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07/10/2024 | LUXEMBOURG | N°51238

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 octobre 2024, 51238


Tribunal administratif N° 51238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51238 1re chambre Inscrit le 12 septembre 2024 Audience publique du 7 octobre 2024 Recours formé par Monsieur A, …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 51238 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 septembre 2024 par Maître Karima HAMMOUCHE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,

au nom de Monsieur A, né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeura...

Tribunal administratif N° 51238 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:51238 1re chambre Inscrit le 12 septembre 2024 Audience publique du 7 octobre 2024 Recours formé par Monsieur A, …, contre trois décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 51238 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 12 septembre 2024 par Maître Karima HAMMOUCHE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur A, né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 28 août 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, 2) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et 3) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 24 septembre 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

La soussignée entendue en son rapport, ainsi que Maître Karima HAMMOUCHE et Madame le délégué du gouvernement Cindy COUTINHO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 octobre 2024.

Le 18 août 2023, Monsieur A introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur A sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale dans un rapport du même jour.

Le 6 août 2024, il fut entendu par un agent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 28 août 2024, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié lelendemain, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur A qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui enjoignant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) En date du 18 août 2023, vous avez introduit une demande de protection internationale sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1.

Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort du résultat des recherches effectuées dans la base de données « Eurodac », à l'occasion de l'introduction de votre demande de protection internationale, que vous avez irrégulièrement franchi la frontière italienne en date du 25 juillet 2023.

Par conséquent, une demande de prise en charge a été adressée aux autorités italiennes en date du 26 septembre 2023, laquelle fut considérée comme tacitement acceptée en date du 8 février 2024 conformément aux dispositions de l'article 22 du règlement Dublin III. Dans la mesure où la procédure de transfert n'a pas pu être menée à bien dans les délais légalement prévus, le Luxembourg est devenu responsable pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Ainsi, un entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale a été mené en date du 6 août 2024.

2.

Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Monsieur, vous déclarez vous nommer Monsieur A, être né le … à … en Guinée, être de nationalité guinéenne, d'ethnie Peul et de confession musulmane. Vous auriez grandi et vécu de manière permanente à … avec vos parents et votre fratrie, sauf de 2017 à 2018, où vous auriez vécu à Kindia avec des amis en raison de vos études (p.2/11 du rapport d'entretien).

En ce qui concerne vos motifs de fuite, vous notez sur votre fiche des motifs remplie le jour de l'introduction de votre demande de protection internationale ne pas vouloir retourner en Guinée alors que vous ne souhaiteriez pas succéder à votre grand frère, décédé en …, au sein du parti politique.

Lors de votre entretien auprès du Service de Police Judiciaire vous réitérez ces propos en précisant que votre frère aîné aurait pris la place de votre père au sein du parti politique de l'…(ci-après « … ») après que ce dernier ne soit tombé malade alors que « c'est la tradition dans notre pays que le fils prend la place du père dans la politique » (p.2/3 du rapport de police). Cependant, votre frère aurait été tué, en 2020, par les forces de l'ordre guinéennes lors des élections présidentielles, de sorte que vous devriez désormais prendre sa place selon le souhait de votre père.

2 Lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale vous faites les mêmes déclarations, à savoir que votre frère aîné, qui aurait pris le rang de votre père au sein de l’… à …, aurait été tué par les forces de l'ordre en 2020 lors des manifestations qui ont suivies les résultats des élections présidentielles. Vous seriez désormais contraint par votre père de « reprendre le travail de [votre] grand-frère, le même job qu'il faisait au sein de l’… ». En effet, vous précisez que « c'est obligatoire ! » car votre père aurait une dette envers le parti politique, étant donné que celui-ci lui aurait financé tous les soins médicaux dont il aurait eu besoin. A cet effet, il aurait, en 2021, passé un accord avec le parti afin que vous remplaciez votre frère (p.7/11 du rapport d'entretien).

