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17/06/2024 | LUXEMBOURG | N°50538R

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 juin 2024, 50538R


Tribunal administratif N° 50538R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50538R Inscrit le 5 juin 2024 Audience publique du 17 juin 2024 Requête en sursis à exécution introduite par Madame …, …, contre des actes de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts sur le revenu

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 50538 du rôle et déposée le 5 juin 2024 au greffe du tribunal administratif par Madame …, tendant à la suspension dâ€

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Tribunal administratif N° 50538R du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:50538R Inscrit le 5 juin 2024 Audience publique du 17 juin 2024 Requête en sursis à exécution introduite par Madame …, …, contre des actes de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts sur le revenu

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ORDONNANCE

Vu la requête inscrite sous le numéro 50538 du rôle et déposée le 5 juin 2024 au greffe du tribunal administratif par Madame …, tendant à la suspension d’une procédure de recouvrement intentée à son encontre en application de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures et ce sur base d’une contrainte émise le 14 avril 2021 par le bureau de recette Luxembourg de l’administration des Contributions directes ;

Vu l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Vu les pièces versées en cause ;

Monsieur …, représentant Madame … en vertu d’un mandat manuscrit du 12 juin 2024, et Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART entendus en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 14 juin 2024.

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Par courrier du 21 décembre 2020, le bureau d’imposition Luxembourg 2 de l’administration des Contributions directes informa Madame …, en exécution du paragraphe 205, alinéa 3 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO » qu’il entendait procéder à la taxation des revenus de l’année 2016 à défaut de déclaration d’impôts, ledit courrier étant motivé comme suit :

« In Ausführung des Paragraphen 205 Absatz 3 der Abgabenordnung (A0) teile ich Ihnen mit, dass Ihre Einkünfte des Jahres 2016 wegen fehlender Steuererklärung gemäss Paragraph 217 AO wie folgt geschätzt werden:

Einkünfte aus Mehrwerten, die aus der Veräusserung Ihrer Immobilie in … erreicht wurden:

Die betreffende Immobilie wurde im Jahr 1993 für den Gesamtpreis von … LUF (umgerechnet … EUR) erworben. Dieser Gesamtpreis beinhaltete ebenfalls die Garage - Los 19 - welche zu einem späteren Zeitpunkt (im Jahr 2019) verkauft wurde.

1Um den erzielten Mehrwert des Jahres 2016 berechnen zu können, wurden die Anschaffungskosten für die betreffende Garage auf … LUF (umgerechnet … EUR) geschätzt.

Hieraus ergeben sich:

für das Jahr 2016 anrechenbare Anschaffungskosten von :

… EUR - … EUR = … EUR Aufgewertet :

… EUR x 1,52 = … EUR Erzielter Mehrwert :

… EUR - … EUR .= … EUR Anrechenbarer Freibetrag gemäss Artikel 130 Absatz 4 LIR :

50.000 EUR Sollten Sie bis spätestens zum 11/01/2021 keine schriftlichen Einwände vorgebracht haben, erfolgt die Veranlagung gemäss diesem Schreiben. […] ».

Par courrier manuscrit du 11 janvier 2021, Madame … s’opposa à ladite taxation, opposition réitérée par message électronique du même jour.

Après divers échanges par courrier avec Madame …, le bureau d’imposition Luxembourg Z de l’administration des Contributions directes émit en date du 14 avril 2021 un bulletin d’imposition la déclarant redevable d’un montant de …- euros au titre de l’impôt sur le revenu.

En date du 16 juin 2023, Madame … se vit remettre à son domicile en Allemagne un titre exécutoire européen en application de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures et ce sur base d’une contrainte émise le 14 avril 2021 par le bureau de recette Luxembourg de l’administration des Contributions directes, lui réclamant le montant total de …- euros.

