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20/09/2024 | LUXEMBOURG | N°47175

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 septembre 2024, 47175


Tribunal administratif N° 47175 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47175 4e chambre Inscrit le 14 mars 2022 Audience publique du 20 septembre 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministère des Affaires étrangères et européenne et une décision implicite de refus du ministre des Affaires étrangères et européennes, en matière de fonctionnaires et agents de l’Etat

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 47175 du rôle et dé

posée le 14 mars 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avoc...

Tribunal administratif N° 47175 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47175 4e chambre Inscrit le 14 mars 2022 Audience publique du 20 septembre 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre une décision du ministère des Affaires étrangères et européenne et une décision implicite de refus du ministre des Affaires étrangères et européennes, en matière de fonctionnaires et agents de l’Etat

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 47175 du rôle et déposée le 14 mars 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie Bauler, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministère des Affaires étrangères et européennes du 30 juin 2021 refusant de faire droit à sa demande du 16 juin 2021 en vue du remboursement des frais de scolarité et contre une décision implicite de refus du ministre des Affaires étrangères et européennes résultant de son silence suite à la demande de remboursement des frais de scolarité de Monsieur … introduite en date du 17 novembre 2021 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 juin 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2022 par Maître Jean-Marie Bauler, préqualifié, pour le compte de son mandant ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 octobre 2022 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, et Madame le délégué du gouvernement Hélène MASSARD en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mars 2024.

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Par arrêté du 12 juillet 2021, le ministre de la Fonction publique accorda un congé sans indemnité pour des raisons familiales à Monsieur …, employé de l’État auprès de l’administration gouvernementale – ministère des Affaires étrangères et européennes, ci-après désigné par « le ministère », détaché au …, pour la période du 1er mars 2020 au 31 juillet 2022.

Par courriel du 16 juin 2021, Monsieur … soumit, auprès du ministère, une demande de remboursement des frais de scolarité pour ses deux enfants, … et …, à l’école internationale de … au …, pour le premier trimestre de l’année scolaire 2021/2022.

Par courriel du 30 juin 2021, l’agent en charge de son dossier auprès du ministère informa Monsieur … que sa demande de remboursement des frais de scolarité ne saurait être accueillie, dans les termes suivants :

« (…) Ce département se réfère à ses récentes discussions avec les juristes du Ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative dans le cadre de la réforme du cadre légal du statut financier, et plus précisément les droits aux indemnités et accessoires d’un agent en poste en congé sans traitement.

Il s’avère donc que ce Département doit proratiser les avantages en fonction de la tâche de l’agent. Or, comme tu n’exerces pas de tâche, ni complète ni partielle, mais que tu es en congé sans traitement à 100%, un remboursement des frais de scolarité pour tes enfants ne peut être accordée. Nous sommes en train de vérifier avec les juristes si nous pouvons émettre une dispense de remboursement des frais scolaires pour l’année 2020-2021 et te tiendrons évidemment au courant des suites. (…) ».

Par courriel du 17 novembre 2021, Monsieur … soumit, auprès du ministère, une deuxième demande de remboursement des frais de scolarité pour ses deux enfants, … et …, à l’école internationale de … au …, pour le reste de l’année scolaire 2021/2022.

Monsieur … adressa un courriel de rappel au ministère en date du 6 janvier 2022 afin de s’enquérir de ses demandes de remboursement des frais de scolarité des 16 juin et 17 novembre 2021.

Par courrier daté au 13 janvier 2022, transmis par courriel du 19 janvier 2022, le ministre des Affaires étrangères et européennes sollicita auprès du ministre des Finances l’accord de refuser les demandes de remboursement des frais de scolarité de Monsieur …, le courrier étant libellé comme suit :

« (…) Objet : Statut financier des missions diplomatiques à l’étranger Demande de remboursement des frais exceptionnels de scolarité de Monsieur … Conformément aux dispositions de l’article 4 du règlement grand-ducal du 1er août 1988 fixant le statut financier des missions diplomatiques et consulaires à l’étranger et de leurs agents, je me propose de refuser de verser à Monsieur … le montant remboursable au titre des frais exceptionnels de scolarité exposés pour l’année scolaire 2021/2022, vu l’absence d’exercice d’une tâche complète ou partielle de l’agent.

Depuis le 1er mars 2020 l’agent est en congé sans traitement à 100%, de ce fait un remboursement des frais de scolarité pour les enfants de Monsieur … ne peut plus être accordé.

Je vous saurais gré de bien vouloir marquer votre accord, comme le prévoit l’article 4 dont il est question ci-dessus. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 mars 2022, inscrite sous le numéro 47175 du rôle, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la « décision » du ministère du 30 juin 2021 refusant de faire droit à sa demande de remboursement des frais de scolarité du 16 juin 2021 et contre une décision implicite de refus du ministre des Affaires étrangères eteuropéennes résultant de son silence suite à la demande de remboursement des frais de scolarité de Monsieur … du 17 novembre 2021.

