La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/07/2024 | LUXEMBOURG | N°50774

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 juillet 2024, 50774


Tribunal administratif Numéro 50774 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50774 Inscrit le 19 juillet 2024

JUGEMENT

du 24 juillet 2024 sur la régularité d’une décision de prolongation de rétention administrative Vu la requête du ministre des Affaires intérieures réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2024 et enrôlée sous le numéro 50774, tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté du 10 juillet 2024 ordonnant la prorogation du placement en rétention administrative de Monsieur …, déclarant être nÃ

© le … au Maroc et être de nationalité marocaine, avisé par télécopie ;

Entendu Monsieur...

Tribunal administratif Numéro 50774 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50774 Inscrit le 19 juillet 2024

JUGEMENT

du 24 juillet 2024 sur la régularité d’une décision de prolongation de rétention administrative Vu la requête du ministre des Affaires intérieures réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2024 et enrôlée sous le numéro 50774, tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté du 10 juillet 2024 ordonnant la prorogation du placement en rétention administrative de Monsieur …, déclarant être né le … au Maroc et être de nationalité marocaine, avisé par télécopie ;

Entendu Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en ses explications à l’audience publique de ce jour.

__________________________________________________________________________

Vu les articles 120 (3) et 123 (6) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu l’arrêté du 13 février 2023 pris par le ministre de l’Immigration et de l’Asile à l’encontre de Monsieur …, connu sous différents alias, désigné ci-après par « Monsieur … », déclarant son séjour irrégulier, tout en lui ordonnant de quitter le territoire luxembourgeois dès sa libération du Centre pénitentiaire de Luxembourg ;

Vu l’arrêté du ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre » du 15 décembre 2023 ordonnant le placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision ;

Vu l’arrêté du ministre du 21 décembre 2023 ordonnant le placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée de trois mois à partir de la notification de la décision, ledit arrêté rapportant et remplaçant l’arrêté du 15 décembre 2023, précité ;

Vu la décision de refus de protection internationale prise par le ministre des Affaires intérieures le 8 février 2024 à l’encontre de Monsieur …, et lui enjoignant de quitter le territoire sans délai ;

Vu l’arrêté du ministre du 14 mars 2024 ordonnant le placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision, ledit arrêté rapportant et remplaçant l’arrêté du 21 décembre 2023, précité ;

Vu l’arrêté du ministre du 11 avril 2024 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 14 avril 2024 ;

1Vu le jugement du tribunal administratif du 8 mai 2024, inscrit sous le n° 50402 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur … contre la prédite décision ministérielle du 11 avril 2024 ;

Vu l’arrêté du ministre du 13 mai 2024 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification dudit arrêté ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 12 juin 2024, inscrit sous le n° 50530 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur … contre la prédite décision ministérielle du 13 mai 2024 ;

Vu l’arrêté du ministre du 13 juin 2024 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois à partir de la notification dudit arrêté ;

Vu le jugement du tribunal administratif du 10 juillet 2024, inscrit sous le n° 50690 du rôle, rejetant le recours contentieux introduit par Monsieur … contre la prédite décision ministérielle du 13 juin 2024 ;

Vu l’arrêté du ministre du 10 juillet 2024 ordonnant la prorogation du placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 14 juillet 2024 ;

Vu la requête du ministre tendant à la vérification de la régularité du prédit arrêté du 10 juillet 2024 ordonnant la prorogation du placement en rétention, réceptionnée par le greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2024, enrôlée sous le n° 50774 du rôle ;

Vu le dossier administratif ;

Vu la convocation émise par le greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2024 convoquant les parties à l’audience publique du 24 juillet 2024, notifiée en mains propres à Monsieur … en date du 19 juillet 2024 ;

___________________________________________________________________________

Quant à la recevabilité de la requête :

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 juillet 2024 et enrôlée sous le numéro 50774, le ministre a saisi le président du tribunal administratif d’une demande tendant à la vérification de la régularité d’un arrêté du 10 juillet 2024 ordonnant la 4ème prorogation du placement en rétention de Monsieur … au Centre de rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 14 juillet 2024.

