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07/10/2024 | LUXEMBOURG | N°50704

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 07 octobre 2024, 50704


Tribunal administratif N° 50704 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50704 2e chambre Inscrit le 8 juillet 2024 Audience publique du 7 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50704 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 juillet 2024 par Maître Faisal QURAISHI

, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom ...

Tribunal administratif N° 50704 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50704 2e chambre Inscrit le 8 juillet 2024 Audience publique du 7 octobre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 27, L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50704 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 8 juillet 2024 par Maître Faisal QURAISHI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Grèce), de nationalité albanaise, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre des Affaires intérieures du 20 juin 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er août 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Vyacheslav PEREDERIY en sa plaidoirie à l’audience publique du 23 septembre 2024, Maître Faisal QURAISHI s’étant excusé.

Par ordonnance du 26 avril 2023, le juge aux Affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg désigna la Fondation (AA) en tant qu’administrateur public de Monsieur (A) pour la durée de son séjour au Luxembourg.

Monsieur (A) se vit attribuer un administrateur ad hoc par ordonnance du juge aux Affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg du 6 juillet 2023.

Le 3 octobre 2023, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date du 14 juin 2024, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, entretemps en charge du dossier, ci-

après désigné par « le ministère », sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 20 juin 2024, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le lendemain, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à sa demande de protection internationale pour les motifs suivants :

« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite en date du 3 octobre 2023 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il ressort des éléments de votre dossier que vous séjourneriez sur le territoire luxembourgeois depuis fin janvier 2023 en tant que mineur non accompagné. Par ordonnance n° … du 26 avril 2023, le juge aux affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a nommé dans votre chef un administrateur public. Par ordonnance n° … du 6 juillet 2023, le juge aux affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg a désigné Maître Faisal QURAISHI comme votre administrateur ad hoc. Vous avez introduit votre demande de protection internationale en date du 3 octobre 2023 et avez été entendu dans le cadre d’un entretien sur les motifs de votre demande en date du 14 juin 2024.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande Monsieur, vous déclarez vous nommer (A), être né le … à …/Grèce, et être de nationalité albanaise. Avant de venir au Luxembourg, vous auriez vécu à …/Albanie avec vos parents, votre sœur et vos grands-parents. Votre famille résiderait toujours à … où votre père travaillerait dans la construction et la ferraille et votre mère dans un call center.

Vous auriez quitté l’Albanie en date du 12 janvier 2023 à l’aide d’un passeur dans une camionnette. Vous auriez voyagé pendant deux jours en passant par la Slovénie, l’Italie, l’Autriche, l’Allemagne, la France pour finalement arriver au Luxembourg. Vous auriez payé 250 euros. Le passeur vous aurait fait ce prix parce que vous auriez encore été mineur. Vous auriez dit au passeur de vous ramener au Luxembourg, choix que vous auriez fait spontanément alors que vous n’auriez pas été sûr de votre choix.

Vous auriez introduit une demande de protection internationale parce qu’en Albanie, vous seriez « sous pression, je vis à risque là-bas » (entretien page 5). Il y aurait des choses inattendues qui se seraient passées lesquelles auraient tout changé. En fait, il y aurait des personnes qui vous rechercheraient. Ainsi, après l’école, vous auriez été sur le chemin pour « faire un petit boulot » lorsque, dans une rue, des gens vous auraient interpelé d’un ton agressif « Eh toi ! » (entretien page 5). Vous n’y auriez pas porté attention jusqu’à ce que ces personnes se seraient mises sur votre chemin en vous faisant un geste de les approcher. Vous leur auriez demandé ce qu’ils voudraient de vous et ils vous auraient dit que vous auriez l’air d’un « mec adéquat pour un travail » (entretien page 5), mais vous leur auriez signalé que vous ne seriez pas intéressé. Vous leur auriez dit de vous laisser partir, mais ils vous auraient encerclé et retenu par vos vêtements. Ces gens vous auraient dit qu’ils vous auraient choisi pour travailler pour eux et que « j’allais faire des choses pas bien » (entretien page 5) en vendant de la drogue. Vous leur auriez à nouveau demandé de vous laisser partir à défaut de quoi vous avertiriez la police et porteriez plainte. La situation se serait alors aggravée et un grand garçon vous aurait affronté « on était tête à tête » (entretien page 5). Vous auriez été averti que si jamais vous deviez dire un mot à la police, ils vous taperaient et vous couperaient en morceaux. Ils vous auraient par ailleurs menacé de faire du mal à votre famille.