Aux termes de l’article 10 de la loi modifiée du 25 mars 2015 déterminant le régime et les indemnités des employés de l’Etat, ci-après désignée par « la loi du 25 mars 2015 », « Les contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires sont de la compétence du tribunal administratif, statuant comme juge du fond. (…) », de sorte que le tribunal administratif est compétent pour statuer comme juge du fond pour connaître des contestations résultant du contrat d’emploi et de la rémunération des employés de l’Etat, parmi lesquelles sont comprises celles relatives à l’allocation d’une indemnité supplémentaire sollicitée par l’agent en question, étant encore rappelé qu’en vertu de l’article 4 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dénommée ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », « (1) Dans les affaires contentieuses qui ne peuvent être introduites devant le tribunal administratif que sous forme de recours contre une décision administrative, lorsqu’un délai de trois mois s’est écoulé sans qu’il soit intervenu aucune décision, les parties intéressées peuvent considérer leur demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal administratif. ».

Le tribunal est dès lors compétent pour statuer sur les recours principaux en réformation.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur les recours subsidiaires en annulation.

Dans le cadre de son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du volet du recours visant le courriel du 30 juin 2021 en ce qu’il ne constituerait pas une décision administrative. Il souligne, à cet égard, que l’expéditeur de ce courriel n’aurait pas été habilité à prendre une décision en lieu et place du ministre des Affaires étrangères et européennes et qu’il n’aurait aucunement eu l’intention de le faire pour n’avoir été que l’interlocuteur des agents en mission à l’étranger, habilité à s’échanger avec ces agents sur les problématiques pouvant se poser et afin de les rendre attentifs aux dispositions légales et réglementaires régissant leurs fonctions à l’étranger. Le délégué du gouvernement indique que ce serait à ce titre que Monsieur … aurait été informé sur la situation légale et réglementaire ayant trait à sa demande de remboursement, constituant un simple échange entre fonctionnaires dans l’intérêt d’une bonne gestion de l’administration. Il estime qu’il aurait appartenu à Monsieur … de solliciter une décision officielle, ce qu’il aurait choisi de ne pas faire et qu’il ne semblerait d’ailleurs pas s’être mépris sur la qualité du courriel du 30 juin 2021, alors qu’il n’y aurait réservé aucune suite pendant près de six mois pour solliciter en janvier 2022 de nouveau un remboursement de frais de scolarité pour la deuxième moitié de l’année, étant relevé que s’il aurait été d’avis que ledit courriel aurait été une décision de refus, quod non, il n’aurait pas fait cette deuxième demande.

Monsieur … rétorque, dans le cadre de son mémoire en réplique, quant à la recevabilité de son recours dirigé contre le courriel du 30 juin 2021, que ce serait à tort que le délégué du gouvernement aurait affirmé qu’il ne s’agirait pas d’une décision administrative au motif que l’expéditeur dudit courriel n’aurait pas été habilité à prendre une décision en lieu et place du ministre des Affaires étrangères et européennes, alors que cette affirmation confirmerait son analyse selon laquelle le signataire dudit courriel n’aurait pas été compétente pour prendre une décision relative à sa demande de remboursement. Il estime toutefois que ce serait de manière erronée que la partie gouvernementale aurait conclu que le courriel du 30 juin 2021 ne constituerait pas une décision administrative, alors qu’il aurait été envoyé en réponse à sademande de remboursement et comporterait clairement une décision par rapport à cette demande, de sorte qu’il existerait un aspect décisionnel qui en ressortirait d’autant plus clairement que Madame … y aurait encore précisé qu’en ce qui concernerait les remboursements prétendument trop versés, des juristes seraient en train de vérifier si une dispense de remboursement serait possible. Monsieur … en conclut que Madame …, sinon le département auquel elle ferait référence dans son courriel, aurait décidé qu’il ne pourrait plus prétendre au remboursement de frais de scolarité pendant son congé sans traitement, mais qu’en ce qui concerne les frais pour l’année scolaire 2020/2021, déjà remboursés par l’Etat, aucune décision n’aurait encore été prise, notamment concernant une éventuelle dispense.

Il fait ensuite relever que le caractère décisionnel du courriel litigieux ressortirait encore de la lecture du courriel du 19 janvier 2022 suivant lequel Madame …, affectée auprès du ministère, aurait informé Madame …, employée au ministère des Finances, que le ministère aurait pour la première fois refusé un remboursement des frais et lui demanderait si un accord du ministre des Finances serait donné par courrier, de sorte que contrairement aux allégations de la partie gouvernementale, il ne s’agirait en l’espèce pas de simples renseignements.

Tout en contestant l’argumentation de la partie gouvernementale relative à son comportement suite au courriel du 30 juin 2021, Monsieur … fait valoir qu’il aurait été en droit d’attendre un éventuel revirement par l’administration dans la mesure où aucun délai de recours n’aurait commencé à courir et que le fait pour l’administration de ne pas prendre de « décision officielle » ne saurait avoir comme conséquence que la décision émise ne serait pas attaquable en justice.

Il conclut ainsi à l’existence d’une décision administrative susceptible de recours.

