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05/07/2024 | LUXEMBOURG | N°50610

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 juillet 2024, 50610


Tribunal administratif N° 50610 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50610 4e chambre Inscrit le 18 juin 2024 Audience publique du 5 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50610 du rôle et déposée le 18 juin 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Faisal QURAISHI,

avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Mons...

Tribunal administratif N° 50610 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50610 4e chambre Inscrit le 18 juin 2024 Audience publique du 5 juillet 2024 Recours formé par Monsieur …, …, contre des décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 27, L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50610 du rôle et déposée le 18 juin 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Faisal QURAISHI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à … (Albanie), de nationalité albanaise, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 4 juin 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 juin 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le soussigné entendu en son rapport, ainsi que Maître Faisal QURAISHI et Monsieur le délégué du gouvernement Vyacheslav PEREDERIY en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 juillet 2024.

Le 29 avril 2024, Monsieur … introduisit auprès du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 », ayant abrogé la prédite loi du 5 mai 2006.

Les déclarations de Monsieur … sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, dans un rapport du même jour.

Le 3 mai 2024, Monsieur … fit l’objet d’un entretien auprès du ministère, en vue de l’entendre sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 4 juin 2024, notifiée à l’intéressé, ainsi qu’à son litismandataire le lendemain, le ministre informa Monsieur … qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire sans délai, pour les motifs suivants :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite en date du 29 avril 2024 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-

après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux Il échet de noter que vous avez introduit une demande de protection internationale en France le 26 avril 2022 et qu'un signalement SIS a été émis à votre encontre le 21 septembre 2023 alors que vous étiez recherché « en vue d'une décision de retour » (rapport du Service de Police Judiciaire). Votre demande de protection internationale aurait été refusée et vous confirmez dans ce contexte qu'elle aurait été basée sur les mêmes motifs que ceux exposés à l'occasion de votre demande de protection internationale introduite au Luxembourg. Le 7 septembre 2023, vous seriez retourné en Albanie, votre passeport comportant un tampon de sortie de France du 6 septembre 2023, un tampon d'entrée en Turquie le même jour et un tampon de sortie de Turquie du 7 septembre 2023.

2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale Vous déclarez être de nationalité albanaise, veuf et originaire de Berat. Vous auriez dernièrement vécu avec vos parents, vos enfants et la famille de votre beau-frère à Tirana.

Vous avez introduit une demande de protection internationale parce que vous craindriez d'être tué dans le cadre d'une vendetta.

Ainsi, le 1er août 2012, sous l'influence de l'alcool, vous vous seriez disputé avec votre épouse… et, à un moment donné, vous l'auriez poignardée avec un couteau de cuisine. Vous l'auriez immédiatement amenée aux urgences mais elle y serait décédée des suites de ses blessures. Vous auriez avoué votre crime auprès de la police et vous auriez été incarcéré.

Vous auriez par la suite été condamné à une peine de prison de 18 ans. Le 14 septembre 2021, vous auriez été libéré de prison.

Vous craindriez que la famille de votre épouse décédée ne vous tue dans le cadre d'une vendetta alors qu'elle ne vous pardonnerait pas avoir commis le meurtre de votre épouse et aurait promis de vous « prendre et me dépecer » (p. 5 du rapport d'entretien), respectivement, elle aurait déjà promis lors de l'enterrement de votre épouse de se venger. En cas de retour en Albanie, vous craindriez que des membres de cette famille ne vous « kidnappent et me torturent » (p. 5 du rapport d'entretien). En plus, vous auriez désormais peur de vos propres enfants qui auraient grandi et qui vous détesteraient. Ils voudraient que vous quittiez la maison familiale et auraient menacé de vous tuer.

Après votre séjour en France, vous seriez retourné vivre en Albanie le 7 septembre 2023, bien qu'il ressorte aussi de votre passeport qu'en date du 28 mars 2023, vous êtes entré en Italie par l'aéroport de Malpensa. Après votre retour en Albanie, vous seriez resté enfermé chez vous. Vous dites que des gens seraient passés devant votre maison et qu'on vous aurait recherché.