Conformément à l’article 123 (6) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après « la loi du 29 août 2008 », « Lorsque le ministre décide de prolonger la durée de rétention en vertu de l’article 120, paragraphe (3), alinéa 2, il doit saisir d’office, par requête introduite dans les cinq jours ouvrables de la notification de la décision, le président du Tribunal administratif qui statue d’urgence comme juge du fond et en tout cas dans les dix jours du dépôt de la requête, la personne retenue dûment convoquée par les soins du greffe ».

2 Il ressort du dossier administratif et des pièces versées en cause que Monsieur … s’est vu notifier en date du 12 juillet 2024 un arrêté du ministre daté du 10 juillet 2024 ordonnant la prorogation de son placement en rétention pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 14 juillet 2024.

La requête, introduite le 19 juillet 2024, est partant à déclarer recevable pour avoir été introduite endéans cinq jours ouvrables conformément aux dispositions de l’article 123 (6) de la loi du 29 août 2008.

Quant à la procédure :

Conformément à l’article 121 (1) de la loi du 29 août 2008, « La notification des décisions visées à l’article 120 est effectuée par un membre de la Police grand-ducale qui a la qualité d’officier de police judiciaire. La notification est faite par écrit et contre récépissé, dans la langue dont il est raisonnable de supposer que l’étranger la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés », ladite notification devant faire l’objet, conformément au paragraphe (2) de cette même disposition, d’un procès-verbal dressé par l’officier de police judiciaire qui y a procédé, mentionnant la date de la notification de la décision, la déclaration de la personne retenue qu’elle a été informée de ses droits mentionnés, ainsi que toute autre déclaration qu’elle désire faire acter, la langue dans laquelle la personne retenue fait ses déclarations, ledit procès-verbal devant soit être signé par la personne retenue, soit, en cas de refus de signature, devant mentionner le refus et les motifs du refus.

Conformément à l’article 122 (2) et (3) de la loi du 29 août 2008, « (2) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de prévenir sa famille ou toute personne de son choix. Un téléphone est mis à sa disposition à titre gratuit à cet effet. (3) La personne retenue est immédiatement informée, par écrit et contre récépissé, dans une langue dont il est raisonnable de supposer qu’elle la comprend, sauf les cas d’impossibilité matérielle dûment constatés, de son droit de se faire examiner dans les vingt-quatre heures de son placement en rétention, par un médecin et de choisir un avocat à la Cour d’un des barreaux établis au Grand-Duché de Luxembourg ou de se faire désigner un avocat par le bâtonnier de l’ordre des avocats de Luxembourg. Le mineur non accompagné d’un représentant légal se voit désigner, dans les meilleurs délais, un administrateur ad hoc ».

Il ressort du dossier administratif et des pièces versées en cause que la notification opérée en date du 12 juillet 2024 l’a été conformément aux prescriptions légales ; encore que la personne retenue ait, sans motif, refusé de signer le procès-verbal de notification ; il se dégage encore du dossier administratif que la personne s’est régulièrement vu rappeler les droits qui lui sont reconnus pendant la période de rétention.

L’article 123 (6) de la loi du 29 août 2008 prévoit que le président s’assure que la personne retenue a été touchée par la convocation.

Il résulte à cet égard des pièces versées en cause que Monsieur … s’est bien vu notifier en mains propres la convocation du 19 juillet 2024 pour l’audience publique du 24 juillet 2024.

3 Quant au fond :

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […] l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.

Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

4Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de trois conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours et que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise.

Conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme1, il faut que l’éloignement de la personne retenue soit une perspective réaliste.

Enfin, en vertu de l’article 120 (3), in fine, de la même loi, si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut encore être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire.

En l’espèce, il résulte des éléments de la cause que la personne retenue se trouve toujours actuellement en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

En effet, comme indiqué ci-avant, par arrêté du 13 février 2023 portant décision de retour, le ministre constata que le séjour de la personne retenue sur le territoire luxembourgeois était irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire dès sa libération du Centre pénitentiaire de Luxembourg.

Il est constant en cause que cette décision n’a, à ce jour, pas été énervée et qu’elle doit être considérée comme coulée en autorité de chose décidée.

Il est encore constant en cause que la personne retenue ne disposait, à la date de la prise de l’arrêté actuellement déféré, toujours ni de passeport, de visa, d’autorisation de séjour valable, ni d’autorisation de travail, de sorte qu’elle ne remplit pas les conditions énoncées à l’article 34 (2), point 1, de la loi du 29 août 2008 qui requiert précisément d’un étranger de disposer notamment d’un passeport et, le cas échéant, d’un visa en cours de validité.