Convié à expliquer si ces gens vous avaient laissé partir par la suite, vous affirmez qu’ils auraient continué à vous mettre sous pression et « il y a un autre » (entretien page 5) qui vous aurait pris au cou. Vous auriez essayé de vous libérer, mais vous n’auriez pas réussi.

Cette personne vous aurait poussé de manière à ce que vous auriez heurté un mur et seriez tombé par terre, de sorte que vous vous seriez blessé au dos. Vous auriez alors couru à la maison où vous vous seriez enfermé dans votre chambre. Lorsque vos parents seraient rentrés du travail, vous leur auriez tout raconté. Le lendemain, vous seriez allé à l’école et les mêmes personnes se seraient à nouveau trouvées sur votre chemin. Lorsque vous seriez rentré à la maison, vous auriez informé vos parents que vous devriez quitter le pays alors que ces gens en auraient après vous. Vous auriez pris la décision de quitter l’Albanie en date du 3 janvier 2023.

Vous n’auriez pas porté plainte alors que vous auriez eu peur. Vos parents vous auraient dit que vous devriez vous adresser à la police, mais vous leur auriez dit que vous partiriez « et je leur ait dit « Ciao » » (entretien page 6). Vous prétendez encore que ces gens auraient beaucoup de connaissances et même s’ils devaient être arrêtés par la police, ils auraient pu envoyer quelqu’un d’autre pour vous attraper. Convié à expliquer d’où vous auriez l’information que ces personnes auraient beaucoup de connaissances, vous estimez « car il y avait toujours d’autres personnes qui m’attendaient » (entretien page 6).

Convié à expliquer à combien de reprises ces personnes vous auraient approché, vous estimez que ce seraient les deux seules fois, à savoir le jour où vous étiez en route pour faire un petit boulot, et le lendemain sur votre chemin pour l’école. Il y aurait eu « toujours les 2 mêmes personnes et les autres personnes changeaient » (entretien page 6). Vous auriez été interpellé pour la première fois en date du 27 décembre 2022 et la dernière fois en date du 29 décembre 2022.

Vous ignoreriez ce qui vous arriverait en cas de retour en Albanie alors que ce serait eux seuls qui sauraient ce qu’ils feraient de vous.

A l’appui de votre demande, vous remettez une copie d’une photo d’un Certifikatë personale, établi le 12 janvier 2023. Vous n’auriez pas de documents d’identité ou de voyage alors que le passeur ne vous aurait pas rendu votre passeport après votre arrivée au Luxembourg. Vous n’auriez en outre jamais eu de carte d’identité. Vous auriez fait la demande pour obtenir votre passeport deux mois avant votre départ d’Albanie spécialement pour venir au Luxembourg. […] ».

Le ministre informa ensuite Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 juillet 2024, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 20 juin 2024 d’opter pour la procédure accélérée, de celle ayant refusé de faire droit à sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire.

Etant donné que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, la soussignée est compétente pour connaître du recours en réformation dirigé à titre principal contre les décisions du ministre du 20 juin 2024, telles que déférées, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur expose tout d’abord les faits et rétroactes gisant à la base des décisions déférées.

En ce qui concerne la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur reproche, à titre principal, au ministre une violation des dispositions des articles 27 (2) et 21 de la loi du 18 décembre 2015, alors que le ministre aurait eu connaissance de son pays d’origine, ainsi que de sa minorité au moment du dépôt de sa demande de protection internationale, de sorte qu’il n’aurait pas pu prendre une décision dans le cadre d’une procédure accélérée. Ainsi, le ministre aurait délibérément détourné le sens des articles 21 et 27 (2) de la loi du 18 décembre 2015.

A titre subsidiaire, le demandeur fait plaider que le ministre aurait retenu à tort qu’il n’aurait soulevé que des faits sans pertinence, alors que ses déclarations auraient mérité une analyse et un examen concret des faits à la base de sa demande de protection internationale.