Par message électronique du 19 septembre 2023 adressé au bureau de recette Luxembourg, Madame … s’opposa à ce recouvrement et sollicita sa suspension, et ce au motif que le bulletin d’imposition ne lui aurait jamais été notifié.

Suite à divers échanges avec le bureau d’imposition Luxembourg Z de l’administration des Contributions directes, elle lui adressa ainsi qu’au bureau de recette Luxembourg encore un courrier daté du 17 avril 2024 contestant tant l’imposition effectuée que son opposabilité en soutenant n’avoir jamais obtenu réception du bulletin d’impôts en question, Madame … sollicitant la communication du bulletin en question ainsi que, notamment, la suspension de la procédure de recouvrement.

Le 10 mai 2024, l’administration des Contributions directes lui communiqua une copie du bureau de l’impôt sur le revenu émis le 14 avril 2021.

Le 21 mai 2024, Madame … adressa par courrier recommandé un recours tant au bureau de recette Luxembourg qu’au directeur de l’administration des Contributions directes en sollicitant la rectification du bulletin d’impôt litigieux ainsi que la suspension de la procédure de recouvrement.

A défaut de réponse à ces courriers, elle introduisit le 5 juin 2024 une requête, inscrite sous le numéro 50538 du rôle, au tribunal administratif, intitulée « Eilantrag auf Aussetzung der Vollziehung sowie Einstellung der Vollstreckungsmassnahmen sowie der weiteren zulässigen Rechtsmittel », et tendant à la « Aussetzung der Vollziehung sowie Einstellung der Vollstreckungsmassnahmen bis zur Klärung einer tatsächlichen Steuerschuld ».

Il convient de prime abord de relever qu’encore que la requête ait été rédigée en langue allemande, l'obligation de répondre dans la langue choisie par le requérant ne vise que les administrations et non pas les autorités juridictionnelles devant lesquelles s'applique le seul principe de la liberté dans le choix de la langue. Le tribunal est partant libre de faire usage de la langue française qui est employée traditionnellement en matière de rédaction des actes de procédure, et notamment des jugements1.

En l’espèce, il appert toutefois, dans la mesure où le « Eilantrag » vise l’obtention d’un sursis à exécution de la procédure de recouvrement (« provisorische Aussetzung der Vollstreckung ») sur base de l’article 11 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, que se pose directement la question de la recevabilité même de la requête telle que libellée, question soulevée conformément à l’article 30 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administrative et débattue contradictoirement lors de l’audience publique du 14 juin 2024.

Il échet en effet de constater que l’article 11, paragraphe (2), de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives exigent, comme condition de recevabilité d’une requête tendant au sursis à exécution d’une décision administrative, l’introduction préalable d’un recours au fond (recours en réformation - « Klage zwecks Abänderung ») au tribunal administratif dirigé contre ladite décision administrative. Un tel recours au fond doit nécessairement avoir été introduit auprès du tribunal administratif dont le président ou le juge qui le remplace est compétent pour examiner le recours en effet suspensif, la compétence au provisoire du président du tribunal administratif étant en effet conditionnée par l’existence d’un recours au fond dirigée contre la décision au sujet de laquelle une mesure provisoire est sollicitée : à défaut de dépôt d’un recours au fond antérieurement ou concomitamment au dépôt de la demande la requête en institution d’une mesure provisoire, la demande est irrecevable.

Or, en l’espèce, force est de constater que Madame … n’a pas déposé de recours au fond contre les actes déférés.

Il suit de ce qui précède que l’une des conditions de recevabilité de la présente requête n’est pas remplie en l’espèce, de sorte que celle-ci est à déclarer irrecevable sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres conditions légalement exigées pour prononcer l’institution d’une mesure de sauvegarde.

Il convient encore, à titre indicatif, de relever que le recours est à considérer comme prématuré.