En cas de retour dans votre pays d'origine, vous craindriez concrètement de subir le même sort que votre grand frère dans le cas où vous devriez reprendre sa place et sa fonction au sein du parti politique de l’… « parce que depuis que je connais la politique en Guinée, chaque année, il y a un peu près 20 personnes qui se font tuer (…) » (p.6/11 et p.8/11 du rapport d'entretien).

En mars 2022, vous auriez finalement décidé de quitter votre pays d'origine après encore avoir séjourné pendant « deux semaines et 6 jours » à Conakry dans le quartier de Matoto (p.2/11 du rapport d'entretien).

Vous déclarez encore qu'après votre arrivée en Europe, vous n'auriez pas introduit une demande de protection internationale en Italie, parce qu'on vous aurait mal accueilli, respectivement parce qu'on ne vous aurait pas offert cette possibilité (p.5/11 du rapport d'entretien). Vous indiquez des propos similaires concernant l'absence d'introduction d'une demande de protection internationale en France alors que vous n'auriez pas souhaité rester pendant deux semaines sans argent et sans logement (p.5/11 du rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous ne présentez aucun document d'identité ou de voyage et aucun autre document susceptible d'appuyer vos déclarations.

3. Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

« a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » Tel qu'il ressort de l'analyse de votre demande de protection internationale ci-dessous développée, il s'avère que le point a) de l'article 27(1) se trouve être d'application pour les raisons étayées ci-après.

4. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale 3 Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Avant tout autre développement, il convient de noter linéairement qu'en tant que demandeur de protection internationale, vous avez la charge de la preuve de vos dires. Or, vous n'apportez aucune preuve qui permettrait de corroborer vos affirmations concernant non seulement votre identité, mais également par rapport à vos déclarations faites au sujet du décès de votre frère ou encore au sujet de la maladie de votre père. De plus et pas des moindres, vous ne rapportez aucune preuve concrète concernant l'implication politique de votre père, sinon de votre frère au sein du parti politique de l’…, ni même en ce qui concerne le fait que vous devriez, selon le souhait de votre père, succéder à votre frère aîné décédé. En ce sens, il se dégage de la lecture de votre entretien que vos déclarations en générales, respectivement vos connaissances et notions quant au parti politique de l’…, sont des plus basiques et imprécises alors que vous ne vous efforcez aucunement d'étayer votre récit, de sorte qu'il est difficilement compréhensible de se faire une idée concrète de votre vécu et de vos réels problèmes dans votre pays d'origine.

Monsieur, il convient de rappeler qu'il ressort de votre dossier administratif que vous auriez quitté votre pays d'origine car vous n'auriez pas souhaité prendre la place de votre frère aîné, décédé en …, au sein du parti politique de l’… car vous craindriez qu'il ne vous arrive le même sort, notamment d'être tué, si vous étiez amené à représenter le parti politique en question.

Force est de constater que lesdits faits évoqués ne rentrent nullement dans le champ d'application de la Convention de Genève ou de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée dans son pays d'origine en raison de sa race, sa nationalité, sa religion, ses opinions politiques ou son appartenance à un groupe social. En 4 effet, il découle de vos déclarations que vous ne souhaiteriez tout simplement pas succéder à la fonction de votre frère aîné au sein du parti politique de l’… selon la volonté, respectivement l'obligation de votre père et cela notamment par crainte d'être tué par les autorités guinéennes.

Ainsi, il s'agit d'une raison purement personnelle nullement motivée par des convictions politiques qui serait à l'origine de votre demande de protection internationale. Il ne ressort en effet pas de vos déclarations que vous auriez un intérêt quelconque pour la politique. Au contraire, il s'agit tout au plus d'un différend que vous auriez avec votre père qui s'inscrirait dans un cadre familial et privé alors que ce dernier vous imposerait de prendre sa place, sinon celle de votre frère, au sein du parti politique, chose que vous refuseriez cependant de faire.