Dans le cadre de son mémoire en duplique, la partie gouvernementale réitère en substance son argumentation développée dans son mémoire en réplique en soulignant l’importance de la chronologie des divers échanges laquelle soutiendrait l’absence d’un caractère décisionnel du courriel du 30 juin 2021, alors que ce ne serait qu’en date du 19 janvier 2022 qu’une proposition officielle datée au 13 janvier 2022 aurait été soumise au ministre des Finances ayant pour objet de refuser le remboursement des frais de scolarité sollicité par Monsieur …. Elle argumente que le courriel litigieux ne serait pas une décision de refus toisant définitivement une demande concrète d’un administré, mais constituerait une simple information juridique destinée à éclairer Monsieur … sur les droits aux indemnités accessoires d’un agent en poste en congé sans traitement, tout en soulignant que si Monsieur … aurait estimé que le courriel du 30 juin 2021 aurait été une décision officielle de refus, il n’y aurait pas de sens d’attendre un éventuel revirement et il aurait pu directement entreprendre ledit refus.

Force est d’abord au tribunal de relever qu’il n’existe aucune condition de forme à remplir par un acte, afin de déterminer s’il constitue une décision, pourvu que son existence puisse être établie1.

En l’espèce, Monsieur … fait valoir que la prétendue décision aurait été prise en date du 30 juin 2021 sous forme d’un courriel, de sorte qu’il serait possible d’établir l’existence de la décision par cet écrit.

1 En ce sens : Trib. adm. 27 novembre 1997, n° 10123 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes administratifs, n° 169 et les autres références y citées.

Or, afin d’établir l’existence d’une décision susceptible de recours, il échet encore d’examiner si les conditions de fond sont remplies.

A cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, dénommé ci-après « la loi du 7 novembre 1996 », limite l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et que cet acte doit affecter les droits et intérêts de la personne qui le conteste2.

L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit dès lors constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame3.

Plus particulièrement n’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision4 qui ne font que préparer la décision finale et qui constituent des étapes dans la procédure d’élaboration de celle-ci5. Il y a encore lieu de rappeler que l’acte doit constituer une étape finale dans la procédure6.

Tout d’abord, la décision doit être prise par une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés, ce qui est contesté, en l’espèce, par la partie gouvernementale, arguant que l’agent ayant informé Monsieur … par voie du courriel du 30 juin 2021 que sa demande de remboursement ne saurait aboutir, n’aurait pas été habilitée à prendre des décisions en lieu et place du ministre des Affaires étrangères et européennes.

Force est au tribunal de constater que le courriel du 30 juin 2021 a été émis par le ministère des Affaires étrangères et européennes, Direction des Finances et Ressources humaines, mais pas par le ministre lui-même.

Si le courriel du 30 juin 2021 indique certes qu’« un remboursement des frais de scolarité pour tes enfants ne peut être accordée », force est toutefois de constater que ledit courriel est à considérer comme une simple information juridique de la part de l’agent en question sans qu’il ne s’en dégage qu’il ait voulu rendre une décision définitive à cet égard, étant encore relevé, à cet égard, qu’il ressort d’ailleurs des rétroactes de cette affaire, tels que passés en revue ci-avant, que ni le demandeur ni le ministre n’ont considéré le courriel du 30 juin comme une décision, le demandeur ayant fait un rappel de ses deux demandes de 2 Trib. adm., 6 octobre 2004, n° 16533 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Acte administratif, n°5 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 18 juin 1998, nos 10617 et 10618, Pas. adm. 2023, V° Actes administratifs, n° 45 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658, confirmé sur ce point par arrêt du 19 février 1998, n° 10263C, Pas. adm.

2023, V° Actes administratifs, n° 69 (1er volet) et les autres références y citées.

5 Voir Cour adm., 22 janvier 1998, n os 9647C, 9759C, 10080C et 10276C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes administratifs, n° 68 et les autres références y citées.

6 Trib. adm., 27 novembre 1997, n°10123 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes administratifs, n° 12 et les autres références y citées.remboursement litigieuses en date du 6 janvier 2022, de même que le ministre a, par courrier du 13 janvier 2022, demandé au ministre des Finances l’accord de refuser les deux demandes de remboursement, soit pour la totalité de l’année scolaire 2021/2022, de sorte que la demande de remboursement de Monsieur …, transmise au ministère en date du 16 juin 2021, n’a pas fait l’objet d’une décision de refus par voie dudit courriel du 30 juin 2021.

Il résulte de ce qui précède, que l’acte incriminé du 30 juin 2021 n’est pas à qualifier de décision administrative susceptible de recours pouvant être déféré devant les juridictions administratives, de sorte que le recours dirigé contre ledit acte est à déclarer irrecevable.

Le délégué du gouvernement a encore soulevé l’absence d’intérêt à agir de Monsieur … en ce que le recours ne serait dirigé que contre le refus du ministre des Affaires étrangères et européennes, alors que conformément à l’article 4, alinéa 4 du règlement grand-ducal modifié du 1er août 1988 fixant le statut financier des missions diplomatiques et consulaires à l’étranger et de leurs agents, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 1er août 1988 », disposant que « Notre Ministre des Affaires Etrangères peut, en accord avec Notre Ministre des Finances, allouer aux agents une indemnité supplémentaire en faveur des enfants visés au second alinéa du présent article pour permettre de couvrir des frais exceptionnels de scolarité. », un double accord serait nécessaire afin de se faire accorder le remboursement des frais de scolarité, de sorte que le refus du ministre des Finances aurait lui aussi dû être entrepris.

Il estime que n’entreprenant qu’un seul des deux refus, le refus serait à déclarer irrecevable, alors que même à supposer qu’il doive obtenir gain de cause dans la présente affaire, il se verrait toujours confronté au refus du ministre des Finances, de sorte qu’un gain de cause ne saurait lui donner la moindre satisfaction.