Il en résulte l’existence dans le chef de la personne retenue d’un risque de fuite, légalement présumé par l’article 111, paragraphe (3), c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite est présumé (…) si l’étranger ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant encore précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, tel que prévu au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il s’ensuit que les conditions initiales ayant justifié que le ministre ait placé l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement perdurent actuellement.

En ce qui concerne ensuite les diligences effectuées en vue de l’éloignement de la personne retenue, la soussignée relève, tout d’abord, qu’elle est uniquement saisie d’une requête tendant au contrôle d’office de la décision du ministre de proroger une 4ème fois la mesure de rétention de Monsieur …, de sorte qu’il lui appartient seulement d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement 1 CourEDH, 25 juin 2019, Al Husin c. Bosnie-Herzégovine (n° 2), req. n° 10112/16.

5est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire et que les conditions spécifiques à une telle 4ème prorogation, à savoir qu’il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, sont données, le tribunal étant appelé toutefois, le cas échéant, à relever d’office, sur la base des éléments du dossier portés à sa connaissance, tels que complétés ou éclairés lors de la procédure contradictoire devant lui, l’éventuel non-respect d’une condition de légalité qui n’a pas été invoquée par la personne concernée2.

Les dispositions de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, citées ci-avant, sont à entrevoir, notamment, à l’aune de l’article 15 (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », aux termes duquel « Lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres […] la personne concernée est immédiatement remise en liberté ».

Selon la Cour de Justice de l’Union européenne3, l’article 15 (4) de la directive 2008/115 doit être interprété en ce sens que seule une réelle perspective que l’éloignement puisse être mené à bien eu égard aux délais fixés aux paragraphes (5) et (6) de ce même article correspond à une perspective raisonnable d’éloignement et que cette dernière n’existe pas lorsqu’il paraît peu probable que l’intéressé soit accueilli dans un pays tiers eu égard auxdits délais.

Il échet de prime abord de constater que dans le cadre des jugements précités des 8 mai 2024, 12 juin 2024 et 10 juillet 2024, le tribunal administratif a retenu que les démarches accomplies par les autorités luxembourgeoises à ces dates devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

Dans son prédit jugement du 10 juillet 2024, le tribunal administratif a notamment rappelé que que suivant une note au dossier du 3 juin 2024, un entretien a eu lieu entre le directeur général de l’Immigration et le ministre, lequel a accepté de discuter du dossier de l’intéressé avec son homologue marocain en vue de l’identification et de la réadmission de Monsieur …, et de « ramener [ainsi] ce dossier au plus haut niveau ». Il a ensuite noté qu’il ressort de la note verbale du 20 juin 2024 du ministère des Affaires étrangères et européennes, de la Défense, de la Coopération et du Commerce extérieur que celui-ci a sollicité un « virtual courtesy call » entre le ministre et le ministre des affaires étrangères marocain concernant plus particulièrement « an urgent individual case of a person who represents a serious threat to the public security of the Grand Duchy of Luxembourg ».

A cet égard, la soussignée se doit de constater que le ministre ne s’est dès lors pas contenté d’adresser une simple lettre de rappel aux autorités marocaines en vue de s’enquérir de l’avancement du dossier de Monsieur …, mais a procédé à l’envoi formel d’une note verbale aux autorités diplomatiques étrangères compétentes, le recours à ce moyen 2 CJUE, grande chambre, 8 novembre 2022, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid contre C. et X., C-704/20 et C-39/21.

3 CJUE, grande chambre, 30 novembre 2009, Said Shamilovich Kadzoev (Huchbarov), C-357/09 PPU.

6diplomatique étant, d’après les explications circonstanciées du délégué du gouvernement à l’audience publique des plaidoiries, exceptionnel et s’explique par les circonstances particulières de l’espèce.

A cet égard, il convient en effet de noter, à l’instar des conclusions retenues par le tribunal dans son prédit jugement du 10 juillet 2024, qu’il ressort manifestement des éléments du dossier administratif que le demandeur est lui-même essentiellement à l’origine des difficultés rencontrées par le ministre pour déterminer son identité, et partant pour procéder à son éloignement dans les meilleurs délais, le concerné s’étant en effet présenté sous de multiples alias et ayant toujours refusé non seulement de révéler sa véritable identité, mais encore toute collaboration avec les autorités.