En novembre 2023, vous seriez parti en Grèce, où vous seriez resté pendant deux mois avant d'à nouveau retourner en Albanie en janvier 2024. Pendant les prochains mois, vous seriez tombé en dépression alors que vous n'auriez pas supporté d'être enfermé. En plus, vos enfants vous auraient insulté et vous auraient dit de vous suicider. Vous ne comprendriez pas leur réaction et supposeriez que leur oncle leur aurait « retourné la tête » (p. 6 du rapport d'entretien).

Le 18 avril 2024, vous auriez quitté l'Albanie à bord d'une camionnette et le 19 avril 2024, vous seriez entré en Italie depuis le port de Bari, d'où vous vous seriez « enfui » (p. 4 du rapport d'entretien) ensemble avec le chauffeur de la camionnette pour gagner la Suisse et l'Allemagne avant de venir au Luxembourg.

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :

- votre passeport et votre carte d'identité albanais, les deux émis en 2021;

- la copie d'une « décision » de la Cour d'appel de Tirana du 18 octobre 2013 confirmant un jugement du Tribunal d'arrondissement de Tirana du 10 juin 2013 vous ayant condamné pour « meurtre volontaire » de votre épouse, décédée suite à ses blessures à la poitrine, respectivement aux poumons, ainsi qu'au visage. Il en ressort encore que vous auriez avoué votre crime et précisé avoir agressé votre épouse avec un couteau à pain ;

- la copie de votre ordre de libération du 14 septembre 2021, qui précise que vous auriez été condamné à une peine de prison de douze ans pour meurtre volontaire ;

- trois copies d'attestations médicales concernant des hospitalisations de 2009 et de 2010 ;

- deux attestations testimoniales qui auraient été rédigées en novembre 2022 par vos enfants qui déclarent être « très inquiets » pour votre sécurité alors que « l'oncle maternel » et « son clan » voudraient vous tuer.

3. Quant à l'application de la procédure accélérée Je tiens tout d'abord à vous informer que conformément à l'article 27 de la Loi de 2015, il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d'une procédure accélérée alors qu'il apparaît que vous tombez sous deux des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

b) « le demandeur provient d'un pays d'origine sûr au sens de l'article 30 de la présente loi; » En effet, vous possédez la nationalité albanaise et en vertu de l'article 30 de la Loi de 2015 et du règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d'origine sûrs au sens de la loi précitée, l'Albanie doit être considérée comme pays d'origine sûr où il n'existe pas, généralement et de façon constante, de persécution au sens de la Convention de Genève. Ce constat n'a pas pu être contredit par l'examen individuel de votre demande de protection internationale.

La Commission Européenne atteste d'ailleurs qu’« Albania complies overall with international human rights instruments and has ratified most international conventions on the protection of fundamental rights ». L'Albanie dispose en outre d'institutions dont la mission est de garantir le respect des droits de l'Homme et il est possible de s'adresser à l'institution de l'Ombudsman ou de porter plainte en Albanie contre d'éventuels abus de pouvoir des forces de l'ordre auprès du Service de contrôle interne (ICS) et auprès de la Direction des normes professionnelles (PSD).

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n'a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l'examen visant à déterminer s'il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale. » Tel qu'il ressort de l'analyse de votre demande de protection internationale, il s'avère que le point a) de l'article 27 se trouve également être d'application pour les raisons étayées ci-après.

4. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, il échet en premier lieu de soulever que s'il est établi que vous avez effectivement assassiné votre épouse en 2012, vous restez en défaut de faire part d'un quelconque incident personnel tout comme vous restez en défaut de verser une preuve quelconque qui permettrait d'établir que, depuis, vous seriez effectivement impliqué dans un conflit de vengeance, respectivement, que la famille de votre épouse défunte voudrait effectivement vous tuer. En effet, vous n'auriez jamais été menacé personnellement par qui que ce soit, ni même mis en garde par qui que ce soit, mais vous vous contentez d'expliquer que déjà lors de l'enterrement de votre épouse, donc en 2012, sa famille aurait promis de se venger et aurait refusé de vous pardonner. Vous ne faites toutefois état d'un quelconque incident concret dans lequel vous auriez été impliqué depuis tout ce temps. Vous auriez d'ailleurs même jugé bon retourner volontairement en Albanie en 2023 et en 2024, sans pour autant jamais mentionner un quelconque problème réel que vous auriez rencontré.