Après avoir conclu, dans le cadre de sa requête introductive d’instance, à un intérêt personnel, direct et certain à agir dans son chef du fait que les décisions litigieuses lui causeraient torts et griefs et qu’il pourrait retirer de leur réformation une satisfaction certaine, Monsieur … fait répliquer que les développements du délégué du gouvernement ne seraient pas de nature à remettre en cause l’existence d’un intérêt à agir dans son chef, alors qu’il ne ferait aucun doute que les décisions attaquées impacteraient négativement sa situation en fait et en droit, leur faisant supporter les frais de scolarité importants de ses deux fils, en l’absence de remboursement de la part de l’Etat. Il conteste, ensuite, les développements de la partie gouvernementale selon lesquelles seul le refus du ministre des Affaires étrangères et européennes aurait été entrepris, à défaut du refus du ministre des Finances et se rapporte, dans ce contexte, à prudence de justice sur la pertinence de ces développements concernant l’intérêt à agir, voire plus généralement la recevabilité du recours, tout en donnant à considérer que le raisonnement de la partie gouvernementale ne saurait tenir en ce qu’un recours contre une décision implicite de refus ne devrait pas être spécifiquement dirigé contre l’autorité compétente et que sa demande aurait été dirigée au ministre des Affaires étrangères et européennes, de même qu’il n’aurait pas été en mesure de savoir si le ministre des Finances avait été saisie pour accord ou non.

Dans le cadre de son mémoire en duplique, la partie gouvernementale réitère en substance l’argumentation développée dans son mémoire en réponse.

Quant à l’intérêt à agir de Monsieur …, il y a lieu de rappeler que l’intérêt conditionne la recevabilité d’un recours contentieux. En matière de contentieux administratif portant, comme en l’espèce, sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ouen droit d’un administré qui peut partant tirer un avantage corrélatif de la sanction de cette décision par le juge administratif7.

Le juge doit vérifier, eu égard à l’intérêt mis en avant par le demandeur, si l’acte déféré est susceptible d’avoir une incidence sur la situation du demandeur : c’est au regard de l’incidence concrète de la décision sur la situation du demandeur que l’intérêt pour agir de ce demandeur devant le juge de l’annulation doit être apprécié. En effet, le demandeur ne pourra être regardé comme ayant intérêt à agir que si l’acte entraîne à son égard les conséquences fâcheuses constituant le grief mis en avant8.

L’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il ne se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés9.

Il ressort des demandes soumises au ministère par Monsieur … en date des 16 juin et 17 novembre 2021 qu’il a sollicité le remboursement des frais de scolarité pour ses deux enfants, … et …, à l’école internationale de … au …, pour l’année scolaire 2021/2022.

Le tribunal doit constater que l’intérêt à agir de Monsieur … contre la décision implicite de refus du ministre des Affaires étrangères et européennes résultant de son silence suite à la demande de remboursement des frais de scolarité pour l’année scolaire 2021/2022, ne saurait pas sérieusement être contesté dans son chef, alors que ladite décision lui cause grief pour avoir comme effet direct le refus de lui accorder le remboursement des frais de scolarité pour ses deux enfants, frais qu’il a dû avancer et qui restent donc à sa charge, faute de remboursement.

Ce constat n’est pas énervé par les développements de la partie gouvernementale ayant trait à l’article 4 du règlement grand-ducal du 1er août 1988, alors qu’il résulte dudit texte légal que c’est bien le ministre des Affaires étrangères et européennes qui est compétent pour « allouer aux agents une indemnité supplémentaire en faveur des enfants (…) pour permettre de couvrir des frais exceptionnels de scolarité » et que ce dernier doit seulement requérir un simple accord du ministre des Finances pour ce faire, de sorte que l’incidence de l’absence d’un tel accord n’est pas pertinent au niveau de la recevabilité du recours pour l’examen de l’intérêt à agir du requérant.

Il s’ensuit que le recours principal en réformation dirigé contre la décision déférée, à savoir la décision implicite de refus du ministre des Affaires étrangères et européennes encore recevable pour avoir été, par ailleurs, introduit selon les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours et en fait, après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée, le demandeur relève qu’il serait entré en service auprès du ministère le 1er mai 2000, qu’il aurait été affecté à l’Ambassade de Luxembourg à … au … en janvier 2016, que ses deux fils auraient fréquenté l’école international de … depuis août 2017, respectivement août 2018, que les frais d’inscription auraient toujours été remboursés par le ministère, sans 7 Cour adm., 14 juillet 2009, nos 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 2 et les autres références y citées.

8 Trib. adm., 1er mars 2017, n° 37216 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 1 (2e volet) et les autres références y citées.

9 Cour adm., 13 décembre 2007, n° 23330C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 3 (2e volet)et les autres références y citées.interruption et dans leur totalité, jusqu’à l’année scolaire 2020/2021 incluse et que les frais de scolarité s’élèveraient, pour l’année 2021/2022 à 21.800,- USD par enfant.