Il soutient qu’il aurait bien fait état d’une crainte réelle de persécution, de menaces, sinon d’attentat à sa vie en Albanie alors que ledit pays serait corrompu, sans justice et « sans aucun avenir » pour lui en raison de ses « origines modestes ».

Il souligne que des bandes criminelles recruteraient des enfants pour effectuer des « faits criminels au lieu et place d’eux », sans que l’Etat albanais n’agirait d’une quelconque manière, de sorte que ces faits seraient à considérer comme étant graves et « entr[a]nt dans le cadre d’une demande de protection internationale ».

En ce qui concerne le bien-fondé de sa demande de protection internationale, le demandeur indique qu’il se base sur les « faits et arguments » développés ci-dessus, tout en faisant encore plaider que sa situation serait conforme aux exigences de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, ci-après désignée par « la Convention de Genève », sinon au statut de protection subsidiaire repris par la loi du 18 décembre 2015.

Le demandeur précise, à ce propos, que la situation des enfants recrutés de force par des bandes mafieuses sans que l’Etat albanais n’intervienne pour leur porter secours constituerait un motif rentrant dans le cadre d’une demande de protection internationale. Il soutient encore, dans ce contexte, que ses déclarations n’auraient pas été prises en compte par le ministre qui aurait, ainsi, pris une décision dépourvue de toute motivation et manquant de respecter le droit à un examen effectif de sa demande de protection internationale. Il rappelle qu’il aurait dû fuir l’Albanie en raison (i) du fait que les bandes criminelles auraient été à sa recherche, (ii) d’une « police laxiste » et (iii) du fait qu’il devrait y craindre pour une vie sans avenir, de sorte qu’un retour dans son pays d’origine l’exposerait à des traitements inhumains dans un laps de temps plus ou moins court.

Enfin, et pour les mêmes raisons, il y aurait lieu de réformer l’ordre de quitter le territoire. En effet, en application du principe de précaution, il serait préférable de ne pas reconduire une personne vers un pays où il y aurait lieu de craindre qu’elle courrait un risque réel de subir des atteintes graves à sa vie.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours, pris en son triple volet.

Aux termes de l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification.

Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé et, dans la négative de renvoyer le recours devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient à la soussignée de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35 (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent1.

En ce qui concerne d’abord l’argumentation non autrement étayée du demandeur selon laquelle le ministre n’aurait pas procédé à un examen concret des faits, commis une erreur manifeste d’appréciation des faits, un abus de droit, un excès de pouvoir, ainsi qu’un défaut de motivation ou un détournement de pouvoir, force est de retenir que ces reproches concernent essentiellement la mise en cause du bien-fondé des décisions déférées, de sorte à concerner le fond du recours, étant relevé que le seul fait de ne pas avoir réservé une suite favorable à une demande de protection internationale en retenant que lesdites conditions ne sont pas remplies au regard des textes applicables ne saurait manifestement pas permettre de retenir une quelconque illégalité externe desdites décisions.

S’agissant ensuite du moyen tenant à une violation de l’article 21 de la loi du 18 décembre 2015 et, plus particulièrement, de l’argumentation du demandeur selon laquelle le recours à la procédure accélérée n’aurait pas été possible en raison de sa minorité au moment du dépôt de sa demande de protection internationale, il échet de rappeler que suivant cette disposition : « 1) Compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant, le mineur non accompagné n’est soumis à une procédure accélérée conformément à l’article 27, que:

a) s’il est originaire d’un pays qui satisfait aux critères requis pour être considéré comme un pays d’origine sûr au sens de l’article 30; ou b) s’il a présenté une demande ultérieure de protection internationale qui n’est pas irrecevable conformément à l’article 32; ou c) s’il existe de sérieuses raisons de considérer qu’il représente un danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public, ou a fait l’objet d’une décision d’éloignement forcé pour des motifs graves de sécurité nationale ou d’ordre public. […] ».