Quand bien même il serait établi que vous seriez effectivement impliqué dans un tel conflit de vengeance familial, toujours est-il que ce fait ne serait aucunement lié aux critères énumérés par la Convention de Genève, alors qu'il ne trouverait manifestement pas son origine dans votre race, votre nationalité, votre religion, vos convictions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social.

Par ailleurs, il échet de rappeler qu'il ne vous serait jamais rien arrivé de grave et que vous n'auriez même pas été menacé en Albanie au cours de toutes ces années passées depuis le meurtre commis en 2012. Il s'ensuit que les craintes que vous exprimez sauraient tout au plus être perçues comme étant totalement hypothétiques et la gravité de votre situation devant en tout cas être relativisée, votre situation ne saurait nullement suffire pour justifier dans votre chef l'octroi du statut de réfugié, tel que cela aurait d'ailleurs aussi déjà été décidé dans le cadre de votre demande de protection internationale introduite en France, qui aurait été refusée tout en reposant sur les mêmes motifs.

Ensuite, il échet encore de relever que les actes commis dans le cadre d'une dette de sang constituent des infractions de droit commun, réprimées par le Code pénal albanais disposant en son article 78 (a) que « Murder committed due blood feud shall be punishable to not less than 30 years or life imprisonment » et dans son article 83/a que « Serious threat to retaliation or blood revenge against a person for him to be locked up at home, shall be punished up to three years imprisonment », tandis que l'article 84 dispose encore que « Serious threat to murder or serious injury to someone shall constitute criminal contravention and shall be punished up to one year imprisonment », les auteurs étant de surcroît des personnes privées sans lien avec l'Etat albanais. Or, un acte commis par un tiers ne saurait être considéré comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection des autorités du pays d'origine.

En l'espèce, il ressort uniquement de vos déclarations qu'après votre libération de prison en septembre 2021, vous vous seriez une fois, à une date inconnue, adressé à la police pour demander, de manière générale, une protection et qu'on vous aurait alors répondu qu'on ne pourrait pas garantir une protection à toute personne à tout moment. Vous ajoutez que l'Albanie et la police seraient corrompue et que beaucoup de policiers auraient été arrêtés.

Or, ces seuls constats ne sauraient toutefois permettre de conclure que les autorités albanaises n'auraient pas pu ou pas voulu vous aider et vous permettre de faire valoir vos droits si jamais vous deviez nécessiter une protection. En effet, vous n'auriez donc jamais dénoncé qui que ce soit, ni déposé plainte contre quiconque mais vous vous seriez contenté de demander de manière très vague une protection.

Dans ce contexte, on peut justement noter qu'« All the consulted experts agreed that the police forces nowadays try to intervene in blood feud situations and that police interventions can be of various kinds (identification, monitoring, prevention, arrest, etc.). A representative at the Shkodër Regional Police Directorate declared that his police officers try to supervise the confined families in his district, "by regularly contacting them, by patrolling in the proximity of their houses. Local police officers are tasked to stay near the affected families and to stay in contact with them." With regard to the affected families in his area who are not living in confinement he declared: "we are trying to communicate, mitigate, mediate, negotiate and soothe down." This source declared that "all the affected families know neighbourhood police officers. They have their phone numbers and general emergency numbers." Mentor Kikia confirmed that police officers have visited many families in order to identify those who are still affected by blood feud. He also confirmed that many affected families have been provided with the necessary contact details in case they felt an immediate danger.