Dans le cadre de son mémoire en réplique, le demandeur fait rajouter quant à l’exposé des faits de la partie gouvernementale que sa mission au … aurait pris fin le 31 août 2018, qu’il aurait été en congé parental à temps plein, successivement pour ses fils … et …, à partir du 1er septembre 2018 jusqu’au 31 août 2019, qu’il aurait ensuite pris son congé de récréation, accumulé au cours des années de service, pour la période du 1er septembre 2019 au 29 février 2020 et que depuis le 1er mars 2020 jusqu’au 31 juillet 2022, il aurait été en congé sans indemnité pour raisons familiales. Le demandeur indique que contrairement à la version des faits présentée par la partie gouvernementale, il y aurait lieu de préciser que pendant toute la période de septembre 2018 à juin 2021, les frais de scolarité avaient été remboursés par l’Etat, et ce même s’il n’aurait rempli aucune « tâche, ni complète ni partielle » pendant cette période.

Ce n’aurait été qu’en juin 2021, après presque trois ans, que la partie gouvernementale aurait, sans aucun avertissement préalable, effectué un revirement brusque, qui, de plus, serait intervenu à un moment où il aurait d’ores et déjà engagé des dépenses importantes pour lesquelles il pouvait légitimement s’attendre à un remboursement.

Il conteste finalement l’affirmation du délégué du gouvernement selon laquelle sa demande de remboursement des frais de scolarité pour l’année scolaire 2021/2022 aurait été refusée du fait qu’il n’aurait tout simplement plus travaillé pour l’Etat pour avoir été en congé sans traitement depuis mars 2020, alors que le fonctionnaire qui se verrait accorder un congé sans indemnité pour des raisons familiales resterait néanmoins au service de l’Etat et devrait pouvoir continuer à bénéficier des avantages liés à son statut de fonctionnaire d’Etat.

Il y a d’abord lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, peut les traiter suivant un ordre différent10.

En droit, le demandeur invoque une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en ce que le ministre des Affaires étrangères et européennes n’aurait pas motivé juridiquement son refus implicite, de sorte que cette décision devrait encourir la réformation.

Le demandeur, dans son mémoire en réplique, fait encore valoir, en ce qui concerne son moyen tiré d’une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, que la partie gouvernementale tenterait en vain de compléter la motivation incomplète, voire inexistante de la décision implicite de refus, alors que ladite argumentation ne serait pas de nature à redresser la légalité de ladite décision. Il conteste, par ailleurs, le bien-fondé de l’intégralité de la motivation avancée par l’Etat à l’appui de la décision implicite de refus.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen du demandeur tiré d’un défaut de motivation de la décision déférée pour manquer de fondement.

10 trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 528 et les autres références y citées.En vertu de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, toute décision administrative doit reposer sur des motifs légaux et doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, notamment lorsqu’elle refuse, tel que cela est le cas en l’espèce, de faire droit à la demande de l’intéressé.

Force est au tribunal de constater que si, en l’espèce, la décision implicite de refus de faire droit à la demande de remboursement des frais de scolarité pour l’année scolaire 2021/2022 et tirée du silence du ministre, par la force des choses, ne comporte aucune motivation, cette seule circonstance ne saurait emporter sa réformation, sinon son annulation, dans la mesure où l’administration peut produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois devant le juge administratif11.

Force est de constater qu’à travers son mémoire en réponse, la partie étatique a fourni les motifs à la base du refus du ministre de faire droit à la demande de remboursement des frais exceptionnels de scolarité, à savoir l’invocation de l’imposition d’un double accord par le règlement grand-ducal du 1er août 1988 et la circonstance que le ministre des Finances n’aurait pas répondu formellement à cette demande. Elle invoque ensuite l’absence de prestation pour l’Etat, Monsieur … ayant librement choisi de prendre un congé sans traitement pendant 2 années, tout en choisissant tout aussi librement de rester dans le pays dans lequel il avait, à la base, été détaché, ce qui entraînerait qu’on ne saurait revendiquer ni rémunération ni remboursement de quoi que ce soit du fait que le privilège dont bénéficierait les agents détachés à l’étranger de se voir rembourser, sous certaines conditions, les frais de scolarité de leurs enfants serait le corollaire du fait qu’ils n’auraient pas la possibilité de faire bénéficier leurs enfants de l’enseignement gratuit au Luxembourg et qu’ils ne pourraient pas envoyer leurs enfants tous les 3 ou 4 ans dans un autre système scolaire dans la langue d’un nouveau pays dans lequel ils seraient détachés, de sorte qu’ils devraient le plus souvent envoyer leurs enfants dans des écoles privées leur permettant de bénéficier d’une scolarisation plus ou moins linéaire dans un même système, afin de ne pas pénaliser ces agents par rapport à leurs confrères restés au Luxembourg, ce privilège existant aussi longtemps qu’ils seraient sous les services de leur patron, l’Etat luxembourgeois. A cet égard, la partie gouvernementale fait en outre remarquer que la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-

après dénommé « le statut général », ne limiterait pas la durée d’un congé sans traitement, rendant dans tous les cas impossible le droit au remboursement des frais de scolarisation des enfants de manière prolongée. Elle se réfère finalement à l’article 31 du statut général en argumentant par analogie en ce qu’un fonctionnaire en congé sans traitement, ne remplissant aucune tâche, ne pourrait plus faire valoir le moindre droit ni au traitement ni aux accessoires, alors que le proportionnel de zéro resterait zéro, tout en relevant que Monsieur … ne revendiquerait pas non plus la continuation des autres accessoires à son traitement dont il aurait pu profiter lorsqu’il aurait encore été en fonction, tel que les prestations en nature, l’indemnité de poste ou de logement.