Dans ce contexte, la soussignée doit d’abord retenir qu’il ressort, de manière non contestée, du dossier administratif que Monsieur (A) est né le …, de sorte qu’il est devenu majeur en date du 15 avril 2024. Il s’ensuit que Monsieur (A) était majeur au jour de la décision 1 Trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 528 et les autres références y citées.

déférée, date à laquelle il faut nécessairement se positionner en vue de vérifier la légalité de la base légale sur laquelle la décision litigieuse est fondée.

En effet, en cas de demande de protection internationale d’un mineur non accompagné devenu majeur entretemps, la majorité de ce dernier fait en sorte qu’au jour de la décision sur sa demande de protection internationale, la nécessité de la prise en compte d’une vulnérabilité particulière n’a plus lieu d’être, étant d’ailleurs relevé, dans ce contexte, que l’article 20 de la loi du 18 décembre 2015 prévoit même expressément la possibilité pour le ministre de ne pas faire procéder à la nomination d’un administrateur ad hoc si le « mineur non accompagné […] atteindra selon toute vraisemblance, l’âge de dix-huit ans avant qu’une décision ne soit prise par le ministre […] », de sorte que la date de la décision à prendre sur le sort de la demande de protection internationale est seule déterminante pour vérifier si une prise en compte spéciale de la vulnérabilité d’un demandeur en vertu de sa qualité de mineur non accompagné est toujours nécessaire. Par ailleurs, l’âge d’un demandeur de protection internationale est un des éléments à prendre en compte dans le cadre de l’analyse du bien-fondé d’une telle demande, analyse que le ministre doit réévaluer au jour où il statue, tel que cela ressort clairement de l’économie générale du 3ième paragraphe de l’article 37 de la loi du 18 décembre 20152.

Au vu du fait que Monsieur (A) était majeur au jour de la décision déférée, le ministre n’était pas tenu d’appliquer les dispositions de l’article 21 de la loi du 18 décembre 2015.

La soussignée relève encore qu’en tout état de cause, Monsieur (A) est originaire d’un pays d’origine sûr, à savoir l’Albanie, tel que cela ressort du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », de sorte que la condition prévue à l’article 21 (1), point a. de la loi du 18 décembre 2015 est remplie et que le ministre pouvait statuer sur la demande de protection internationale de Monsieur (A) dans le cadre d’une procédure accélérée.

Il suit de ces considérations que le moyen tenant à une violation de l’article 21 de la loi du 18 décembre 2015 est manifestement non fondé et à rejeter.

Pour autant que par son constat que le ministre aurait eu connaissance de son pays d’origine dès le début de la « procédure », le demandeur ait entendu reprocher au ministre de ne pas avoir respecté le délai de deux mois prévu par la loi et lui imparti pour rendre la décision ministérielle, il échet de relever qu’aux termes de l’article 27 (2) de la loi du 18 décembre 2 « (3) Le ministre procède à l’évaluation individuelle d’une demande de protection internationale en tenant compte des éléments suivants:

a) tous les faits pertinents concernant le pays d’origine au moment de statuer sur la demande, y compris les lois et règlements du pays d’origine et la manière dont ils sont appliqués ;

b) les informations et documents pertinents présentés par le demandeur, y compris les informations permettant de déterminer si le demandeur a fait ou pourrait faire l’objet de persécution ou d’atteintes graves;

c) le statut individuel et la situation personnelle du demandeur, y compris des facteurs comme son passé, son sexe et son âge, pour déterminer si, compte tenu de la situation personnelle du demandeur, les actes auxquels le demandeur a été ou risque d’être exposé pourraient être considérés comme une persécution ou une atteinte grave;

d) le fait que, depuis qu’il a quitté son pays d’origine, le demandeur a ou non exercé des activités dont le seul but ou le but principal était de créer les conditions nécessaires pour présenter une demande de protection internationale, pour déterminer si ces activités l’exposeraient à une persécution ou à une atteinte grave s’il retournait dans ce pays;

e) le fait qu’il est raisonnable de penser que le demandeur pourrait se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il pourrait revendiquer la citoyenneté. ».

2015 : « Le ministre prend sa décision au plus tard dans un délai de deux mois à partir du jour où il apparaît que le demandeur tombe sous un des cas prévus au paragraphe (1) qui précède.

[…] ».