Besides he stated that a lot of people have been arrested after the amendments in the penal code. Police units may also intervene in other ways. (…) In some cases affected families may have been visited by police officers of the Prosecutor's Office who encouraged families to denounce their situation. On this occasion they were asked to formally indicate by whom they were threatened so that a court case could be started. In the years 2013-2014, officers of the prosecutor have gone to "every house where there was a claim linked with blood feud" in order to obtain "enough evidence to start a case". The Representative from the Prosecutor's Office explained that 200 families in Shkodër have been approached "which are in conflict because of a murder case since the 1990s." Even though there are various ways to file a complaint (in the office, by telephone, by e-mail or through a mobile phone application), many experts confirmed that people do not easily go to the police or to the prosecutor to denounce or to report a contemporary blood feud case. » De même, on peut noter que « The Vice-Minister of Internal Affairs declared to Cedoca that - generally speaking - the authorities are nowadays closely monitoring the known cases of contemporary blood feuds and that the phenomenon is largely under control.

"Since 2013 it is not an issue anymore. People feel safer. If the police receive a request for protection, they deal with it." The statement by the Vice-Minister was repeated in more detail by two sources at the Albanian police forces whom Cedoca has met during the fact-finding mission. (…) However, multiple other non-governmental sources confirmed that the police forces have renewed and strengthened their attention to the phenomenon of contemporary blood feuds and have also acknowledged its effectiveness and impact on the decrease of the phenomenon:[sic] The local representative of the national ombudsman declared that (…):

"the presence of the law has very much advanced nowadays. ln the last 5-6 years the law and order were re-established. Closed cases have been re-opened and potential blood feud cases are treated with particular attention, even in the remote areas.

If something happens, the police will intervene nowadays. Police is eager to solve issues, to resolve disputes. If a dispute arises, the police will act for sure. The police will start a process of investigation and arrest those who pose a threat. They will not leave it like that.

There is less space for taking the law in their own hands or for thinking of impunity. Even people in remote areas tend to go to the police station now or denounce to the prosecution office instead of taking the law into their own hands." He also stressed that nowadays police officers can be "laid off and be charged for negligence." (…) However, despite improvements in police work and better trust in the police by larger sections of Albanian society, it appears that when citizens find themselves in a contemporary blood feud situation they still tend to avoid contact with the police forces. Multiple sources confirmed that in many cases citizens still cannot overcome feelings of distrust towards the police and keep their problems from them. (…) According to most consulted experts, the increased severity of the penal code concerning sentences or crimes related to blood feud has proved its effects in reducing such crimes. Mentor Kikia for example confirmed that a lot of people have been arrested after the amendments in the penal code and that judges do not have an alternative anymore but to give the proscribed, fixed penalty. He also indicated that families are attempting "manoeuvres" now in order to receive lower sentences such as having their minors to pose as the perpetrators ».

Il convient également de rappeler que la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission d'actes de violences, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain degré de dissuasion. Une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises seraient encouragées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée.

Pour être complet sur ce sujet, on peut encore ajouter que vous disposeriez en Albanie de la possibilité de dénoncer des policiers qui ne rempliraient pas convenablement leurs missions, en faisant notamment valoir vos droits auprès de la Direction régionale de la police, de la Direction générale de la police ou du Ministère de l'Intérieur. Les Albanais peuvent également s'adresser à l'Ombudsman qui, en ce qui concerne la promotion et la mise en œuvre des droits de l'Homme, est la principale institution nationale. Il joue un rôle actif dans le suivi de la situation des droits de l'Homme en Albanie et contribue à accroître la responsabilisation des institutions de l'Etat.

Quant à vos prétendues craintes de vous faire tuer par vos enfants qui vous auraient insulté et menacé, il s'agirait en premier lieu de douter de la véracité d'un tel récit alors que vous versez vous-même des attestations testimoniales de vos deux enfants, datant de novembre 2022, dans lesquelles ils se disent inquiets pour votre sécurité. Il ne paraît toutefois pas crédible que des personnes qui vous détesteraient et qui ne voudraient rien avoir à faire avec vous, soient en même temps prêts à vous rédiger de telles attestations aux fins de vous soutenir ainsi dans votre recherche d'une protection internationale.

