « J’étais face à lui quand il m’a donné ce coup. J’ai demandé qui était cette personne, on m’a dit que c’était …. […] Pour quelles raisons vous a-t-il donné ce coup ? Je n’en ai aucune idée. ».dans son pays d’origine puisqu’il affirme n’avoir quitté ledit pays que trois ans plus tard, à savoir en 2022.

Enfin, le fait pour le demandeur d’affirmer péremptoirement, dans sa requête introductive d’instance uniquement, qu’il risquerait d’être incarcéré et torturé en Tunisie, alors que les forces de l’ordre tunisiennes seraient à sa recherche, à défaut de toute explication circonstanciée à cet égard, ne permet à l’évidence pas non plus de retenir que le demandeur risque de subir des atteintes graves en cas de retour dans son pays d’origine.

En l’absence d’autres explications et précisions, la soussignée est amenée à conclure que le demandeur ne remplit manifestement pas non plus les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours contre la décision de refus d’un statut de protection internationale est également à déclarer comme manifestement infondé et le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

3) Quant à la décision du ministre portant ordre de quitter le territoire Finalement, quant à la décision portant ordre de quitter le territoire, il convient de relever qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, et que c’est partant à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, impliquant qu’il a, à bon droit, pu retenir que le retour de ce dernier en Tunisie ne l’expose pas à des conséquences graves, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du premier vice-président présidant la troisième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 27 juin 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale du demandeur dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre celle portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 octobre 2024 par la soussignée Sibylle Schmitz, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Sibylle Schmitz Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 8 octobre 2024 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50764
Date de la décision : 08/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-10-08;50764 ?

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