Or, de tels raisons ne sauraient fonder une demande en obtention du statut de réfugié alors qu'elles n'ont aucun lien avec l'un des cinq motifs de fond définis précités.

Par ailleurs, vos soucis invoqués ne revêtent également pas un degré de gravité suffisant tels qu'ils puissent être assimilés à un acte de persécution ou à une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

En effet, force est de constater que vous ne relatez ni même n'alléguez avoir été victime d'un acte quelconque de la part de votre père, respectivement de la part du parti politique de l’… et ce jusqu'à votre départ de la Guinée en mars 2022, et ce alors même que votre père vous aurait imposé de prendre la place de votre frère depuis son décès allégué en 2020 et après un accord qu'il aurait passé avec le parti politique en 2021. Ainsi, Monsieur, vous êtes donc encore resté pendant plus d'un an, respectivement deux ans dans votre pays d'origine et plus précisément à votre domicile familial sans que rien ne vous arrive dans ce contexte et sans que personne ne vous oblige, respectivement ne vous contraint de prendre la place de votre frère au sein dudit parti.

Vous tentez d'expliquer ce départ tardif et l'absence d'actes concrets par le fait qu'il n'y aurait eu « aucun évènement politique jusqu'au mois d'octobre en 2021, où il y a eu le coup d'état » (p.7/11 du rapport d'entretien), respectivement « parce qu'à ce moment, personne ne parlait de politique (..) c'était calme » (p.8/11 du rapport d'entretien), de sorte que l’… n'aurait pas eu besoin de vous à ce moment-là, mais uniquement « en 2022 [quand] le parti a appelé tous ses membres » (p.7/11 du rapport d'entretien). Or, force est de constater, outre le fait que vous ne connaissez pas la réelle date du coup d'état en Guinée, puisque celui-ci a eu lieu en septembre et non pas en octobre 2021, que la situation politique n'était manifestement pas calme en 2021 comme vous le prétendez, et que vous n'êtes d'ailleurs nullement membre de l’… puisque vous refusez coûte que coûte de rejoindre le parti en question. Ainsi, vos justifications ne sauraient infirmer les constats effectués ci-avant concernant votre départ tardif et sans raison apparente de votre pays d'origine.

De plus, vos seules allégations, selon lesquelles il serait « obligatoire » pour vous de rejoindre le parti politique parce que votre père aurait une dette envers ledit parti, ne sauraient à elles-seules suffire pour établir une quelconque crainte fondée de persécution et ne saurait aucunement convaincre. En effet, l'adhésion à un parti politique d'une telle envergure se doit d'être faite sur la base du volontariat et d'un libre arbitre, sinon sur base de convictions politiques réelles qu'une personne s'engage à défendre, de sorte que même si votre père aurait, certes, passé un accord en 2021 avec le parti politique en leur promettant que vous alliez les rejoindre, vous restez la personne maîtresse de votre choix d'y adhérer ou non. Ainsi, il vous aurait tout simplement appartenu de marquer votre désaccord.

5 En outre, il convient de constater que s'agissant d'actes émanant de personnes privées, ici votre père, ceux-ci ne peuvent être considérés comme fondant une crainte légitime uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités guinéennes.

Or, si jamais, après votre retour en Guinée, votre père devrait continuer à vous forcer la main pour rejoindre le parti politique de l'opposition, respectivement si vous deviez être amené à rencontrer un réel problème avec votre père dans ce contexte, il vous appartiendrait de solliciter une quelconque forme d'aide auprès des autorités de votre pays en expliquant votre souhait de ne pas vouloir rejoindre le parti de l’… mais que votre père vous y contraindrait. Or, l'analyse de votre situation et des faits en l'état ne permet pas de dégager des éléments convaincants pour conclure à un défaut de protection de la part des autorités guinéennes, respectivement que les autorités guinéennes ne seraient pas disposées à engager des poursuites par rapport à vos doléances.