Quoi qu'il en soit, même à supposer les insultes ou menaces de vos enfants comme étant avérées, il s'agirait à nouveau de soulever qu'elles ne rentreraient nullement dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, alors qu'elles ne trouveraient manifestement pas leur origine dans votre race, votre nationalité, votre religion, vos convictions politiques ou votre appartenance à un certain groupe social. De plus, tel qu'également déjà susmentionné, les menaces qui auraient été proférées contre vous par vos enfants constitueraient, elles aussi, des infractions de droit commun, commises par des personnes et punissables en vertu de la législation albanaise. Il ne ressort finalement pas non plus de vos dires que vous auriez dénoncé le comportement de vos enfants auprès de la police de sorte qu'il ne saurait pas non plus être retenu qu'il ne vous aurait pas été possible de trouver une solution à vos problèmes en Albanie, respectivement, d'y rechercher une protection adéquate.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

En effet, il n'existe pas davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour en Albanie, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015.

Vous omettez d'établir qu'en cas de retour vers votre pays d'origine, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée dans le cadre d'une procédure accélérée.

Suivant les dispositions de l'article 34 (2) de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l'Albanie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juin 2024, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 4 juin 2024 de statuer sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, de la décision du même ministre du même jour portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions du ministre de statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale prises dans ce cadre et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé dans ce contexte, et attribue compétence au président de chambre ou au juge qui le remplace pour connaître de ce recours, le soussigné est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre les décisions précitées du ministre du 4 juin 2024, telles que déférées.

Ledit recours ayant encore été introduit dans les formes et délai de la loi, il est à déclarer recevable.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur expose, tout d’abord, les faits et rétroactes retracés ci-avant,.

En ce qui concerne le volet de son recours dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée, le demandeur reproche au ministre d’avoir retenu à tort qu’il n’aurait soulevé que des faits sans pertinence, alors qu’une crainte réelle de persécution, d’agression, de menaces, sinon d’attentat à sa vie apparaîtrait au vu des faits subis, à savoir qu’il aurait été menacé de mort par les membres de sa belle-famille en raison du fait qu’il aurait tué son épouse à l’arme blanche en date du 1er août 2012. Ces derniers ne lui auraient pas pardonné le meurtre de son épouse et souhaiteraient se venger suivant la loi du code d’honneur - Kanun. Malgré la tentative de déposer une plainte auprès de la police albanaise en raison des menaces proférées à son encontre, celle-ci n’aurait entrepris aucune démarche utile afin de le protéger, de sorte qu’il n’aurait eu d’autre choix que de quitter l'Albanie pour échapper à une vendetta et aux menaces de mort.

Le demandeur estime ainsi que les faits invoqués seraient indéniablement des faits graves qui devraient le faire bénéficier d’une procédure « dite classique », de sorte que le ministre aurait en l’espèce abusé de la faculté d’utiliser la procédure accélérée.

Ce serait également à tort que le ministre aurait retenu que l’Albanie serait à considérer comme pays d’origine sûr dans son chef, alors qu’il ne pourrait recourir à aucune aide de la part des autorités locales comme la police ou les tribunaux. Il fait encore valoir, dans ce cadre, que des organisations non-gouvernementales internationales auraient clairement dénoncé les vengeances liées à la loi du Kanun qui seraient restées impunies.

A l’appui de son recours dirigé contre le refus ministériel de lui accorder une protection internationale, le demandeur fait plaider qu’au regard des faits invoqués, ainsi que de ses considérations relatives au premier volet de son recours, il aurait valablement fait état d’une crainte fondée de persécutions conformément aux exigences de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », sinon établi qu’il remplirait les conditions d’octroi de la protection subsidiaire.

Il reproche, dans ce contexte, au ministre d’avoir fait une appréciation erronée et superficielle des faits de l’espèce en ne tirant pas les conséquences qui s’imposeraient en raison des actes de menace, de violence et de persécution, sinon des traitements inhumains et dégradants, qui pèseraient sur sa personne en cas de retour en Albanie, de sorte que le défaut d’un examen effectif de sa demande serait avéré. Il se prévaut, dans ce cadre, des menaces de mort, des insultes de la part des membres de sa belle-famille, ainsi que de l’inaction des autorités policières et judiciaires albanaises, éléments qui ne lui auraient laissé aucun autre choix que de quitter son pays d’origine et d’introduire une demande de protection internationale au Luxembourg.