Il résulte de la disposition légale qui précède que le délai imparti au ministre pour prendre une décision dans le cadre d’une procédure accélérée est a priori de deux mois à compter du jour où il devient manifeste qu’un demandeur de protection internationale tombe dans un des cas prévus à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015.

En l’espèce, il est constant en cause que la demande de protection internationale de Monsieur (A) a été introduite en date du 3 octobre 2023 et qu’une décision n’a été prise à son encontre qu’en date du 20 juin 2024.

Il échet, à cet égard, de relever que le délai de deux mois tel que prévu à l’article 27 (2) de la loi du 18 décembre 2015 commence à courir à partir du moment où le ministre dispose de la globalité des motifs invoqués par un demandeur de protection internationale, c’est-à-dire à la fin de l’entretien, respectivement de la relecture de l’entretien de celui-ci, étant précisé que pour savoir si un demandeur de protection internationale tombe dans l’un de ces cas de figure prévus à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, il est nécessaire d’avoir connaissance de l’ensemble des éléments à la base de la demande de celui-ci. Ce n’est que lors de l’entretien auprès de la direction de l’Immigration, tel que prévu à l’article 13 de la loi du 18 décembre 2015, que le demandeur de protection internationale a la possibilité et même l’obligation d’exposer l’ensemble des faits à la base de sa demande, étant rappelé que le service de police judiciaire se limite d’après l’article 6 de la même loi à procéder à toute vérification de l’identité et de l’itinéraire d’un demandeur de protection internationale.

Il ressort du dossier administratif que Monsieur (A) a été entendu devant le ministère qu’en date du 14 juin 2024, de sorte que ce n’est qu’à cette date que le ministre disposait de la globalité des motifs invoqués.

Il s’ensuit que le 14 juin 2024 est à considérer comme point de départ du délai de deux mois tel que prévu à l’article 27 (2) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que le délai imparti au ministre pour prendre une décision dans le cadre de l’article 27 de la loi du 18 décembre 2015 a en l’espèce commencé à courir au plus tôt le 14 juin 2024 à minuit, soit le 15 juin 2024, pour expirer le 15 août 2024, c’est-à-dire postérieurement à la prise de la décision déférée.

Force est, par ailleurs, de constater qu’il ne se dégage ni des travaux parlementaires relatifs à la loi du 18 décembre 2015 ni de la loi elle-même que le législateur ait entendu conférer un caractère contraignant au délai de 2 mois fixé à l’article 27 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que dans la mesure où ledit délai n’est, de surcroît, pas non plus assorti d’une sanction en cas de non-respect par le ministre, ce délai est à qualifier de délai d’ordre et non pas de délai de rigueur.

Il s’ensuit que le moyen relatif à un dépassement du délai de 2 mois prévu à l’article 27 (2) de la loi du 18 décembre 2015 est à rejeter pour être manifestement infondé.

Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre de la procédure accélérée En l’espèce, la décision ministérielle déférée est fondée sur les points a) et b) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, qui dispose que « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; […] ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit si le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non cumulative, le fait qu’une seule des conditions soit valablement remplie justifie la décision ministérielle à suffisance.

La soussignée est dès lors amenée à analyser si les moyens avancés par le demandeur à l’encontre de la décision du ministre de recourir à la procédure accélérée sont manifestement dénués de tout fondement, de sorte que leur rejet s’impose de manière évidente ou si les critiques avancées par lui ne permettent pas d’affirmer en l’absence de tout doute que le ministre a valablement pu se baser sur l’article 27 (1) a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 pour analyser la demande dans le cadre d’une procédure accélérée, de sorte que le recours devra être renvoyé devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre. ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 », a désigné l’Albanie comme pays d’origine sûr3 et il se dégage en l’espèce des éléments du dossier que Monsieur (A) est de nationalité albanaise.

Il convient toutefois de relever qu’au vu du libellé de l’article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

Pour l’examen de la question de savoir si un pays est à considérer comme pays d’origine sûr pour un demandeur compte tenu de sa situation personnelle, seule la condition, commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire, tenant à l’absence de protection dans le pays d’origine au sens de l’article 394 de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 405 de la même loi est susceptible d’être pertinente, de sorte que l’examen de la 3 Article 1er du règlement grand-ducal du 21 décembre 2007 : « (1) Sont considérés comme pays d'origine sûrs au sens de l'article 21 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection: […] - la République d'Albanie; […] ».