Par ailleurs, et si la relation avec votre père devait vous déranger à un point tel que votre vie sous le même toit vous semblerait intenable, vous auriez toujours la possibilité de vous installer ailleurs. En effet, en tant que personne majeure, vous n'avez pas l'obligation de rester vivre auprès de votre père, mais pouvez construire votre propre vie indépendamment de ce dernier.

En ce qui concerne votre crainte de subir le même sort que votre frère par les autorités guinéennes si vous étiez amené à rejoindre le parti de l’… « parce que depuis que je connais la politique en Guinée, chaque année, il y a un peu près 20 personnes qui se font tuer (…) » (p.6/11 et p.8/11 du rapport d'entretien), il convient de constater que celle-ci n'est basée sur aucun fait réel ou probable et ne saurait dès lors permettre au Ministère sur ce point d'établir une quelconque persécution, voire un risque de persécution dans votre chef. En effet, l'invocation de telles affirmations générales sans mise en relation avec votre situation personnelle, particulière et individuelle est insuffisante pour conclure en un risque de persécution en cas de retour dans votre pays d'origine.

En ce sens, la mort de votre frère aîné, à la supposer établie, constitue un fait non personnel qui n'est susceptible de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si vous établissez dans votre chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, vous refusez clairement vouloir rejoindre le parti d'opposition, de sorte que votre crainte d'être victime d'actes similaires de la part des autorités guinéennes se résume à des propos purement hypothétiques, respectivement tout au plus à un sentiment général d'insécurité. Quoiqu'il en soit, il n'est également nullement établi, même si vous deviez être amené à rejoindre le parti politique contre votre gré que vous encourriez un risque quelconque de subir le même sort que votre frère.

A toutes fins utiles, vous n'avez pas jugé opportun d'introduire une demande de protection internationale en Italie, pays de votre arrivée sur le sol européen, parce qu'on vous aurait mal accueilli, respectivement parce qu'on ne vous aurait pas offert cette possibilité (p.5/11 du rapport d'entretien). Force est également de relever que vous n'avez ensuite pas non plus introduit une demande de protection internationale en France pour une raison similaire alors que vous n'auriez pas souhaité rester sans argent et sans logement. Or, votre comportement ne correspond pas à celui d'une personne qui aurait été obligée de fuir son pays d'origine alors que sa vie y aurait été en danger. En effet, on peut légitimement attendre d'une telle personne qu'elle introduise une demande de protection internationale dès son arrivée sur le territoire d'un Etat sûr, ce que vous n'avez néanmoins pas jugé utile de faire.

6 Votre comportement ne fait ainsi que conforter le constat que la situation dans votre pays d'origine n'a pas été si grave que vous tentez de ne le faire croire.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous fondez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande de reconnaissance du statut du réfugié.

En effet, et tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il échet de relever que vous omettez d'établir qu'en cas de retour en Guinée, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution. Vous laissez également de prouver que vous risqueriez d'être exposé à des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumaines ou dégradantes, étant précisé, tel que relevé ci-dessus, que vous avez la possibilité de requérir la protection des autorités de votre pays d'origine en cas de besoin.

Enfin, vous restez également en défaut d'établir qu'il existerait dans votre chef un risque réel d'être la victime de menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou internationale.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d'une procédure accélérée.

Suivant les dispositions de l'article 34 (2) de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision 7 sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Guinée, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 septembre 2024, Monsieur A a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation (i) de la décision du ministre du 28 août 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, (ii) de la décision ministérielle du même jour portant refus de faire droit à sa demande de protection internationale et (iii) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du ministre du 28 août 2024, telles que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui des trois volets de son recours, le demandeur reprend, en substance, ses déclarations telles qu’actées lors de son audition par un agent du ministère et telles que résumées dans la décision ministérielle litigieuse, citée in extenso ci-avant.