Dans ces conditions, le tribunal ne peut que rejeter le moyen fondé sur un défaut d’indication des motifs en ce que le refus de la demande afférente de Monsieur … est motivé tant en fait qu’en droit, étant relevé que cette conclusion s’impose indépendamment du caractère justifié des motifs avancés, respectivement de la question de l’existence des motifs 11 Cour adm., 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 93 et les autres références y citées.complémentaires au moment de la prise de la décision, contesté par le demandeur, examen qui sera fait ci-après.

Le demandeur soulève encore une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1978 en ce que la décision implicite de refus déférée pourrait être qualifiée de décision qui révoque, sinon modifie d’office pour l’avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, dans la mesure où elle révoquerait, sinon modifierait les décisions antérieures par lesquelles il s’est vu accorder le remboursement des frais de scolarité, sans lui laisser la possibilité de présenter ses observations avant la prise de cette décision, tout en invoquant, dans le même contexte, une violation du principe de confiance légitime, en ce que le ministère lui aurait accordé le remboursement des frais de scolarité depuis l’inscription de ses enfants à l’école internationale de … et ce jusqu’en 2021, de sorte qu’il aurait pu légitimement se fier à ce que les frais de scolarité continueraient à lui être remboursés, le ministre des Affaires étrangères et européennes devant être tenu de suivre son attitude adoptée par le passé, la décision de refus de remboursement des frais de scolarité portant sur non moins de 43.600,-

USD constituant un changement brusque et imprévisible dans l’attitude adopté par le ministre, attentatoire au principe de sécurité juridique.

Il fait encore répliquer que certes la demande de remboursement devrait être introduite d’année en année, cependant les frais de scolarité lui auraient été remboursés par des décisions individuelles régulières, y compris lorsqu’il se serait trouvé en congé sans traitement, de sorte que le remboursement des frais scolaires constituerait un droit acquis protégé par le principe de l'intangibilité des décisions individuelles. Le demandeur soutient, par ailleurs, que contrairement à ce que la partie étatique allèguerait, l’ensemble des remboursements intervenus auraient été justifiés et conformes à la loi, alors qu’il aurait rempli et remplirait toujours toutes les conditions légales requises. Il conclut que l’inobservation des garanties de l’article 9, ensemble le principe de confiance légitime, lui auraient créé un préjudice important, de même que les droits de la défense auraient été irrémédiablement lésés, relevant encore qu’aucun changement législatif ou réglementaire refusant le remboursement des frais exceptionnels de scolarité aux agents en congé sans traitement se trouvant à l’étranger ne serait intervenu.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne la violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, lequel dispose que « Sauf s´il y a péril en la demeure, l´autorité qui se propose de révoquer ou de modifier d´office pour l´avenir une décision ayant créé ou reconnu des droits à une partie, ou qui se propose de prendre une décision en dehors d´une initiative de la partie concernée, doit informer de son intention la partie concernée en lui communiquant les éléments de fait et de droit qui l´amènent à agir », il y a lieu de souligner que cet article n’est pas applicable en l’espèce, alors que, par sa décision implicite de refus déférée, le ministre n’a non seulement pas retiré un droit préalablement accordé au demandeur, alors qu’en vertu de l’article 4 du règlement grand-ducal du 1er août 1988 l’« allocation est fixée d’année en année sur le vu de pièces justificatives », n’entraînant donc aucun droit acquis dans le chef du demandeur, mais qu’il n’a pas non plus agi en dehors de toute initiative de ce dernier, lequel a en effet expressément sollicité l’allocation d’une indemnité pour couvrir les frais exceptionnels de scolarité en faveur de ses enfants pour l’année scolaire 2021/2022 en question.

Le moyen tenant à une violation de l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, combiné à une violation du principe de confiance légitime est à rejeter pour manquer de fondement.

Cette conclusion n’est pas énervée par le fait que le ministre a accordé, par erreur, tel que l’indique la partie gouvernementale, l’indemnité pour couvrir le remboursement des frais de scolarité au demandeur au début de son congé sans traitement, cette circonstance n’étant pas de nature à créer un droit acquis dans son chef, l’agent du ministère ayant d’ailleurs expressément signalé que la possibilité d’une dispense de remboursement des frais de scolarité indûment touchés serait encore analysée par les services compétents dudit ministère.

Le demandeur invoque, par ailleurs, une violation de la loi, ainsi que du principe de proportionnalité, alors qu’il lui serait impossible de savoir sur quel fondement juridique ou réglementaire le ministre se serait fondé pour prendre sa décision implicite de refus, tout en faisant relever que ni le statut financier, à savoir le règlement grand-ducal du 1er août 1988, ni le statut général ne feraient la moindre référence à une règle en la matière, alors qu’aucune exception expresse au droit de bénéficier des indemnités et accessoires d’un agent en poste en congé sans traitement n’y existerait. Etant donné que la décision de refus ne serait basée sur aucun fondement légal susceptible de justifier le refus de remboursement des frais de scolarité, elle serait manifestement disproportionnée.