4 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

5 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

situation individuelle doit être fait par rapport aux moyens présentés par le demandeur tendant à établir que cette condition requise pour prétendre à une protection internationale est remplie dans son chef.

Il convient ensuite de rappeler que l’une des conditions d’octroi d’une protection internationale est celle de la preuve, à fournir par le demandeur de protection internationale, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou disposées à lui fournir une protection suffisante, puisque chaque fois que la personne concernée est admise à bénéficier de la protection du pays dont elle a la nationalité, et qu’elle n’a aucune raison, fondée sur une crainte justifiée, de refuser cette protection, l’intéressé n’a pas besoin de la protection internationale.

Il y a partant lieu d’analyser si le demandeur a soumis, conformément à l’article 30 (1) de la loi du 18 décembre 2015, des raisons sérieuses permettant de penser que l’Albanie n’est pas un pays sûr compte tenu de sa situation personnelle.

En l’espèce, la soussignée constate que le demandeur omet à l’évidence d’établir l’existence, dans son chef, de raisons sérieuses permettant de penser que l’Albanie ne serait pas un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale, telles que décrites ci-avant. Il ne se dégage, en effet, ni du rapport d’audition dressé lors de son entretien par un agent du ministère ni des éléments soumis à l’appréciation de la soussignée que le demandeur ne pourrait pas obtenir une protection adéquate de la part des autorités albanaises.

La soussignée relève, à cet égard, que le demandeur n’a avancé aucune raison valable permettant de penser que ses droits les plus élémentaires seraient bafoués en cas de retour dans son pays d’origine, sans que les autorités de ce pays ne puissent, respectivement ne veuillent lui fournir une protection appropriée.

Par ailleurs, il convient de relever que pour qu’un défaut de protection au pays d’origine puisse être retenu, il faut en toute hypothèse que l’intéressé ait tenté d’obtenir cette protection pour autant qu’une telle tentative paraisse raisonnable en raison du contexte. Cette position extensive se justifie au regard de l’aspect protectionnel du droit international des réfugiés qui consiste à substituer une protection internationale là où celle de l’Etat fait défaut.

L’essentiel est, en effet, d’examiner si la personne peut être protégée compte tenu de son profil dans le contexte qu’elle décrit. C’est l’absence de protection qui est décisive, quelle que soit la source de la persécution ou de l’atteinte grave infligée.

Il y a encore lieu de souligner que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou atteinte grave et (2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. ».

lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, – ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou atteintes graves – cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu’elle n’impose nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

A cet égard, il convient encore de souligner l’importance de rechercher la protection des autorités du pays d’origine puisqu’à défaut d’avoir au moins tenté de solliciter une forme quelconque d’aide, un demandeur de protection internationale ne saurait reprocher aux autorités étatiques une inaction volontaire ou un refus de l’aider.

En effet, si le dépôt d’une plainte n’est certes pas une condition légale, un demandeur de protection internationale ne saurait cependant, in abstracto, conclure à l’absence de protection s’il n’a lui-même pas tenté formellement d’obtenir une telle protection : or, une telle demande de protection adressée aux autorités policières et judiciaires prend, en présence d’agressions et de menaces, communément la forme d’une plainte.

En l’espèce, force est de constater que tant la requête introductive d’instance que le rapport d’entretien du demandeur ne fournissent manifestement aucun élément de nature à pouvoir conclure à une absence de protection en Albanie.

Bien au contraire, il ressort des explications fournies par Monsieur (A) qu’il n’a pas déposé de plainte contre les individus qui l’auraient agressé et menacé afin qu’il vende des stupéfiants pour eux, et ce alors même que les menaces et agressions dont le demandeur a fait état doivent être considérées comme émanant de personnes privées sans lien avec l’Etat albanais et qu’il ressort de ses propres déclarations que même ses parents lui auraient conseillé de déposer une plainte contre ces individus.