A l’appui de son recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, le demandeur estime qu’il y aurait lieu de réformer, sinon d’annuler cet ordre en raison des motifs invoqués dans le cadre de sa demande de protection internationale, et se prévaut à cet égard du principe de précaution, qui consisterait à ne pas le renvoyer dans un pays où il risquerait de subir des atteintes graves à sa vie.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours en ses trois volets.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Contre la décision du ministre de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée et de la décision de refus de la demande de protection internationale prise dans ce cadre, de même que contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours contre ces trois décisions doit faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé. Il doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. Le président de chambre ou le juge qui le remplace statue dans le mois de l’introduction de la requête. Ce délai est suspendu entre le 16 juillet et le 15 septembre, sans préjudice de la faculté du juge de statuer dans un délai plus rapproché. Il ne peut y avoir plus d’un mémoire de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. La décision du président de chambre ou du juge qui le remplace n’est pas susceptible d’appel.

Si le président de chambre ou le juge qui le remplace estime que le recours est manifestement infondé, il déboute le demandeur de sa demande de protection internationale.

Si, par contre, il estime que le recours n’est pas manifestement infondé, il renvoie l’affaire devant le tribunal administratif pour y statuer ».

Il en résulte qu’il appartient au magistrat, siégeant en tant que juge unique, d’apprécier si le recours est manifestement infondé, dans la négative, le recours étant renvoyé devant le tribunal administratif siégeant en composition collégiale pour y statuer.

A défaut de définition contenue dans la loi du 18 décembre 2015 de ce qu’il convient d’entendre par un recours « manifestement infondé », il appartient au soussigné de définir cette notion et de déterminer, en conséquence, la portée de sa propre analyse.

Il convient de prime abord de relever que l’article 35, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que l’affaire est renvoyée ou non devant le tribunal administratif selon que le recours est ou n’est pas manifestement infondé, de sorte que la notion de « manifestement infondé » est à apprécier par rapport aux moyens présentés à l’appui du recours contentieux, englobant toutefois nécessairement le récit du demandeur tel qu’il a été présenté à l’appui de sa demande et consigné dans le cadre de son rapport d’audition.

Le recours est à qualifier comme manifestement infondé si le rejet des différents moyens invoqués à son appui s’impose de manière évidente, en d’autres termes, le magistrat siégeant en tant que juge unique ne doit pas ressentir le moindre doute que les critiques soulevées par le demandeur à l’encontre des décisions déférées sont visiblement dénuées de tout fondement. Dans cet ordre d’idées, force est encore de relever que dans l’hypothèse où un recours s’avère ne pas être manifestement infondé, cette conclusion n’implique pas pour autant que le recours soit nécessairement fondé, la seule conséquence de cette conclusion est le renvoi du recours par le président de chambre ou le juge qui le remplace devant une composition collégiale du tribunal administratif pour statuer sur ledit recours.

Quant au recours dirigé contre la décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée La décision ministérielle de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est en l’espèce fondée sur les dispositions des points a) et b) de l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, aux termes desquels « Sous réserve des articles 19 et 21, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants :

a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; ou b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la présente loi ; (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 27, paragraphe (1) sous a) et b) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale par voie de procédure accélérée, soit s’il apparaît que les faits soulevés lors du dépôt de la demande sont sans pertinence au regard de l’examen de cette demande, soit que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de l’article 30 de la même loi.

Les conditions pour pouvoir statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée étant énumérées à l’article 27, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 de manière alternative et non cumulative, une seule condition valablement remplie peut justifier la décision ministérielle à suffisance.

Concernant plus particulièrement le point b) de l’article 27, paragraphe (1) précité, visant l’hypothèse où le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, un pays est à considérer comme sûr au sens de l’article 30 de la loi du 18 décembre 2015 dans les conditions suivantes : « (1) Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément au paragraphe (2) ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne que si le demandeur est ressortissant dudit pays ou si l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle, et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale.

(2) Un règlement grand-ducal désigne un pays comme pays d’origine sûr s’il est établi qu’il n’y existe généralement et de façon constante pas de persécution au sens de la Convention de Genève en s’appuyant sur un éventail de sources d’information, y compris notamment des informations émanant d’autres Etats membres du BEAA, du HCR, du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes.