En droit, s’agissant d’abord de la décision du ministre de statuer sur sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur soutient que ce serait à tort que le ministre aurait retenu que ses déclarations ne soulèveraient que des faits sans pertinence, alors qu’il risquerait, en cas de retour en Guinée, de subir le même sort que son frère, qui aurait été assassiné après avoir repris le poste de leur père malade au sein du parti …(…).

Sa crainte découlerait du militantisme de sa famille audit parti politique et de son ethnie peule.

Il se réfère à la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en soutenant qu’un examen approprié de sa demande aurait dû être fait. Il reproche dans ce contexte au ministre de ne pas avoir utilisé des rapports ou d’autres documents émanant d’organisations internationales pour évaluer la situation ethnique et politique en Guinée.

En se référant à des rapports de Human Rights Watch et d’Amnesty International, le demandeur soutient qu’il y aurait des clivages ethniques entre le parti au pouvoir malinké, à savoir le parti Rassemblement du peuple de Guinée, et l’… à dominance peule.

Il en déduit qu’il aurait démontré à suffisance sa crainte de faire l’objet d’actes de persécution, dans la mesure où il devrait « succéder à la fonction politique auprès du parti majoritaire peuhl … et signerai[it] par la même son arrêt de mort ».

Il en conclut, en substance, que ce serait à tort que le ministre aurait examiné sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée.

A l’appui de son recours dirigé contre la décision de refus de lui accorder une protection internationale, et plus particulièrement du statut de réfugié, il reproche au ministre de ne pas avoir apprécié correctement la situation générale. Il précise à cet égard en s’appuyant sur les rapports précités que la Guinée ne serait « toujours pas un pays sûr », étant donné que la situation politique y serait instable empêchant tout développement démocratique.

Il rappelle son argument que le ministre n’aurait pas eu recours à des documents pertinents émanant d’organisations internationales lors de l’appréciation du bien-fondé de sa demande de protection internationale.

Monsieur A soutient ensuite que les craintes qu’il avance seraient en lien avec les opinions politiques « intergénérationnelles » dont il aurait hérité dans son pays d’origine.

Il précise que la liberté d’expression et la liberté de manifestation constitueraient des droits de l’Homme ancrés tant dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la DUDH », que dans la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ».

Il donne ensuite à considérer que son récit aurait été spontané et détaillé pour refléter « le sentiment d’un événement réellement vécu ».

Il rappelle que son frère aurait été assassiné dans le contexte de manifestations et que lui-même serait connu des autorités nationales qui le percevraient comme un « trublion politique ». Il décrit dans ce contexte la situation générale qui régnerait en Guinée et précise qu’en cas de retour il devrait exprimer ses opinions politiques ce qui conduirait à sa mort, de sorte que la gravité des actes de persécution consistant en des actes de violence physique et mentale serait avérée.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur tout en concluant à la réformation de la décision de lui refuser le statut conféré par la protection subsidiaire, cite l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et fait valoir que « les hypothèses des actes [y seraient] subsidiairement énoncées et elles ne [seraient] pas cumulatives », de sorte que le ministre aurait ajouté une condition qui ne serait pas prévue par la loi.

A l’appui de son recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, le demandeur fait valoir qu’au vu de ce qui précède et en vertu du principe de précaution, la décision en question serait à réformer, le demandeur soulignant qu’un retour dans son pays d’origine l’exposerait à un risque réel de subir des atteintes graves.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours, pris en son triple volet.

Il ressort de l’alinéa 2 de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale. Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il 9 renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer », qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé. Dans la négative, le recours est renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier de manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués s’impose de manière évidente, en d’autres termes, si les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement.

Dans cet ordre d’idées, il convient d’ajouter que la conclusion selon laquelle le recours ne serait pas manifestement infondé n’implique pas pour autant qu’il soit nécessairement fondé. En effet, dans une telle hypothèse, aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, seul un renvoi du recours devant une composition collégiale du tribunal administratif sera réalisé pour qu’il soit statué sur le fond dudit recours.