En effet, aux termes de l’article 8 (3), point 1. de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, le tribunal administratif connaît comme juge du fond des recours dirigés contre les décisions du directeur de l’Administration des 1 Trib. adm. 28 octobre 1998, n° 9569, Pas. adm. 2023, V° Langues, n° 3 ; voir aussi Cass. 30 juin 2011, n° 46/11.

contributions directes, tandis qu’aux termes du point 3 de cette disposition, « Lorsqu’une réclamation au sens du §228 de la loi générale des impôts […] et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant ou le requérant peuvent considérer la réclamation ou la demande comme rejetées et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation ou, lorsqu’il s’agit d’une demande de remise ou en modération, contre la décision implicite de refus. Dans ce cas le délai prévu au point 4, ci-après ne court pas. » Il en résulte que le contribuable est tenu d’attendre la réaction du directeur de l’administration directes : si au cours de ce délai de six mois, il reçoit une notification de la décision du directeur de l’administration des Contributions directes dont il n’est pas satisfait, il dispose de 3 mois pour introduire un recours en réformation auprès du tribunal administratif.

En revanche, si aucune réponse n’est émise par le directeur de l’administration des Contributions directes dans un délai de 6 mois après le dépôt de la réclamation, la non-réponse vaut présomption d'un refus et le contribuable peut alors introduire un recours contre le bulletin litigieux auprès du tribunal administratif2.

A titre tout à fait superfétatoire, il y a enfin lieu de relever qu’en tout état de cause, le contentieux fiscal dévolu aux juridictions de l’ordre administratif ne comprend pas les actes posés dans le cadre de la phase du recouvrement de l’impôt3. Plus particulièrement, il a été retenu qu’aucune disposition en matière d’impôts directs de l’Etat ne vise, parmi les décisions susceptibles d’un recours en réformation devant le juge administratif, l’exécutoire donné par le directeur à une contrainte4, la jurisprudence administrative5 ayant encore rejeté pour incompétence des juridictions administratives des recours dirigés contre des contraintes et des commandements du bureau de recette de l’administration des Contributions directes.

La même solution semble devoir être adoptée en ce qui concerne un titre exécutoire européen6 pris par une autorité étrangère en application de la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures, un tel titre exécutoire européen s’inscrivant à première vue également dans la phase de recouvrement échappant a priori à la compétence du juge administratif, la requérante devant, a priori, plutôt introduire un recours contre la décision de l’Etat membre d’origine fondant un tel titre exécutoire européen conformément à la législation nationale en cause, à savoir en l’espèce l’article 8 (3) 3. de la loi modifiée 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un bulletin d’impôt peut uniquement être directement déféré au tribunal administratif lorsqu’une réclamation au sens du paragraphe 228 AO ou une demande en application du paragraphe 131 AO a été introduite et qu’aucune décision directoriale définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande7.

2 https://guichet.public.lu/de/citoyens/fiscalite/declaration-impot-decompte/paiement-impot/contester-decision-

acd.html 3 Trib. adm. 2 avril 2001, n° 12490, Pas. adm. 2023, V° Compétence, n° 129, et autres références.

4 Trib. adm. 19 juillet 2000, n° 11533, Pas. adm. 2023, V° Compétence, n° 131.

5 Trib. adm. 26 mai 2017, 38244, confirmé par Cour adm. 20 mars 2018, n° 39844C.

6 Voir « Practice Guide for the Application of the Regulation on the European Enforcement Order » disponible online.

7 Voir indication des voies de recours (« Rechtsmittelbelehrung ») sur le bulletin litigieux.

Par ces motifs, le soussigné, président du tribunal administratif, statuant contradictoirement et en audience publique, déclare la demande irrecevable, condamne la requérante aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 juin 2024 par Marc Sünnen, président du tribunal administratif, en présence du greffier en chef Xavier Drebenstedt.

s. Xavier Drebenstedt s. Marc Sünnen Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 juin 2024 Le greffier du tribunal administratif 5


Synthèse
Numéro d'arrêt : 50538R
Date de la décision : 17/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-06-17;50538r ?

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