Il fait encore répliquer que ce serait à tort que la partie gouvernementale affirmerait ne disposer d’aucune marge d’appréciation au motif que par analogie à l’article 31 du statut général, un agent ne fournissant aucune prestation n’aurait pas droit au remboursement de frais exceptionnels de scolarité. Le demandeur argue, à cet égard, que le remboursement des frais de scolarité ne constituerait pas la contrepartie d’une quelconque prestation pour l’Etat, ce qui rendrait l’article 31 du statut général inapplicable en l’espèce, mais constituerait un avantage lié au statut d’agent diplomatique et tel qu’il aurait été relevé par la partie étatique elle-même, alors que l’objectif poursuivi par ce dispositif serait l’intérêt de l’enfant, principe ayant d’ailleurs toujours été respecté pendant les périodes de ses congés antérieurs. Il estime que le véritable reproche qui semblerait lui être fait serait celui d’être resté au … pendant son congé sans traitement, alors même qu’un congé sans traitement lui avait été accordé en bonne et due forme, pour une durée déterminée, ce que l’Etat lui aurait tout aussi bien pu refuser, et que sa décision de rester au … aurait été parfaitement conforme à l’intérêt de ses enfants qui bénéficieraient de cette manière d’une continuité dans leur scolarité, de sorte que la partie gouvernementale ne saurait le pénaliser pour ce choix.

Le demandeur en conclut que le refus du ministre de lui rembourser les frais de scolarité pour ses enfants aux motifs qu’il ne remplirait aucune tâche et qu’il serait resté au … pendant son congé sans traitement, ne seraient fondé sur aucune base légale.

Il conteste finalement que même si le remboursement des frais scolaires ne serait qu’une faculté pour le ministre, quod non, la décision de refus de remboursement devrait, comme toute décision administrative individuelle, remplir tous les critères de légalité, notamment avoir été prise dans le respect des garanties procédurales prévues par la procédure administrative non contentieuse, fondée sur des motifs légaux en fait et en droit et être conforme aux grands principes de droit administratif, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, le demandeur critiquant l’affirmation de la partie étatique selon laquelle la faculté de demander le remboursement des frais de scolarité ne serait ouverte qu’aux agents en fonction et détachés à l’étranger, conditions qui ne seraient pas remplies, une telle interprétation étant contraire à l’objectif poursuivi par l’article 4 du règlement grand-ducal du 1er août 1988, et plus généralement l’intérêt de l’enfant.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen pour manquer de fondement.

Les articles 1 à 24 du règlement grand-ducal du 1er août 1988 s’appliquent aux agents définis en son article 1er comme étant « Les agents diplomatiques, les agents consulaires de carrière et les chanceliers en poste à l´étranger ci-après dénommés «agents» (…) », lesquels bénéficient de plusieurs indemnités et frais remboursés du fait d’être affecté à un poste, respectivement pour être en fonction à l’étranger.

Or, il résulte d’un arrêté du ministre de la Fonction publique du 12 juillet 2021, que Monsieur … s’est vu accorder un congé sans indemnité pour des raisons familiales pour la période du 1er mars 2020 au 31 juillet 2022.

Il s’ensuit qu’à défaut pour Monsieur … de pouvoir établir sa qualité d’agent en poste à l’étranger au moment de la demande de remboursement litigieuse du 17 novembre 2021, conformément au règlement grand-ducal du 1er août 1988, dont il sollicite l’application notamment de son article 4 prévoyant l’allocation d’une indemnité « pour permettre de couvrir des frais exceptionnels de scolarité », il ne saurait bénéficier du remboursement des frais de scolarité demandé, alors qu’il ne remplit plus cette condition depuis le 1er mars 2020, date de début de son congé sans indemnité pour des raisons familiales.

Le tribunal est dès lors amené à rejeter le moyen du demandeur ayant trait à une violation de la loi et du principe de proportionnalité en ce que l’argumentation du demandeur se fonde sur la prémisse erronée qu’il aurait un droit acquis de voir rembourser les frais de scolarité de ses enfants et devrait dès lors pouvoir bénéficier des dispositions du règlement grand-ducal du 1er août 1988, même sans avoir à établir sa qualité d’agent en poste à l’étranger au moment de sa demande, notamment pendant un congé sans indemnité pendant lequel il ne touche aucune indemnité ni principale ni accessoire.