A titre liminaire, en ce qui concerne le reproche d’ordre tout à fait général du demandeur à l’adresse du ministre de ne pas avoir procédé à un examen approprié de sa demande, dans la mesure où il ne se serait pas basé sur des rapports internationaux, la soussignée relève qu’il ne se dégage d’aucun élément du dossier que le ministre n’ait pas procédé à une instruction complète et suffisante du dossier, voire à un examen approprié de la demande de protection internationale, la décision du 28 août 2024 comportant au contraire une analyse détaillée des différentes déclarations du demandeur, de même qu’il comporte une motivation exhaustive de la position du ministre, étant précisé à cet égard que l’article 10, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015 impose certes au ministre d’obtenir des informations précises et actualisées auprès de différentes sources, telles que l’Agence de l’Union européenne de l’asile et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi que les organisations internationales compétentes en matière de droits de l’Homme, sur la situation générale existant dans le pays d’origine du demandeur de protection internationale, mais ne le contraint pas de citer lesdites sources dans la décision déférée.

Les reproches afférents sont dès lors manifestement non fondés, étant relevé que le fait que le ministre a statué dans le cadre d’une procédure accélérée respectivement a rejeté la demande de protection internationale n’implique pas ipso facto un défaut d’instruction du dossier, voire un recours abusif à la procédure accélérée.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée S’agissant en premier lieu du recours dirigé contre la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur A dans le cadre d’une procédureaccélérée, la soussignée relève que la décision ministérielle déférée a été prise sur base des dispositions du point a) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes duquel « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande.

Afin d’analyser si le demandeur n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, il y a d’abord lieu de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

Par ailleurs, aux termes de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 :

« Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a) ».

Aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 : « Les acteurs des persécutions ou atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

11 b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou atteintes graves ».

Finalement, l’article 40 de la même loi dispose que : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière ».

Il suit de ces dispositions légales que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, il convient de souligner qu’aux termes de l’article 2, point g) de la loi 18 décembre 2015 est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine, ou encore des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c) de l’article 48, précité, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ de son pays d’origine. L’article 2, point g), précité, définit également la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 ». Cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que les persécutions ou les atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Par ailleurs, il y a lieu de préciser que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire relève de l’absence de protection dans le pays d’origine au sens des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015 et que le demandeur doit fournir à cet égard la preuve que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

En l’espèce, la soussignée constate qu’à l’appui de sa demande de protection internationale, Monsieur A fait valoir qu’il craint, en cas de retour en Guinée, de faire l’objet d’actes de persécution, respectivement d’atteintes graves, en raison du fait qu’il serait forcé de prendre la position au sein du parti …, préalablement occupée par son frère, qui aurait été tuépar balle « pour politique en 2020, lors des élections de 2020 »1. Son père le forcerait de prendre ladite position, étant donné que ledit parti aurait financé ses soins de santé tout comme sa maison à Conakry.

La soussignée est tout d’abord amenée à constater que les motifs à la base de la demande de protection internationale ne tombent nullement parmi l’un des critères de la Convention de Genève. Si les faits avancés par le demandeur dénotent certes une toile de fond politique, il n’en reste pas moins que le demandeur n’avance que des informations particulièrement vagues par rapport audit parti dans le cadre de l’activité duquel il n’était pas impliqué avant son départ de son pays d’origine, de sorte que les craintes mises en avant ne sauraient être qualifiées comme étant en lien avec des opinions politiques. Le demandeur reste, par ailleurs, en défaut de préciser l’implication politique de son père ou de son frère au sein du parti politique …, respectivement de mettre en avant un intérêt personnel quelconque pour la politique.