Les critères suivants seront pris en considération pour la désignation d’un pays comme pays d’origine sûr :

a) l’observation des droits et libertés prévus par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

b) le respect du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève ;

c) la prévision d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés.

La situation dans les pays tiers désignés comme pays d’origine sûrs conformément au présent paragraphe est régulièrement examinée par le ministre ».

Il est constant en cause que le règlement grand-ducal modifié du 21 décembre 2007 fixant une liste de pays d’origine sûrs au sens de la loi du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire a désigné l’Albanie comme pays d’origine sûr et il se dégage en l’espèce des éléments du dossier que le demandeur a la nationalité albanaise.

Au vu du libellé de l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le fait qu’un règlement grand-ducal désigne un pays comme sûr n’est cependant pas suffisant pour justifier à lui seul le recours à une procédure accélérée, étant donné que cette disposition oblige le ministre, nonobstant le fait qu’un pays ait été désigné comme pays d’origine sûr par règlement grand-ducal, à procéder, avant de pouvoir conclure que le demandeur provient d’un pays d’origine sûr, à un examen individuel de sa demande de protection internationale, et qu’il incombe par ailleurs au ministre d’évaluer si le demandeur ne lui a pas soumis des raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas, dans son chef, d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle et cela compte tenu des conditions requises pour prétendre à une protection internationale.

En l’espèce, le ministre a conclu que le demandeur provient d’un pays qui, dans son chef, est à qualifier de pays d’origine sûr, de sorte qu’il y a lieu d’analyser si, conformément à l’article 30, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le demandeur a soumis des raisons sérieuses permettant de penser que l’Albanie n’est pas un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle.

Pour procéder à cet examen, il échet de vérifier si le demandeur qui fait état d’incidents commis, respectivement risquant d’être commis par des personnes non étatiques, comme en l’espèce, fournit la preuve d’un défaut de protection par les autorités du pays d’origine au sens des articles 391 et 402 de la loi du 18 décembre 2015, soit que la personne 1 « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

a) l’Etat ;

b) des partis ou des organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » 2 « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant concernée refuse valablement de demander la protection de ces autorités, soit que celles-ci ne peuvent ou ne veulent pas lui fournir une protection suffisante.

Or, le soussigné constate, au vu du rapport d’audition, ainsi que des autres éléments soumis à son appréciation à travers la requête introductive d’instance et les pièces versées en cause, que le demandeur n’a fourni aucun élément de nature à ébranler le prédit constat du ministre, étant donné qu’il n’est manifestement pas établi, en l’espèce, que les autorités albanaises ne voudraient ou ne pourraient pas lui fournir une protection appropriée par rapport aux agissements de personnes privées dont il fait état.

En effet, il ressort de l’entretien de Monsieur … qu’il a eu accès à la police auprès de laquelle il a pu se rendre afin de demander une protection contre les membres de sa belle-

famille.

Si ce dernier reproche à la police albanaise de ne pas avoir réagi, en l’absence d’un quelconque incident concret, il y a lieu de souligner à cet égard que si une protection n’est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave et lorsque le demandeur a accès à cette protection, la disponibilité d’une protection nationale exigeant par conséquent un examen de l’effectivité, de l’accessibilité et de l’adéquation d’une protection disponible dans le pays d’origine même si une plainte a pu être enregistrée, - ce qui inclut notamment la volonté et la capacité de la police, des tribunaux et des autres autorités du pays d’origine, à identifier, à poursuivre et à punir ceux qui sont à l’origine des persécutions ou des atteintes graves - cette exigence n’impose toutefois pour autant pas un taux de résolution et de sanction des infractions de l’ordre de 100 %, taux qui n’est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni n’impose-t-elle nécessairement l’existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux.