Le demandeur conclut enfin à une violation de l’ancien article 10bis de la Constitution, actuellement l’article 15, paragraphe (1) de la Constitution, en ce que la décision de lui refuser le remboursement des frais de scolarité pour ses enfants créerait une rupture d’égalité devant la loi, alors que ledit refus se baserait sur le motif qu’il serait en congé sans indemnité pour raisons familiales, alors que la partie étatique estimerait qu’un tel remboursement ne saurait être accordé qu’aux agents exerçant au moins une tâche partielle. Il estime que cette différence de traitement ne serait fondée sur aucune raison objectivement fondée.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur critique le délégué du gouvernement en ce qu’il lui reproche de ne pas rapporter la preuve d’un traitement inégalitaire avec d’autres agents, alors que ce serait la partie étatique elle-même qui disposerait de ces informations et que le fait d’exiger une telle preuve de sa part reviendrait à le mettre face à une preuve impossible. Il affirme toutefois que le courriel du 19 janvier 2022 versé au dossier administratif démontrerait à suffisance qu’il serait traité de manière différente des agents se trouvant dans une situation similaire, alors qu’il serait le premier à se voir refuser un tel remboursement, de sorte qu’il en déduit que l’ensemble des autres agents du ministère se trouvant au Luxembourg ou à l’étranger, en congé sans traitement ou pas, bénéficieraient toujours d’un remboursement des frais de scolarité pour leurs enfants. Le demandeur argumente ensuite qu’il importerait peu qu’il n’aurait plus rempli de tâche pendant son congé sans traitement, alors que tel aurait également été le cas pendant ses périodes de congés précédentes, à savoir pendant son congé parental, puis de récréation. Or, le fait pour la partie étatique de traiter de manière différenciée les agents en congé sans traitement et les agents bénéficiant d’un autre type de congé, constituerait incontestablement une violation du principe d’égalité devant la loi, garanti parl’ancien article 10bis de la Constitution, cette différence de traitement n'étant fondée sur aucune raison objectivement fondée.

A titre subsidiaire, il fait relever qu’il ferait incontestablement l’objet d’une différence de traitement par rapport aux autres agents en congé sans traitement, cette différence ayant été confirmée par le courrier du 19 janvier 2022.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du moyen tiré d’une violation de l’ancien article 10bis de la Constitution pour manquer de fondement.

Force est au tribunal de constater que le demandeur invoque une violation de l’ancien article 10bis de la Constitution en argumentant que le ministre aurait rompu le principe d’égalité devant la loi en lui refusant le remboursement des frais de scolarité en se basant sur son statut, à savoir celui d’agent en congé sans traitement pour raisons familiales, il fait ensuite répliquer que le traitement inégalitaire résiderait dans le fait d’avoir été le premier à se voir refuser un tel remboursement et finalement il estime que la différence de traitement consisterait dans le fait de l’avoir traité différemment que les agents bénéficiant d’un autre type de congé, sans cependant préciser les dispositions en question, de sorte que le tribunal doit retenir que le moyen tiré d’une violation de l’article 10bis de la Constitution est à considérer comme étant simplement suggéré sans être effectivement soutenu, dans la mesure où il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Le tribunal doit, par ailleurs, relever que le demandeur n’a formulé aucune question préjudicielle à soumettre à la Cour constitutionnelle en relation avec la violation alléguée de l’article 10bis de la Constitution.

Force est, dans ce contexte, de rappeler qu’en vertu de l’article 6 de la loi modifiée du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour Constitutionnelle, ci-après désignée par « la loi du 27 juillet 1997 », « Lorsqu’une partie soulève une question relative à la conformité d’une loi à la Constitution devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, celle-ci est tenue de saisir la Cour Constitutionnelle.

Une juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que :

- une décision sur la question soulevée n’est pas nécessaire pour rendre son jugement ;

- la question de constitutionnalité est dénuée de tout fondement ;

- la Cour Constitutionnelle a déjà statué sur une question ayant le même objet. (…) ».

Il résulte de la disposition légale qui précède que la connaissance des questions de constitutionnalité des normes législatives, questions que les parties ont a priori à soumettre au tribunal saisi du litige en question, appartient exclusivement à la Cour Constitutionnelle, et qu’une juridiction n’est dispensée de saisir cette dernière que si une des exceptions prévues à l’article 6, alinéa 2, de la loi précitée, est donnée, ce qui est, au vu des considérations qui précèdent, bien le cas en l’espèce.

Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal doit rejeter le moyen du demandeur tiré d’une violation de l’ancien article 10bis de la Constitution.

S’agissant finalement de la demande en communication du dossier administratif formulée par le demandeur au dispositif de son recours, le tribunal constate que la partie étatique a déposé ensemble avec son mémoire en réponse, le dossier administratif de Monsieur …, de sorte que, dans la mesure où ces pièces correspondent au dossier administratif relatif à la demande de remboursement des frais de scolarité litigieuse en l’espèce et à défaut d’éléments permettant de retenir que le dossier ainsi versé ne soit pas complet, la demande afférente qui tend à ordonner la communication du dossier administratif encourt le rejet.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation dirigé contre la décision implicite de refus du ministre des Affaires étrangères et européennes résultant de son silence suite à la demande de remboursement des frais de scolarité de Monsieur … pour l’année scolaire 2021/2022 est à déclarer non fondé en tous ses moyens.

Au vu de l’issue du litige, il n’y a pas non plus lieu de faire droit à la demande d’une indemnité de procédure de 3.000 euros telle que sollicitée par le demandeur.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare irrecevable le recours principal en réformation dirigé contre la décision du ministère du 30 juin 2021 ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision implicite de refus du ministre des Affaires étrangères et européennes résultant de son silence suite à la demande de remboursement des frais de scolarité de Monsieur … pour l’année scolaire 2021/2022 ;

au fond, le déclare non justifiée et en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les recours subsidiaires en annulation ;

rejette la demande en communication du dossier administratif ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par Monsieur … ;

condamne Monsieur … aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 septembre 2024 par :

Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, Anna Chebotaryova, attachée de justice déléguée, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 septembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Numéro d'arrêt : 47175
Date de la décision : 20/09/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-09-20;47175 ?

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