Or, à défaut d’avoir recherché la protection des autorités de son pays d’origine, l’Albanie, le demandeur n’est pas fondé à soutenir que les autorités albanaises ne seraient pas disposées ou ne pourraient pas lui accorder une protection adéquate.

C’est à cet égard en vain qu’il tente de justifier son inaction par le fait que « [c]es gens [auraient] beaucoup de connaissances » et que même s’ils « avaient été arrêtés par la police, ils auraient pu envoyer une personne pour [l’attraper] »6, ou sinon par le fait que la police serait « laxiste », tel qu’il l’indique dans le cadre de sa requête introductive d’instance. En effet, ces affirmations ne démontrent pas que la police albanaise ne peut pas le protéger contre les 6 Page 6 du rapport d’entretien.

agissements de ces individus, étant donné que, comme l’explique de manière non contestée la partie gouvernementale, les autorités albanaises ne sont pas inactives pour poursuivre les personnes impliquées dans le trafic de stupéfiants.

Il s’ensuit qu’aucune inaction ne saurait être reprochée aux autorités albanaises et que les moyens présentés par le demandeur afin d’établir que les autorités de son pays d’origine, l’Albanie, ne seraient pas disposées, respectivement seraient dans l’incapacité de lui fournir une protection sont manifestement infondés.

La soussignée constate encore, dans ce contexte, que suivant les sources internationales citées par la partie gouvernementale, le demandeur pouvait se diriger, en Albanie, vers des instances supérieures ou encore saisir l’Ombudsman s’il estimait que la police ne serait pas efficace.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’affirmation non autrement circonstanciée selon laquelle son pays d’origine serait corrompu et sans justice, alors que le demandeur ne se base, à cet égard, sur aucun élément concret et objectif.

Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure qu’il ne ressort manifestement pas des déclarations du demandeur, ni des éléments soumis à l’appréciation de la soussignée à travers la requête introductive d’instance, ni des pièces du dossier – le demandeur s’étant, d’ailleurs, limité à verser comme pièce uniquement la décision ministérielle litigieuse –, que les autorités albanaises aient refusé ou aient été dans l’incapacité de fournir une protection quelconque contre les agissements dont il déclare avoir été victime, voire qu’il redoute en cas de retour dans son pays d’origine et que, de la sorte, l’Albanie ne serait pas à considérer comme un pays d’origine sûr compte tenu de sa situation particulière.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours du demandeur, dans la mesure où il tend à la réformation de la décision du ministre d’analyser sa demande d’octroi d’une protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, est manifestement infondé, en ce sens que les moyens qu’il a présentés pour établir que l’Albanie ne serait pas à considérer comme pays sûr dans son chef sont visiblement dénués de tout fondement.

Il s’ensuit que le recours en réformation contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à rejeter comme étant manifestement non fondé, sans qu’il ne soit nécessaire de procéder à l’analyse du point a) de l’article 27 (1) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre portant refus d’accorder une protection internationale La soussignée relève qu’aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40, précités, de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-

avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précités, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

Force est encore de constater que la condition commune au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.

Or, indépendamment de la qualification des faits invoqués à l’appui de la demande de protection internationale, respectivement de la gravité des faits avancés, le demandeur n’a manifestement pas établi que les autorités de son pays d’origine seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas lui fournir une protection appropriée par rapport aux agissements dont il déclare avoir été victime, respectivement dont il craint d’être victime en cas de retour dans son pays d’origine, étant relevé que dans le cadre du présent recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de refus d’octroi d’un statut de protection internationale, la soussignée ne s’est pas vue soumettre d’éléments permettant d’énerver cette conclusion. Au vu de ce qui précède, il doit dès lors être conclu que l’une des conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire ne se trouve manifestement pas remplie en l’espèce.

Dans ces circonstances, la soussignée conclut que le recours sous examen est à déclarer manifestement infondé et que le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où la soussignée vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé, le ministre a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de précaution.

Il suit des considérations qui précèdent que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le premier juge, siégeant en remplacement du vice-président présidant la deuxième chambre du tribunal administratif, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 20 juin 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 octobre 2024, par la soussignée, Annemarie Theis, premier juge au tribunal administratif, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Annemarie Theis 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50704
Date de la décision : 07/10/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-10-07;50704 ?

Source

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