En effet, la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

En tout état de cause, si le demandeur devait s’estimer lésé par un manque de professionnalisme de la part des policiers auxquels il a recouru, il lui aurait appartenu de s’adresser à d’autres policiers ou aux supérieurs hiérarchiques des policiers en question, voire à d’autres institutions, telles que le Service de contrôle interne relevant du ministère de l’Intérieur, la Direction des normes professionnelles, instituée au sein de la Direction générale de la police, l’une des directions régionales de la police ou encore l’Ombudsman, pour faire valoir ses droits, ainsi que cela se dégage des sources internationales citées par la partie étatique. Or, le demandeur est resté en défaut d’entreprendre de telles démarches, sans fournir de raisons valables permettant de justifier son inaction.

de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection.

(3) Lorsqu’il détermine si une organisation internationale contrôle un Etat ou une partie importante de son territoire et si elle fournit une protection au sens du paragraphe (2), le ministre tient compte des orientations éventuellement données par les actes du Conseil de l’Union européenne en la matière. » Dans ces conditions, le soussigné retient qu’il n’est manifestement pas établi que les autorités albanaises ne voudraient ou ne pourraient pas fournir au demandeur une protection appropriée par rapport aux agissements des membres de sa belle-famille.

Le soussigné est dès lors amené à conclure que le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre de statuer dans le cadre d’une procédure accélérée est à déclarer manifestement infondé, en ce sens que le demandeur n’a manifestement pas fourni de moyen susceptible de mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé du constat du ministre qu’il provient d’un pays d’origine sûr et qu’il n’existe pas d’élément de nature à conclure que compte tenu de sa situation personnelle et compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale, l’Albanie ne constitue pas un pays d’origine sûr dans son chef, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les moyens fondés sur l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015, cet examen devenant surabondant.

Quant au recours dirigé contre la décision de refus d’accorder une protection internationale S’agissant du recours dirigé contre le refus du ministre d’accorder au demandeur une protection internationale, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 2 b) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner, et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».

L’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs que dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

S’agissant du statut conféré par la protection subsidiaire, aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays », l’article 48 de la même loi énumérant, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Il suit de ces dispositions, ensemble celles des articles 39 et 40 de la même loi cités ci-

avant, que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis à la double condition que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48 précité de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, de l’article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi.

Les conditions d’octroi du statut de réfugié, respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire devant être réunies cumulativement, le fait que l’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié, respectivement de la protection subsidiaire.

A cet égard, le soussigné relève que l’une de ces conditions cumulatives est la preuve, à rapporter par le demandeur, que les autorités de son pays d’origine ne sont pas capables ou ne sont pas disposées à lui fournir une protection.

Or, le soussigné vient ci-avant de retenir, dans l’analyse de la décision ministérielle de statuer sur la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, qu’il n’est manifestement pas établi en l’espèce que les autorités albanaises seraient dans l’impossibilité ou ne voudraient pas fournir au demandeur une protection appropriée par rapport aux agissements dont il a été et craint d’être victime de la part des membres de sa belle-famille. Dès lors, dans la mesure où, dans le cadre du présent recours, le soussigné ne s’est pas vu soumettre d’éléments permettant d’énerver cette conclusion, les agissements en question ne sauraient manifestement justifier l’octroi d’un statut de protection internationale.

Au vu des considérations qui précèdent, le recours sous analyse est à déclarer manifestement infondé et le demandeur est à débouter de sa demande de protection internationale.

Quant au recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire Il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la « décision » du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision « négative », il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le soussigné vient de retenir que le recours dirigé contre le refus d’une protection internationale est manifestement infondé et que partant c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de Monsieur …, de sorte qu’un retour dans son pays d’origine ne l’expose ni à des persécutions, ni à des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, il a également valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire, sans violer le principe de précaution invoqué par le demandeur.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est à son tour à rejeter comme étant manifestement infondé.

Par ces motifs, le vice-président présidant la quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision ministérielle du 4 juin 2024 de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée, contre celle portant refus d’une protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours principal en réformation dirigé contre ces trois décisions manifestement infondé et en déboute ;

déboute le demandeur de sa demande de protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation introduit contre les trois décisions ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 juillet 2024, par le soussigné, Paul Nourissier, vice-président présidant la quatrième chambre, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5 juillet 2024 Le greffier du tribunal administratif 16


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50610
Date de la décision : 05/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-07-05;50610 ?

Source

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