Il s’ajoute encore que le demandeur a désormais 22 ans, de sorte qu’à défaut de tout élément de preuve contraire, la soussignée est amenée à retenir qu’en cas de retour dans son pays d’origine, il sera en mesure de vivre indépendamment de son père, sans encourir de risque suffisamment réel et actuel de faire l’objet de pressions de la part de ce dernier. Les faits sous analyse ne sauraient dès lors justifier l’octroi ni du statut de réfugié ni du statut conféré par la protection subsidiaire sans que ce constat ne serait ébranlé par les développements du demandeur ayant trait au fait qu’il s’agirait d’un problème intergénérationnel, respectivement ethnique, étant précisé quant à ce dernier aspect, que le demandeur ne fait à aucun moment de son audition état du fait d’avoir été victime d’un quelconque agissement en lien avec son ethnie.

La soussignée constate, par ailleurs, que le demandeur n’a pas été victime d’un acte quelconque ni de son père ni d’un membre du parti politique … jusqu’à son départ de la Guinée en mars 2022, alors même que son père aurait exigé qu’il prenne la position de son frère depuis 2020. Il échet de préciser à cet égard que le décès du frère du demandeur est un fait non personnel qui n’est susceptible de fonder une crainte de persécution que si le demandeur établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières, ce que Monsieur A est resté en défaut de prouver.

Il échet dès lors de retenir que le conflit dont fait état le demandeur est un conflit privé et familial et que les craintes exposées dans ce contexte sont purement hypothétiques.

S’agissant de l’argument du demandeur selon lequel le « MAI a ajouté une condition qui n’était pas prévue par la loi » en mentionnant « dans sa décision du 28 août 2024 que » le requérant n’aurait pas établi « qu’en cas de retour en Guinée [il risquerait] la peine de mort ou l’exécution. [Il omettrait] également de prouver qu’ [il risquerait] d’être exposé à des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumaines ou dégradantes…Or, selon l’article 48 susmentionné, les hypothèses des actes sont subsidiairement énoncées et elles ne sont pas cumulatives », la soussignée constate que le ministre n’a pas conclu à travers la décision déférée que les points a), b) et c) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 seraient des conditions cumulatives, mais a constaté que le demandeur est resté en défaut d’avancer des éléments susceptibles d’être qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015. La soussignée relève, à l’instar du ministre, que le demandeur est resté en défaut d’apporter à cet égard une quelconque précision quant à sa situation personnelle et concrète, étant relevé dans ce contexte qu’il n’incombe pas à la soussignée de suppléer à la 1 Rapport d’audition, p. 6.carence des parties et de rechercher elle-même les éventuels argumentaires susceptibles de sous-tendre un moyen non explicité.

Eu égard aux considérations qui précèdent, la soussignée conclut que le recours de Monsieur A, dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que les faits soulevés à la base de sa demande de protection internationale ne seraient pas dépourvus de pertinence sont visiblement dénués de tout fondement.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement infondé.

2) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale S’agissant ensuite du recours dirigé contre la décision du ministre portant rejet de la demande de protection internationale, la soussignée retient, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans le cadre du volet du recours visant la décision du ministre de statuer sur le bien-

fondé de la demande de protection internationale de Monsieur A dans le cadre d’une procédure accélérée, que les faits invoqués par ce dernier ne justifient manifestement pas l’octroi d’un statut de protection internationale, de sorte que c’est à bon droit, que le ministre a refusé de faire droit à la demande afférente du demandeur.

Dès lors, le recours dirigé contre la décision du ministre portant refus d’accorder au demander une protection internationale est à rejeter pour être manifestement infondé.

Il s’ensuit que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

3) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire En ce qui concerne le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, la soussignée relève qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, de sorte qu’un retour du demandeur dans son pays d’origine ne l’expose ni à des actes de persécution, ni à des atteintes graves, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de précaution.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le vice-président, siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 28 août 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 octobre 2024 par la soussignée, Michèle STOFFEL, vice-président au tribunal administratif, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Michèle STOFFEL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 7 octobre 2024 Le greffier du tribunal administratif 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 51238
Date de la décision : 07/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-10-07;51238 ?

Source

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