Il convient encore de relever qu’il ressort des explications circonstanciées de la partie étatique que l’envoi d’une note verbale par les autorités luxembourgeoises aux autorités marocaines leur impose une certaine retenue dans le nombre de rappels à adresser à ces dernières sous peine de nuire aux relations diplomatiques de plus haut niveau.

Au vu de ces éléments et des circonstances particulières de l’espèce, et eu égard au fait que la prorogation sous analyse s’inscrit précisément dans les hypothèses prévues à l’article 120 (3), in fine, de la loi du 29 août 2008, à savoir lorsque « malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires », la soussignée est amenée à conclure que les diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent être considérées, à ce stade, comme suffisantes, de manière que dans ces conditions la nécessité requise au sens de l’article 120 (3), de la loi du 29 août 2008 pour la prolongation de la mesure de rétention est vérifiée en l’espèce.

Dès lors, en l’état actuel du dossier, et au vu du recours par les autorités luxembourgeoises à un moyen diplomatique exceptionnel, il ne saurait d’ores et déjà être retenu qu’à ce jour, l’éloignement du retenu ne soit plus une perspective réaliste, étant encore relevé à cet égard que si les autorités marocaines n’ont certes pas encore réservé de suites à la prédite note verbale, cet élément ne permet toutefois pas d’exclure que l’éloignement du retenu vers le Maroc ne puisse être mené à bien, étant précisé à cet égard que la possibilité de retenir l’intéressé dans le cadre d’une mesure de placement n’expire définitivement qu’en date du 14 septembre 2024. Il échet dans ce contexte encore de rappeler que la certitude quant à l’aboutissement effectif de la mesure d’éloignement n’est pas une prémisse conditionnant la validité d’une mesure de rétention4 mais il suffit qu’il existe une perspective raisonnable que l’éloignement puisse être mené à bien eu égard aux délais fixés par la loi.

Concernant finalement la possibilité d’application de mesures moins coercitives, les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1), à savoir l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement auprès des services ministériels après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité, l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ou encore l’obligation pour 4 Trib. adm. 6 septembre 2007, n° 23392, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 877 et l’autre référence y citée.

7l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros, sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125 (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne répond à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.

L’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) de la même loi, tout en relevant qu’il s’agit d’une simple prérogative pour le ministre et qu’au vu de la présomption légale d’un risque de fuite dans le chef du concerné, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment des garanties de représentation suffisantes.

En l’espèce, il se dégage du dossier administratif que les raisons avancées par la partie étatique pour justifier le recours à la mesure de rétention plus particulièrement en raison d’un risque de fuite dans le chef de Monsieur …, résident dans son séjour irrégulier au Luxembourg et dans le défaut de celui-ci de pouvoir justifier d’une adresse, la personne retenue ne bénéficiant d’ailleurs d’aucune attache au Luxembourg, ainsi que dans le défaut de documents d’identité et de voyage en cours de validité ; enfin, la personne retenue semble ne pas être en mesure de verser une garantie financière de cinq mille euros.

A défaut de toute circonstance et élément énervant actuellement ce constat, il y a lieu de retenir que l’intéressé ne présente toujours pas de garanties suffisantes de représentation, et ne remplit donc pas les conditions préalables afin de bénéficier d’une mesure moins coercitive.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’arrêté ministériel du 10 juillet 2024 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention de Monsieur … est à confirmer.

Par ces motifs, la soussignée, premier vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président, légitimement empêché, statuant contradictoirement et en audience publique ;

déclare recevable la requête du ministre de l’Immigration et de l’Asile tendant à la vérification de la régularité de la décision de prolongation de la rétention administrative ;

quant au fond, confirme l’arrêté ministériel du 10 juillet 2024 ordonnant la prorogation de la mesure de placement en rétention de Monsieur ….

Ainsi jugé et prononcé au tribunal administratif, date qu’en tête, par Thessy KUBORN, premier vice-président du tribunal administratif, en présence de Paulo ANICETO LOPES, greffier.

8 s. Paulo ANICETO LOPES s. Thessy KUBORN Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50774
Date de la décision : 24/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-24;50774 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award